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Th'Iol 2(.0
I
REVUE
d;ks
LANGUES ROMANES
MONTPELLIER
Imprimerio centrale du. MicLi
Ancienne maison Gros. — Bioateaù, Hâxelin et Cie
REVUE
V
DBS
LANGUES ROMANE^/
PU BUÉE
PAR LA SOCIÉTÉ
POUR L'ÉTUDE DES LANGUES ROMANES
.\ '3//
TOME TROISIÈME
-^MONTPELLIER PARIS
AU BUREAU DBS PUBLICATIONS A LA LIBRAIRIE DE A. FKANCK
DE LA SOCIÉTÉ (TIBWBB, proprléUire)
poni L'hïïDi ms uiooia RQNiiis 67, rue bicbbliko, 67
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"T^l^itoi ZLû
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REVUE
DES
LANGUES ROMANES
DIALECTES ANCIENS
CHARTE ALBIGEOISE
La Revue des langues romanes a déjà publié quelques docu-
ments anciens, puisés en général dans les archives commu-
nales du département de THérault. Il serait infiniment utile de
continuer cette publication pour les autres départements du
Midi, en prenant surtout les actes administratifs ou notariés
dont la date et le lieu de rédaction. sont certains. C'est le seul
moyen d'arriver un jour à connaître la véritable histoire des
origines, de la formation, des progrès, de Tinfluence, de la fu-
sion ou disparition des divers dialectes locaux ; et, à ce point
de vue, ces documents sont bien plus précieux que des trai-
tés ou compositions littéraires ou scientifiques, intéressants
à divers titres, mais dont les auteurs, la date et la provenance,
sont souvent inconnus ou douteux.
Le document que j'ai Thonneur de vous adresser, daté de
1
6 " DIALECTES ANCIENS
mars 1210 (1211 nouveau style), appartient au dialecte roman
des environs de Lavaur, en Albigeois, et sa transcription, faite
à Perpignan en 1282, me paraît avoir assez fidèlement con-
servé Torthographe de Tacte original. En effet, si le copiste
roussillonnais avait voulu la modifier d'après la langue cata-
lane qu'il parlait, il n'aurait pas manqué d'écrire, entre au-
tres, sous la forme Granollet, frares, sancta, les mots qu'il donne
aussi sous les formes Granoillet, fraires, seinta, qui appartien-
nent plus particulièrement aux dialectes de l'Albigeois. Il j
a d'ailleurs dans cette transcription, malgré les nombreuses
analogies qui existaient au XIIP siècle entre le catalan et les
autres dialectes romans, des mots et des formes tels que maio
(maison), femena, sobredig, escrich, qui sont à peu près étran-
gers au catalan et devaient, par conséquent, appartenir à l'acte
original. La fidélité de la copie ne saurait donc être mise en
question. Au surplus, l'acte de donation de Granoillet est le
seul document en langue vulgaire contenu dans le Cartulaire
des Templiers du Mas-Deu en Roussillon, composé de cen-
taines de pièces toutes rédigées en latin ; il ne concerne en
rien cette maison, dont les archives avaient dû le recevoir par
le fait du hasard ou de circonstances qu'il est inutile de re-
chercher, et le notaire le transcrivit dans le Cartulaire avec
les autres titres originaux qui composaient les archives du
Mas-Deu en 1282.
Je borne là mes observations, qui n'ont pour but que de bien
établir l'authenticité de ce document, en m' abstenant de toute
comparaison entre le roman de Lavaur et les dialectes ro*
mans circonvoisins.
Alart,
archiviste des Pyrénées-Orientales.
CHARTE ALBIGEOISE 7
DONATION DES LIEUX DE GRANOILLET (GRAÎILHET), MARLANAS ET
AMBRES (entre LAVAUR ET ALBY), A L'ORDRE DU TEMPLE
(Mars 1211)
In nomine Jhu Xpi. Notum sit omnibus hominibus presen-
tibus atque futuris. que eu P. de Granollet ai donat a deu e a
ma dona sancta Maria e a la maio del Temple ma arn>a e mo
cors, e ei donat e lauzat a deu e a ma dona sancta Maria e a
la maio del Temple e als frares que ara i son ni adenant i se-
ran, per salut de ma arma e per remissio de mos peccatz,
totas las mias causas entegrament e totaslas mias honors e to-
tas las mias sejnorias e totas las mias drechuras, on eu meyls
las i havia ni las ténia ni hom ni femena de me. so es a saber
el castel de Granoillet dins ni defora e totz mos omes e mas
femenas, on que eu los aia ni aver les deig. e la força de Mar-
lanas ab totz sos apartanemens, e totas mas terras e mas ho-
nors on que sio, ermas e condrechas. e tota la sejnoria e tota
la honor e la terra erma e condrecha queu ei el castel d'Am-
bres dins ni defora, on meyls eu las i ei ni hom ni femena de
me.
E eu frare Arnal de Bos, comendaire de Vaor, ei recebut
tôt aquest do entegrament ai ci com desus es escrich, on om
meyls o pot entendre per ara e per totz temps, per me e per
los autres fraires del Temple que ara i son ni aenant i seran.
e aiso ei fag ab mandament e ab voluntat de frare Arnal Ca-
del, comandador de Monso. e ab conseil ei* en presencia de
frare P. lo capela de Vaor, e de frare Daide de Seinta Crocz,
e de fraire Gausbert Arnal, e de frare R. Pelicer. E eu frare
Arnals de Bos e li autre fraire sobredig, avem promes a vos
P. de Granoillet que, dementre que estaretz donatz, podetz
tener e possedir totas vostras causes, ab encapio de la maio
del Temple, a vostra voluntat.
^ Lisez e.
8 DIALECTES ANCIENS
Tôt aquest do aci com desus es escrich [ * ] ieu P. de
GranoUet a la maio del Temple, salva la sejnoria de monsej-
nor lo comte de Tolosa.
E eu frare Arnals de Bos e li autre fraire sobredig avem
promes a vos P. de Granoillet e als autres cavalers e als pro-
homes del castel de Granoillet, quil * castel gardarem e def-
fendrem a nostre poder a bona fe.
De tôt aiso aici com desus [es] escrich, on om mejls o pot
entendre, son testimoni Fortz lo capelas del castel, Arnals
dAuta Riba, Bernât Raimons, Arnal de Serra Peira, R. Arnal,
Vidal de Gontaut, Pons de Sacor, G. de Fares, Sicartz [ ]
et, P. Arnal Manens, Berengers de Fares, Matfre de la Volta,
P. Carbonel, aquist so cavalier. Arnal de B[ois]asso, P. Ladon,
Pons de Catunac, B. Arribat, Ar. de Cavanac, Pons Ayme-
rich, A. de la Roqueta, Sicart de Cavanac, S. de Boissaso,
P. Fabre, S. de la Gleia, Fort Sanz, Ar. de Liralbac, R. de
Gandeil. P. escrivas, qui escrius aquesta carta.
Hoc vero factum fuit anno ab incarnacione domini. M. CC.
X. mense martii die dominica vespera sancti Benedicti in ec-
clesia ipsius castri de Granoillet, Innocencio papa Rome rég-
nante, Philipo rege Franchorum et Johanne rege Anglorum,
et sedente Ar. episcopo Albiense.
^Archives du département des Pyrénées-Orientales,
Cariulaire du TemplCf f» 133.)
* Un mot illisible, dont le sens doit être ;'accord«, confirme ou concède.
« Il faut lire quel.
ARCHIVES DE MONTPELLIER
II
L'INVENTAIRE DES ARCfflVES DU CONSULAT
Le manuscrit de cet Inventaire est de la première moitié du
XIV* siècle. C'est un in-4° de 40 feuillets, sur vélin. L'écriture
en est mauvaise et le plus souvent illisible. Les indications de
chapitre, les initiales de paragraphe et d'article, les lettres de
marque, sont en encre rouge.
Rédigé à l'époque où Montpellier, se trouvant pour la
première fois en butte aux vexations et aux empiétements du
pouvoir royal, se vit obligé de sauvegarder ses intérêts et
ses privilèges, un à un, pour ainsi dire, et pièces en main, on
y sent la préoccupation constante de se défendre et de se
tenir en garde.
Tout ce qui se rattache à l'ensemble des archives muni-
cipales devant trouver place dans une notice historique spé-
ciale, je ne parlerai ici que de ce qui concerne l'origine et le
classement suivi par notre manuscrit.
Il se donne à lui-même le titre d'Inventaire : Ayssoes VEven-
tari dels prevekgis et de las cartas de las franquezas de la vila
de Monpeslier (art. I) ; Ceci est l'inventaire des privilèges et des
chartes de franchises de la ville de Montpellier.
C'est, en effet, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, un
Inventaire qui a un certain esprit de méthode et d'analyse.
Mais cet Inventaire, ainsi qu'il est facile de le conclure de
plusieurs de ses références, n'est guère que le résultat de la
recension et de la nouvelle rédaction de deux Inventaires
intérieurs, désignés ainsi qu'il suit :
1° VEventari del libre,
Et 2** tEventari del libre nou,
10 DIALECTES ^CÎBNS .
L'Eventari del libre, rinventaire» du livre, c'est tout simple-
ment rindex du Petit Thalamus, qui était, en effet, pour nos
aïeux, le livre par excellence, le livre des franchises et des
libertés municipales.
— Item diversas autras letras del rey dt Aragon designadas en
l'Eventari del libre, lasquals son ses pro/îeg (a. 111) ; Plusieurs
autres lettres du roi d'Aragon, désignées plus particulière-
ment dans rinventaire du livre, lettres qui sont sans profit.
— Item alcus autres esturmens designatz en VEnventari del
libre, de pauc de valor (a. 126) ; Quelques autres instruments
désignés dans Tlnventaire du livre, mais de peu de valeur.
Le manuscrit dit encore que, dans la cassette portant la
marque d'une tiare, se trouvent diverses chartes, lascals par-
ttcularamens son designadas en VEnventari del libre (a. 127).
De même, VEventari del libre nou, l'Inventaire du livre neuf,
n'est autre chose que l'index du Grand Thalamus.
L'article 197, parlant d'un certain nombre de chartes, en
bloc, les dit : designadas en VEnventari del libre nou de las cos-
tumas, désignées dans l'Inventaire du livre neuf des coutumes.
C'est à cause de ce dernier que l'index du Petit Thalamus
était quelquefois appelé Eventari del libre vielh ou Eventari
vielh del libre, Inventaire du livre vieux ou Vieil Inventaire
du livre.
— Item, Alcunas autras escripturas e letras de pauc de valor, de-
signadas en VEnventari vielh del libre (a. 202) ; De même, d'au-
tres écrits et lettres, dont la désignation se trouve dans l'Inven-
taire vieux du libre.
On voit, par ces quelques indications, que le rédacteur de
V Inventaire des Archives du Cow5w/a^ n'estimait guère les chartes
qu'en raison du profit que l'on pouvait en tirer, de l'intérêt
que la commune pouvait y avoir, puisqu'il néglige de signaler
séparément celles qui n'avaient pas ce caractère d'utilité, et
qu'il s'en réfère, pour elles, à ce qu'en disent les Inventaires
antérieurs.
ARCmVBS DU CONSULAT H
Ce qui prouve encore qu'il en avait fait un récolement «é-
rieux, c'est qu'après la dernière des indications que je viens de
citer, il ajoute immédiatement: .... Exceptât lo privilegi papal
de l'estudi que non fo aqui trobatz; Excepté le privilège papal
des études de droit, qui ne fut pas retrouvé ^
L'art. 198 précise encore davantage l'esprit de cette nouvelle
rédaction :
E motos autras carias, que no son registradas, de pauc de va-
lor; Et quantité d'autres chartes qui n'ont pas été enregistrées,
parce qu'elles sont de peu de valeur.
n est impossible de douter que V Inventaire des Archives du
Consulat ait été fait d'après un certain esprit de classement,
si l'on remarque que la disposition des documents dans les
cassettes a été faite par sortes d'affaires. Ainsi, par exemple,
toutes les chartes concernant les Coutumes ont été mises en-
semble ; il en est de même de celles qui concernent les Traités
de paix de Montpellier avec d'autres grandes communes, les
Finances, la Censivepapak, etc.
En général, cette intention de classement est accusée par le
signe qui sert de marque à la cassette. Ainsi, une couronne est
le signe du pouvoir royal ; — les armes de la ville, des privi-
lèges et coutumes de la commune ; — une fleur de lys, des or-
donnances des rois de France; — une palme, de l'autorité
consulaire ; — une tiare, de la papauté ; — une main étendue,
de la justice ; — une étoile, des sauvegardes souveraines ; —
une rose, des impositions, etc.
Chaque administration autonome j figure ainsi avec ses ar-
moiries particulières : les trois pals de Majorque (a. 116) ; —
le tourteau de gueules des consuls (a. 156, 296, 322) ;— la ville
forte fermée de la Commune Clôture ; le tourteau de gueules pla-
nant sur les flots du Consulat de mer (a. 19, 23, 105, 304); —
le poisson barré de la Monnaie (a. 231).
' La charte du Studium générale, retrouvée depuis dans nos archives
(Arm. B, cass. lY, 6), a été publiée par M. A. Germain (H. de la Communtt
JIl, 452).
12 DIALECTES ANCIENS
La chose, du reste, résulte en quelque sorte des termes du
préambule : Ceci est l'Inventaire des privilèges et des chartes de
franchise de la ville de Montpellier, lesquels se trouvent à l'hô-
pital de St-Jean-de- Jérusalem, en diverses cassettes placées dans
une grande caisse, désignées et distinguées au moyen de lettres et
de SIGNES, ainsi que cela est ci-dessous.
Lorsque le document inventorié intéresse diverses parties,
il est désigné en marge, à part le signe commun à toute la
série, par un signe particulier. C'est ainsi, entre autres, que
tout ce qui se rapporte à la Commune Clôture est toujours
marqué des armes de cette puissante institution, c'est-à-dire
d'une ville forte fermée; ce qui concerne les Juifs, d'une
rouelle, etc.
Du reste, tous ces signes sont grossièrement faits, et il faut
une certaine attention, presque toujours, pour deviner ce que
r écrivain a voulu faire.
La distinction des vieux livres d'archives en cartolari, bul^
lari, censoari, etc., répond à un classement du même genre,
fait grosso modo, plutôt en vue des nécessités du service que
des exigences rigoureuses de la critique.
Cette intention s'accuse aussi quelquefois par Ten-tête même
d'une série de titres. Exemple : la cassette marquée du sceau
de Salomon, signe de sagesse administrative, et toute oonsa-»
crée aux pièces concernant le patrimoine du Consulat, est ainsi
désignée : A motas cartas pertenens al patrimoni del Cossolat
(a. 130), etc.; Cette cassette contient quantité de chartes oon-.
cernant le patrimoine du Consulat, etc.
Il est bon de remarquer encore, comme preuve du soin qui
fut apporté à cette inventoriation, que le notaire biffait volon-
tiers un article déjà classé pour le porter là où il pensait que
le classement serait plus régulier. D'où les nombreux change-
ments de cassette qui y sont indiqués.
Une note de l'article 91, concernant un privilège papal,
s'exprime sur ce point en termes fort clairs : Mudat es en la
cayssa de H, am las autras semblans; Il a été mis dans la cas-
ARCHIVES DU CONSULAT 13
sette marquée de la lettre H, où se trouvent tous les autres
privilèges semblables.
Au contraire, deux chartes qui avaient été placées par er-
reur dans ladite cassette H en sont retirées pour être mises
ailleurs : Tune, Fart. 98, dans la cassette de la Couronne, parce
qu'elle concerne la souveraineté ; l'autre, Fart. 99, dans la
cassette des Armes de la ville, parce qu'il s'agit d'un privilège
des consuls.
Comme pour ma précédente publication, je fais suivre le
texte de ce manuscrit d'un glossaire et d'un index topogra-
phique ; j'y joins une récapitulation des cassettes et de leurs
signes distinctifs.
Achille MoNTEL.
u
DIALECTES ANCIENS
INDEX RECAPITULATIF
DES CASSETTES ET DE LEURS SIGNES
L (Art. 2 Caysseta que a
II. —
III. ^
IV. —
V. —
VI. —
VII. -.
VIII. -
XII.
XIII.
XIV.
13 Caysa de
V. aussi art. 12.
25 De la série 25-62. Probablement C
63 Caysa senhada de letra de. ... .
Ô4 id. de
85 id, de
Voir aussi C, de G (a. 57 et 12).
98 C. letra de
110 C. senhada de letra de
IX. — 116 C. que a senhal de Malhorgas,, .
X. — 120 C que a senhal de ma,
XL — 127 C, petita que a senhal de tiara. .
128 C. que es senhada de letra de, ..
130 C, senhada del senhal de Sa-
lomo
156 C, maior que a senhal dels cos-
sols
XV. — 194 C que es senhada de flor de lili. .
XVI. — 199 C que es senhada de letra de
XVII, -203 id, de
A
B
D
E
G
H
P
I
R
Q
T
ARCHIVES DU CONSULAT
15
XVIII. (Art. 210 C que es senhada de leira <fe....
XIX. - 216
id.
CvV * • • •
XX. — 229 C. senhada d'aytal senhaL
XXI. — 231
XXII. - 257
C. que a I escut ab I peys barrai.
V. aussi C. de peys (a. 343 et 280).
C. que a senhal de corona.
V. aussi C. de la corona (a. 341 et 98),
XXIII.
XXIV.
XXV.
268 C. que es senhada d'esté la,,.
V. aussi a. 252.
295 C. en que a. A»
296 Répétition de la cassette. XIV.
XXVL — 297 C. en que es lo senhal de palma. . •
XXVII.
XXVIIL
XXIX.
XXX. — 334 C. que a aytal senhal.
XXXI. — 337
id.
XXXII. — 342 C. en que a senhal d'auceL
XXXIII. — 348 C. que a senhal de cap de buou. .
XXXIV. — 369 C que a I senhada d'aquest sen^
hal , .
321 C. en que es lo senhal de la rosa.
322 Autre répétition de la cassette XIV.
330 C. pauca senhada d'aytal senhaL • I
t
16 DIALECTES ANCIENS
1) (F* 1, r') AYSSO es rEvENTARi dels prevelegis e de las
cartas de las franquezas de la vila de Monpeslier, lasquals
estan en la gran cayssa a Sant Johan, en diversas caychetas
estans dins aquela gran caycha, per letras e senhals figuradas
e designadas, ajchi quant se sec desotz.
2) En la caysseta que a A
3) Es la confermacion del previlegi de la protexion de
Lodoyc, rey de Franssa, fag ad Ayguas Mortas ; senhat am
letra de a
4) Item, Un vidimus, am buUa de plom pend en, de la dicha
confermacio ; am letra de b
5) Item, I previlegi del emperador de Contastinople, am
bulla d'aur, de franquezas autreyadas a Monpeslier, e que aion
cossol lay ; am letra de
On lit eu marge, mais d'une écriture postérieure :
En la cayssa a, caysso IIII.
6) Item. La coffermacion del dig previlegi fâcha per son fllh,
am buUa d'aur bullada ^ ; am letra de d
7) Item. Letra, am sagel penden, de protexio autreyada ad
homes de Monpeslier del compte de Proensa. I translat am
très sagels d'aquo meteys ; am letra de e
8) Item. Una carta publica, col senescalc de Belcayre re-
querec los homes de Monpeslier per anar ad Avinho (F** 1,
V®) am diversas protestacios fâchas et admessas que no fos
prejudicia. Am letra de f
9) Item. Un previlegi, sagelat del gran sagel, com lo rey
d'Aragon donava previlegi ad homes de Monpeslier de non
pagar leuda, pezatge , tolta de lur cauzas ni mercadarias per
* Ces chartes byzantines, vues lors de l'Inventaire de 1495, et par
Gariel, en 1665, ne figurent pas dans l'Inventaire de Louvet (1662). -«
{V, A. Germain; Histoire du Commerce j II, 6. )
ARCHIVES DtJ CÔNSULAt 17
mar ni per terra, e la confermacion fâcha après per mossen
P. d'Aragon, ôlh sieu, bullada de son gran sagel. Am letra de g
10) Item. Una letra, am sagel penden, de mossen Jacme,
rej d'Aragon, que conforma los dos previlegis sobredigz. Am
letra de g
10 bis) Item. Un transcrig, am dos sagels pendons, del dig
privilegi ; am letra de g
11) Item. Doas cartas, am I sagel de plom penden, la una de
mossen G. de Monpeslier, Tautra del rey d'Aragon e de ma
dona Maria sa molher, tocan lo fag dels obriers. Am letra
de h
Ces derniers mots, à partir de tocanj ont étô biffés , et la même
Iw^l main a continué ainsi qu'il suit :
v!^ Contenen com lo senhor el rey comettan Tobra dels
murs a l'albiri dels obriers e que poguesson arbitrar del rey e
de totz autres, e que no sian tengutz de redre comte ni pu-
nitz per enjuria ni dampnatge per els donat, a neguna per-
sona. Am letra h
12) Autras n'a sus aysso en la cayssa de ij«
II
13) En la caycha en qua ha Jj son las letras que se segon*
14) Premieyramens très cartas quo mossen G. de Monpes-
lier dava poder ad obriers de la comuna clauzura d'azordenar
que deuria cascun donar per la clausura, am la cofermacio de
mossen P. rey d'Aragon e de ma dona Maria, dona de Monpes-
lier, sotz doas huilas de plom, am letra de a
15) Item. Una carta, bullada de cera, del rey de Malhorgas,
co'ls portais del luoc de Latas estionuberts nueg e jorn, per
tal que las mercadarias puescon intrar liberalmens en lo luoc.
— Item. I translat, am sagel penden d'aquel. Am b
16) Item. Carta oo tôt bastays puesca descargar las merca-
darias a Latas senes empag, e que lo peycho no sia empachatz
a Latas que non puesca venir liberalmens a Monpeslier. Am
letra de
18 DIALECTES ANCIENS
17) Item, Una carta publica, contenens qu'els senhors cos-
sols puesco far forns en la vila de Monpeslier e non negus au-
tres. Am letra de d
18) Item. Un translat public de III letras del rey de Franssa
tocan la jurisdicion de Monpeslier (F** 2, r**), especialmens de
las borzezias. Am letra de e
Après le mot Monpeslier^ il a été ajouté de suite, au bas de la page et
par parenthèse, ce qui suit :
Specialmens que li curial del rey de Franssa non meton
bastons ni autra exaxcion en la part del bayle per apelar lo
bayle,e que li habitant de la part del bayle que si farian borzes
non falezon de la borzeria, sinon habia mou de cor de lay.
19) Item. Una carta publica de la compra que feron cossols
de mar de Tavesque» de Magalona e d'en R. de Melguer
de la selva que es entre mar et estanh, el tenemen de
Melguer, per far gra. Am letra de f
20) Item. Una carta publica de mossen G. de Monpeslier que
aquels que estan deforas de la municio de Latas, deves la
part de Testanh, anan e retornan per aygua o per terra
puesco estagar lurs avers. Am letra de g
21) //ew. Una carta publica contenens revocatios dels acap-
tes que avian donatz per bastir sobre la doga, costa lo portai
del Peyro, en prejudici dels obriers. Am letra de h
22) Item. Un translat de la composicio fâcha entre lo rey de
Franssa e'I rey d'Arago, sobre las demandas que fazian la un
contra l'autre sobre lo comptât de Tolosa e de Barsalona. Am
letra de 1
23) Item. Una carta que cossols de mar compreron 1 pessa
de terra que es deforas Latas, prop lo portai Lombart de la
peyrada de Latas. Am letra de k
24) Item. Una carta qu'el senhor de Lunel non deu penre
usatge ni exhactio dels homes de Monpeslier, en luoc que se
apela la Fossa o la Rudelai Am letra de 1
ARCHIVES DU CONSULAT 19
III
Il manque ici un feuillet, puisque la nouvelle série de titres que l'on
va lire n'a pas d'en-tête et commence son classement parla lettre !.— Il ne
reste môme qu'une partie du premier mot, McUhorgas. Il faut lire évidem-
ment: Item. Una carta contenensœm el rey de Malhorgas.,.
25) (P**3,r°) . . .horgasautreyet que negunpezatgierestranh
laves pezatge aLatas. Am letra de - f
26) Ite7n, Una carta bullada co'i rey d'Aragon autreyet que
bayle ni luoctenen de Monpeslier non puesco far notarîs e
Monpeslier. Am lettra de g
27) Item. Una letra bullada del sagramen qu'els homes de
Monpeslier fan al senhor de Monpeslier, e quel sagramen que
avian fag no se entenda ad homenatge. — Item. Una letra del
rey d'Aragon, bullada de plom, contenen lo dig sagramen.
Am letra H. h
28) Item. Una carta bullada del rey d'Arago que clersc e
religioses pagon a las talhas comunas de Montpeslier per los
bes que lur venon et que non puescon penre per comes per
usatge non pagat las possessios que se tenon d'els. Am letra
de j
29) Item. Una carta bullada de mosen Jacme, rey d'Arago,
de previlegis donatz als cossols et a la vila de Monpeslier, que
Latas Castelnou sian de las franquezas de Monpeslier, e que
el non puesca alienar Monpeslier, ni ren dels castels de ma
dona Maria. E que cossols puescon far e declarar avistar et
amermar franquezas , previlegis et establimens ( F® 3^ v**j,
segon que lur sera vist, et es translat de l'original privilegi,
sagelatzde V sagels. — Item. L'original d'aquestz privilegis sa-
gelât de V sagels. — Item. I translat d'aquo meteys. Sen-
hadas de letra k
30) Item. Un translat, am sagel penden, de la fusta que passa
per lo gra de Magalona, quai deia pagar ni quai no, e quant.
Am letra de 1
31) Item. Una carta bullada del rey d'Aragon de las honora
20 DIALECTES ANGIEMS
e maysos que donet aïs homes de Monpeslier habitans a Malhor-
gas. Am letra de m
32) Item. Una carta bullada del {sic) d'Aragon e de Malhor-
gas que en la vila de Monpeslier non es costuma qu^els here-
tiers, en far lurs eventaris, non apelo crezedors ni legataris.
Am letra de n
33) Item. Una carta, sagelada am sagel de cera, del rey en
Jacme, rey d'Aragon e de Malhorgas, en laquai cofermet las
franquezas autreyadas per son payre e per ma dona Maria.
Am letra de O
34) Item. Una autra letra del dig rey d'aquo meteys, Am
letra de p
35) Item. Una carta ab VIII sagels pendons contenons la
ponunciatio de Tavesque de Magalona (F** 4, r**) fâcha de la
pas que fon fâcha entre mossen P. rey d'Aragon, sobre las con-
troversias e guerras que eron estadas entre els. Am letra
de q
36) Item. I carta bullada del rey d'Aragon, que nengun non
tengua banc Costa sa porta que passe otra II palms, ni se fassa
escalier que aia déferas carieyra otra II grazas. Am letra de r
36 bis) Item. Un translat public de la carta del matrimoni
de ma dona Maria e de mosen P. d'Aragon. Am letra de s
37) Item. Una carta bullada del rey d'Aragon, cossi quita
alcuâ mercadiers de Monpeslier, que eron estatz en Alexandria.
Am letra de t
38) Item. Unprivilegi bullat de mosen Jacme, rey d'Aragon,
que negu no sia no tari de Monpeslier, si non es natz de la vila
que aia domicili e que aia XXX ans e que no sia clergue.
Am letra de v
39) Item. Una carta publica contenen establimen fag per los
XIIcossols de la vila de Monpeslier, an voluntat delpobol con-
gregat o cloca de las campanas, que neguna persona non ause
tener e Monpeslier ni en sos pertenemens bestiari gros ni me-
nut, si non aquel que es al mazel (F° 4, v^) députât ; am letra
de Z
40) Item. II cartas publicas escrichas en una pel, contenens
ARCHIVES DU CONSULAT 21
•
lo sagramen de âzeltat fag per Tuniversitat de Monpeslier a
mosen Jacme, rej.de Malhorguas, senhor de Monpeslier, et
alcunas protestacios que Tajenulhar non fos entendu! per
homenatge. Am letra de y
41) Item. I translat public delà carta en quelo rey en P. d'A-
rago promes e juret de non intrar en la vila de Monpeslier ni
els castels de la baronia tro que agues pagat als cossols so per
que eron obligatz en penhora als digz cossols. Am letra de z
42) Item. I carta publica del rej d'Arago qu'els Juzieus servo
Testablimen fag sobre lo sagramen per els fazedor sobre
" lor ley mosayca. Am lettra de aa
43) Item. Un transcrig public del matrimoni de ma dona Maria,
regina d'Aragon e dona de Monpeslier. Ab letra dobla de bb
44) Item. Una carta publica qu'el senher de Monpeslier non
aia questa, tolta, exhactio o prest forsat en los homes de Mon-
peslier, contra lur voluntat. Am letra de co
45) Item. Un transcrig public d'una reconoyssensa fâcha als
cossols de Monpeslier per lo thesaurier del rey de Franssa de
très milialieuras per razon d'un subsidi. Am letra dobla de dd
46) Item. Una carta, buUada am bulla de plom, contenen lo
testamen de mosen Sancho, de bona memoria, rey de Malhor-
gas e senhor de Monpeslier, e que fes heretier Mossen Jacme,
nebot sieu, filh de mossen Ferrando, et aprop aquels mossen
Ferrando, frayre del dig mosen Jacme, e so filh mascle et
aquels defalhens que tornes al rey d'Arago. Am letra dobla
de ee
47) Item. Una carta, buUada de plom, contenen los codicils
del davant dig mossen Sancho. Am letra de ff
48) Item. II cartas ensems bulladas, contenens las costumas
e'is establimens aprohatz de Monpeslier per mosen P. rey d'A-
ragon, e per ma dona Maria regina. Am letra dobla de gg
49) Item. Una carta quo mosen Bermon de Monferrier, loc-
tenen, revoquet alcunas paraulas prejudicials, lasquals digz a
Nostra Dona, quant juret en cauzit per bayle. Am letra dobla
de hh
50} (F° 5, v°) Item. I carta de la composicio entre en Jacme,
2
22 DIALECTES ANCIENS
rej d'Arago, e'I avesque de Magalona, sobre la limitacio e la
divisio del terrador de Monpeslier. Am letra dobla de ii
51) Item, Una carta buUada del vej d'Aragon de las honors
e maisos que donet als homes de Monpeslier, habitans a Ma-
Ihorgas. kk
Cette indication a été rayée, et l'on a écrit en marge ce qui suit :
52) Item. Una carta per que la torre e'is fossatz que eron el
palays se derroquesson. Am letra dobla de kk
53) Item, Una carta bullada, en laquai mosen P. rej d'Arago,
promes de non alienar ni transportar en autre la vila de Mon-
peslier, de Latas, ni de Castelnou, ni aquo que avia près en
dot, am ma dona Maria, molher sieua. — Item. Mays I previ-
legi de mossen Jacme, rej d'Aragon e de Malhorgas, en quai
manieyra se deia far la élection de cossols de Monpeslier. Am
letra dobla de II
53 bis) Item. Un privilegi original, bullat de doas buUas de
plom, contenen com se deu far la élection de cossols, e si lo
senhor non es o son trames en la dicha élection fazedoyra que
los cossols puesco far la élection e recebre un dels lo sagramen
e nom et en vegada del senhor de Monpeslier. — Item. I autra
carta, am doas bullas, contenen la convencion fâcha entre
mosen Jacme rej d'Arago e de Malhorgas, e cossols de Mon-
peslier, sobre la élection de cossols. Am letra dobla de mm
54) (F** 6, r°) Item. I translat del testamen de ma dona Maria,
regina d'Aragon e dona de Monpeslier, am letra dobla de nu
55) Item. 1 translat d'un acort fag entr'el rej d'Aragon e'is
cossols de Monpeslier, per l'avesque de Magalona. Am letra
dobla de 00
56) Item. Una carta que aquo que es de la porta d'Obilho,
entro la majso que fo d'en B. Lambert, era de la juridictio de
l'avesque de Magalona, e que la cridal del avesque puesca per
aquela via liberalmens ichir, la vila usan l'ufici de crida, e
que en las talhas de Monpeslier aquels de la part del aves-
que sian tengutz de contribuir am los autres homes de Monpes-
lier, e que l'avesque en sa part puesca far très forns, et I ma-
zel de VII taulas, e quels homes de la part del avesque fasso
1
ARCHIVES DU CONSULAT «3
sagramen de âzeltat al senhor de Monpeslier ajchi quant aquels
de la sia partida, e que lo rey d'Aragon reconosca Tavesque
tener Monpeslier. Am letra dobla de pp
57) Item, Très bullas papals en lasquals lo papa conforma
las costumas e franquezas donadas a la villa de Monpeslier,
per los senhors de Monpeslier. Am letra dobla de qq
En note, immédiatement après et à la fin de la page : mudadas son en
la cayssa de G, sehhadiis en letra j. Nous la retrouverons, ea effet, avec
cette nouvelle indication.
58) Item. (F^ 6, v°) I carta de libertatz e franquezas del
avesque de Magalona que non puesca alienar Melguer, ni Mon-
ferran, sotz pena de M. marcz d'argen, e que negun naufrag
en sa terra non a luoc, ni.auza hedeûcar en la terra de Melguer
ni de Monferran, près de doas legas de Monpeslier, senes lur
voluntat ; e que negun de possessio que tengua del avesque,
prop de Monpeslier, no sia tengutz de plaejar foras de Mon-
peslier en la cort del dig avesque . E cofermacio de las costu-
mas, lasquals vol que sian servadas en sa cort, exceptât alcu-
nas. Am letra dobla de rr
59) Item, II cartas publicas, contenons quo en P. Ejmeric,
senhor de la Palhada, recono jchen la Palhada esser el terrador
de Monpeslier, se alieuret per aquels bes de la Palhada. Am
letra dobla de ss
60) Item, III cartas publicas contenons la sentencia de Taves-
que de Magalona e de son comissari, donada sobre lo fag de
la fusta passan per lo gra de Magalona. Am letra dobla de tt
61) Item, I transcrig, am sagel penden, com mossen Jacme,
rey d'Aragon e de Malhorgas, lauzet e confermet las cos-
tumas lasquals mossen (F*^ 7, r°) P. payre sieu, e ma dona
Maria, mayre sieua, avian lauzadas. Am letra dobla de w
62) Item. I translat, am sagel penden del confermamen que
ji^l mossen P. rey d'Arago, e ma dona Maria, sa molher,
U^ feron dois juratz e dels VII prohomes. Am letra dobla
de XX
24 DIALECTES ANCIENS
IV
63) (F® 7, v°) Item. En la cajcha en que es senhada de
letra de U
Son letras del rej de Franssa e del comte de Prohensa e del
comte de Pejtieus, lasquals valon pauc.
V
Item. En la caycha que es senhada de letra de £i
64) Premiejramens I carta, buUada de la bulla del vescomte
de Narbona e del cossolat de Monpeslier, contenons qu'el ves-
comte de Narbona promes e juret de aiudar contra totz los
homes del mon, exceptât lo rey de Franssa e de Castela, la
vila de Monpeslier, am sos cavaliers et arbalestiers a
65) Item, Carta de la pas de Genoa fâcha antiquamens b
66) Item, III translatz de las pazes de Genoa c
67) Item, Carta ab II sagels de la resposta que fes la poestat
de Genoa a'n Johan de sant Miquel d
68) Item, (F° 8, r») Una cedula de pargami, sagelada ab lo
sagel de Jenoa, contenens testamoni d'alcunas guerentias trach
que foron trachas e
, 69) Item, VIII cartas sageladas contenen las pazes que fo.
ron fâchas ab homes de Masselha f
70) Item. II cartas boladas de las paz de Piza ab Monpeslier
71) Item, Carta bolada de la pas d'Arle h
72) Item. Carta bolada de las pas de Ventamilha j
73) Item, Carta de la pas de Cremona, sagelada ab IIII
sagels k
74) Item. Carta de la pas dleyras et es bolada I
75) Item. Carta de la pas de Fos et es bollada m
76) Item. II cartas de la pas de Nissa e son sageladas n
77) (F° 8, r°) Item. Carta de la pas d' Antibols, et es sage-
lada o
78) Item. II cartas sageladas de la pas de Tolon p
ARCHIVES DU CONSULAT 25
79) Item. Carta sagelada de lapas de SantGili, ab do8 sagels
q
80) Item, Carta ab dos sagels de n'Amalric de Narbona r
81) Item, Carta sagelada de (F* 8, v*) n'Amalric de Nar-
bona, de XXX milia S^« 8
82) Item, III cartas de las pas de Lambert de Montelhs t
83) Item, Autra carta de la pas d'Ieyras, ab II sagels.
84) Item. Carta de la pagua de n'Amalric de Narbona.
85) Item. Carta del cornu de Genoa, et es ab III sagels.
Les trois indications précédentes ont été biffées par le scribe.
86) Item, Carta sagelada dels prohomes de Barsalona v
87) Item. VII carias en VII pessas de las pagas que foron
fâchas als homes de Masselha x
En note, mais à la margo et presque illisible : Com aysso feron que
Monpeslier recobret VI MUia IV c. lib,
VI
(F** 9, r°)7fem. En la caycha que es senhada de letra de Ij
88) Premiejramens I carta bullada del papa, contenen la
confermacio de la protexion del papa Johan . Am letra de a
89) Item, III cartas bulladas del papa Clemens quart et autra
del papa Honor très contenens la protexio papal de la vila de
Monpeslier. Am letra de b
90) Item. I carta bullada del papa, contenens que enquere-
dor non enquieyra e Monpeslier de eretgia. Am letra de c
91) Item, I previlegi papal, que negun de Monpeslier no se
gandisca per deute en glieya. d
Cet article a été biffé, et, en marge, une note s'exprime ainsi : Mudat es
en la cayssa de H, am las autras semhlans.
92) Item. Motas autras bulladas papals, contenens diverses
privilegis e protections e quitansas del fes del papa. e
Ce qui suit, jusqu'à Ja fin de la série, est d'une écriture moins soignée,
et a été ajouté postérieurement :
93) Item. Letra del papa contenen que la gleya de nostra
Dona de Taulas puesca far processions e ministrar sagra-
mens e
94) Item. Letra bullada del papa que los homes ni la viela de
Z6 DIALECTES ANCIEM8
Monpeslier, non sîan escumergatz ni entredicz, sinon per vista
e rasonabla causa, monition preceden, ses temps f
95) Item, Letra bullada del papa contenen que negun orde
non prenga effans ses voluntat de sos pajros e de sostutors g
96) Item. IIII letras papals bulladas, en lasquals mandava lo
papa a diverses archivesques que fezesson restituir alcunas
causas que eron estadas toutas a diversas gens (a homes de
Monpeslier) h
97) Item, II buUas de papa Alexandre quart et I de Gregori
nonen en que cofermon las costumas de Monpeslier, et I autra
del dich papa Gregori nonen en que coferma lo cossolat de la
dicha viela. Senhadas de letra i
VII
(F° 9, v°) Item, En la cajcha letra de II
98) Premieyramens I carta bullada del papa, privilegi conte-
nons que negun home de Monpeslier no sia trag foras de Ta-
vesquat de Magalona per letras apostolicals, ni per letras de
legatz, per lasquals encaras no sia procezit a citatio entre par-
tidas, empero mas que aquel sian aparelhatz de estar adreg
devant lur ordinari. Am letras de aa
En marge: tornat es en la caysa de corona. Par suite, l'article a été
biffé.
99) Item, I translat, am II sagels pendens de cera, d'una
letra del rey d'Arago, contenens que els cossols de Monpeslier
presens et endevenidors puescon complar {sic) castels, vilas,
terras, rendas per lo cossolat, lasquals compras fâchas e faze-
doyras en temps endevenidor lausava e cofermava. Am letra
de bb
En marge, mais sans que l'article soit biffé : mudada es en la
cayssa de
Q
100 Item. Una carta original, am sagel penden, contenens
que ma dona Maria de Monpeslier autreyet als homes de
Monpeslier que derroquesson la torre que era delpalays, e que
negun temps mays negun senher de Monpeslier non pogues
far bastir aqui torre . Am letra de ce
ARCHIVES DU CONSULAT 87
101) Item. Una carta buUada del rey d'Aragon, quels C milia
soutz non prejudiques a la vila en temps endevenidor, am
letras de dd
Après endevenidor y et en interligne :
102) Et autra semblan de L milia S.
103) (F° 10, r°) Item, Una carta contenens qu'elrey d'Ara*
gon e ma dona Maria, confermero las costumas e prometero
quels castels que ma dona Maria avia donatz en dot al rey
d'Arago no se separavian de la senkoria de Monpeslier, done-
ron encaras mays poder als prohomes de Monpeslier de far e
de corregir so que lur parriavo {sic) de utilitat de la vila,
e de emurar la vila a lur voluntatz. Am letras de ee
104) Item, III letras papals, buUadas, contra aquels que per
deutes s'enfuion a mayhos religiosas que non sian defendutz.
Am letras de ff
Après de^ mais en interligne, l'observation suivante : lasquals las II son
de papa Alexandre quart, Vautra de papa Johan XXI L
105) Item, II cartas pertanhens als cossols de mar gg
106) Item, I carta, am sagel penden, contenen la pas fâcha
entre lo rey d'Arago e la vila de Monpeslier, sobre la guerra
que era estada entre els. Am letras hh
107) Item, I carta fâcha sobre l'establimen novel. Am letras
de il
108) Item. Alcunas letras autras del rey d'Aragon, que son
ses profieg.
109) Item, Letra am sagel penden del rey d'Aragon que ne-
gun de Monpeslier no sia trag foras de Monpeslier. Am letra
de kk
VIII
(F° 10, v») Item, En la cayssa que es senhada de letra de Jt
110) Premieyramens I carta buUada del rey d'Aragon que
autreyet als homes de Monpeslier que puesco far amenar aqui
ont si volran l'aygade la Lironda. Am letra de a
111) Item, Diversas autras letras del rey d'Aragon designa-
das en l'eventari del libre, lasquals son ses profieg.
112) Item. I letra del rey d'Arago que per amenar Tayga de
28 DIALBGTES ANGIESNS
la Lironda al palajs poguesson far talhas los homes de Mon-
peslier. Am letra de a
113) Item. Diversas letras am sagels pendons et autras de
papier de reconoyssensas fâchas per lo rey d'Aragon de C mi-
lia soutz que li foron prestatz.
En mauvaise écriture :
114) Item, I carta quel rey d'Aragon adordenet que notaris
noton lur notas en libres o en cartolaris, a plen, e si non o
fan qu'els cossols los puescon costrenher b
115) Item, Letra del rey d'Aragon Jacme en laquai quitet
los cossols e la universitat de Monpeslier els singulars d'aquela
de tôt crims ho délie cornes per lo dichs cossols contra els, bul-
lada del grand sagel. Am letra de c
É
IX
(F** 11, r®) Item. En la caycha que a senhal del {sic)
de Màlhorgas
116) Premieyramens II letras buHadas del rey de Màlhor-
gas que mandava que aquels que sTenfugirian per doutes fosson
prezes e menatz al bayle de M<Hipeslier. Am doble aa
117) y^^m. I letra, am^iï^Cgel penden, del rey de Màlhorgas
que remetia a totz los ufflcials que eron estatz en sos ufficis e
Monpeslier totz crims que aguesson comes en lurs uflSicis entre
aquel dia. Am doble bb
118) Item, Motas autras letras del, lasquals fan pauc a pre-
sen.
119) Item, Letra sagelada del rey de Malhorguas quelprest
de L milia s. fos ses prejudici. Am doble ce
X
Item, En la caycha que a senhal de ma
120) Premieyramens 1 carta bullada del avesque de Maga-
lona contenons I privilegi papal en loqual autreia lo papa que
la glieya de Nostra Dona de Taulas puesca totas cauzas far.
ARGHIVBS DU CONSULAT 29
lasquals pot glieja parroquial. — Item. I autra carta buUada
contenens la dicha endulgencia. Am letra de a
121) Item. I carta publica contenen qu'els cossols requere-
gon Tavesque de Magalona que lur fezes razo, coma sobejra,
dels tortz que lur fazia lo rey d'Arago. Am letra de b
En marge de la première, on lit cette annotation : Voriginal letra dd
papa sus aysso autreyada es en cayssa de G, senhada de letra de G.
122) Item. I translat de carta, contenen que de las cauzas
que se vendon e Monpeslier, jassia aysso que las mercadarias
sian en autre loc, devon pagar leuda a Monpeslier. Am letra
de C
123) Item. II cartas contenens com los cossols requeregon
Tavesque de Magalona que dones sententia en lo plag que era
entre els e'irey d'Aragon, senher de Monpeslier, coma sobeyra.
Am letra de d
124) Item. I carta de protestacios que non fos prejudici als
homes de Monpeslier, la captio e la encarceratio que avia
fâcha lo loctenen a Latas d'alcus homes de (F° 12, r°) Mon-
peslier. Am letra de e
125) Item. I carta contenens privilegis del rey d'Aragon, en
quai guiza et en quai cas fosson questionatz los Juzieus estans
en la partida sieua de Monpeslier. Am letra de f
126) Item. Alcus autres esturmens designatz en Fenventari
del libre, de pauc de valor.
XI
(F° 12, V®) Item. En una caycha petita que es senhada
de senhal de tiara
127) En aquesta caycha a diversas comissios fâchas per los
papas passatz a diversas personas per recebre lo cens que la
vila fa a la glieya de Roma, cascun an, e reconoyssensas e qui-
tations fâchas per los deputatz a recebre, et I carta d'alcus
aecretz contenens que foron fagz am lo papa o am son trames
e'is homes de Monpeslier, quant lo papa dec venir a Monpes-
lier per tener Consili gênerai, lascals particularamens son
30 DIALECTES ANCIENS
designadas en Tenventari del libre e son senhadas de senhal de
man.
XII
(F* 13y r°) Item, En la caycha que es senhada de letra ^
de it
128) Son diverses escrigz dechatz per messier G de Lo.
sobre alcus greuges qu'el rey d'Arago, senhor adonc de Mon-
peslier, fazia als homes de Monpeslier, e motas appellacios
d'aquels greuges a Tavesque de Magalona, senhor adonc so-
beyra de Monpeslier.
Immédiatement après, mais en mauvaise écriture :
129) Item, Motas allegacions fâchas per motz soccors si lo
comun de Monpeslier pot beneficiar a concession fâcha per
lo rej al dig comun.
XIII
Item, En la caycha senhada del senha {sic) de Salomo.
130) A motas c^rtas pertenens al patremoni del cossolat,
tant dels forns, quant dels usatges del camp de Clarmon, e de
la Pejchonaria, e de las compras dels hostals del Cossolat, e
de obriers, e motas autras cartas.
131) Premieyramens, II cartas publicas pertenens a l'an-
drona que passa detras Tostal del cossolat. Am letra de a
132) Item. IIII pertenens al forn de la Fustaria, prop los
Banhs vielhs, loqual es dels cossols de Monpeslier. Am letra
de b
133) Item, XI cartas pertenens al forn de la Blancaria, dels
senhors cossols. Am letra de c
134) Item. X cartas en IX pessas pertenens al forn de
Costa Preia, dels senhors cossols. Am letra de d
135) Item, XIIII cartas pertenens al forn de la Valfera, dels
senhors cossols. Am letra de e
136) Item, I carta contenens una transhactio fâcha entre
mossen Jacme, rej de Mahorguas, senhor de Monpeslier,
d'una part, els cossols de Monpeslier, de Tautra, sobre la
ARCfflVBS DU CONSULAT 81
questio que era entre els per lo ediôci del forn de la Valfera,
e contenen quels senhors cossols puescon far autans forns
quant volran, mays que lo rey hi aia la mitât e que paguon la
mitât de las despessas. Am letra de f
A partir]de sehhorSj il y avait d'abord dans le texte :
De Monpeslier non puesco far ni sostenga far forn en la vila
de Monpeslier, ni en sos barris. Am letra de f
ce qui était contraire au contenu de la charte.
(F° 14/r°) 137) Item, II cartas publicas, la una de mossen
G. de Monpeslier e de n Elias de Castrias, e l'autra de mo-
sen Jacme rej d'Arago, senhor de Monpeslier, per lasquals
autreieron als senhors dels forns de Monpeslier que no farian
ni sostenrian per negun autre far forn en la vila de Monpes-
lier, sinon en certz cazes aqui declaratz. Am letra de g
138) Item, I carta contenen compromes o pronunciacio fâcha
entre los cossols e'n B. Marc, sobre la questio que es entre
els per I forn que comensava a far bastir, e fon prejudiciat
que no se fezes. — Item, Concessio fâcha per los autres senhors
dels forns de Monpeslier als XII cossols, que puesco far VI
forns e Monpeslier otra aquels que eron en la vila. Am letra
de h
139) Item. Una carta contenen la compra que feron los
cossols del forn de la dogua dels policiers d'en B. Marc, e de
sa molhier. Am letra de i
140) Item, VII cartas en VI pessas pertenens a Tostal que
tenon dins lo Cossolat los obriers, loqual ostal compreron cos-
sols d'en R de Latas e d'en Felip (F** 14, v°) de Cruols. Am
letra de k
141) Item, VIII cartas liadas am I saquet pertenens a la
compra que feron los cossols de Testai del cossolat d'en J. de
Latas de son filh. Am letra de I
142) Item. XII cartas pertenens a la compra dels usatges
que prenon los senhors cossols foras lo portai de Latas, en
lo loc apelat lo camp de Clarmon. Am letra de m
143) Item, VI cartas pertenens a las galeas que foron res-
32 DIALECTES ANCIENS
tituidas per los cossols de Monpeslier al compte de Prohensa.
Am letra d« n
144) Item, II cartas pertenens a la sentencia donada per
cossols contra en Johan Boysso. Am letra de o
145) Item, II cartas contenons la compra fâcha per los cos-
sols de la Carriejra Nova, on es aras la Sabataria, que era
davant TOstals. Am letra de p
146) Item, III cartas de sendigatz fag per los cossols quant
tramezeron al rej d'Aragon per tractar pas entr' el e la vila
de Monpeslier. Am letra de q
147) Item, Una carta que cossols compreron I camp en que
es la fon de Latas. Am letra de r
148) Item, I carta contenons la compra de la mayon
(F° 15, r°) on es Tespital de Nostra Dona, fâcha per los cos-
sols. Am letra de s
149) Item, I carta contenons la concessio de la capela de
Tespital de Nostra Dona. Am letra de t
150) Item. I carta contenons la pronunciatio fâcha per ju-
ratz per mandamen dels cossols, de la paret de Tort d'en Cou-
chas, davant Frayres Menors. Am letra de v
151) Item, I carta de composicio fâcha entre cossols de
Monpeslier e'is Juzieus estans a Monpeslier, contenen que to-
tas ves que neguna potestat venga contra Monpeslier o con-
tra Latas, o contra Castelnou , que son de la dominacio de
Monpeslier, deion far valenssa de XX cayrels de fer. Am
letra de x
152) Item, I letra, am sagel penden, del rey d'Arago, que
cossols prenguo III libr d'uzatge sobre las taulas de la Pey-
chonaria que son del rey e que foron d'en P. de Pezenas. —
Item, II cartas pertenens al dreg que prenon cossols en la
Peychonaria. Am letra de y
153) Item, I carta que las taulas de na Bochina, en la Pey-
chonaria, no yesquo mas palm e mieg z
154) Item, Alcunas autras cartas que no son utils, et I rotle
(F** 15, v°) contenen las rendas qu'el rey de Malhorgas avia
a Monpeslier, a Latas et a Castelnou.
ARCHIVES DU CONSULAT 33
155) Item. Alcunas cartas de IIII s. d'usatge que cos-
sols an en I hostal de costa Sant Fermi ; e pagua los aras
en B. Casai, et es senhada d'aytal senhal.
XIV
\
(F* 16, r°) Item. En la cajchamaior que a senhal delsj 1
cossols. LIJ
156) Premiejramens III cartas publicas de lasquals las doas
contenen qu'el rej de Malhorgas, senhor de Monpeslier, azor-
denet et establiguet qu'el loctenen sieu e Monpeslier e son
assessor, al comensamen de lur regimen, juron de jutgar se-
gon las costumas de Monpeslier e que nossen {sic) puesco
empachar de la juridictio del bayle, sino en deflaut, monissio
preceden, e quels homes de Monpeslier no sian tragz foras
de Monpeslier, per negun cas criminal o civil, e que no sian
tengutz de respondre en lo castel de Latas ni de Castelnou,
o qu'els bajles de Latas e de Castelnou sian tengutz de res-
pondre davant lo bajle de Monpeslier. — Item. L'autra con-
tenen la remissio que fes lo rey de Malhorgas als homes de
Monpeslier de las XX lieuras que lur demandava lo senescalc
de Belcayre per las ostz de Nemze que eron vengudas contra
Monpeslier. Am aaa
Et en interligne, immédiatement après :
157) Item. II cartas, cossi luoctenen e son assessor an jurât
que jutgon segon las costumas de Monpeslier, d'aquel me-
teysh senhals III a. aaa
158) Item. I translat public contenen qu'el Rey d'Arago,
senhor de Monpeslier, autreyet als XII prohomes elegutz ad
acosselhar la comunitat, que puescon comprar castels, vilas,
possessios e rendas et aquerre, e que lur lauzet aquelas que
avian aquistas e que en temps endevenidor aquerrian. Am
letras bbb
159) Item. Una carta publica contenen que per Taginolha-
men que feron los cossols de Monpeslier a mosen Jacme, rey
de Malhorgas, coma a senhor de Monpeslier, non entendian
34 DIALECTES ANCIENS
far homenesc ni autrasubjectio, sinon aquela que era acostu-
mada. Am letras ccc
160) Item, Una carta pnblica, bullada de bnlla de plom, am
cordo de céda, contenen la confermatio de las costumas e dels
bos uses de Monpeslier per mosen Jacme, rej de Malhorgas,
senher de Monpeslier, lasquals juret de tener e far tener e
servar, obligans se e sos successors, senhors de Monpeslier, a
prestar semblan sagramen, cant venra premieyramens senhor
a Monpeslier. — Item. II autras cartaspublicasd'aquo meteysh
e son totas senhadas de letras ddd
161) Item, Una carta publica, semblan a la preceden carta
contenen la cofermacio de las costumas per mosen Sancho,
rey de Malhorgas, contenen semblan sagramen et obligacio.
Am letras eee
162) Item, I* autra carta contenen la confermacio de las
costumas fâchas per (F*^ 17, r°) mosen Jacme, rey de Malhor-
gas, senhor de Monpeslier, lasquals juret de tener e far tener
e servar, obligans se e sos successors, senhor de Monpeslier,
a prestar semblan sagramen cant venra premieyramens se-
nhor a Monpeslier. — Item, II autras cartas publicas d'aquo
meteys, e son totas senhadas de letras de III ddd
163) Item . P carta publica semblan a la preceden carta,
contenen la confermacio de las costumas per mosen Sancho,
rey de Malhorgas, contenen semblan sagramen et obligatio.
Am letras de eee
164) Item . P autra letra contenen la confermacion de las cos-
tumas, fâcha per mosen Jacme, rey de Malhorgas, senhor de
Monpeslier, de say entras, semblan sagramen et obligacion
contenen, et aquesta fo la dernieyra fâcha davant la aliéna-
tion de la vila de Monpeslier en lo rey de Franssa perjlo dig
rey de Malhorgas. Am letras de fff
Ces trois derniers articles ont été biffés dans l'original par deux traits
rouges.
165) Item, I* carta publica, bullada am buUas de plom, con-
tenen III capitols. Lo premier, que home de Monpeslier no sia
tragz foras de Monpeslier per lo senhor de Monpeslier ni per
ARCHIVES DU CONSULAT 35
SOS uficials,en causa premiejra o de appellacio per negun cas.
Lo segon, que las appellacios (F° 17, v°) que s'entrepauso de
greuges se termenon per lo jutge de las appellacios defra très
dies, sinon que sian tais del quais sia legut de dreg apelar.
Lo ters, que las appellacios que partiran de la cort del Bayle
se deion termenar per lo jutge de las appellacios dins VI mezes
o que dins loVmes se deia concluejre en la causa per laspar-
tidas renuntians a tota probatio e produxio de cartas e d'es-
critz. ggg
166) Item. I carta, buUada am buUa de plom, en cordo de
céda, contenen Tacort fah entre lo rej en Jacme, rey d'Arago
e de Malhorgas, senhor de Monpeslier, e'is cossols, sobre la
gran questio que era entre els. — Item. Conten la declaratio
de la costuma autrejada, que aquel que a hostal pauc o gran
de la vila de Monpeslier se salve de pes o de leuda, e fon dé-
clarât que non se alegres si non fazia domicili en Monpeslier,
e confermacio de las costumas. — Item. Conten la concessio
e la forma del bajle de Monpeslier, e dels autres officiais de la
cort del bayle, cosse (sic) devon elegir cascun an III dias de-
nan sant Johan Baptista. Sa semblan es en la caycha, senhada
de letras hhh
167) (F° 18, r*») Item. V carta publica, bullada de bulla de
plom, contenen quel rey d'Arago e senhor de Monpeslier au-
treiet a cossols que moneda se bâtes e se fabregues a Monpes-
lier per lo senhor de Monpeslier e que agues cors e Monpeslier
e per tota sa terra e règnes. iii
168) Item. I carta publica, bullada am bulla de plom, am fils
de céda, contenen la confermacio de las costumas de Monpes-
lier per mosen Jacme, rey d'Arago, senhor de Monpeslier, et
aquest fon lo premier rey de Malhorgas. — Am letras de kkk
169) Item. I* carta publica contenen la ordenansa fâcha per
mosen Jacme, rey de Malhorgas, senhor de Monpeslier, a re-
questa de cossols que negun hom no meta vin ni razims e Mon-
peslier, si non eron dels homes habitans en la vila e de las
proprias pocessios dels habitans de la vila, e que dure a volun-
tat de cossols , 111
86 DIALECTES ANCIENS
170) lietn. Maj II cartas conte nen cridas fâchas en la part
de la, que hom no saj meta vin ni vendemia.
171) Item, I carta publica, buUada de buUa de plom, en
cordo de céda, que mossen Jacme, rey de Malhorgas, confer-
met Tautreiamen fah per mosen Jacme (F° 18, v°) rey d'Arago,
pajre sieu, als cossols de Monpeslier, sobre lo monedatge a
Monpeslier e juret de non venir en contra et obliguet sos suc-
cessors, senhors de Monpeslier, a semblan sagramen fazedor
al comensamen de son regimen. La carta es en aquesta cajcha
et es senhada de letra mmm
172) Item, I* carta publica, am sagel rial penden, contenen
l'establimen que se apela Si per crestia, promulgat per mosen
Jacme, rey de Malhorgas, senhor de Monpeslier e conten
motz capitols. Am letras de nnn
173) Item. 1 carta publica contenen que la electio fâcha del
bayle en la mayho del loctenen, loqual non podia anar a Nos-
tra Dona del Castel per far la electio, non fos prejudici a las
libertatz de la vila. Am letras de ooo
174) Item. P carta contenen que mossen Jacme, rey de Mal-
horgas, senher de Monpeslier, trames mossen Arnaut Travier
am sas letras als cossols, per la electio de cossols fazedoyra.
Am letras de ppp
175) Item. P carta bullada de III buUas de plom, en cordos
de céda, contenen una conventio fâcha entre Favesque de Ma-
galona coma comte de Melguer, al rey d'Arago, senhor de
Monpeslier, e cossols de la dicha vila (F° 19, r° ), sobre lo fag
de la moneda fazedoyra a Melguer, loqual avesque promes per
tostemps far aqui moneda e de certana ley. ^^^
176) Item. P letra, am sagel penden, del rey d'Aragon, con-
tenen la remissio fâcha a'n Johan Boycho, condempnat per los
cossols en yssil per alcunas cauzas que avia fâchas contra els.
Am letras de rrr
177) Item. P carta bullada de II buUas de plom, en cordos
de céda, contenens la revocatio fâcha per mossen Jacme, rey
de Malhorgas, senhor de Monpeslier, d'alcunas conventios
ARCHIVES DÛ CÔNèÛLAT 37
facMs entré els cossols ad Acde, lasquals erôn prejudiciablas
a las fraiqùezàé de la vila. Am letras de sss
178) Îië9a, P dîitra cart'â bullada de it Bullas, de môsseii
Jkcme, rey de Malhorgas, contenens la dicha revocatid. Am
letras de ttt
179) ïtén, II transcritz publics contenens que mosenher
Jacme, rey d'Arago et de Malhorgas, senhor de Monpeslier,
azôrdénet que neguna leuda d'autre senhor no se levés aLatàs.
Am lêtt*as de vVv
180) Item, I* carta de convencios fâchas entre lo rey mosen
Jacme e cossols sobre las càuzas contengudas en la carta fâcha
ad Acde, sobre lo sendigat del bàylé.' Am letras ixx
(F° 19, v°) 181) lièm\ I* letra, am sagel pendén, de mossen
Jacme, rey de Malhorgas, senher de Monpeslier, que las X
mïlià lieùras que la vila aviâpagadas al senescalc de Belcayre,
për nom d'el, era esladà concessio graciosâ è senes prëjudici
da las franquezas. Am letras yyy
182) Item, I privilegi, am doas buUas dé plom, autreyat per
mossen Jacme, rey de Malhorgas, en quai guiza deia hom pro-
cezir ad enquesta contra los officiais de la cort del bayle delin-
quens en lurs officis, ofûcian e non ofûcian, e per quais per-
sonas. Am letras de zzz
183) Item, I carta, bullada del gran sàgel de cera periden,
de mossen Jacme, rey de Malhorgas, senhor de Monpeslier,
contenen concessio perpétuai als cossols de Monpeslier que
puesco far talhas o cornu per utilitat o nécessitât piiblica de la
vila, de concentimen empero del pobol o de la maiora part
d'aquel, et aquel endig per els requerre son liiocterien que lur
done licencia de levar, e si non o vol far, val endictio fâcha
per els. Et es en publica forma en lo Talamus aà
184) Item, I translat public, contenen que inossen G. de Mon-
peslier, autrejet als cossols que lo plan sieu que era prop la
Orjaria remanga per tos temps en patus. bb
En note, et d'nne écriture postérieure :
Aysso es lo plan dé la Pélharia, ont èe ajusta lo pan lo jorn
dé Càritatz.
3
88 diâlbgtbs anciens
(F® 20, r^) 185) Item» I vidimus, am sagel penden, contenen
la salvagarda del rey Lojs de Franssa, en laquai receup los cos-
sols e'is habitadors d'aquela en salvagarda sieua especial. Am
letra de ce
186) Item, I transcrig public contenen que mossen G. de
de Monpeslier autreyet als homes de Castelnou, que los plagz
del dig loc se termenesso segon las costumas de Monpeslier,
e quels homes de Castelnou non pagon copas, e que Castel-
nou non se separaria negun temps de la senhoria de Monpes-
lier. Am letras de dd
187) Item, I bulla papal de Gregori nonen contenen que
cofermava las costumas de Monpeslier a la villa ee
Cet article a été biffé ; on lit en marge: mudada es en la cayssa de G.
188) Item, I* carta, bullada de plom, contenen la conferma-
cion fâcha de las costumas de Monpeslier per mossen P. rey
d'Aragon e per ma dona Maria dona de Monpeslier. Am letra
de ff
189) Item, I carta publica, contenen la élection fâcha de
cossols en Tan MCCC XLj quant lo rey de Franssa ténia la vila
assavia e quar lo dia de la electio fazedoyra no y era lo senhor
de la vila, ni trames per el, fes se la élection segon la forma
del privilegi donat per lo rey d'Aragon, senhor de Monpeslier
que es en la cayssa de U gg
190) (F° 20, v°) Item, 11 cartas contènens VI esturmens en
lascals mossen Jacme, rey de Malhorgas, cofermet las cos-
tumas de Monpeslier, el sagramen de fizeltat ad el o protesta-
cios que per Tajinulhamen non li entendian far homenatge e
promet e juret de tener e de far servar, et obliguet sos suc-
cessors a semblan sagramen fazedor quant venra premieyra-
mens senhor a Monpeslier. Am letras de hh
191) Item, II cartas contènens com lo bayle de Monpeslier
citet lo bayle de Latas a comparer davant el. Am letra de ii
192) Item, P letra, am sagel penden, contenen quitansa
^ del laus de Masselha. A letra de kk
Immédiatement après, mais en écriture de date postérieure :
193) Item, I* letra, bullada del sagel del rey de Malhorgua,
ARCmyBS DU CONSULAT 39
contenen que lo luoctenen de Monpeslier jure, al comessa-
men de son regimen, de jutgar segon las costumas de Mon-
peslier.
4^
XV
(F® 21, r*) Item. En la caycha que es senhada de flor
delili
194) Premieyramens, III cartas publicas contenens quo lo
senescalc de Belcayre, per mandamen del rey de Franssa, re-
querec premieyramens mossen G. de Pau, loctenen del rey de
Malhorgas, senher de Monpeslier, que el li remezes alcuns
que avia delinquit en la senescalcia. — Item, Que fezes
mètre lo nom del rey de Franssa per los notaris, en las car-
tas que recebrian e Monpeslier, e que layches las segondas
appellacios al rey de Franssa, e que fezes servar las orde-
nansas del rey de Franssa sobre las monedas e Monpeslier. —
Et el respondet que non faria ren, allegan motas razos en sa
resposta, dizen entre las autras cauzas qu'els ufficials de Mon-
peslier non eron sosmesses a negun, sinon al rey de Malhor-
gas, senhor de Monpeslier. Am letra de a
195) Item, I carta publica contenen co maistre Arnaut,
bayle jutge e procurador del rey de Malhorgas requerec à
Nemze lo senescalc que révoques lo mandamen de las ostz,
que avia fâchas venir a Nemze, per venir contra Monpeslier,
quar los uflâcials del rey de Malhorgas non li volian obezir,
e que el avia complit lo (F** 21, v°) mandamen fag per lo se-
nescalc e si non era contens d'aquo, el li fera donar o prestar
paciencia, que el complis lo mandamen a Monpeslier. Am
letra de b
196) Item, I* carta contenen que lo rey de Franssa autreyet
al rey de Malhorgas que las appellacios que partirian d'el e
Monpeslier et en la baronia se venguesso en parlamen e qiie
aia per tota sa terra portamen d' armas e conoychensa contra
aquels que las portarian, e que lo rey de Franssa remes al rey
de Malhorgas las despessas que demandava lo senescalc als
40 DIâLëCTBS Al^GIBNS
cossols per las ostz de Nemze ajustadas contra los homes de
Monpeslier. Am letra de c
197) Item. Motas autras cartas fazens mencio de las dichas
ostz, tan requestas, protestacios o obligacios et appellacios desi-
gnadas en Tenventari del libre non de las costumas.
A la fin de la page, et en écriture moins ancienne:
198) Ë motas autras cartas, que no son registradas, de pauc
de valors.
XVI
(F° 22, P°) Item, En la cajcha que es senhada de letra /x
de ^
199) Premieyramens motz processes fagz per lo plag de las
despessas que demandava lo senescalc de Nemze, per nom
del rej de Franssa als cossols de Monpeslier, per las ostz que
foron ajustadas a Nemze a venir contra Monpeslier per eno-
bediencia que avian fâcha los curials del rey de Malhorgas a
las gens del rey de Franssa, e moc la questio per unas forças
que avian fâchas plantar Tavesque de Magalona a la correia,
lasquals feron derrocar las gens del rey de Malhorgas.
200) Item. III cartas, bulladas las II e la una ses bulla,
contenen la pas fâcha entre los homes de Monpeslier els ho-
mes del Montelh, per laquai pas facedoyra lay fon trames en
Johan de Floyrac. Am letras aa
201) Item. I carta, am sagel penden, contenen quo mossen
Barrai, senhor del Baus, promes défendre tostemps la vila de
Monpeslier, els homes d'aquela, e gardar lurs dregz, e no
sostener que negu de la dicha vila fos près ni sos bes non
degudamens en sa terra. Am letras bb
202) Item. Alcunas autras escripturas e letras de pauc de
valor, designadas en Tenventari vielh del libre, exceptât lo
privilegi papal de Testudi que non fon aqui trobatz.
XVII
(F* 22, v°) Item, En la caycha que es senhada de letra
de
T
ARCHIVES DU CONSULAT 41
208) Premiejramens motas escripturas, letras e carias fa-
chas entre lo rej de Malhorgas els cossols de Monpeslier,
d'una part, e las gens del rey de Franssa els Ytalias d'autra,
sobre aysso que el rej de Malhorgas volia quels Ytalias po-
guesson estar e mercadeiar e Monpeslier, nonobstan las con-
vencios de Nemze.
204) Item, Doas cartas contenens las quitansas gênerais
fâchas per en Jacme de Cruzols als cossols de tôt aquo en
que lo cossolat Tiera estatz obligatz. Am letra de a
205) Item, I* carta quo cossols contradichero al quarante
que demandavon las gens del rey de Franssa en la vila de
Monpeslier. E son fâchas Tan MCCXCVI. Am letra de b
206) Item, I* carta publica sentencia del bayle contenen que
payre se puesca mètre a deffencio de son filh en la cort del
bayle, senes dar fermansa. Am letra de C
207) Item, P carta sagelada del rey d'Arago contenen esta-
blimen sobre las clamors que se fan en la cort del bayle e que
senhor de Monpeslier no puesca retener per autre neguna po-
cessio que se tengua d'el per dreg de prelatio, sinon que la
volgues per el propramens. Am letra de d
208) (F<> 23^ r°) Uem, I* carta contenen requestas fâchas
de part lo senescalc al luoctenen de Monpeslier et als autres
ufScials del rey de Malhorgas que lur remezesson alcus honfies
de Monpeslier que avian delenquit en la senescalquia e que
lur remezesson lurs bes, laquai c. no volgro far quant als bes.
Am letra de e
"209) Item, I* carta publica contenen requesta fâcha al se-
nescalc de Belcayre contra lo pezatgier de la Rudela, que avia
gatjat en Roqueta, orgier, per pesatge que li demanda a la
Rudela. Am letra de f
XYin
/^. En la c.,cha que es senhada de letra de U
210) Premieyramens I translat, am. sagelpendç^n, contenens
Tacort fag entre lo r,ey d'Arago els cossols, sobre las vosses
42 DIALECTES ANCIENS
qu'a senhor de Monpeslier en la electio de cossols e la forma
co se deu far aquela. Am letra de a
211) Item. II cartas, de lasquals la una es bollada am buUa
de plom, contenens lo poder que son donatz per ma doua
Maria, dona de Monpeslier, als XII obriers de la comuna
clauzura de Monpeslier. Am letra de b
212) Item, I^ carta contenens alcus convenons fatz entre en
G. Gasc els cossols quant lo dig G. ténia lo castel de Latas.
Am letra de c
213) Item. I translat contenens las conventios dels Ytalias
demorans a Nemze. Am letra de d
'214) Item. II cartas, de lasquals, la una conten lo sagremen
prestat per los obriers de la comuna clauzura de Monpeslier,
als XII cossols. — E Tautra conten alcunas ordenansas fa-
chas per los cossols sobre lo poder dels obriers e d'embay-
chadors cant son tramesses per la vila, sobre lurs despessas e
(F° 24, r°) salaris. Am letra de e
215) Item. Alcunas autras letras, de pauc de profieg.
XIX
{jpo 24, v^) Item. En la caycha que es senhada de letra —
de -X.
216) Premieyramens XIII letras, am sagels pendons, con-
tenens quo los cossols metran capitani en las ôejras de Cam-
panha e de Bria, per los mercadiers de Lengadoc, e co fon
en après plag sobre aquela institutio entre en Johan Arpi et
en Joban de Latas, e quo los maistres de las ûeyras prezeroh
lo dig uffîci a la man del rey. Am letras aa
217) Item. II cartas publicas contenens requestas fâchas de
part lo senescalc de Bel Cayre a las gens del rey de Malhorgas
senhor de Monpeslier, que retornesso las forças que avian
derrocadas al gra de Magalona, lasquals avia fâchas plaiitar
Tavesque de Magalona. Am letras de bb
218) Item. Una carta publica contenens motz comandamens
fagz per lo senescalc de Belcayre al rector, créât premieyra-
mens en la part de la, quant lo rey de Franssa Tac aquista
ARCHIVES DU CONSULAT 43
del avesque de Magalonas e motas protestacios fâchas per
mossen Bremon de Monferrier, loctenen del rey de Malhor-
gas e Monpeslier. E fon fâcha Tan M CC XCIII, a XIII de las
calendas de May. Am letras de ce
Après Magcdonay on lit à la marge :
Quom lorectore jutgejureron defarjusticiasegon los uses
e las costumas de Monpeslier.
219) (F** 25, p°). Item. Una carta contenens alcunas protes-
tacios fâchas per los cossols al senescalc de Belcayre volen
penre sagramen de fizeutat dels homes hahitans en la part de
la, quant Tac aquista lo rey de Franssa de Tavesque, dizens
los ditz cossols que el non lo dévia recebre, com totz los ho-
mes de Monpeslier aguesson acostumat prestar sagramen de
fizeutat al rey de Malhorgas e non a d'autre senhor. Am letras
de dd
220) Item, Il cartas contenens requestas fâchas per mossen
Bremon de Monferrier, loctenent del rey de Malhorgas, al
senescalc de Belcayre sobre motz greuges que fazia al rey de
Malhorgas. Am letras de ee
221) Item, I transcrig, am sagel penden, contenen quitanssa
de las messios que demandava lo rey de Franssa als homes de
Monpeslier, per las ostz de Nemze ajustadas venir contra Mon-
peslier. Am letras de ff
222) Item, I* carta contenen quels cossols s'en aneron al pa-
lays per requerre lo luoctenen que fos lendema a Nostra Dona
de las Taulas per recebre lo sagramen acostumat a prestar
per cossols lo dia de Nostra Dona de Mars. Am letras ^^
223) Item, I* carta contenen alcunas requestas fâchas per
messier Johan de Montarnaud, per lo rey de Malhorgas e per
nom de cossols, al senescalc de Bel Cayre sobre alcus manda-
mens que avia fagz que homes de Monpeslier lo seguisson ab
armas a Yiana. Am letras de hh
En note au bas de la page :
224) Letra del rey de Franssa que las appellacions del pa-
lays de la baronia anon en Franssa, e que per deffaut de
presencia lo senescalc non prossezesca contra los ourlais de
44 DIALECTES ANCIENS
Monpeslier, tant cant lo rej de Malhorgas e son luoctenen so
aparelhatz de far justicia, e que lo dig rej aia portamen d' ar-
mas e conoysse de portamen d' armas, e que lo dig rey non sia
tengutz de plaegar davan lo senescalc (F° 25, v°).
225) Item, Una carta contenens protestacios faQjias per en
G. del Pos, sendic de cossols, al rector rial de Monpeslier ç[ue
avia fag cridarenaquela part de la que tôt hom fos apparelhat
ab armas quant hom lo demandaria. Am letras de ii
226) Item, I* carta del sendigat del dig G del Pos. Am letras
de • kk
227) Item, I* carta contenen appellacio fâcha per los cossols
del senescalc de Bel Cayre que mandava que tôt hom lo seguis
am armas a Rems, per deffencio del règne de Franssa, e la
respostaque fesa Tappellacio mossen G. deNogaret. Âm letras
de ' 11
228) Item. Pletra, sagelada de sagel penden del rey d'Arago
sobre lo teng de grana, laquai letra es senhada dessus d'aytal
senhal. mm
XX
(F° 26, P°). Item. En una caycha senhada d'ayt^il senhal.
229) Premieyramens I transcrig buUat, contenens lo poder
que a lo senhor de Monpeslier en la electio de cossols per las
vozes que ac de Tavesque e la forma per que se deu far la
electio. Am letra a
230) Item. Alcunas cartas e letras pertenens al capitanhatge
de Campanha, loqual capitani deu esser de Monpeslier et esti"
tuit per los cossols.
XXI
(F® 26. v°). Item. En la caycha en que a I esc ut ab
I peys barrât
231) Premieyramens alcus transcrigs obrevetz con ponte-
nens los pagamens fagz de V M escutz d'aur per la confermacio
dels privilegis. Am letra de g
23?) /j^^. Ijatra9 de\ vej de Fraussa que monediers' de
Monpeslier no meton vin en la yila, sinon per lur provi^io,
am sa exequtorja. Am letra G- ^e barratge autre g
Cette lettre G, barrée autrement, déj ffcftratge, at/Ut^e, eyt en eÇTet repré-
sentée en marge avec un trait au-dessous.
2:^3) Item, Letra de barratge 4e V ans, am sa exe(jutoria. Am
letra de g
Surajouté : Comensat Van M^cC, . .
234) Item, Il letras quel denier per liura que se pren ^4 Aj-
gas Mbrtas si convertisca en la reparatio del port e non en au-
tra causa. Am letra de g
235) Item. I transcrig de Castelet com lo rey de Franssa re-
mes al cossolat M. c. v. lieuras que restavon apagar del sub-
sidi de VI. M, lieuras promessas al avesque de Paris. Am
letra de h
236) Item. I carta d'un prest de II M liuras fag a mossen G-.
Rotlan, senescalc de Nemze, et al thezaurier de lasquals deu
encaras lo rej mil liuras. Am letra de k
237) Item, II letras riais et I vidimus de las cridas sotz pena
de cors e d'aver. Am letra de I
238) (F° 27, P**) Item. Vidimus en publica forma, am sagel de
plom penden, que las appellacions del luoctenen anon en
Franssa e que per deffaut de justicia non fassa ren lo senescalc
contra lo bayle ni sa cort, aytan can sera aparelhatz de fàr
justicia. Am letra de m
239) Item. Motas letras sageladas que monediers non meton
vin en Monpeslier dels locz de Vedatz, e que pagon en las ta"
Ihas, e que TavesquQ de Magalona non meta vin foras los ter-
mes, e carta coma fon remes lo débat al rey per declaracion.
Am letra de n
240) Item. Letra que lo gra de prop Melguer, prop la Quau-
quiha, estia ubert. Am letra de O
241) Item, Alcunas letras riais que los habitadors de la part
antiqua cpïitribuispoiï qu las talhas. Am letra p
242) Item, Letras riais que mazeliers no meton bestiaris en
las possession deb I^oi^es d^ |^. vii^. Am letra dç q
46 DIALECTES ANCIENS
243) Item, Mays de letras d'aysso son en las cayschas de la
corona e de la estela, Am senhals de letra h e de s.
244) Item, Letras que mercadiers puescon intrar per los gra-
zes am lurs mercadarias francamens e que non si levé pena dels
mais appelans. Son en I brostia senhada d'aytal letra P
À. la fin de la page, surajouté :
245) Item, Vidimus de Castelet de alcunas bonas orde-
nansas riais, fâchas Tan M CC XVIII d'aytal senhaU
246) (F® 27, V**) Item, Letras riais de raubarias fâchas e mar
dels homes de Monpeslier que lo senescalc puesca far la en-
formacio e tôt justicier. E si atroba los homes que o an fag e
lurs bes o de lur terra, defra la terra, que los puescon penre
per satisfaction de la raubaria. Am letra de s
247) Item, Letras riais contra aquels que fan salvatarias. Son
en I massapa.
248) Item, Los previlegis e'is establimens de sant Loys, e la
reparacion del rialme fâcha per mossen Felip, rey de Franssa,
et I vidimus del digz privilegis. Am letra de t
Au bas de la page et en mauvaise écriture :
249) Item, I* letra sagelada de cera vert de mossén Loys,
rey de Franssa, bot de sant Loys, contenons motz privilegis
donatz a Monpeslier et ordenansas sobre las reparacios dels
justiciers del rialme.
250) Item, I* carta que lo plan de la Herbaria es dels senhors'
cossols, exceptât III palms que podon yssir foras aquels que
hy an hostals. Am letra de V
251) Item, Letras riais contra comissaris prenons e trau-
cans monedas per camps, que non o fasson e'is revoca. Am
letra de . . . x
252) Item, Mays de letras sobre aysso son en la cayssa del
senhal de Y estela, am senhal de Q . Et autra al senhal meteys
de V estela, am letra de....
253) (F° 28, r°) Item, I* carta que molieg no sian portatz en
molis si non eron pezatz als pezes dels senhors cossols.
254) Item. Que pestres no fasson pan sinon de III d. enaval.
ARCHIVES DU CONSULAT 47
255) Item, Que mouniers non prenguon moutura si non am
mesura de cojre, so es dotzena.
256) Item. Que negus estranh non venda draps, telas, sen-
datz. pebre, ni autras mercadarias que consistian en pes, en
nombre e mesura, sinon es pessa entieyra ni aver de pes d*un
cartayron de quintal enaval. Am letra de y
XXII
(F^ 28, r^) Item. En la caycha en que a senhal
de corona.
257) Premieyramens I* carta contenons la compositio fâcha
entre lo rey de Franssa e'I avesque de Magalona de la limitacio
e'is termenals fâcha de la senhoria de Melguer, e de la part
antiqua de nostre senhor lo rey de Franssa. Am letra de a
258) Item. Carta de Tazordenacio fâcha per lo senescalc
sobre lo fag dels selcles dequal condicio e mesura deion essor.
Am letra de b
259) Item. I* compositio sobre lo privilegi del vin, en quai
manieyra se deia servar per los ufficials de la part antiqua.
Am letra de h
260) Item, AUegacios sageladas per doctors que de las em-
posicios de den. per libr. que cossols vende, li cossols no son
tengutz de pagar emposicio de so que vende en nom de cos-
sols. c
261) Item. Autras allegacios que las entortas que si por-
teron per los mestiers per far honor a la seboutura de la re-
gina non devon ren aver a la gUeya, mas devon tornar c
262) Item. Autras allegacios que la vila non fos tenguda
d'alimentar lo rey de Malhorgas ni sos (F® 29, r") enfans.
Am letra de d
263) Item. Carta com lo monestier de Prolha deu per usatge
donar a la Caritat C pas, que devon recebre los senhors cos-
sols. e
264) Item. I buUa de papa de absolution gênerai de pena e
de colpa. Am letra f
4$ DIA^BCT^ ANCIBMS
265) Item. Privilpgis bullatz del papa CJemens l]ll e dé-
mens V que negun habitador de Monpeslier non sia trach per
letras papals foras Tavesquat d^ Magalona. g
266) Item. Cartas de declaracio^ del luoctenen, delà maze-
liers, fâchas sobre mètre lur bestiari en las possessios de Mon-
peslier. Am letra h
267) Item. Majs d'autras letras sobre aysso meteus en la
caysha en que es lo senhal de Vestela, del senhal de g
XXIII
(po 29, r**) Item. En la cayclia que es senhada
d'estela.
268) Premieyramens son las letras de la salvagarda de la
mayo de Sant-Lazer. Am II cartas. Am letra de a
269) Item. Alcuns esturmens tocans las possessions de Sant-
Lazer. Am letra de b
270) Item. Letras riais contenens que nobles e clers non
clericalmens vivons contribuiscon en las talhas per lurs pos-
sessios e que son estadas de lurs predecessors. Am letra c
271) Item. Letras riais que en las fieyras de Campanha non
se levé I den. per liura d'alcun habitador de lavila. Am letra
de d
272) Item, I letra sobre lo fag de la Rudela. Am letra e
273) Item. Letras de salvagardas dels cossols. Am letra
de f
274) Item. Diversas letras sobre la imposicio de II den. per
liura autreyada al rey de Malhorgas. Ela revocacio d'aquelas.
Am letra de h
275) Item. Letras que negun habitador de la vila crestian
no sia molestatz per doutes de Juzieus. Am letra j
276) Item. Letra que hom pogues acordar am mazeliers. k
277) (F» 30, P°) I^em. Letras que negun habitador de Mon-
peslier aven possessios en la juridictio de Melguer non pagues
res en la reparacio dels murs de Melguer 1
278) Item. Letras riais que trabelhanas non se fasson al
sagel. Am letra de m
AÏiCIÎÎVES DU CÔNsijLAT 49
279) Item. Letras riais que lo gra novel fach eh la Por-
quieyra non sia empachat; Am letra n
Le mot Porquieyra a été biffé et «remplacé par Cauquiïhosà,
280) Item: Que comissaris deputatz a penre las mbnedaë, non
auson ges penre sinon en las fis del rialme n
Après item, on a écrit : motas letras riais.
Autra n'a el senhal de peys, om letra de X. Et en aqtlést a
letra G.
281) Item, Que corratiers puescon venre publicameris vays-
sela d'argent. — Item, Letra rial sobre lo fag de borzeses de
Beuvays. n
282) Item, Letras que avocatz e notaris, contribuens en las
talhas de Monpeslier, non sian constregs a contribuir en ne-
gun subsidi rial. Am letra de o
Note : anno dont, m» c* Lv\..
283) Item, Diversas letras que hom non preste sagramen de
gardar ordenansas riais sobre las monedas. Am letra de p
284) Item. Diversas letras que gardas de moneda e trau-
cadors de monedas non estian en vilas, ni traucon monedas de
mercadiers. Am letra de q
Cet article a été biffé: on a ajouté à la fin de la page :
285) Item. I* letra que content II reconoyssensas per en
Raymon Balbet, thezaurier d'Agen, la una de M C libr. et
r autra de M. lib. Am letra q
286) Item. I* letra que nobles, avocatz e notaris pagon en
{affias. y
287) Item. Que comessaris deputatz sobre deutes de usu-
riers, non sian admesses. Am z
E son aquestas III letras en massapan de Q,
288) (F° 30, V**) Item. D'autras letras sus en la letra de q
Et el senhal de peys, a la letra X.
289) Item. Alcunas letras autreyadas per lo cardenal d'Em-
brezu, sobre lo fag delà estatutz fagz per la universitat dels
juristas, en brostia. Am letra r
290) Item. Letras que mazeliers non meton bestiari en las
possessios dels homes de Monpeslier. E remissio de XV s. per
50 DlALECÏES ANCIENS
fuoc, en brostia, am letra s. ^Item. Letras riais que confermon
la remissio del fogatge. — Item. Letra de senescalc sobre la
taxatio dels lauradors, en la dicha brostia. Am letra de s
391) Item. Diversas letras riais que las franquezas e'is privi-
legis sian gardatz. Am letra de t
292) Item. Yidimus de letras riais sobre lo mudamen de las
monedas, et autras ordenansas riais fâchas sobre los loguiers
dels estais, en brostia. — Item. Letras sobre las ordenansas
riais, en la dicha brostia. Am letra de v
293) Item. I letra que comissaris sobre, ûnanssas, et usuras
subcidis, no sian receuputz. Am letra de x
294) Item. I letra que noble et avocatz e notaris riais sian
costregz a contribuir en las talhas. Am letra de y
Ces deux derniers articles on été biffés. ~ En marge :
Aquestas II letras son en lo massapan de Q.
XXIV
(F® 31, p") Item. En la caycha en que a A.
295) Son diverses encartamens tocans lo fag dels populars.
Am senhal de pas.
XXV
296 (F° 31, p°) Item. Una autra caycha en que a cartas e
letras de diversas pas e composicios e conventios, fâchas am
lo duc de Genoa et homes de Monpeslier. Am senhal de
Cossols
Q
Cet article a été biffé. La série (ar». 322-329), avec le même signe, n'en
est que la reproduction détaillée.
XXVI
(F° 31, v°) Idem. En la caycha en que es lo sen-
hal de palma.
297 Premieyramens III letras riais que hom non done de
donatio ni de institutio de heretatge lauzisme. Am letra de a
En interligne, après lauzisme :
Ni que Tavesque non levé uzatge a Carnon, sinon ayssi cant
es acostumat e que son jutge non leva portulas.
ARCHIVES DU CONSULAT 51
298) Item, IX letras riais pertenens a Yalena, e que coasols
puescon portar armas aqui e de la salvagarda de Yalena. Am
letra de b
299) Item. La carta de la appositio dels penuncels que foron
messes en Yalena. Am letra de c
300) Item. Letra de salvagarda de cossols e del cossolat,
autrejadas per mossenher lo comte d'Armanhac d
301) Item. I letra de salvagarda. — Item Texequtoria d'aquela.
— Item. I vidimus d'aquela. Am letra d
302) Item. Y letras et I vidimus de la una d'aquelas que
negun no meta vin en Monpeslier, foras los termes. Am letra
de e
303) Item. I carta de procura d'en Bernât Pueg, del luoc de
recebre IX m. libr. degudas al rey de Malhorgas. — Item. Le-
tras del rey de Malhorgas fâchas per las dichas IX. m. lieuras.
Am letra de g
304) Item. Letras que manda lo rey de Franssa al duc de
Genoa sobre lo trafeg de navegar. Am letra de g
305) (F° 32, p®) Item. Cartas de compras d' estais e de casais
de la Yalfera. Am letra de h
306) Item. I* carta quel uffici dels taverniers sia ostatz e que
los cossols non puescon vendre las rendas del cossolat, sinon
aytant cant dura lur administratio. Am letra de i
307) Item. I* letra que las mercadarias que van per lo mar,
a Narbona, de Gataluenha, non si pague leuda ni pesatge, si-
non ayssi cant es acostumat. Am letra de k
308) Item. I* letra de revocatio de comissaris donatz sobre
losbes dels Juzieus e bortz. Am letra de 1
309) Item. Letras riais, en lasquals lo rey remet transgres-
sios de monedas. Am letras de m
318) Item. I* letra rial que hom puesca portar traus o car-
rassas de fustaper mar o per terra, mas que hom pague I den.
perlieura al port d'Ayguas Mortas. n
311) Item. I* carta de création de ufficials de la cort del
bayle, del temps que fon presa la terra per lo rey de Franssa.
Am letra de o
52 DIÂLkCTBls ANCIENS
312) Ttem, I îirôces fag per vigbr dél prlvile^i papal, dé no
trayre homes de la vila foras Favesqûât de Màgalôha. Et es
en una carta. Am letra de p
313) (ï"* 32, ^**) Item. I* càHà de ôridàs facKas en la part
rial antiqua de Monpeslier, sobre revocàtio del àlitreiâmëh fag
a messier Karle Grîlnàut. Am letra q
314) Item, Il cartas de seritencias donadâs contra Jacme
Micholaù, que se dizla esser monedier, volenâ sfe esctizkr de
pagar a las talhas. Am letra de r
315) Item. 1* carta sobre lo fàg dëls encarceratz per doutes
al sagel, que aquels qUe fan cessid dé lurs bes non siân déten-
gutz en carcer. Am letra S
Î^16) Item. I* letra de rej, quesenescalc nithezaurier ni au-
tre non ause trametre comissaris ni otra I sirven per far exe-
cutio de deute, mas que los ordinaris o fkssbn. Ani letra
de t
317) Item, I* càrtà del acordi fâgz entre lo rèy de Malhorgas
e Genoezes. Am letra de v
318) Item. Privilégia autreyatz per lo princep d'Antiocha en
la ciutat de Triple, als homes de Monpeslier. x
319) Item, 1* letra que negun comissàri no éhquieyra de usu-
ras, si non contra los prestans moneda per moneda. Am letra
de y
320) Item. 1* carta de apposicion de penuncels del boâc de
Valena. Am letra de z
Ce dernier article, en mauvaise écriture, a été biffé.
XXVII
(F** 33, p°). Item. En la caycha en que es lo senhàl
de la rosa.
321) A diversas quitanssas e paguas fâchas per cossolsfde
diversas imposicioô, fogatges è doutes e censés del papa.
XXVIII
(F** 3ë, v°). Itèm. En la càych'à que es senhada d*aytal se-
tthal de cossols, son las cartas desotz escrichas.
ARCHIVES DU CONSULAT 53
322) Premiejramens P carta en que se conte una requesta
fâcha per maistre P. Massa, en Jenoa. Am letra de a
323) Item. I transcrig de la carta contenens la pas de Jenoa.
Am letra de b
324) Item, I* carta que conten I procès que se fes per homes
de Monpeslier denan la pogstat de Jenoa. Am letra de c
325) Item, I* carta d'acort e de finanssa fâcha entre alcun
embajchador de Genoa al rey d'Aragon. Am letra de d
326) Item, I* carta de pas vielha de Genoa. Am letra e
327) Item, Autra carta de pas vielha de Genoa. Am f
328) Item, I* carta d'appellacion fâcha al senescalc del fag
de messier Carie de Grimant e de Ajton Doria. Am letra
de g
329) Item, Motas autras cartas e letras sobre diversas pas e
tractamens de Jenoa.
XXIX
(F° 34., r**). Item, En la cajcha pauca senhada d'aj-
tal senhal
T
330) Es un transcrig de los esturmens contenen en quai ma-
■
nieyra mosen Guilhem de Monpeslier promes als senhors cos-
sols de Monpeslier, d'estar a lur conojssensa sobre la clau-
sura de la vila de Monpeslier, e pagar tôt aquo que fora ador-
denat per els. Et en tal maniejra mosen P. rej d'Arago e ma
dona Maria, sa molher, promeseron aquo meteus.
331) Item, I* letra rial, sageladadel gran sagel rial, am cera
vert, contenens las ordenansas fâchas per lo rey de Franssa
que las costumas e las ordenansas de Monpeslier e de autras
terras sian servadas e gardadas.
332) Item, Autra letra rial, sagelada del gran sagel, am cera
vert, contenen la confermacio semblan dels digz privilegis
desus escrigz.
333) Item. I* letra cossi lo rey de Franssa mes la vila de
Monpeslier en son domayne. Am letra de d
4
54 DlàLSOTBS AMCIDNB
XXX
(F" 34, v°). Item. En la caycha que a aytal senhaU
334) A sine letras, am la bulla de plom del papa, contenens
la protection en que es la vila de Monpeslier. Am letra a
En marge : Trachas ne so e son en la cayssa de 6. Mais plus tard
cette annotation môme a été biffée.
335) Item. III letras de las indulgencias de Nostra Dona de
Taulas. Am letra de
336) Item, I* letra del rey d'Arago sagelada, sobre el tenh de
la roia, que puesca hom tenher en drap, en fll et en lana,
en roia et en totas autras colors e del pes de la lana, senhada
am letra. . .
XXXI
Item. En la caycha que ha aytal senhal
t
337) A una carta d'en Azemar de Peytieus, et una carta de
pas de Jenoa, et alcunas cartas tocans al fag d'en Cogorla e de
us Pons de Milhac. E de letras de pauc de valor.
338) Item. II letras, am bulla de plom del papa, sobre lo
lieg de Nostra Dona, local azordenet en Lucia d
339) Item. I transcrig en forma publica de las II letras.
340) Item. I letra, am bulla de papa, contenen que negun
clerc ni per ordes ni per cros ni per seboutura non prendo ni
demandon deniers, mas ayssi cant es acostumat d
Ces derniers mots ont été biffés :
341) Item. Montas d' autras cartas que fan pauc a présent d
En marge de ces quatre derniers articles :
Mudadas son en la cayssa de la corona.
xxxn
(F* 35, r*) Item. En la caycha en que a senhal
d'aucel.
342) A una letra gran bullada de la bulla del papa, sobre lo
fag de Celesta Sequier a
ARGHIV£:S DU CONSULAT 56
343) It)em, Una latra grau, sagelada del gran sagel vert,
com lo rey Loys de Franssa autreit gran res de privilégia a
Monpeslier. b
En marge :
Son tracha dayssi e messa en la cayssa de peys.
344) Item. III cartas fâchas sobre la transaction de Vlli s,
transcrig contenen la dicha transactio.
Feulas sobre a été biflfé, et Ton a mis en marge :
Contenen lo sagramens fach per los cossols e per los curials
de Monpeslier de tener , . .
345) Item. I carta d'appellacio del fag de Valena e de ma
dona Vierna. c
346) Item. I carta de presentatio de las letras riais, sobre la
restituticion de la mitât del subsidi de M e V lieuras, e la qui-
tanssa de las M e V lieuras. d
347) Item. Motas letras riais et exequtorias, com pogues
hom mètre blat et autras cauzas victuals de la senescalquia de
Bel Cayre e de Carcassona. E motas autras letras riais antiquas
que contenon reconoychensas e quitansas de subsidis per la
guerra de Flandres. E motas autras de petit valor e
XXXIII
(F** 35, v°) Item. En la cayssa que a senhal de L^^^
oap de buou ^M
348) A diversas cartes pretocans a salvagardas que foron
massas en Valena. Am letra de a
349) Item. I letra contenen privilegi riais que las appellacios
que van en Franssa se termenon dins très mezes. Am letra
de . b
350) Item. I vidimus de la dicha letra de salvagarda que au-
treiet mosen Loys, rey de Franssa, En brostia c
351) Item. I carta pertocans a las taulas prop de TErbaria d
352) Item. Una letra que conten diversas ordenansas fâchas
sobre los salaris dels curials e del sirvens de la cort, per mos-
sen Jacme, derrier rey de Malhorgas e
Cet article a été biffé.
56 DIALBOTBS ANCIENS
953) Item» Autras cartas pretocans al fach de Valena. f
354) Item. Diversas cartas pretocans a las mealhas de
Latas g
355) Item, I carta de las partizos de Valena fâchas entre los
senhors cossols e'I senhor de Monferrier. h
356) Item, I* carta que Tenqueredor no enquiejra e Mon-
peslier, si non apelava Favesque de Magalona i
357) (F° 36, r°) Item. I* letra rial que negus non puesca
esser gitatz de Monpeslier per negun fach civils ni criminals
e que los cossols o puescon defifendre e far talhas per deffendre
ho h
A la fin du v® du f» 35 et en mauvaise écriture :
358) Item. II letras pretocans a I pessa de bost, que fon de
P. Guilabert de las Matelas, e que fonc venduda a R 01m de
San Johan de Cogulhas per près de XLm libr. els senhors cos-
sols si reconogueron per lo dich près, Tan MCCCL IL
359) Item. Diversas autras cartas e letras de petit de va-
lor 1
360) Item. Majs privilegis anticz donatz per lo maistre maier
de Rodas de Torde de Sant-Iohan als homes de Monpeslier, e
son en una brostia.
361) Item. P letra, sagela del sagel del rey d'Aragon, que
Tajgua de la Lironda puesca venir a Monpeslier, m
362) Item. I transcrih dels privilegis autreiatz per lo rey
Loys.
363) Item. Letras del rey de Malhorgua tocans al pesatge
de Sant-Paul.
364) Item. I* carta com Termita que trobet e fondet
Tespital de Prezicadors donet a cossols lo patronat del
dig hospital. Et es senhada dessus d'aytal senhal
365) Item. Alcunas cartas de IV s d'usatge que cossols an
en 1 hostals de costa sant Fermi, en lasquals a aytal
senhal.
D
f
Son mudadas en la cayssa del senhal d'ellas {sic) Salamos.
Au bas de la page, en très-mauvaise écriture :
366). Item, P carta del poder dels set prohomes.
AJtCHIYBS DU CONSULAT f7
367) Item. Transcrich de privilegis donatz per lo rey d'A-
ragon als homes de Monpeslier que puescon anar e tornar
et estar en tota sa terra francamens, ses pagar leuda ni pe-
satge. o
368) Item. Carta contenens ordenansas fâchas per los cos-
sols e cofermadas per lo bayle e per lo jutge sobre los sa-
laris de sirvens, de notaris et escrivans, e carceliers de ia
cort. p
XXXIV
(F* 36, v°) Item. En la caycha que es senhada d'a-
quest senhal.
369) A une carta de requesta fâcha al senescalc de Bel
Cayre sobre Temposicio de II den. per lieura, empetrada per lo
rey de Malhorgas. Am letra de a
370) Item. Autra carta de requesta fâcha al senescalc per
aquel meteys fag. Am letra de b
371) Item. Carta de cosselh donat per alcuns doctors sobr'
el fag de la dicha emposicio. Am letra de c
372) Item. Carta de sentencia donada per lo luoctenen del
rey de Malhorgas contra los cossols que foron Tan de nostre
senhor M CCC XXXIX. Am letra de d
372 (bis) Item, Carta d'appellacio sobre la dicha sentencia.
Am letra de e
373) Item. Carta d'appellacion per aquel fag meteys. Am
letra de f
374) Item. Carta contenen com fon citatz lo procurador del
rey de Malhorgas sobre lo fag de la dicha appellacion. E de-
dins a I transcrig de carta contenens privilegis autreiatz per
lo rey d'Aragon, sobre la création de notaris e sobre senten-
cias. Am letra de g
375) Item. I* carta d' appellacion fâcha sobre aquo que lo
jutge maior volia qu'els homes de Monpeslier. (F° 37, r°)
juresson de tener las ordenansas fâchas sobrt las monedas.
Am letras de h
58 mALBCTfiS ANCIfiNS
A }a fin du voloine se trouve cetle aonotâtion du XYl'' siècle :
376) Item. I insturment grossat per clerc et seignat per
M' Pierre Guilhaumet, notari, en Fan mil. VC XXXIIII et lo
XXV de febvrier. Contenent la reintégration du greffier du con-
solat; lo trobares en rarmasi de B, al caisson B, n^ XXI.
INDEX TOPOGRAPHIQUE.
Androna DEL cossoLAT (L'). — Petite rue qui passait derrière le
Consulat (a. 131).
Banhs viBLHS (les). — Les Bains de la vieille ville (a. 132), situés
non loin du four de la Fusterie , où est aujourd'hui la rue des
Étuves .
Barris (Ios). — Les Remparts et, par extension, les faubourgs
compris entre les deux enceintes (a. 37, i36.)
Blangaria (la). — La Blanquerie, ancienne rue (g,. 133).
Camp de Clarmow . — Le champ de Clerraont, hors de la porte de
Lattes (a.|142). Il faisait partie du patrimoine de la ville et était pour
elle la source de grands revenus (a. 130).
Capela de l'espital de Nostra-Dona. — La chapelle de l'hôpital
Notre-Dame (a. 149).
Carcer de la gort. — Prison de la cour du bayle (a. 315, 368).
Carribyras. — Rues. jL'Inventaire en cite plusieurs: carrieyra
Nova, — BlancariOf — Costa Freia, — Fu$taria, — Pelmaria, — -
Sabalaria. Voir ces mots,
Carrieyra nova. — La rue Neuve, voie nouvelle ouverte pour dé-
gager les abords du vieux Consulat. Elle fut appelée plus tard Saha-
(aria, la Savaterie (a. 145).
GoMUNA Clauzura. — La Commune Clôture, l'enceinte fortifiée
(a. 11, 14.211).
ARGHIYSSS DU CONSULAT 59
GoRREiA (la). — Sentier qui conduisait au grau de Maguelone
(a. 199).
GossoLAT (lo). — Le Consulat. V. Ostal del CossolaL
Costa Freia. — Coste-Frége, ancienne rue (a. 134). Ainsi nom-
mée de sa position au nord,
Do(ïA(la). — La Douve (a. 2). Chaque partie avait un nom par-
ticulier, la dogua dels Pelissiers (a. 139), ia doga cosla lo portai del
Peyro (a. 21), etc.
BspiTAL DE NosTRA DoNA. — L'Hôpital de Notre-Dame (a. 149).
EsPiTAL DEL Prezigadors. — L'Hôpital des Frères prêcheurs
(a. 364).
Forças del gra de Maoalona. — Fourches patibulaires, placées
au grau de Maguelone (a. 217).
Fonde Latas. — La fontaine de Lattes, ainsi nommée de ce
qu'elle était voisine du portail de ce nom (a. 147).
FoRNS. — Anciens fours. — Notre ms. en cite plusieurs: forn de
la Fustaria (a. 132), de la Blancaria (a 133), de Costa Freia (a. 134),
de la Valfera (a. 135, 136), delà dogua dels Pelissiers (a. 138, 139).
Les plus anciens appartenaient à divers propriétaires, dits senhors
dels forns (a. 137, 138). Ce ne fut que très- tard que les consuls ob-
tinrent l'autorisation d'en bâtir six autres (a. 17, 136, 138); ceux
que je viens de citer en faisaient partie.
La rectorie avait trois fours (a. 56) .
FossATs (los). — Les Fossés de l'enceinte (a. 52).
Fratrbs menors. — Couvent des Frères mineurs (a. 450)
Fustaria. 1 — Rue des jFustiers ou (marchands de bois de char-
pente, située entre la porte de Lattes et les vieux bains (a. 132)»
Gra. — Grau. Lems. cite ceux de Magatona (a. 30, 60), de Mel-
guer (a. 19, 240), de Porquieyra, gra Novd (a. 28, 279), de la Cau-
quilhosa (a. 279).
Herbaria. — Herberie, marché aux herbes (art. 250, 351).
Latas. — Lattes, port de Montpellier (art. 16, 19, 20, 23).
LiRONDA. — Petite rivière dont on voulait amener Teau à Mont-
pellier pour le service des fontaines, projet qui n'a été réalisé qu'au
XVIIP siècle, avec d'autres eaux (a. 110, 112* 361).
Mazel de la Vila. — Abattoir (a. 39).
Magalona (avesquat de). — Évêché de Maguelone (a. 98, 265,
312). — L'évêque était suzerain de Montpellier (a. 121, 123, 128).
Mazjsl DBii AvESQUE. — Abattoir de la part de TEvèque (a. 56}^
Melgubr /'comtat de). — Comté de Melgueil (a. 175).
60 DIALECTES ANCIENS
MoNBDA. — La Monnaie (a. 167, 171}.
NosTRA DoNA D£ Taulas. — L'églisB Notre-Dame-des-Tables
(a. 93, 120,222,335).
NosTRA DoNA DEL Gastbl. — L*église Notre-Dame-du-Palais
(a. 173).
Obra (l*). — L*OEuvre, administration de la Commune Clôture.
Elle avait pour lieu de réunion une petite maison attenante au Con-
sulat (a. 140).
Orjaria. — Ij'Orgerie, marché aux grains (a. 184). Ancienne place,
au-devant du Palais de justice.
Ort d'en Conghas. — Le jardin du seigneur Couchas (a. 150).
OsTAL DEL CossoLAT. — Le Vieux Consulat (a. 145). Pour les con-
fronts, V. Androna del Cossolat, la Carrieyra Nova, Nostra Dona.
OsTAL DE l'Obra. — La maison de la Commune Clôture (a. 140).
OsTAL DE COSTA Sï-Fermi. — Maison, voisine de Téglise St-Fir-
min, appartenant au Consulat (a. 155, 365).
Palays(Io). Le palais des Guilhems, sur le même emplacement
où se trouve aujourd'hui le Palais de justice (a. 52, 112, 122).
Palhada. — Métairie comprise dans le territoire de la commune
(a. 59).
Parts (las doas). — Les deux parts:
1° La part del senhor (a. 55), del bayle (a. 18), de say (a. 170),
autrement dite Montpellier;
2® La part del avesque (a. 55), del rey de Franssa (a. 18), de te ftor-
zeria (id.), de la (a. 170, 218, 219), part antiqua (a. 257, 259, 241):
Montpelliéret.
Patrimonidel Cossolat (Lo). — Le patrimoine du Consulat (a. 130).
Il se composait de l'Hôtel de Ville (oslal del Cossolat) de la Poisson-
nerie (Peychonaria)^ du champ de Clermont (camp de Clarmont),
des six fours (forns), etc.
Pelharia (la). — Ancienne place (a. 184), où est le square de
la Mairie.
Pesatqb pubug(Io). — Le Poids public (a- 209).
Pesatsb de Sant Paul(Io). — Le Pesage de St-Paul, sur la
route de Lodéve (a . 363) .
Peyghonaria (la). — La Poissonnerie (a. 130, 152, 153).
PfiYRADA (la) DE Latas. — La chausséc de Lattes (a. 23).
Peyro (lo). — Promenade publique, champ de foire (a. 21).
Plans (los). — Places. L'Inventaire cite : lo plan de VHerbaria
(a. 251, 350), de la Pelharia (a. 184), de l'Orjana (sl . 184).
ARCHIVES DU CONSULAT 61
PoRTALS (los). — Portails. Ceux cités sont: lo portai dd Peyro
(a. 21), de Lotos (a. 142), d'Obiîho (a. 58).
Prezigadors. — Couvent des Frères prêcheurs (a. 364).
Prolha (Monestier de). — Monastère de femmes (a. 263).
Sabataria (la). — La Savaterie, ancienne rue (a. 15), était située
devant le Consulat.
Saoel (lo). — Le sceau (a. 315).
Sant JoHAN. — Maison des Chevaliers de St-Jean-de-Jérusalem,
au quartier dit encore Petit-St-Jean (a. 1, 360).
Sant Lazer . — Hôpital des lépreux (a . 268) .
Terrador (lo). — Le territoire de Montpellier (a. 50, 257).
Termenal. — Limite du territoire (a. 257).
Termes (los). — Les termes du territoire (a. 302).
ToRREs (las). — Les Tours. Le ms. cite: la torre del Palays
(a. 52, 100).
\ALPERA(la). — Quartier, rue de la ville (a. 135, 136).
Yalena (bosc de). — Bois de Valène, propriété communale (a.
320, 353 et 345).
GLOSSAIRE
Ad, prép. — à. (art. 8, 27). Ce d tombait devant une voyelle ;
de même pour la consonne finale de et, tant, quant, etc.
Ajenulhar, v. pr. subst. — L'agenouiller (art. 40).
Alegrar, V.— Délivrer (art. 166). — Rayn., allieurar ,aUiurar , etc.
Arbalestier, s. m. — Arbalétrier (art. 64).
AssAviAR, V. — Assiéger (a. 189).
AvisTAR, V. — Revoir (a. 29).
Aycht quant, loc. — De même que, ainsi que (a. 56).
Aytant gant, loc. — Autant que (a. 306 et 238).
Azordenacio, s. f. — Ordre (a. 258).
62 DIALECTES ANCIBN8
BasI^n, 8. m. — Empêchement (a. 18). — Wm, en français,
mettre un bâton dans les roues .
Batrb, V.— Battre monnaie (a. 167).
Barratob, 6. m. — Barre, marque en lorme de barre (a. 233).
BoRZERiA, s. f. — Bourgeoisie (a. 18). Raynouard, borxezia,
BuLLAT, ADA. adj. — Pourvu d'une bulle (a. 38).
Carrassa, s. f. •» Bois de navire (a. 310). Ducange : carraca,
navis oneraria.
Garta, s. f . — Charte (a. 1).
Gâygheta, s. f. — Cassette (a. 1). Plus bas : cay^seta^i^, 2).
— Le positif a aussi les deux formes : oayssa^à, l)«t caycha (&, 13).
Cayrel de fer, loc. -* Carreau de fer, arme de trait (a. 151).
Capitani, s. m. -^ Capitaine. Titre que portait le chef des mar-
chands de Montpellier et de Languedoc aux foires de Champagne
(a. 230).
Gapitanatqb, s. m. — Office de capitaine (a. 230).
Castelet, s. m. — Le Châfcelet de Paris (a. 245). Absol, petit
château.
Gargelier, s. m. — Geôlier (a. 368). Raynouard, carcerier.
Cauquilhosa, adj. f. — Abondante en coquilles (a. 279). Nom
d'une plage : lo gra de la Cauquilhosa Ailleurs : gra de prop
Melguer, prop la Quauquiha (a. 240).
Gaysson, s. m. — Caisson, petite cassette (a. 376).
Glbrigalmbns, adv. — Gléricalement (a. 270).
Coma, conj. — Comme (a. 121). Raynouard, corn.
GoMEs, s. m. — Le Commisus, de Ducange (a. 28).
Compte, s. m. — Comte (a. 7). Raynouard, coms Çii comte.
CoMPROMEs, s. m. — Compromis (a. 138).
Confermacion, s. f. — Confirmation (a. 3).
Congregar, v.— Assembler, réunir (a. 39).
CoNsiLi GENERAL, loc. — Coucilc général (a. 127).
Conglueyre, V. — Conclure (a. 165). Dans Raynouard, conclure,
conduire.
CoNDEMPNAT, S. f. —Condamné (a. 176).
CoNCENTiMEN, S. m. — Consentement (a. 183).
CoNsisTAR, V. — Consister, (a. 256).
CoNVENENs, s. m. — Convention (a. 212).
CoRREiA, s. f.~ Sentier qui raccourcit le chemin (a. 199). Aujour-
d'hui: coureia, corja.
ARCHIVES DU CONSllIiAT 63
Cors (penade), loc. — Contrainte par^orps (a. 237).
GossoL DE MAR, loc — Gonsul de mer (a. 23). Magistrat munici-
pal, élu annuellement, et qui était cliargé de tout ce qui concerne le
commerce, la navigation , le trafic, les ports, les graus, les douanes,
la bourse, les voies fluviales et autres, etc.
Griminal, adj. — Griœinel (a. 156).
GuRiAL, s. m. — Officier de la Cour (a. 344).
Deglarar, v. — Déclarer (a. 29).
Deputar, v. — Envoyer (a. 39).
Defpra, conj. — Dans, en (a* 165).
Degudamens, s. m. — Dûment (a. 201).
Delenquir, V. — Faillir (a. 208).
Delic, s. m. — Délit (a. 115).
Delinquens, s. m. — Délinquant (a. 182).
Drvisio, s. f. ^ — Division (a. 50).
Entorta, s. f. — Torche (a. 261). Dans le Petit Thalamus, tarta,
Enventari, s. m. —Inventaire (a. 202). Et auss, eventariÇa,. 111).
Dans Raynouard, inventari,
El, loc. — Lo senhor el Rey (a. llj. Hispanisme, tout comme
Texpression : lo mar(307) et per défendre ho (357)
En, conj. —^ Avec un nom de ville, que er4m estatz en Alewandria
(a. 37). Ailleurs, pcr anar ad Avinho(aL. 8).
Endig, s. m. — Indice (a. 183).
Enpuqir, v. -«- S'enfuir (a. 116).
Endictio, s.f —Indiction, indication (a. 183).
Enobediengia, s. f. ^^ Inobédience, désobéissance (a, 199).
Enaval, adv. — Eaviron(a. 254).
EsTiTUiR, V. — Instituer (a. 230).
EsGUT, s. m. — Ecu armoriai, écusson (at 230).
ExEQUTio, s. f. — Exécution (a. 316.).
Exequtoria, s.f. — Exécutoire (a. 232).
Fazedob, adj. m. — A faire <a. 42).
Fes, s. m. — Fait (a. 92 ). La forme, faguet, du verbe far, est
aussi/î?5(a. 67).
Fi, s. f. — Titre de fin (a. 280) .
FizELTAT, s. f.— Fidélité (a. 40), quelquefois fizeutal (a. 219).
FossA, s. f. — Fosse, grand canal creusé de main d'homme
(a. 24).
Franssa, loc. — On n'entendait guère par ce nom que Tlle-de-
France (a. 224).
64 DIALECTES ANCIENS
FusTA, S. f. —Bois de charpente (a. 30).
FusTARU, s. f. — Rue, métier des marchands de bois (a. 132).
Garda de moneda, loc. — Garde des monnaies (a. 234).
Gra, s. f.— Grau (a. 19, 30, 60, 240, 244, 279) . Ducange, gradus.
Au pluriel, grazes.
Gragios, adj. — De pure courtoisie (a . 181).
Habitan, s. m. — Habitant (a. 18).
Hbrbaria, s. f. — Herberie, marché aux herbes (a. 351).
Ighir, V. —Sortir (a. 56). Dans Raynouard, issir,
Jassia aysso, loc. — Quoique (a. 122).
JuRiSTA, s. m.—- Juriste, savant en droit (a. 289).
JuTGE MAJOR, loc . — Le juge mage, le principal juge (a. 375).
Laus, s. m. — Sorte de navire (a. 192).
Lauzar, V. — Approuver (a. 61).
Lauzismb, s. m. — Lot (a. 297). Dans Raynouard, lauzimi.
Legatari, s. m. — Légataire (a. 32).
Ley, s. m. — Aloi, titre de la monnaie (a. 175).
LoGuiER, s. m. — Loyer (a. 292).
Massapan, s. m. — Massepain, boîte (a. 293).
Maistre maibr, loc. — Grand maître (a. 360).
Mar (lo), loc. — La mer (a. 307). Hispanisme. Aujourd'hui on
ne dit plus que la mar.
Mays que, loc. — Pourvu que (a. 136).
Mealha, s.f. — Imposition d'une maille (a. 354). Raynouard,
malha.
Mossen, s. m. — Monseigneur (a. 11 et 9). V. mosen (a. 29).
MoLiEG, s. m. — Ce qu'il faut moudre (a. 253).
Monedatge, s. m. — Monnayage (a. 171).
MoNTELH, s. m. — Monticule (a. 200).
MosAYGA, adj . — Mosaïque (a. 42).
MoTA, adv. — Beaucoup (a. 374),
MuNiGio, s.f. — Lieu fortifié, muni (a. 20). Ducange, municio.
Nauprag, s. m. — Droit d'épaves (a. 58).
Natz, s. m. — Natif, né (a. 38).
NoNEN, adj . — Neuvième (a. 97) . Raynouard, non,
NoNOBSTAN, adv. — Nonobstant (a. 203).
0, PART. — A. Au? (a. 39 et 183)
Obrier, S. m. — Titre des magistrats chargés de l'administration
de l'œuvre, obra, de la Commune Clôture (a. 11).
ARCHIVES DU CONSULAT 65
Obrbvetz, adj . — Abrégés ? (a . 231 ) .
Offigial, s. m. — Officier (a. 182).
Offician, s. m. — Officiant (a. 182).
Ont si, loc. — Où (a. 110).
Original, adj. m. s. — Original (a. 29).
Original, s. m. — Titre original, (a. 29).
Orjaria, s. f. — Orgerie, marché aux grains (a. 184).
Palhada, s. f. — Aire où Ton dépose la paille. La Palhada, nom
d'un domaine de la banlieue de Montpellier (a. 59) .
Payro, s. m. — Patron, ancêtre. On nommait également ainsi
les parents qui devaient veiller sur un mineur (a. 95).
Pel, s. m. — Peau, parchemin (a. 59).
Pelharia, s. f. — Marché, rue, métier des chiffonniers (a. 184).
Raynouard donne à pelharia le sens du mot pelissaria,
Penungbl, s. m. — Panonceau (a. 299).
Pesatgb, s. m. — Péage, droit de péage (a. 209). Le droit de
pesatge se prélevait sur un certain poids ; le droit de copa, sur une
certaine mesure ; le droit de iolta^ sur un certain nombre .
Pesatgier, s. m. — Celui qui lève lepesalge (a. 209).
Pbyrada. s. f- — Jetée, chaussée (a. 23). Notre manuscrit cite
la peyrada de Latas; on peut y joindre la peyrada de Cella, la pey^
roda de Meza, etc .
Pbyro (lo), loc. — Colline, servantde promenade, de foire (a. 21).
Au Peyro de Montpellier il faut joindre ceux de Clermont-PHé-
rault, de Toulouse, de Montauban, etc.
PoRTAMEN. s. m. — Action déporter (a. 224). Dans Raynouard,
portamen, habitude. Ces deux acceptions sont encore en usage.
PoRTULA, s. m. — Droit qu'on payait en entrant dans un port
(a. 297). Ducange, porlulanus, porlulalicum .
PoRQUiEYRA, S. f. — Porcheric (a. 279).
Preceden, p. prés. — Précédant (a. 94).
Prest fors AT, loc. — Prêt forcé (a. 44)
E^rejudicial, adj. — Préjudiciel (a. 49}.
Prejudigiar, V. — Préjuger, juger à l'avance (a. 138).
Prbjudiquar, V. —Porter préjudice (a. 101). Dans Raynouard,
pr^udiciar,
Prelatio, s. f. — Droit féodal de prélation (a. 207 j.
Pretogan, s. f. — Touchant, concernant (a. 348).
Pretogar, V. — Concerner (a. 348). De même tocar.
06 DIALECTES ANCIENS
Pbogbs, s. m. — Action judiciaire. Procès (a. 199).
Procura, s. f. ^ — Procuration (a. 303).
Proprament, adv. — Personnellement (a. 207).
Quarante, s. m. — Impôt (a. 205).
QuESTio. s. f. — Question, objet du débat, du litige (a. 136).
QurrATiON, s. f. — Acquit (a. 127).
QuiTANSA, s. f. — Quittance (a. 92).
Quo. — Gomment, pour t7o, corn. (a. 49).
Receuprb. V. — Recevoir (a. 293).
Réintégration, s. f. — Réintégration (a. 376).
Res, s. f. — Rangée, série de documents (a. 343).
RiALME, s. m. — Royaume (a. 248).
RuDELA, s. f. — Canal creusé de main d'homme (a. 24).
Sagel, s. m. — Sceau, et aussi poinçon, coin (a, 30).
Sagelat, pp. — Scellé fa. 9).
Saquet, s. m. — Petit sac (a. 141). Raynouard traduit peir sachet,
ce qui n'est pas exact dans tous les cas .
Salvatarîa, s. f. — Exemption de droit accordée par fayeur
(a. 247). Les exemples cités par Ducange (V. Salvalaria) appar-
tiennent également à notre diocèse. Salvamentum, salvisiOy salva-
iio, salvalgCf romanismes, ont aussi parfois le même sens.
Senher, s. m. — Superlatif de senhor (a. 123). Ce dernier était
prodigué et avait un grand nombre d'acceptions: Seigneur, en
général ou collectivement, propriétaire, maître de la chose, etc.
Senhada, s. f. — Signe, marque (a. 63).
Semblans, adj. — Semblable (a. 91).
Soutz, s. m. — Sou (a. 101). Raynouard, sol.
Tenh, s. m. — Teinture (a. 333).
Terhenal, s. m. — Le terrain servant de limite (a. 257). Dajis
Raynouard, termenal, adj., qui concerne les termes,
Testamoni, s. m. — Témoignage (a. 65).
ToGAR, V. — Toucher, concerner (a. 363).
Translat, s. m. — Traduction de charte (a. 66).
Transgrig, s. m. — Seconde expédition d'une charte (a. 43).
Trames, s. m. — Envoyé (a. 53, 127).
TrabelhanAj s. f . — Sorte de marque monétaire (a. 278).
Traugador, s. m. — Celui qui troue (a. 284).
Traugadors de moneda,' s. m. — Troueurs de monnaie (a. 284),
gens qui volaient on enlevant une petite partie du métal des mon-
naies.
ARCHIVES DU CONSULAT 67
Traus, s. m. — Train de bois (a. 310). Dans Raynouard, trans,
poutre.
Valbnsa (far), loc. — Faire acte de défense d'une ville en lançant
une certaine quantité de projectiles (a. 15).
Vegada (en), loc. — En lieu et place (a. 53 bis).
Ves, s.f. —Fois (a. 151).
VicTUAL, adj. des deux g. — Comestible (a. 347).
VroiMUs, s. m. — Visa apposé sur une charte (a. 4).
ViBLA, s. f. — Ville (a. 94).
ViQOR (per), loc. — En vertu (a. 312).
Les variantes orthographiques sont nombreuses . Ainsi Ton trouve
avec quatre formes : confermacion (a. 3), coffèrmacion (a. 6), cofer-
macio (a. 14) et confermacio (a. 162); avec trois : prevelegi (a. 1), pre-
vUegi (a. 10) et privilegi (a. 259). — Les autres sont: apposicion (a.
320) titapposilio (a. 299), borzezia (a. 18) eiborzeriaÇid,)^ bosc (a. 320)
et bost (a. 358), co (a. 16) et quo (id.), œm (a. 219) et quom (a. 218),
dies (a. 165) et dias (a. 166), especialmens (18) et specialmens (id),
facedoyra (a. 300) et fazedoyra (a. 330), gleya (a. 9) etglieya (a. 91),
liura (a. 234) et lieura (a. 235), meteusÇs.. 330) et meteys (a. 370),
monissio (a. 156) et monition (a. 94), mossen (a. 46) et mosen (id), .
prejudici{aL. 21) etprejudicia (a. 8), sene5calciaetsenescalquia{SL. 208),
senes (a. 181, et ses (a. 317).
68 DIALBCTS8 ÀNGIBSNS
EXPLICATION DU SURNOM DE BORRAGIO
donné à Arnaud, comte d'AngouIême
Parmi les anciens comtes d'Angoulême, les chroniques citent
Arnaud, fils de Bernard. Cet Arnaud , second successeur de
Guillaume Taillefer, fut surnommé Borracio, « Arnaldus cogno-
mento BorraciOj pro eo quia cum veste ipse lupum diabolicum ho-
mmes devorantem appetiit^ et manibus gestans, militibus occiden-
dum prœbuit, » (Bibl. Nationale, ms. 10,010, f* 21, r°.)
D'où vient ce surnom? Du vêtement que le comte portait, et
dont il se servit pour prendre le loup, ou du nom de Tanimal
lui-même ?
Ducange, qui cite ce passage, n'hésite pas : il suppose que
l'étoffe de ce vêtement était de bourre lanice, laine de rebut,
b. lat. borra, et croit que cette particularité fut l'occasion du
surnom donné au comte Arnaud. Selon lui, borracio fborracium,
cii) serait donc à l'ablatif ainsi que cognomento.
On peut faire plusieurs objections :
1" Borracio n'est pas à l'ablatif, attendu que, dans cette ex-
pression et dans les analogues, où le verbe n'est ni exprimé,
ni sous-entendu, le cognominatif s'accorde toujours avec le
nom de la personne : Puer quidam, nomine Marcellus, et non
Marcello; Scipio cognomine Africanus, et non Africano, etc.
2° A supposer même que cette étoffe fût celle qu'on appelait
borra, une forme aussi courte n'aurait pas pu produire direc-
tement borracio, ionis, qui suppose une forme antérieure plus
longue, comme borrax, acis; Cf. vorax, voratio,
Borra n'aurait pu produire d'abord que borrellusou borrarius,
comme son équivalent phonétique actuel bourre a formé bour-
StrRMOM DB BORRACIO 69
>
nef; nom doâné dans certameB Tilles, et notamment à AjU'-
goulême, aux personnes charg-ées de ramasser les immoÀdi^éee
et les balayures des i*ues; — xm encore borreits, ea, eum (cf.
eem: <ûerem, ^^vge)^ qui, passant en français, aurait produit
à soti t&mt baurge ou bnrye, ^'on retrouve dass bour§ermi ^
dans bùurgétewr, &mvwt en laine ( terme usité à Lille) ; -*~ ou
^nân borraHvM, mot de seconde formation, d'où le français
bourrasy v. fr. bdrraSy étoffe grossière (v. Littré, Dict, ).
^ Pourquoi rattacher bmracioy en français Bourrmson (nom
de famille en Angoumois et dans le Périgord ), à borra ou même
à ^rra^m? Est-il bien vrai que le vêtement du comte fût de
Fétofé ainsi désignée? Le narrateur n'en dit rien, et cependant
ilsembl-e qiïll eût dû mentionner expressément ce détail, s'il
avait cru que le surnom du comte avait cette origine.
On conçoit très-^ bien que le comte d'Angoulême ait pu être
surnommé Bôurrasson^ parce qu'il portait un vêtement très-
grossier, comme était le bowrreLSy si peu en rapport avec sa
fortune et sa haute position ; mais on ne conçoit pas qu'on ait
attendu, pour lui donner ce surnom, qu'il eût pris un loup vi-
vant avec un vêtement de ce genre. Evidemment ce qui frappe
dans cette annecdote, ce n'est pas qu'Arnaud portât un vête-
ment grossier, c'est qu'il ait eu assez de force et d'audace pour
prendre vivant, à lui seul, un animal qui avait déjà dévoré
d'autres hommes.
En dé^ telles circonstances, c'est le nom du vaincu qui sert
à former le surnom du vainqueui* : c'est ainsi qu'Apollon fut
appelé Pythien, parce qu'il avait tué le serpent Python ; que
les Romains donnaient à leurs triomphateurs les surnoms
d'Africain, de Numidique ; et, pour choisir des exemples moins
ambitieux et plus rapprochés de nous, c'est ainsi que Jules
Gérard a été surnommé le Tueur de lions.
C'est donc le nom du loup qui seul a pu donner naissance
au surnom du comte d'Angoulême.
D'un autre côté, le bas latin et le vieux français ne présen-
tent ni nom ni surnom du loup qui, de près ou de loin, puissent
se rapporter à borracio; et le patois actuel de l' Angoumois et
5
70 DIALB0TB8 ANCIENS
de la Saintonge n'est ici d'aucun secours, car le loup s'y ap-
pelle à peu près comme en français, le loue.
J'en étais là de mes recherches, assez découragé, je l'avoue,
de voir qu'elles aboutissaient à une impasse, quand le hasard
d'une conversation vint me donner tout à coup, comme elle la
donnera à ceux qui me liront, la clef du problème. Il s'agissait
précisément du loup et de la manière dont il est accueilli par
les paysans angoumois ou saintongeais, quand il attaque leur
bétail. (( En général, me disait la personne avec qui je m'en-
tretenais, ce sont les femmes ou les ûUes qui gardent les mou-
tons en âlant leur quenouille? Quand par hasard le loup pa-
raît et qu'elles l'aperçoivent, elles lui jettent tout ce qu'elles
ont sous la main, des pierres, un bâton, leur coiffe même, la
haute et lourde coiffe saintongeaise : elles croient l'épouvan-
ter en laissant flotter leurs cheveux sur leurs épaules ; et, en
même temps, elles poussent l'exclamation traditionnelle : Au
bourrais ! ou : Au bourras ! [Bourrais est plus usité ), c'est-à-
dire : Au loup/ ))
Comme on le voit maintenant, l'explication se présente
d'elle-même : le comte d'Angoulême fut surnommé Bourr assort,
parce qu'il avait pris un bourras (un loup), seul et avec son
manteau pour toute arme, ou peut-être même, ce qui permet-
trait de rester d'accord avec Ducange, pour avoir pris un
bourras (un loup) avec son bourras (manteau d'étoffe gros-
sière) : jeu de mots trop facile à faire et trop en situation pour
avoir échappé aux plaisants d'alors, 'i.
Le loup portait donc aux ix® etx® siècles, dans l' Angoumois
et en Saintonge, le même nom qu'aujourd'hui, avec cette dif-
férence que bourrais ou bourras devait être alors le nom ha-
bituel du loup, tandis qu'il est devenu aujourd'hui un mot pro-
bablement sans signification pour le paysan même qui s'en
sert, et ne s'en sert que par tradition et dans une circonstance
déterminée.
Encore une épave du vieux langage qu'on n'aurait peut-être
jamais remarquée ni recueillie sans les indications de la chro-
nique angoumoisine. En effet, aucun des glossaires de l'Ouest,
âBNS DU MOT DiaER 71
poitevins, saintongeais ou berrichons, ne mentionne cette
forme et l'emploi particulier qui en est fait.
M. Jônain {Dict, du patois saintongeais, 1869) ne donne, en
fait de termes qui s'en rapprochent, que bourrasser^ « mal fa-
goter quelqu'un ou quelque chose ; laisser en désordre, comme
un tas de bourrées. » On me dit aussi que bourrasser est sy-
nonyme de emmailloter^: Bourrasser son quenâye, c'est-à-dire
Emmailloter son marmot. — M. Beauchet-Filleau {Essai sur le
patois poitevin, 1864) ne donne que bourrail, « balayures, sa-
letés. » M. L. Favre {Glossaire du Poitou, de la Saintonge et de
l'Aunis, 1868) n'indique rien de plus que les deux premiers.
M. le comte Jaubert cite bourras, « gros nuages noirs qui tra-
versent l'espace avec rapidité. »
Bourras ou bourrais^ employé comme synonyme de loup,
est-il particulier à la Saintonge et à l'Angoumois ? Je l'ignore.
C'est à ceux qui liront cet article, et qui s'intéressent à ce
genre de recherches, de voir si cette particularité se retrouve
dans le parler populaire de la province qu'ils habitent.
QUEL EST LE SENS DU MOT DIGER
EMPLOYÉ PAR LES PRATICIENS DE l'ÉPOQUE MÉROVINGIENNE?
Ce mot n'a pas encore été expliqué. Ducange le cite, mais
sans trop le comprendre.
DiGBR. Lex Salica, tit. ^\: Ut pro medietate quantum de composi-
tione Diger est, aut quantum Lex judicat, illi très solimnt. Codex
Regius, uti monet Bignonius, pro Diger est, habet dederU, forte,
inquit, pro dedisset. Sed videtur legendum Digens est, pro indigens:
72 DIALECTES ANCXBNS
agitur eoioit eo capite, de homicida qui non habet unde Udam leii0m
implere valeat. Quod enim et deest de muleta aut compositiono. a
parerUibus persolvitur.
i^r Diger vel Deger vox germanica apud Saxones restât , pro
sufficienter, quantum satis est, usitata. Locutio itaque illa : Quantum
pro compositione Deger est idem significat ac Quantum pro composi-
tione sufficiens est. Ita censet Eccardus, apud quem videre potes
varias hujus vocis in diversis Mss. iectiones. Vox IHger rursùs
occurrit in loco non minus intricato, apud Mabill. de Re Diplom.,
lib.6, ChartaXI, in Placito videlicet Theoderici Régis, ann. 680,
ubi sic légère est : De anno Iriginta et uno semper tenuisHnt et posse-
dissint^ nec eis Diger nunquam fuisset, nec alius eoeinde non redibirit,
nisi edoneo sacramento. An hic conveniat Eccardi interpretatio vi-
deat lector oculatus.
Voici maintenant la note d'Eckhard :
(Quantum pro compositione deberet). Ed. Lind. et Pith. hic scri-
bunt diger est, Ms. unum Guelferb. o s tendit ; diriger est, sed ita,
ut média syllaba ri ab eadem manu, qua primitus scripta est, de-
leta et solum modo diger est relictum sit.
Alterum Ms. ponit : Quantum de compositionem degere. Puto au-
tem et hic, et in Heroldino exemplari pro deberet legendum esse :
deger est. Vox deger germanica est, et apud Saxones restât, pro suffi-
cienter , quantum satis est usitala. Synonymum ejus est dosent, a
taugeuy sax. doegen, valere, praestare, derivatum, a quo et deger des-
cendit.
Locutio itaque illa: Quantum pro compositione deger est, idem
significat ac quantum pro compositione sufficiens est.
Cette explication d'Eckhard est peu concluante. Il s'est trop
pressé de recourir au dialecte saxon pour rendre compte d'un
mot qu'il aurait dû d'abord supposer d'origine latine, puis-
qu'il le rencontrait dans un texte latin. De plus, il ne s'est pas
préoccupé de savoir si ce même mot ne se trouvait pas dans
d'autres passages, et si le sens qu'il adoptait leur convenait
aussi bien qu'à celui qu'il avait sous les jeux.
Ce n'est donc pas sans raison que Ducange s'est borné à
citer son opinion, en évitant de s'y rallier expressément. Il
sentait bien qu'il y avait lieu à des recherches nouvelles et
plus complètes.
SBNS DU MOT DIGER 73
La question ne serait pas facile à résoudTt», si tout se bor-
nait à un aussi mince bagage d'informations, et il faudrait que
le lectùr oculatus, invoqué à la fift de rartici^ô précédemment
cité, eût plus que de bons yeux pour retrouver le sens de ce
mot. Heureusement il existe des exemples analogues qui ont
échappé à Ducange et à ses continuateurs, et qui^ rapprochés
des premiers, peuvent mettre sur la voie.
Nous remarquerons tout d'abord que les deux formes diger
et degeTy appartenant à des textes extrêmement mal orthogra-
phiés, peuvent être regardées comme corrompues et comme
représentant, non pas un mot emprunté à un dialecte germa-
nique, mais un mot latin, plus ou moins mal compris et écrit
d'après la prononciation.
En appliquant ce principe, l'influence de la prononciation
sur Porthographe, au cas particulier qui nous occupe, on ar-
rive à constater que, pour les scribes mérovingiens, les syl-
labes finales inaccentuées, où figure la lettre r, étaient toutes
identiques.
C'est ainsi que, dans les textes écrits par eux, la terminaison
er est parfois substituée aux finales ère, ur, ri, et même à la
finale ria, riœ. Exemples :
Er pour ur : Sed, dum ac causa taliter acta.... fuissit de-
nusceter (dignoscitt/r) *. Ap. Letronne, DipL et chartœ merov.,
an. 710, p. 66.
Er pour ri: Comispalati noster (nostn). ibid, an. 709, p. 63.
Er p. ria, nV^.'Tam de 'Niuster ÇSeusiviB.) quam de Bur-
gundia {ibid, an. 677, p. 27). — Rex partîbus Auster (Austriae)
{ibid, an. 695, p. 48).
Er p. ère : Per triduum aut fer (fere) amplius (ibid, an. 693,
p. 44). — Er rimant avec ère :
Nos vos laudantes pueros
Semper juvate precibus.
* Ce qui prouve bien que, dans denuseeteTf la finale êr est pour Mr. c'est
qu'on lit, p. 44 du même recueil : Quod ac causa taliter acta fuissit
denuscUur.
-4 DIALBCTBS ANCIENS
Vobiscum uU jugiter
Possimus l89ti psaUere * .
Harimanni, de natali Innocentium, ap. Migne, t. LXXXVII,
col. 32.
La possibilité de cette substitution est du reste suffisamment
démontrée par les formes françaises entre, tendre, etc., où er
anal des mots latins inter, tener, est remplacé par re.
Diger peut donc correspondre à digur, digri, digria ou
digrtœ, et à digère. On ne trouve d'exemple que de la der-
nière forme. Digère, en effet, figure deux fois dans les Formules
angevines. Mais ce mot n*est pas plus latin que diger; la seule
forme vraiment latine qui s'en rapproche est dicere.
La substitution réciproque de digère et de dicere est tout à
fait conforme aux règles de la phonétique. Il n'est donc guère
douteux qu'il faille rattacher diger à digère, et digère à dicere.
Et ce qui rend encore plus plausible l'identification de ces
trois formes, c'est qu'on trouve une fois dicere employé très-
certainement pour digère {Form. angevines, XXIV), avec le
sens particulier qui paraît s'attacher à ce mot dans les locu-
tions spéciales et quasi-techniques dont il fait partie.
Ce sens est, je crois, le même qu'avait le mot dire dans les
anciennes locutions françaises avoir à dire, être à dire, locu-
tions conservées dans les provinces de l'Ouest, et qui équiva-
' A en juger par cette strophe seule, on pourrait croire que Tauteur ne
cherchait pas réellement la rime ; mais, outre que l'o avait, dans les mau-
vais textes bas'latins, un son analogue à celui de Yu, comme le prouve la
confusion si fréquente alors de ces deux lettres, les strophes qui précè-
dent riment toutes régulièrement. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire
les deux premières :
Cum natus esset Dominus,
Turbatur rex incredulus.
Magi tulerunt munera,
Quos Stella duxit praevia.
Herodes rex interrogat,
Quô Ghristus nasoi debeat,
Locumque dici flagitat,
Ut hune necare valeat , etc.
SENS DU MOT DIGBR 75
lent au latin déesse, et au français manquer, être en moins.
(Voy. Burguy, II, p. 147, et Littré, Dictionn., au mot Dire.)
On se demandera, sans doute, comment (ficer^ et dire ont pu
arriver à cette signijâcation, en apparence si éloignée de leur
signification première. Il faut, pour comprendre cette évolu-
tion, se rappeler que, entre autres significations, dicere avait
celle de plaider. De Fidée de plaider à celle de réclamer, il n'y
a qu'un pas. Or pourquoi plaide-t-on, pourquoi réclame-t-on ,
si ce n'est pour rentrer en possession d'un droit, d'un bien,
d'un objet qui nous a été enlevé, que nous n'avons plus, qui
nous manque, que nous trouvons à dire?
Ceci n'est qu'une conjecture ; mais il est facile de la contrô-
ler et de voir ce qu'elle vaut, en appliquant successivement le
sens que j'indique aux passages où se trouvent les différentes
formes que je suppose dérivées de dicere.
Ces passages sont au nombre de cinq, y compris les deux
qui ont été déjà cités. Je les reproduis in extenso, parce que
la recherche du sens, appuyée sur l'ensemble du contexte, de-
viendra plus sûre et plus facile.
Premier passage, — « Ut pro medietate quantum de compositione
diger est, aut quantum lex judicat, illi très solvant. »
{Lex salica, tit. 61.)
Je traduis ainsi : a Afin que les trois payent la moitié de ce
qui manque (littéralement : de ce qui est à dire) pour la com-
position, ou de ce que la loi exige. »
Deuxième passage, — « [Ut jurarent] quod antedicta terra de
annos triginta et uno semper tenuissint et possedissint, nec eis
diger numquam fuissit, nec aliut (alius est une mauvaise lecture)
exindenonredibirit, nisi edoneo|sacramento.» (Letronne, p. 28 et 29,
anno 680.)
Pour bien faire comprendre ce passage, il est nécessaire de
4
résumer la première partie de la charte d'où il est extrait.
Une femme, nommée Acchildis, se plaignait qu'Amalgarius
détenait une propriété qui devait lui revenir du chef de sa mère.
Amalgarius répondit que cette terre avait été pendant trente
et un ans en la possession tant de lui que de son père, « qui
76 mM^tym^ AMciw«.
ipse Amalgai'ius taliter dédit iD,rôspm)isis, eo quod ipsA tei^rav
de auQOS triginta et u^o, in ter ipso Anialgario vel g^n^tçre aw
Gaeltramno quandaia« semper teniieraut et poasi4^Papt. » Sur
quoi on lui dit de revenir avec six téJOïoina, et de jurei? d|eyj)b|M;
eux : « quod anteUcta, terra., ^,. inter ipso Amalgario migenetf^e
suo^ Gaeltramnq^ de annufi triginta et u41q semper tenmssmt et pcfir
sedissint, nfic eis diger numquam fuisait, nec aliut exinde n^ re^
dibirit, nisi edonio &acram€ntù, vir^ii. Que \m Amalgariiiji^s içt 9Qa
père avaient tenu et possédé ladite tepre depuis trente et un ans,
et cela &ans interruption ( littéralement, qu'elle ne leuv avait
jamais été à dire)y et qu'il n'était assujetti qu'à la redeva^oe
di^ serment. » Ici on pourrait, il est vrai, traduire diger fuissit
par (n qu'ils n'avaient jamais eu de débats à soutenir »; mais
il serait absolument impossible d'jajustei: l'e^pliQatioQ d'ËK^
khard.
Troisième, quatrième et dnquièms passages. — ^ Repotabat quasi...
par meum ingenium ipso jumento digère hahuisset. (F(»^ifi. angev.,
XXllI).
» Interpellabant aliquo homine. . . . qu^si anim^li^ pei( Q^^^pl^er-
nata heos dicere habuissii,
» Et ipsi illi taliter locutus fuit quod..<.. per sua menata ipsa ani-
malia digère numquam habuissii.» ( Ibid, XXIV.)
Je traduis ces passages toujours d'après le i^ême priiiQip^ :
(( Il pensait que.... par mon engin il avait eu sa jument à dire,
— Ils accusaient un homme de ce que, par ses miOnées, il leur
manquait ces animaux {littéralement de ce qu'il j avait à dire
à eux ces animaux). — Et lui, il disait qu'il n'était pour rien
dans la disparition de ces animaux {littéralement, qu'il n'y avait
pas eu à dire par ses menées ces animaux).))
Ainsi toutes ces locutions peuvent s'expliquer sûrement en
donnant à diger, digère, dicere, le même sens qu'à dire dans les
locutions française déjà citées, tandis que le sens proposé par
Eckhard n'est admissible qu'une seule fois.
Enfin il n'est pas inutile d'observer que le latin classique
lui-même donne des exemples d'un infinitif actif eipiployé pour
le participe d'obligation en dus, da, dum :
J
SENS DU MOT DIGBR "H
« Les poètes fie hc^^vodI anasi é»D& ce cas de Finônitif pré-
sent actif; p. exemple: uTrùtitiam et metus tradam protei^is in
mare Creticum porfare ventis. J'abandonnerai la tristesse et les
craintes aux vents tumultueux, pour les emporter (à emporter)
dans la mer de Crète.» (Hor., Ode 1, 26, 1).
(Grainm, Aoé. du D* Madvig, trad. par M. Theil, p. 456.)
Cette locution, être à dire, avoir à dire, synonyme de man-
quer, être en moins, et qui, de plusi, indique une nuance de regret,
ce qui le rapproche du latin desiderare, semble tomber en dé-
suétude ; car, depuis Saint-Simon, qui s'en est servi dans ses
Mémoires, on n*en trouve guère trace dans la langue écrite.
Vraiment, ce serait dommage : une locution qui date de la pre-
mière race ! Hâtons-nous d'ajouter, ce qui est d'un bon augure,
qu'houe n'a pas entièrement disparu. Elle subsiste encore, tou-
jours vivace, dans le parler des provinces de l'Ouest, où la
classe lettrée l'emploie presque aussi souvent que les gens du
peuple.
Pour ma part, il me semble que si, faute du laissez -passer
académique, j'étais obligé de ne pas m'en servir, je la trou-
verais. ... à dire,
A. BOUCHERIB.
DIALECTES MODERNES
LE DIALECTE ROUERGAT
I
Pour avoir le vrai patois du Rouergue, il ne faut pas le
chercher près des frontières, mais au centre de la province.
Le département de l'Aveyron ayant pour ceinture sept autres
départements, la langue populaire de ces derniers se trouve
mêlée à la nôtre, et nous avons des sons et des mots de nos
voisins. C'est ainsi que le patois de l'Hérault et du Gard se re-
trouve un peu dans le canton de Nant, où Ton dit uno fes pour
un couop, une fois; la man, lou pan, p. lo mo, lou po ou lou
pa, la main, le pain ; châsco, chuscûn, au lieu de câdo, cadûn,
chaque, chacun.
En parcourant toutes nos frontières, on trouverait ainsi des
mots ou des sons communs aux populations limitrophes. Ces
remarques faites, venons-en aux traits caractéristiques du pa-
tois rouergat.
Il diffère du provençal en ce qu'il a la plupart des noms sub-
tantifs et adjectifs terminés par des consonnes sonores, et en
ce qu'il forme le pluriel par $ ou par es : un debâs espetât, un
bas crevé, de debâsses espetâts ; un nos croucut, un nez crochu,
de nasses croucûts ; un gai crestobés, un coq qui a la crête dou-
ble, de gais Crestobésses,
n diffère, en général, des patois méridionaux:
1° Par l'emploi fréquent de Yo au lieu de l'a et même de
Ve final : compôno p. campâno, cloche ; copèlo p. capèlo , cha-
pelle ; copelô p. capelâ, capelân, prêtre ; costognà p. castagnâ,
ramasser les châtaignes; oimoriôn ^, aimariân, nous aime-
rions; mestiô p. mestiè^ métier; peiriô p. peiriè, maçon ; bilo-
nia p. biloniè, ordure ;
DIALBGTB ROUER0AT 79
Cependant, depuis quelques années, la terminaison o dans
les finales en io, étant regardée comme grossière, fait place à
Ye sous rinfiuence de l'instruction primaire ;
2® Par remploi jde la diphthongue oi au lieu de ai, toutes
les fois qu'elle perd Taccent tonique : oimâ p. aima, aimer ;
tandis qu'on dit aime, j'aime ; moirino p. mairino, marraine ;
tandis qu'on dit maire, mère. Cependant, au nord du départe-
ment, en delà du Lot, on dit eimâ, meirino ;
3^ Parla diphthongue ou au lieu de at/^ toutes les fois qu'elle
perd l'accent tonique : oucèl p. aucèl, oiseau ; oust p. ami, en-
tendre ; oubrôu p. aubrôu, arbrisseau ; tandis qu'on dit âouse,
j'entends ; oubre, arbre.
4° Par la diphthongue ouo mise p. o, surtout quand cet o
porte l'accent tonique : houôme p. home, homme ; tandis qu'on
dit, dans le cas du déplacement de l'accent, houmenas, gros
homme; potiôrto]^, porto, porte;doM(^nep. dôune, dône,}e donne;
5® Par la diphthongue oculaire ou mise p. o dans les mono-
syllabes : mout^. mot, mot ; froun p. fron, front ;poun p. pon,
pont. Cependant on dit couol p. col, fouol^. fol, fou, etc.
Il diflfère spécialement du languedocien parles terminaisons
sonores el, al, ol, au lieu de eu, au : Poscâl p. Pascâu, Pas-
cal; roinàl^, reinâu, renard; gai, p. gau, coq; mali^. mau,
mal ; pel p. peu, peau et cheveu ; fiol p. fiau, fil, etc.
Il est à noter que Pejrot, prieur de Pradinas, dans ses Géor-
giques patoises ou Saisons, a toujours supprimé la diphthongue
ou devant o, afin de donner plus de distinction à son style ; du
reste, à l'est, au sud et au nord du département, on prononce
ainsi, et l'on dit: porto-mé de bôso, au lieu de pouorto-mé de
bouôsoj apporte-moi de la paille à empailler les chaises.
II
La littérature romane a eu ses représentants dans notre
Rouergue. On compte parmi eux, au XIP siècle et au com-
mencement du XIIP, Bertrand de Paris ; Azemar lo Nier
M DIàUBCTES M0BE!RN1S8
on le Noir, d*Atibin ; Raymond V, comte de Rodez ; Ray-
mond Jonrdain, yicomte de Saint-Antonin, que Ton croit être
le même que Raymond Jordan de Cofolen, qui mourut en
1220; Hugues Brunet, natif de Rodez, et Deusdet de Prades
de Lerezou, chanoine de Maguelone, morts tous deux en
1223. Une partie des poésies de ces deux derniers a été pu-
bliée par M. Raynouard.
A partir de cette époque jusqu'au XVIIP siècle, nous ne
connaissons pas d'œuvre littéraire. Mais il est intéressant de
noter que le cardinal George d'Armagnac, qui fut évêque de
Rodez de 1530 à 1560, fit imprimer, en patois rouergat, le
Prône (recueil d'instructions) et lou Douctrinal de sapienço : ce
devait être une exposition de la doctrine chrétienne à l'usage
du peuple.
Dans ce même siècle et dans le siècle suivant, plusieurs
catéchismes furent composés et publiés en patois. Le plus
intéressant est lou Catéchisme rouer g as en verses, dont l'impres-
sion fut autorisée à Rodez, le 14 novembre 1656, par M. de
Patris, vicaire général.
Ce petit livre, de 187 pages, d'une bonne exécution typogra-
phique, devenu aujourd'hui très-rare, est dédié à Mgr Har-
douin de Péréfixe, évêque de Rodez de 1649 à 1662, et pré-
cepteur de Louis le Grand. Les vers sont de huit syllabes,
et souvent partagés en quatrains ; mais, comme au temps de
Marot, toutes les règles de la prosodie n'y sont point obser-
vées, surtout celles qui regardent l'hiatus et la disposition des
rimes, très-exactes d'ailleurs. Il s'ouvre par une délicieuse
épître dédicatoire, qui mérite, ce nous semble, d'être connue,
et qui nous donnera une idée de notre patois du XVII* siècle.
Nous reproduisons exactement l'orthographe de Toriginal,
et jusqu'à ce que nous croyons être des fautes d'impression.
Que le lecteur se rappelle qu'à cette époque l'w était souvent
mis pour ou, et que Vu et le v s'employaient l'un pour l'autre,
même en français. Cette citation nous fournira d'ailleurs l'oc-
casion de faire quelques réflexions sur le patois de cette
époque.
DIALECfM ROUBJROAt 8l
BPITRB DEDICATORIO
A Monseignovr llllTstriBsimo et Rererendis.
Payre en Dieu, Mesure Hadovio « De Perefize
Auesc[ue et Seigneur de Rendez, Précepteur del
Rey et son Gonseliô d'Estat
MoNSEIGiq'OVR,
Aqueste liuret es vn efan del Pays de Roûergue, naôcut sous
la costellaciu de vostros armos *, que nou pod pas sorti del
Bres, nj vejre lou jour que perlou regard fauorable d'aquel
bel Astre, qu'a présidât à sa najcenso, et per aquo, Môsei-
gnour, son Pajre lou porto as pez de vostro grandour, per ly
demanda sa Benedicciu : se vous Tyfasez la gracio de lou veyre
de bon-vël, el nou crenhero pas laul-visto • de toutsez lous
autrez. El a be paur, Monseignour, estan habilhat à la
Roiiergasso, et parlan vn patois, que vous n'entendez pas,
d'éstre rebutât, et cassât hontousomen de vostre sale commo
lou Gus de TEuangéli, que séro mes à la taulo del Rey, sans la
raubo de las nopços. Mas aco que l'y douno couratgé, Mon-
seignour, ez que lapluspart de las Fedos et des aniéls de vos-
tre troupél belou de la sorto, et que l'amour que vous lour
pourtas, et lou zélé qu'auéz per lour salut et per la glorio de
Dieu vos dounara lou désir et l'euejo de l'entendre: car
commo las Fedos se rejouyssou d'ausi la voux, et l'estifle de
lour Pastre,atabe lou Pastre pren plaze d'ausi lou bel ' de sas
Fedos, per las counoyse : A quelle esperanço, Monseignour,
l'y douno l'ardiesso de se présenta dauan vous, et de vous
demanda laBenedicciu, et la permissiu d'ana per las Parroquios
* Il doit y avoir là une faute d'impression : il faut Hardovin pour Har-
douin.
' Lies armes de Mgr de Péréfixe étaient : d'azur à neuf étoiles d'or,
trois, trois, deux, une.
^ Nous ne comprenons pas la première partie de ce mot, qui d'ailleurs
doit être fautif, puisque l'article n'est pas distingué : l'avol?
s Le bêlement.
dS blÂLËOTBS AiODSSRNES
de Yosire Dioceze trouua vostres tramajourals, et lous ajuda à
enseigna lous efans, et lou poble innocêt, et ignorêt las cre-
zenços et la Doctrino Crestiano, necessario per lour salut, et
lour apenre qualque cansou spiritualle, al luoc de las pro-
phanos, et deshonestos que lou monde lour enseigne, sans la-
quallo permissiu , el nou vol pas entrepenre de dubry la
bouquo, et son Payre Testoufario; sel éro tan ausard que
d'ana pel païs sans vostro licence. Lou deuer, e lou respect,
Monseigneur, quel a voudat à sous Prélats, Vj commando
aquello soubmissiu quel désire de vous randre en aqueste
rencontre, en attenden qu'en de milhoures occasius, el vous
puésco fa vejre per son obeyssenço, qu'el est de tout son cor
et an toute sinceritat,
Monseignovr,
Vostre tres-humble, tres-obeys-
sen et tres-fldel seruidou.
F. C. P.R. D. S.F.
Telle est la signature du modeste catéchiste populaire. Il
cache son nom sous des initiales dont les quatre dernières
nous semblent indiquer un religieux de Saint-François.
Dans r avertissement qui suit, intitulé : Très moûts d'auist al
Lectovr, le bon religieux, après nous avoir dit que les apôtres
prêchaient le langage du pays et du peuple qu'ils instruisaient,
que le cardinal d'Armagnac fit imprimer en patois les ouvra-
ges que nous avons mentionnés plus haut, nous donne la raison
pourquoi il a mis son petit livre en vers .
« Lou liuret es fach en verses, à couplets de diuerses ers,
et mesures, portai que lous efans, et lou poble des vilatgez,
lous aprengou pus facilomen, et retengou milhour; à may
que d'auegados en trauailhan, ne cantou qualque verset, que
lour meto dins l'esprit la pensado del cel... »
Il nous fait connaître ensuite son système d'orthographe et
de prononciation.
Dans ce livret, dit-il, les mots sont écrits comme il les faut
prononcer, sans avoir égard à leur origine grecque, latine ou
DIALECTB ROUBRGAT 83
•
française. Toutes les lettres se prononcent sans en laisser
aucune, et toutes les consonnes, comme en latin. Quant aux
voyelles, il dit : <( L'a se prononce de deux façons : clairement
comme en latin, et un peu obscurément, presque comme Vo. Ko
se prononce obscurément comme en latin, et un peu plus clai-
rement, approchant de Va, et c'est pourquoi vous trouverez
le même mot écrit tantôt par a, tantôt par o, comme sacramen,
sacromen, et toujours la prononciation est de même.
LV se prononce de trois façons : V clairement comme Ve
latin ou français marqué é, ou comme Ye qui est sous-entendu
en la prononciation de ces lettres, /*, /, m, n, r, s, et pour cela
vous le trouverez marqué é ; 2** obscurément comme dans que,
de, en français, et comme Ve qui se fait entendre quand on dit
ces lettres à, c, d, g, t, et cette prononciation est la plus com-
mune ; 3° comme Vo dans les terminaisons féminines, de même
qu'en français : dame, rfawo ;nostre, nostro. »
En effet, dans ses couplets il fait rimer, par exemple, dagues
ei^yecplagos.
« L't et le V sont consonnes et voyelles comme en latin, et
se prononcent de même. Les diphthongues au, eu, iu, se pro-
noncent comme dans ces mots latins : autem, audi, leuca, Eurus.
Il n'y a pas d'exemple d'iu, mais la première lettre attire l'au-
tre, et cette diphthongue est fort ordinaire à la fin des mots,
et quelquefois vous la trouverez écrite iëu, principalement
pour le mot de Dieu^ monosyllabe en quatre lettres... »
L'auteur termine ainsi ses Trois mots d'avis :
« Se trouuas de fautes al sens, à la rimes, as moûts, à las
mesures des verses, courrijas las, excusas l'Autour, et fazés
milhour à lo glorie de Dieu, et a l'estrucciu del poble quel ou
désire de bon cor. Adesias. »
Voilà son système orthographique. Il est à regretter qu'il
n'ait pas mieux suivi le principe général qu'il inscrit en tête,
à savoir, que les mots sont écrits comme il les faut prononcer ;
car Vo obscur qu'il emploie pour représenter le son ou comme
en latin, à cette époque où consona, consonne, se prononçaient
counsouna, counsouno; Ve qu'il met à la fin des mots pour le
84 MaLBOIDS liODfiRNBS
son 0, écrivant d'ailleurs tantèt ghme, tantôt glorio, ete^y je^
tent aigourd'hui de la confusion etderincertitude siu*la vraie
prononciation dos mots à Tépoque de Tauteur.
Toutefois, nous voyons par là :
1° Que, dans le latin, Vu se prononçait alors^ dans les
diphthongues, ou^ comme en italien et en espagnol, et que les
mots cités se prononçaient ûoutem, ofmdi, leeuca, Eourus; et
il est à regretter que cette prononciation se soit perdue pour
nous et ç^ixe nous transportions au latin la prononciation raffi-
née du français : les vers des poètes y perdent souvent en
harmonie imitative, et cette même prononciation française
transportée au grec, disons-le en passant, le dénature liorri-
blement, et nous ne comprenons pas que l'Université j^rsévère
dans ce système d'ignorance, depuis surtout la fréquence dos
relations entre peuples et l'envoi de professeurs en Grèce
aux frais du gouvernement ; 2° que cet u se prononçaii tm,
surtout dans les dipbthonguos ûnalea tu, ieu ; 3^ ique Va était
* bien plus fréquent que l'o et qu'on disait sacramen ou sacromen,
ana, etc., au lieu de; weromen, ona, comme on prononce
aujourd'hui ; 4o que la diphthongue au né se prononçait pas
oow, mais aou, et que le premier son, aujourd'hui fréquent,
n'existait point ou existait peu dans le patois de Rodez ; 5** que
le / se mouillait souvent par k, et le n par h <!>u par g ; 6* que
l'e ouvert se marquait é, que Ve patois n'avait point d'accent,
et que souvent on conservait l'e des mots français tout en le
prononçant o, ce qu'on doit blâmer comme une cause de con-
fusion des sons ; 7° que l'i ûnal était ordinairement y, comme
dans l'orthographe française de cette époque.
Du reste, remarquons aussi que l'auteur n'était pas toujours
bien campé ou conséquent avec lui-même, puisqu'il écrit les
mots de diverses manières et parfois fautivement, comme Diu,
Dieu; Monseignovr, Monsenhour; counoyce, counoyse ; païs, pays;
ly, Vy, au lieu de ly ou U, lui, à lui. On voit que la seconde
forme des trois derniers mots est fautive : Yy, par exemple,
ne saurait se justifier, car il n'y a pas là un pronom ou un
article et l'adverbe y ; dams pays, ay fait diphthongue, et c'est
MAUDOTB R8UBRGÂT m
l'impératif du verbe paysse, nourrir, faire paître ; Tétymologie,
non moins que la prononciation, exclue la forme counoyse.
Enfin les ôitatiëns que j'&i fai^^es nous ihiitliti^^t la présence
de la lettre v comme consonne. La prononçait-on distincte-
ment, à cette époque, avec le son qui lui est propre en fran-
çais? C'est probable, mais non certain. Quoi qu'il en soit, le b,
étant d'une émission plus facile, a aujourd'hui pris sa place
dans notre patoi»^ et on ne trouve plu& W v dans les œuvres
plus récentes, telles que le» pi^ésies d^ Claude Pejrot, prieur
de Pradinas, notre poëte d,^ <^-huitièii;à^ siècle«
Dans un prochain ^jsii^^ i^ caraQtéris^jrai les trois sous-
dialectes du patois du Rouergue.
L'at)b^ Vayssier,
^npérîeu^ âti petit Sëtiâliaife de Belmont.
6
86 DIALECTES M0DBRNB8
JAQUET ARNAVIELLO
A TELDBTO
Un gros droulas, un gaiard chourlo.
Tout de mouledo, gras e bèu ;
Sa gènto maire lou tintourlo,
Noun p6u tenî dins lou banèu.
Regardas-lou, vès! coume chourlo
Em' afecioun au blanc mamèu :
Es rouge coume uno ginjourlo
Qu'aurié toumbà subre la nèu.
Sarro-lou dins ti bras, Teldeto !
D'aquéu poulit nistoun que teto,
Pèr faire un ome, au tèms que sian.
JACQUES ARNAVIELLE
A TELDETTE
Un gros garçon, un gaillard drille, — tout de mie, gras et beau;
— sa charmante mère le dorlote, — il ne peut tenir dans les lan-
ges.
Regardez-le, voyez ! comme il boit — avec ardeur au sein blanc :
— il est rouge comme une jujube — qui serait tombée sur la neige.
Serre-le dans tes bras, Teldette I — De ce joli poupon qui tette, —
pour faire un homme, au temps présent.
BSPBR 87
Que se parlo tant d'orne libre,
maire ! fai-n'en un crestian ;
paire I fai-n'en un felibre !
Teodor Aubanel.
En Avignoun, k)u 11 d'outobre 1871.
ESPÈR
RESPONSO A TEODOR AUBANEL
Ço que m'a 'scri ta plumo d'or,
Ma Teldeto lou legis aro ;
N'en fresis de bonur, e sarro
Dins sous bras soun nistoun que dor.
Où Ton parle tant d'hommes libres, — 6 mère ! fais-en un chré-
tien ; — ô père ! fais-en un félibre I
Théodore Aubanel.
Avignon, le 11 octobre 1871.
ESPOIR
REPONSE A THEODORE AUBANEL
Ce que m'a écrit ta plume d'or, — ma Teldette le lit maintenant;
— elle en frémit de bonheur, et elle serre — dans ses bras son en-
fant qui dort.
8b DULBCTB^ M0DBRNB8
E vese, iéu, çubre la ça^o
Siavo de moun drôle, qu'a tort
Quau dis que l^ patrio caro
Dîns soun darrié badal se tor.
Nàni, viéura ! que la tempèri
Ardrà Fourguièl e soun empèri.
E la patrio dèu avé
Encaro de jours grands e libres :
Nautres crestians, nautres felibres,
Fasèn d'ornes qu'i^uran la fe I
Albert Arnaviellb.
En Aies, iou 12d'outobre 1871.
Et je vois, moi, sur le visage — calme de mon petit garçon, qu'il
a tort — celui qui dit que la patrie aimée — dans son dernier râle
se tord.
Non, elle vivra I car la vicissitude des choses — brûlera l'orgueil
et sa domination. — Et la patrie doit avoir
Encore des jours grands et libres : — nous chrétiens, nous fé-
libres, — nous faisons des hommes qui auront la foi !
Albert Arna vielle.
Alais, le 12 octobre 1871
POÉSIES PATOTSES
DE NICOLAS FIZES
(!679-17ie;
ÉPITRE MACARONIQUE
A BASES PATOISE BT FRANÇAISE*
Fiertatem dominsB, sed ûerse si fuit uiiquam^
Racontare tibi me capit invidia,
Sed tu te trompas, si pensas légère versus
Tam belles quam quos blondus ApoUo facit.
Nunquam ego, quod sapiam, bibi de fonte sacrato
Nomatur cujus Hippocrenensis aqua;
Nunquam ego, quod sapiam, feci galopare Pegasum,
Nam ruit, atque satis non ego ôrmus equo.
Sufûcit ut scribam quales mihi passio dictât,
Qualicumque modo versus amantis erunt.
Si facio faltas, faltas et oportet amanti
Perdonare, facit quod sibi nescit amans.
Jam ter zodiacum Phœbus passaverat ex quo
Illius flammas senserat aima mea :
Nullus capo fuit bene tam rostitus ad ignem
Rostitum medio pectore quam cor erat.
^ On sait quelle est la rareté des macaronées à base patoise. C'est ce qui
nous décide à publier celle-ci, dans laquelle les idiotismes languedociens
abondent, bien qu'elle ait été déjà insélrée par M. Desbarreaux-Belrnard,
dans les Mémoires de V Académie dé TatUouse. en 1852.
90 DIÂLBGTB8 M0DBRNB8
Quando prochus eram domin», suspiria quanta
Pulsabam ! ah ! cum memini, cor mihi certe crebat !
Fecibus, ah ! quantis anavi vîsere âeram
Absque quod osarem dicere mala mea !
Soiribus, ah ! quantis fieram haud potendo videre,
Contentus portam potonejare fui !
HdBc solamenter solieyros, state capilli,
Ejus gastavit sex carie jra mihi.
Si quas pro fiera suflrivi scribere pœnas
Totas nunc vellem et termina, paurus ego,
Non mihibastaret plumarum quidquid in orbe
Encrse vel papyri est, erit atque fuit.
Scribere nunc bastat fiera hsec fierissima mundi est,
Inter galantes et mage firmus ego.
Sed post tôt paenas, roccum toccare potentes,
Toccavisse putans carnea corda fillae,
Paurus hasardavi fierae mea dicere mala,
Sed mihi costavit grandia mala magis.
Inter fiera duos me regardavit ocellos.
Grandi in talento os ut rosigando canis.
Cridavi : a Ah 1 subito vestros changeate reguardos !
Hoc meritavit amor quem tibi porto malum ?
An sic fiera facis tôt post ingrata dolores
Haec suffrimenti est débita paga mei?....
Sed me interrumpens : « Bene, dixit, trovo placentem
Ut venias tristi rumpere voce caput !
Dicere te semper non possum ferre cruelam
Et fieram, fieram, te repetare mihi :
Quisve tuum semper morientem ferret ocellum
Sive oculum qualem mortua cabra facit I »
Incepi dulces tune respondere parolas
Addolcita esset aspera ronsa quibus ;
Sed veluti accenso buliens marmita gavello
Protinus in focum fervida versât aquas.
Me voce horribili, sortito oculoque cacola,
Pro semper miserum congediavit ea.
POESIES DE FIZBS 91
Non mage stonatus clochse mancante métallo
Gastatum fundens est opus ante suum ;
Sic stomachatus ego restabam cum pede nasi,
Immobîlis tanquam statua bronzînea,
Et cavaliscando vicibus mihi millibus îpsa
S^rtivit cambra meque quittavit ibi.
Ast velut tornans aliquo post tempore sonjo
Altis in terram nubibus atque cadens,
Sœpe balançavi anarem si rursus ad illam
Seu âeram hanc mallem mittere dsemonio.
In me dicebam : lusit malum tibi tornum
Fecitque affrontem sensibilem nimium.
Hanc debes lajssare, parum si restât honoris ;
Indignum est hominis tamtolerareôUas.
Posteaque in ôeram contabam pulia mille^
Et veniat rabies et cagasanguis ei :
Vix bas horribiles accababat lingua parolas
Quum senti vi aliquid corde gratare mihi.
Hoc mihi semblavit tantam reprochere vitessam
Et non se statim rendere posse allas;
Dicebatque mihi tanto magis esse cruelas
Quam mage dsemonius pectore battit eas.
Tuncque rapellabam ôerae bellosque capillos
Et bellam faciem et caetera bella mihi.
Illa videbatur rienum debere deessae,
Quam genuit Cjprii bella coquilla maris ;
Si que fuisset ea doratœ tempore pomse
Et pomam pastor sponte dedisset ese.
Talia sunt almaa nunc sentimenta flotantis
Inter speranças atque desesperium.
Sœpe diablessam spero flechire pregando ;
Saepe rechignosas tremblo videre cilhas.
Manda pensadam, ex puncto promitto seguir«
Nec magis altus ea, nec mage bassus ero.
92 DUMKTTBB M0D|BmiB8
ORAISOUN FUNÈBRA
PROUNOUNÇADA PER MADOUMAYSÈLA SIGARDA , DB FROVffflONAN
SUS LA MORT D'UNA CABRA
lou 25 «oôst 1684
Anna, Margot, amigas dièras,
Bringaou, Laniè, Pascaou, Gaill^d,
Hel^sl aem'ajrmas, prenès part
A mas douions, à mas miseras ;
L'afflictieon ma sarra lou cor
Ma porta noun oa pas coumuna,
Helas I llmpitojabla mort
De dos cibraâ m'en après U|ka«
Hourrous, obscuritats, tenehras,
Piojqu'enân moun o^dbur ou Yèou«
Couvrîmes la terra de dôou
Fer fajre sas poumpas funebras ;
E vaoutres, aousselets charmais.
Fer cantà mas penas oruelas,
Cbangeas-Youa toutes en gabiana,
En chota, jgrous e tourtourelaa.
Fourtuna incounstanta e pevfida,
Jamaj me fise pas a tous ;
A Tabor n'avès que douçous
E pioy voun prenès à la vida ;
POÉBQBB DS FI8BS 9S
Qu'es aco que vous ay yeou fach,
Per me priva de ma cabreta.
Que chaqua mati de soun lach
ReArescaya ma petiineta.
E vous, Boucheta touta aymabla,
Sujet de toutas mas donlous,
Per vous ara verse de plous
D'una tendressa veritabla :
Mes perque m'avès-vous quittât
Dins lou tens que vostras tetinas
Me valièn may per ma santat
Que dous cent mila medecinas ?
Vous plagnès-ti, bêla bestiola,
De yeou ni de moun tratamen?
Vous fasiey-ti pas propramen
Beoure dins una vernissola ?
La sala bassa de Thoustaoïî
L'avias-ti pas vous tout' entieyra?
E moun propra lîech de repaou
Vous serviè-ti pas de litieyra?
Se passava pas matinada
Qu'oun recassèsses de ma man
Una mouleda de pan blan
E de saoù una gran pougnada ;
Las lachugas e lous caoulets
N'erou-ti pas vostra pitança?
Helas ! vous fasias cent saoutets
Per ne poude rampli la pança.
Jamay noun voun'anaves soula
Fora rhoustaou vous permenà ;
Gile vous anava mena
Vers lou« caris botirdats de frîgôula ;
94 DIALBGTBS MODBRNBS
L'y recoumandave toujour
De nounyous fà toussi lous mourres,
Que pep rousigà tour à tour
Lou saouze, lou gran et lous bourres.
Mes, helas ! oun vaj ma pensada,
Ounf es moun paoure jugeamen,
De resouna de tout moun sen
Emb' una cabra trespassada?
Ah ! messieus, ajas coumpassieou
De ma doulou viva e cruela !
Souven una granda afflictieou
Troubla la millouna cervela.
E per vous aoutres, doumaysèlas,
Se vous trouvaves dins moun cas,
Plourarias, amay bramarias
De toutas vostras gargamèlas.
Vous derabarias tout lou peou,
Vous escourcharias lou visage ;
Mêma après cent fouliès beleou
Encaro fariès davantage.
Ma cabreta era sans égala,
Era pus blanca que lou lys,
Aviè sas banas en avis
E finissièn en espirala ;
Per fà lou pus bel coutilloun
Soun peou era una richa estoffa,
Aviè lou nas de vermilloun
E la barba d'un philosopha 1
Que pode dire de sas tetas,
Sinoun que leurs bels pepelous .
Semblavou dous pichots boutons
Aou bout de dos bêlas musetas?
POBSIBS DE FIZES «5
Mes lou lach que ne sourtissiè
As dieous aouriè dounat d' envia,
Car era pus dous aou gousiè
Que lou nectar e Tambrosia.
Sa raca era illustra e sans crimes,
E dins lou libre de Rouquil *
L'on vey que ven, de payre en fil,
Daou célèbre cabriè de Nimes* :
La tailla de sa reyre gran
Passava en beoutat las pus bêlas,
E soun mérite may que gran
La placet parmi las estelas '.
Mes , bêlas ! la Parqua enviôusa
Vèn de mettre fin à sous jours
E de me priva per toujours
D'un ben dount ère gloriousa ;
Aquel maoudit cop de cisèou
Me coy aoutan couma deou fayre,
E s'oun me met dins lou toumbeou
Segu qu'oun s'en manquarà gayre.
Pode pas vincre ma tristessa,
Me sentisse geala lou san ;
Levas m' aquel objet davan,
S'avès per yeou caouqua tendressa ;
Vaoutres, cargas-la toutas dos
Ay ! moun Dieou ! ay ! la voix me manqua...
Empourtas-me la dins lou cros
Dins lou cros de la Terra-Blanca *.
* Gardayre de cabras de Frountignan.
' Sur lou cabriè de Nimes, il y avait un proverbe languedocien auquel
il est fait allusion dans la Cabale des Réformés; Montpellier, 1597, p. 70.
s CapeUa, qu'es près l'estela daou Carretiè.
* Terroir près de Frontignan.
d6 DIALBGTES M0DBtlKB8
LOU DOUBLE PR0UCÈ8
PROLOGUE
Messieus, aûn d'èstre pus courts,
Aouzires un double discours,
Doun lou premiè countèn Pratiqua
Noun serious, mes irouniqua,
E Taoutre countèn la fouliè
D'una trop jalousa mouliè.
Sans doute que chacun soubçouna
Quint' es Tuna e Taoutra persouna ;
Aoutramen vous Tesplicarian,
Mes jamay noun accabarian.
Suffis que^ s'avès bona testa,
Coumprendres tout dedins lou resta.
Escoutas donne touta Tactleou
Se vous voulès, emb' attentieou.
Premié Proucôs
GrREPPIÊ :
Anganassas, à la requesta
De mestre Jaoumes Trincatestà
Disèn, qu'afin d'oun menti pas
De messieus prenièn soun repas
Un vespre dedins sa taverna,
Oun chacun, sans aoutra lanterna
Que de bons veyres de muscat,
Se trouvèt ben enluminât.
Quand ajerou la testa caouda
Un d'eles faguet dona Glaouda,
POB^IBS DB F1ZB8 97
Que, certas, es lau pus bel joo
Que se siè yist dins aquel lioc ;
De aorta qu'aquela assemblada
Ne restet fort recaouquillada.
Ënûn, après ave soupat
Jusqu'^ ventre déboutaunat,
Persouna noun diguèt paraoula
Jusqu'as qu'ajèrou levât taoula.
Per lors, d*un estât furious
Intreroun dins un grand ^erioms,
Et Tun diguèt : « Ë8•^ti poussible
Qu'un chacun deiaore insensible
Contra tant de fripounariès
Que vesèn das piqua-taouliès ?
Se n'avèn una bona poula,
D'aoutires ne fan bouli soun oula :
Mêmes penden lou tens das frûts
Vesèn be qu'aqueles perduts
Pan de ravage per la terra,
May que noun pas las gens de gwerra.
Outr- acen'estendou sousmaous
Jusqua dédins nostres houstaous.
E souffriren gens de ta! forgea
Que nous vendran coupa la gorgea?
Chacun sap la fripounariè
Qu'an fach aou paoure Couloumbiè :
A caouque tens que caouque diable
L'y aguèt la miola de Testable :
Se demandas caou a raoubat,
Lou malfattou s*es escoulat,
E cent aoutras actieous pareillas
Nous battou souven las aoureîUas.
Yeou crese, à veyre aqueste trîn,
Que ne veyren jamay la fin;
Degus noun banis lou desordre
98 DIALBGTBS MODBRMBS
Se noun ïj trouva de que mordre ;
Vaoutres entendes à peu près.
Sans que jeou vous lou nome exprès,
Lous principaous de la cabala
Que daou mestre ferrou la mala:
A qui entr'aoutres avès Oamplôou
Que Yoou pas lou leva daou sôou. »
Sus aco, rinnoucen Pratiqua,
Que dispensava la barriqua,
E qu'aquel vespre aviè Thounou
De caouques fes Yj fa rasou,
Per una sotta descouverta
Del mêmes se tramèt sa porta.
Disen : « Moussu, ou yeou siey quioch.
Vous parlas d'un aoussel de nioch
Que, se se cacha la joumada.
Pares be touta la niochada ;
S'embe souèn lou cercabou ben,
Lou faoudriè pas cerca long ten :
L'autre vespre yeou lou vejère,
Amaj mêmes jeou Vj parlère.
Ou piosque jeou mouri de fan,
Am d'aoutres conquis aou berlan. »
Dabord tout' aquela assemblada,
Restetfort escandalisada,
Mêm' un d'eles couma surpres
Diguèt : a Messieus, valèn pas res
E pouden pas souf&'i sans blâma
Près de naoutres aquel infama :
Que naoutres began de la man .
D'un escandala-Frountignan !
Messieus, parle pas davantage.
Mes l'hounta me vèn aou visage. »
POBSIB28 OB FIZBS 99
Lous aoutres, qu'an pas men d'humou
D'una semblabla deshonou,
Menacou mestre Trincatesta
De Yj fayre coupa la testa,
Per ave fach visage dous
As voulurs, as recelatous.
Aûn dounc qu'aoucun nous diguesse,
E que mêmes noun soubçounesse
Qu'el retirés dins soun houstaou
Las gens capables d'aquel maou.
Alors faguèt fayre una enquesta
Per tira de péril sa testa,
E livret Pratiqua dabord
Per estre coundamnat à mort.
Car Ton accusa de complice
Tout home qu'a cachât lou vice,
E, se noun lou dis tantequan,
L'on crey que l'y a tengut la man.
Or, fasen drech à la requesta
De mestre Jaoumes Trincatesta,
Vous, Moussur, aourias ourdounat
Que Pratiqua fougues menât
E qu'à l'instan, sans aoutra paousa,
Soun avoucat plaides sa caousa :
Avès aqui mestre Bedos
Que s' es préparât per acos,
E mestre Brancan per Pratiqua
Deou desplega sa rethoriqua.
Bedos, premiè avoucat.
Quand faou playdeja per la mort,
Sembla que m'arrachou lou cor ;
Toutafes, Moussu, vous soustène.
Vous assegure et vous mantène
Que per la ley, noun pode pas
MX) DlALaX)T£» MODBRMES
Tira Pratiqua daou trespiia*
Tout lou mounde sap qu'es coamplioe,
Pioy qu'a cachai per artifice
Camplôou fasen lou bon varlet
Aou lioc de lou prene aoKi ooulet,
A rhoustaou ée doua Batuda
DiB« una boura fort indeguda ;
Enfin, per ou dire milhou^
El es estai recelatou,
Mes recelaiott voulouDtari
D'un adreeJaessÂma coursari.
Noun soulamea, aquela fea.
Pratiqua l'y es estai surpres
D'avedre emb' el de counferença»
Malgré touia» vosiras defensas :
Encara l'on a renaarquat
Que touias las fes qu'a mancat
De bugadas et d'aoutra farda.
Pratiqua toujour fasiè garda
E l'avieJBi vis toujours e«ab' el
Que tenien toutes dous counsel.
E, pioyqu'aven vis dins la vila
De raoubatoris may de mila,
D'estables^ e d'houstaous voulais
Que las gens ne souni desoulais,
Quinte pot estre la persouna
Qu'a Camplôou, que chacun soub3çouna
Ave tout fach dins Frouniigna,n,
Aje pougut iène la man,
Aoutre lou prevengut Pratiqua ?
Aqui dessus l'y a pas répliqua.
Pratiqua, en outre, es accusât
D'ave cent fes favourisat
Lous biquarels, per sas adressas
A l'y fa trouva de mestressas :
Chacun sap qu'aco's lou mestiè
De tontes mestiès lou derniè ;
Amay Ym Èk^ (Jti'àqM^' rrâfe
A la un caou que siè punida.
Aqui dous crimes capitaous
Que lou gueriran de sous maôus :
Car la resoun sus que me founde
Voou que siè fach fora daou mounde,
Aûn qu'ansin, en changean d'air,
Pratiqua change de gouver,
Car una aoutra temperatura
Nous changea souven la naturà.
Dounc, Moussu, s'aquelas actieous
Meritou pas de puniticous
E se castias pas lou vice,
A Pratiqua fares service.
Mes farà pas difficultat
De destruire vostra santat
En vous coupan la gargamèla.
Après Tave passada bêla
(Soun ou fasiè, série ben sot)
Per vous avedre lou boussot ;
Car las gens nourrits dins lou crinàe
Fan pas res que siè légitime,
E, se vous vesias sus lou poun
Que vous traouquesse lou perpoun,
Voudrias-ti pas saoupre Pratiqua
Aou delà daou pôle antartiqua?
E vous cresès qu'aou même cas
Lous aoutres n'ou vouguessou pas?
Sachas que chacun es partida
D'aquel que menaça sa vida,
Car chacun trova bon e bel.
Se se pot, de garda sa pel.
102 DULBCTBS M0DERNB8
Brancan, secoun avoucat
E jeou soustene lou countrari
De ce que dis moun adversari !
Messieus, précipites pas ren,
Suspendes votre jugeamen ;
Car, ben qu'as despens de Pratiqua
Âje estalat sa rethoriqua,
A pas per acos dich pus vray.
Murmures dounc pas, se vous plaj,
Mes escoutas me en patiença.
Car vous diray en counsciença
Tout raflfajre per lou menut :
Que chacun dounques fasse chut.
L'accusateur de ma partida
Preten la perta de sa vida
Sus aquel foundamen soulet
Qu'a pas saisit per lou coulet
Un larroun d'une houra indeguda,
Dins l'houstaou de dona Batuda ;
E yeou soustene embe resou
Qu'el noun aouriè pas fach milieu
De lou saisi per vioulença,
A caousa que l'insuffisença
Que l'on sap qu'es de soun constat,
Pot estre aouriè lors invitât
Camploôu de fajre un homicida
Aou grand doumage de sa vida ;
De sorta qu'a moun jugeamen
El n'a pas tort noun soulamen,
Mes puleou me pares louable
De l'ave pas rendu coupable,
Per aquel crime tout nouvel
De se fayre traouca la peL
E se vaoutres, Messieus, de graça
POESIES DE FIZES 103
FougUesses estais a sa plaça,
Aurias-vous attaquât soulets
Un larroun qu'a dous pîstoulets ?
Crese qu'aurias perdut courage,
Ou qu'aôurias perdut ravantage.
Aoube se fouss' estât de jour.
Que Ton espéra secour
Que Factieou fouguess' arrivada,
Ma partîda sariè blamada
D'oun ave cpidat aou larroun
Tout Tattrapan per lou perpoun ;
Mes tout lou mounde sap e jura
Qu*era penden la nioch obscura :
Ansin Pratiqua n'a pas tort
Per ave méritât la mort.
Perce que dis moun adversari,
Que se parlavou d'ourdinari,
El es ben ayse d'où trouva,
Car degus n'ou pot pas prouva ;
Ansin, ben qu'en aquesta vila
De raoubatoris may de mila
L'y sife arrivais despioy paou,
N'es pas coupable d'aquel maou :
Couma voulès qu'un paoure diable
En jes de fayssous siè coupable
S'un couqui que frequanta pas
Fay d'actieous dignas daoutrespas?
Secoundamen n'es qu'une rusa
De la persouna que l'accusa,
Que Pratiqua siè maquarel
De caouque pichot biquarel :
Nostre Pratiqua es be trop sage
Per se mêla d'un tel ménage,
E, se caouquas fes soun ensen,
Noun l'y es que per gagna d'argen,
104 DIALECTES MODERNES
Car Ton pot dire qu'es, sans crii^,Q«
Sus lous aoutres adrechissime,
Qu'au berian e lensaquenet
Souven el vous plouma tout net.
Ansin noun es pas véritable
Que Pratiqua en res siè coupable,
Mais que raccusou sans rasou
Daou crime de recelatou
Ë d'aquel daou maquarelage
D'oun el noun counouy pas Tusage.
D'aqui vesès qu'es pas questieou
De tira jes de conclusieou
Couma voou sa contra-partida
Aou doumage de vostra vida ;
Pratiqua n'es pas un larroun
Per vous jità dins lou soubsçoun
Qu'el prétende sus vostra greda
Ni sus vostre perpoun de seda,
E mêmes de degus que siè,
Pioy qu'el ignora aquel mestiè ;
Mes jusqu'ajci vesèn aou resta
Qu'a menât une vida hounesta,
Counsideras, Messieus, enûn
Que soun harengua sus la un
Es estada trop pathetiqua
Per counclure contra Pratiqua ;
E vaoutres, que ses degageats
De tout genre de prejugeats,
Vesès be, sans aoutra finessa,
Que sa fin noun es qu'une adressa
Per counfirmà ce de davan
(Ce que n'es qu'un trait de savan).
Que suppaousa, mes tout'entiejra
La questieou que met en lumiejra
Sans avedre pougut prouva
POESIES DE FIZëS 105
Lous crimes que voou controuvà.
Mes à tort, contra ma partida
D'ave dessein sus vostra vida.
E, pioyque sous antecedens
Soun faous coum' arracheurs de dehs,
S'en seguis que sa counsequença
N'es pas tirada en evidença
E voou pas, a moun jugeamen ,
Quatre patats de bon argen.
Partant, Messieus, se ma partida
Vous demanda humblamen la vida,
Pioy qu'es juste, emmandas-me-lou
Sans cerca may d'aoutra fajssou ;
Rendes-ly aquel tant bon office,
Caouque jour vous rendra service.
COUNSBILLÈ
Après ave ben escoutat
Las resouns de chaqua constat,
Infère d'aquela disputa
Qu'ayci l'y a de merda a la fluta,
E mêmes, vesen tant d'actieou.
Doute ben qu'en l'accusatieou
L'y pot avedre de maliça ;
Toutafes, per rendre justiça,
Metten l'un e l'aoutre constat
Dins la balança d'equitat,
E, couma n'era pas prudença
Que l'accusât faguès vioulença
A mièja-nioch, e tout soulet,
Contr'un home qu'a pistoulet, ,
Vesèn be qu'aquela pratiqua
Noun fouguèt que fort poulitiqua.
Car es juste de se saouvà
Tant que l'on pot se couuservà,
106 DIALECTES MODERNES
Das périls ounte Ton se trova ;
Mes, coum'acos resta sans prova,
E que Ton pourrie dire après
Que l'y aviè parlât tout exprès
Per machina caouqu'entrepresa
De larrecin ou ben de presa
(Quinte que siè n'importa pas
Jes de dous valou pas grand cas),
Counsideran la counsequença
Que ben que Vy aje differença,
Aou pople se pourrie ensegui
D'una actieou coum'aco d'aqui :
Counclugan per la republiqua
Una punitieou per Pratiqua,
Mes que counsiste soulamen
Dins un simple banissemen.
Outr'aco, pesen ben Taffayre,
Car couma se pourrie be fayre
Qu'aou resta que l'y es imputât
Noun l'y ague caouqua veritat,
Afin que la vertat el digue
E tout ce que sap descouvrigue,
Daou larrecin de Couloubiè
Qu'es estât fach tout lou darriè,
Coum' el es estât favourable
A Camploôu que l'on crey coupable,
Per aquela doubla intentieou
Faoudra que la doubla questieou
A Pratiqua siègue applicada,
E qu'après la torcha allumada
Ane fa lou tour de Thoustaou
Ount'el a descouvert lou maou.
Juge. — Sentença :
Nostra cour, que toujour ourdouna
Sans espargna jamay persouna
POÉSIBS DB FIZE8 107
De tout sexe e de tout estât,
Vous fay saoupre sa voulountat,
Qu'es que Taccusada partida
Per aques cop garde sa vida,
Mes, perque cela soun peccat,
Que tout soun corps siègue applicat,
Afin que la vertat el digua,
Sus un countadou de boutigua,
Oun sas ounglas de leopar
Sien limadas jusqu'à la car,
E lous pèousses de sa berrugua
Sien derrabats per dona Pugua
Que lous revendra, s'ela vôou,
Per bêlas sedas de lignôou.
Que s'aco noun pot pas suffire
Per la vertat Vj fayre dire,
Touta la cour es d'intentieou
Que subisque un'aoutra questieou
Qu'es la questieou de la canailla,
A savoir qu'una gran tenailla
Siè paousada, malgré sas dens,
A sas aoureillas per pendens
Ë qu'una espousseta siè fâcha
De las sedas de sa moustacha.
Que, s'oun avoua après acos,
Soun bras siè ressat jusqu'à l'os :
E, se Pratiqua noun s'en chaouta
Per lors de counfessà sa faouta,
Touta la cour voou et counsen
Que siè déclarât innoucen.
Toutafes coundamna Pratiqua,
Afin que la troupa publiqua
N'imite soun despourtamen,
A souffri lou banissemen
Que per lou resta de sa vida
108 DmiBOl^S ^WJflBfiiM^
Siè dins reo.cla,oi| de 1^ Qm^ 1.
Sbcound avoucat
Messieus, Pratiqua es pla camuB
Quand noun dises aou cap d'Amus *?
Partan, vous présenta requesta
Que Vj ajoutes acos aou resta,
Aoutramen el es quioch, sou-dis.
Premiè juge
Despioy ayan agut Tavis
E per de résous counougudas
A gens de lej claras e nudas
D'oun priva pas rhumanitaii
De touta sa coui^iouditat,
Ourdounan, per nostra clçm.çnçî^,
En moifderan nostra sentença,
Que s'en piosque anà, mes sans pus,
De la Garida au cap d'Amus,
Sans poude prene en sa counduit*a
Que Nougaret, embe Termita,
Mes fasque un libre en sous vie).s ws
Dessus la pesqua das télans '
Ou, per soulagea sous desastres,
Dessus Ipu xnouvemen das astres .
Pratiqua
Ay ! ma mayreta, n'ôunte ses,
Per veyre tout aquel proucès
E per counouisse la malica
* Près de Frountignan.
* Cap près de la plagea.
* Poisson.
PQWU9SS DJB FimS 109
Qu'a p^ j^Q« toiita la ^uatiça 9
Car, quiftt^ mm» aj-yeou ooiudm,
Per eatr^e en restai ouq m'an mes 9
Ay-ti jôou raoïkbat <te valisa.
Ou ben Ion treaor de Veiûsa 9
Noun, v^^ majre, acos soûn foulièft
Aoub açQ me siè moun darriôs.
N'aoures pas pins laa febres quartas
De ma vejre jouguà. à las carias
E jamay me dires pas pu»:
Pratiqua, coqua-me lou fus *.
Oun soun aqueles discours tendres
Que, lou vçspr^, gratta^ las ceo4re§.
Vous me ténias quand èren soûls
En me petassan lous ginouls ?
Vous souffrires pas pus de bisas
En me blanchissen mas camisas^
Me baylares pas pus de cops
Couma fasias, em lous esclops,
Quand per ma desoubeissença
Vous jittave dins Timpatiença ;
Vous trouvaray pas pus aou liech
. Lou mati, venen d'aou bouliech ;
Vuidaren pas pus de tarrous •
En mangean nostres bitarrous • ;
Faren pas pus de biquarels *
Ni d'estufea de juvels ',
E bagnaray pas pus mas anquas
Per vous ana cassa de cranquas.
Adieoussias, ma mayre, adieoussias !
En quinia terra que vous sias,
^ Couqua lou fuSt es de fayre Tespiralo ounte mettou lou
fioù, quand las fennas filou.
^ Pots de vin. *** ^PoissoBs. — ^PiBtites axiguitto» cuites
sur le gril. — ' PoiawQ*
110 DULECTBS MODERNES
Adieoussias, ma bona mayretta
(Pisse de poou dins mabrajetta)!
Pourres-ti veyre moun tourmen
Sans trespassa dins Ion monmen?
Ma mayretta, sias pas marrida,
Qu'yeou aje tort penden ma vida,
Car criminel noun souy pas may
Que Fenfan qn'ara mêmes nay.
Mes, se poudès, prenès vengença
Das autheurs d'aquesta souffrença.
Prbmiè Avoucat
Fay vite accabà tous adieous.
Car te faon leou quitta lous vieous.
Pratiqua
Ma mort me série reprouchada
S'oun dise adieou aou camarada,
Aou camarada Bisseri,
Aouparavan que de mouri.
Adiou donne, mitât de moun ama !
Versa, se te play, caouqua larma
Sus Taoutra mitât de moun corps,
Après qu'aouray souffert la mort.
Se ma força es pas suffîsenta
Per sourti d'aquela tourmenta.
Rend-me lou service demie.
Se per yeou as caouqua amitié,
Es que moun amitié te layssa
De me fa fayre una cayssa.
Afin que dins lou mounumen
Mous osses sien coumoudemen.
Adieou, amie, aymada bossa,
Que ben que d'amies ajes fossa^
Toutafesen yeou ne perds un
POBSIES DE FIZES 111
Que fera pâs amie coumun.
Adieoussias, ajmablas Gardiolas ^,
Que m'avès tant servit d'escolas
Per me fayre jouguà aou piquet !
B'aro perde tout moun caquet
Qu'ay appres a TAcademia,
Pioyque mourisse per Tenvia.
Adieou, moun cher joc de paret,
Croux ou pila, joc de palet,
Tant e tant, castelet aymable,
Rampeou que m'eres favourable ;
Liocs qu'yeou regrette, sans menti,
Ayras, pourtaou de San-Marti,
Apres lousquaous n'aymave gayre
Que Bisseri ou ben ma mayre ;
Adieoussias, pioyque m'es questieou
De dire lou demies adieou
Per la cruaoutat de mous juges !
Mes que cercou d'aoutres refuges
Quand voudran s'anà diverti
A Cetta, en plagea, a San-Marti !
Yeou série pas pus soun pilota
Que per lous mena dins la sota ^.
Eles me rendou trop mouquet
Per Ty mena pus lou barquet
En aoutra part, a rens e vêlas
Qu'aou pays de las giroundèlas.
Ah ! s'aco m'arrivaba pus,
Yeou puniriey b'aquesfabus,
Pioyqu'entin leur ingratituda
M'es e tant cruela e tant dura.
* Champs remplis d'une herbe sèche et jaunâtre, près de
Frontignan.
' Creux en terre.
ne DiÀLBcras modbiwës
JueB
Sourtissès a cop de bastous
Aquel impourtun e fâchons
Que voou chouquâ per soan capriça
L'integritat de la justiça.
E vous, greffiè, bas lou capèl !
Appelas-nous Taoutre cartel,
Mes qu'un chacun fague silença
Per noun troubla nostr'aoudiença.
Secound avoucat
Paix-là! tout lou mounde, paix-là !
Ajci, troun, se deou pas parla.
(À suivre.)
113
AU CBMENTÈRI
A MADAMISELLO ROSB
A rëire, Amour I
F. Mistral.
I
Un vèspre m'atrouvave em'elo au cementèri,
Elo jouino e risènto, e iéu sounjaire e mirt,
Li béulôli e li chot, dins lis aubre ramu,
Dis oumbro dôu draiôu derroumpien lou mistèri . .
II
Ero soulèu tremount. Soulet, dins lou campas
Iéu em'elo anavian. A moun bras apielado,
Elo, esturto, d'amour cantavo uno balado:
Iéu, riue plourous, pensave au terrible trespas.
AU CIMETIÈRE
A MADEMOISELLE ROSB
I
Un soir j'étais au cimetière avec elle, — elle jeune et rieuse,
et moi rêveur et muet. — L'effraie et le chat-hnant, dans les grands
arbres, -* des ombres du sentier troublaient le mystère.
II
C'était au soleil couchant. Seuls, dans la triste plaine,— elle et moi
nous allions. A mon bras appuyée, — elle, étourdie, chantait une
ballade d'amour ; ^* moi, rœil en pleurs, je pensais au terrible
trépas.
114 DIALECTES MODERNES
m
Elo, clins soun refrin, disié : « L'Amour, bèu glàri,
Emé de flour divino encadeno li cor I »
léu, me passavo au front lou glas fre de la mort,
Yesènt que s'esperavo un poutoun pèr salàri 1
IV
E la luno dounavo.... e jougavon si rai
Sus li toumbo e li crous, coume de farfantello ;
Lou cèu d'àpau à pau se clafissié d'estello.. .
Elo cantavo... e iéu tremoulave d'esfrai.
E, lou délire fôu courreguè dins mi veno,
Quand sa man se pause sus la miéu ; de soun lue
Gisclè'n estrange fio qu'esbrihaudè la niue
E que semblavo dire : « Amour, dins iéu aveno î n
III
Elle, dans son refrain, disait : « L'amour, beau lutin, — avec des
fleurs divines enchaîne les cœurs I » — Moi, je sentais mon front
effleuré par les glaces de la mort, — car je voyais qu'elle attendait
un baiser pour salaire.
IV
La lune brillait : ses rayons se jouaient — sur les tombes et les
croix, comme des éblouissements. — Peu à peu dans le ciel les
étoiles étincelaient. — Elle chantait... et moi je tremblais de peur.
Un fou délire passa dans mes veines — quand sa main se posa
sur ma main ; de son œil — jaillit un feu étrange, qui illumina la
nuit — et qui semblait dire : « Amour, jaillis en moi !»
AU GBMBNTÊRI 115
VI
E d'oumbro e de clarour lou campèstre èro plen,
Goume s'uno vesioun senistro Tamourrayo,
Elo, — noun sai perqué, — contro iéu se sarravo ;
— Sus mi gauto, amourous, cremavo soun aJen I
vn
Elo, clinè subran soun frout sus moun espalo....
E moun cor ressautè : « Qu'avès ?» — « Ai rèn, moun bèu ! »
Pèr sèti prenguerian la graso d'un toumbèu.
Elo, coume uno morio, èro frejo emai palo !
vm
(c Cantas-me Magalt, Pelibre, — me digue ; —
Uno cansoun d'amour es ço que moun cor amo...
Vosto voues me fara de bèn ! » — Souto la ramo,
D'unbéulôli lou plang au liuen s'entendeguè.
VI
D'ombre et de clarté l^étendue était pleine. — Comme si une vi-
sion sinistre l'eût courbée, — elle, je ne sais pourquoi, contre moi
se serrait! — Sur mes joues, amoureux, brûlait son souffle!
VII
Elle pencha son front sur mon épaule, — et mon cœur tressaillit :
— «Qu'avez-Vous ?» « Rien, dit-elle, ami I » — Nous prîmes pour siège
la pierre d'une tombe. — Elle était froide et pâle comme une morte.
VIII
« Chantez-moi Magali, Félibre , me dit-elle ; — une chanson
d'amour est ce que mon cœur aime... — Votre voix me fera du bien.»
Sous les rameaux — d'une effraie, au loin, la plainte s'entendit.
116 DlASMmm> WODfiRNES
IX
Ë coume au roure Tèuire, elo à moun côu 9è lîgô ;
Sa bouco eâ dûS ma, bouco é ma mân dinâ la sîéti :
« Qu'avès ?» — « Vôsti regard, viras-Ièi de-verd îéu,
E lèu s*d8ffttiira Idtt trèbau quô m^kfligô în
— « Oh I M n^eiK fàu p«i8 mai, gènto, pèk^ toub gari I »
Faguère^ e nôstis iue ta]it'>lôu se rescoHiitPèroQ ;
Ë tant-lèn, si vistotuft, ai'derdiis^ s'empurèvoil :
<( T'ame« e, se nottii me vos« ntô leissarai mouri ! if
XI
— « M' âmes ! d — Ë sentiguère unodoulour imnènso ;
Aquéu mot sus ma tèsto esclatè coume un tron ;
Un boulimen feroun esclapavo moun front :
Nous erian asseta sus lou cros de Clemènço 1
IX
Et comme le lierre s'attache au chêne, elle à mon cou se lie. —
Sa bouche est sur ma bouche et ma main dans la sienne: — « Qu'a-
vez-vous ?» — « Tournez vos yeux vers moi, — et bientôt s^effacera
le tourment qui me brise. »
X
« Oh 1 s'il n'en faut pas davantage, charmante, pour vous gué-
rir !» — dis-je, et nos yeux aussitôt se rencontrèrent; — et aussitôt
les siens, plus ardents, s'enflammèrent : — « Je t'aime, et, si tu ne
m'aimes pas» je me laisserai mourir t »
XI
« Tu m'aimes I » Et je sentis une douleur immense : — ce mot
sur ma tète éclata comme la foudre, — un bouillonnement farouche
battait mon front... — Nous nous étions assis sQr la fosse de Clé-
mence.
AV OÈMERTÈKt 117
XII
« cros, entre-duerb-te ! » — venguère» tr^boula, .
La toumbo, tout-d'un-cop, nous durb^guè sa goulo !
La chato, em'un quilet : « Ai I ai ! dins iéu regoulo
« Un sourne frejoulun ! » — Iéu cridère : « Ve-la I
XIU
» Ve-la, mouû aHuôttrouso I es ek).... esr eio »ôti'îo !..
)) E vers eïo mcmn cor soiispiro en s'estrassant.
M Âqti^î afrous' eadabre es ma tido ! es moun sang ! . .
)) Vène, vène lèu, Mort, me jala H mesoulo 1
XIV
» Migo ! sies bello ansin I De toun cors rousiga
» Sarié'n chale pèr iéu de beisa la vermino ! . ..
» Mort-peleto ! vers tu ma pauro amo camino....
» Verme f quouro vendrés peréu me bousiga?...
XII
« O fosse, enU'oavre-toi ! » m'éCFiai-je en délive. -^ La tombe
tout à coup s'ouvrit touit eulière. — La jeune fille, avec un cri : « Ah !
en moi pénètre un frisson mortel ! » Moi, jie eriai : h La voUà !
XIII
» La voilà, mon amante l c'est elle.... elle seule!.... -»-Et vers
elle mon cœur crie dana ses déchirements. — Cet affreux cadavre
est ma vie, mon sang... — Oh 1 viens, viens vite, Mort» me glacer
la moelle !
XIV
» Amie, tu es belle ainsi! De ton corps rongé — ce serait une
joie pour moi de baiser la vermine ! — O Mort décharnée ! vers toi
ma pauvre âme aspire. — O vers f quand viendrez-vous aussi me
ronger? »
8
118 DIÀLBGTES MODBRNBS
XV
» Vès ! soun pitre e sis iue cava, bello chatouno,
» Que trasien dins moun sen sis inefàbli rai !
» Vès! soun front e sabouco.., ounte niso Tesfrai...
» E que devourissiéu, antan, de mi poutouno !...
XVI
» Ourrible pourridié, — maire de mis enfant,
» mita de moun èstre, es tu soulo que vole 1...
» E lèu î de-vers lou tiéu que moun soufle s'envole I...
)) Car moun cors — d'èstre adu proche toun cors... afam ! »
xvn
Un crid, subran, estrementis lou cementèri.
— La chato èro avanido — e, iéu, istave mut.
Li béulôli e li chot, dins lis aubre ramu,
Dis oumbro dôu draiôu derroumpien lou mistèri I
Jan Monné,
I^eMarselUe (Boachee-du-Bhône) .
XV
» Vois cette poitrine et ces yeux caves, ô jeune fille! — qui
jetaient sur moi de si ineffables rayons ; — vois ce front et cette bou-
che.... où à cette heure habite Peffroi.... — et que je dévorais autre-
fois de mes baisers !
XVI
» Horrible pourriture, mère de mes enfants, — ô moitié de mon
être, c'est toi seule que je veux I — Bientôt que vers le tien mon
souffle s'envole, — car mon corps d'être auprès de ton corps a
faim! »
XVII
Un cri, soudainement, fait retentir le cimetière. — La jeune fille
était évanouie ; et moi j'étais muet. — L'effraie et le chat-huant,
dans les grands arbres, — des ombres du sentier rompaient seuls
le mystère.
119
POUTOUN
A-N-ANSEUMB MATHIEU
I
Bouco sus bouco e cor sus cor,
Dos amo que bâton d'acord,
Amo que Tiue'^tèn pivelado,
Gabeladuro entre-mesclado,
Bouco sus bouco e cor sus cor !
II
Brassado, enebrianto caresse,
Alen suau de la mestresso
Dins lou fringaire abrant Tamour,
Soulèu esvanant li brumour,
Brassado, enebrianto caresse !
BAISER
k ANSELME MATHIEU
I
Bouche sur bouche et cœur sur cœur, — deux âmes qui battent
d'accord, — âmes que l'œil tient fascinées, — chevelures entremê-
lées, — bouche sur bouche et cœur sur cœur!
II
Étreinte, enivrante caresse , — haleine suave de l'amante —
dans l'amoureux allumant' l'amour, — soleil faisant évanouir les
ombres, — étreinte, enivrante caresse !
120 DIALECTES MODERNES
m
Camin que duerb lou paradis,
Oublidanço e pur mescladis,
Michour que dinslou sang aveno,
Bonur regoulant din» li veno.
Gamin que duerb lou paradis !
IV
lue nega dins un iue bevèire,
Cor descata se leissant vèire
Dins sis inefàbli founsour,
Dôu rire inagoutable eissourg,
lue nega dins un iue bevèire !
V
Poutoun! La vido èi qu'un poutoun !..
Es un rousié pourtant boutoun
Qu'amour espandi'mé sa flamo !...
Vèn e s'envai, dins un bais, Tamo !
La vido noun èi qu'un poutoun I
III
Chemin qui ouvre le paradis, — oubli de la terre, pure union,
tiède chaleur qui sourd dans le sang, — bonheur qui coule dans
les veines, — chemin qui ouvre le paradis !
IV
CEil noyé dans un œil avide, — cœur dévoilé se laissant voir —
dans ses ineffables profondeurs, — du rire inépuisable source, —
œil noyé dans un œil avide I
V
Baiser! La vie n*est qu'un baiser! — C'est un rosier portant
boutons — que la flamme d'amour fait épanouir! — L'âme vient
et s'exhale dans un baiser. — La vie n'est qu'un baiser 1
POUTOUN 181
VI
Moun èstre, que l'Amour assedo,
Dins un bais trovo un arc-de-sedo
Que lou meno au bonur flouri!...
— Dins un poutoun voudrié mouri
Moun èstre, que F Amour assedo ! —
Jan Monnè.
VI
Mon être aitéré d'amour — dans un baiser trouve un arc-
en-ciel — qui le mène au bonheur fleuri. — Dans un baiser il vou-
drait mourir, — mon être altéré d'amour!
m DIALBGTB8 MODERNES
CHANT DES CRIEURS DE NUIT
EN LANGUEDOC
Ce chant se rattache à une de nos anciennes coutumes. Les
crieurs de nuit {rebelhous, réveilleurs)*, étaient chargés de
veiller à la sûreté de la ville après le couvre-feu ; ils parcou-
raient les rues jusqu'au lever du soleil, s' arrêtant aux carre-
fours et sur les places, pour annoncer l'heure et le temps qu'il
faisait. Ils accompagnaient souvent leur cri de ce chant bien
connu :
Réveillez-vous, gens qui dormez,
Priez Dieu pour les trépassés*.
Chez les populations méridionales, où le sentiment reli-
gieux s'unissait à une imagination vive et impressionnable, cet
appel à la prière prit un caractère plus accentué, une physio-
nomie plus en analogie avec leur manière de sentir et de pen-
ser ; il se transforma et devint le cantique populaire que nous
avons eu la bonne fortune de retrouver et que nous offrons
aujourd'hui, en le restituant d'après divers fragments recueil-
lis à Narbonne et à Belesta, c'est-àrdire aux frontières est
et ouest du département de l'Aude.
Nous n'avons eu à constater aucune différence sensible dans
la mélodie, dont le style simple et grave, écho d'un chant li-
turgique, donne à la poésie une expression de tristesse qui
en complète admirablement la pensée.
Il existe à Copenhague un chant identique, cité par M. d'Or-
* On les appelait aussi les clocheteurs des trépassés, — Voy. Ghôruel,
Dict des institutions , mœurs et coutumes de la France, p. 1225.
* Voy. Notice hist. et sta . du canton de St-Symptiorien, par M. F. Go-
cbard; Lyon, 1827.
CHANTS POPULAIRES 123
tigue, dans son Dictionnaire de plain-chant^. C'est une com-
plainte composée de dix strophes, une pour chaque heure de
la nuit, finissant toutes par ce refrain :
Veillez et priez, car le temps marche ; pensez-y l
Vous ignorez quand il s'arrêtera.
Louis Lambert.
LOU JUJOMEN DARNIER
Adagio
i
i) r r^
A la mort! A la mort!
pf'J^-ji"'^
mn
*==*
r-Tfn
Qnan la tnram-pa - to son - na -rii, —
faa - je dal cel ne des- cen - dru.
Qnao la troam-
- U) soa -na - rt, — l'an - je dal cel ne des - een -
fV'm'mW
lit.
À la ion! A la mort! A la
mon!
* Col. 215 et 8uiv.
124 DIAWCTBS Ji|OI>BaNS6
LOU JUJIOMEN IUB«l£B
CANt ms R'EBELHOtJS
A la mort ! A la mort ! A la mort !
Quan la troumpeto sounarà, i
L'aoge dal cfil ne desœaârà. i ^^'
A la mort ! A la mort ! A la mort !
Nous cridarà : « Morts, lebàs-bous !
» Al jujomen aribas tous. »
A la mort ! A la mort ! A la mort !
(c Relebo-te, pople fidel,
» Relebo-te, sors dal toumbel ! »
A la mort ! A la mort ! A la mort !
LE JUGEMENT DERNIER
CHANT DES GRIEURS DE NUIT
A ia mort! à lamort! à la mort!
Quand la trompette retentira— l'ange descendra du ciel.
A la mort ! (ter)
Il criera : « Morts, levez-vous! — Au jugement arrivez tous. »
A la mort! (ter)
« Relève-toi, peuple fidèle ! — relève-toi, sors du tombeau ! »
A la mort ! (ter)
CHA^TO fPOPUliAJfUB» 1S5
« Repren toun cos e tous habits,
B Penso à la mort de Jesus-Orist. »
A la morti A lu «loit ) A la oaorttJ
Nous aus ser^i (mai^ixtt pris bars,
Nostra amo ibeeite as ônfersi
A la mort'! A la mort i Alamorti
Quan nous autres traspassaren,
Pus qu'un linsol empourtaren.
A la mort ! A la mort 1 A la mort !
Las bounos obros que fareB
Countaran a-n-aquel moumen;
A la mort ! A la mort ! A la mort !
Diu las balansos ne prendra
Per las ametos ne pesa.
A la mort! A la mort! Alamort!
« Reprends ton corps et tes vêtements, — pense à la mort de
Jésus-Christ. »
A la mort ! {ter)
Nous «eron« mangés par les 'vers, — nos âmes peut-être aux
enfers.
A la mort ! (ter)
Alors que nous trépasserons, — nous n'emporterons avec nous
qu'un linceul.
A la mort! (ter)
Les bonnes œuvres que nous aurons faites — compteront en ce
moment-là.
A la mort ! (ter)
Dieu prendra ses balances — et pèsera les âmes.
A la mort! (ter)
126 DIALEICTBS MODBKNBS
Quan las amos pesados soun,
Cridoun : « Moun Dius ! ounte van doun ?
A la mort ! A la mort ! A la mort î
Là un en sa e Tautre en là,
Seloun que Diu coundesirà !
A la mort ! A la mort! A la mort !
Grand sant Marcel, nostre patron,
Pregas Diu per nostre ritou *
A la mort ! A la mort! A la mort!
Que coundesigue soun troupel
E nous mené toutis al cel !
A la mort ! A la mort ! A la mort !
Dès que les âmes ont été pesées, — elles crient : «< Mon Dieu ! où
nous mène-t-on? »
A la mort ! {ter)
Les unes de çà, les autres de là, — selon que Dieu l'aura décidé.
A la mort ! (ter)
Grand saint Marcel, notre patron, — priez Dieu pour notre rec-
teur.
A la mort ! (ter)
Qu'il conduise bien son troupeau — et nous mène tous au ciel l
A la mort î (ter)
* Ritou, recteur, curé.
>>^o^
BIBUGGRAPHIE 127
BIBLIOGRAPHIE
CATALOGUE BOTANIQUE. ~ Synonymie languedocienne^ provençale,
gasconne, quercinoisef etc«; par Gabriel Azaïs, secrétaire de la Société
archéologique, etc., de Béziers.
II y a deux ans, notre Société, à sa naissance, annonça,
parmi les travaux sérieux dont elle aurait d'abord à s'occuper,
une collection de glossaires romans ou néo-romans qui seraient
l'instrument indispensable des explorations et des études des
œuvres du moyen âge méridional.
Les événements politiques, en absorbant toutes les préoc-
cupations, ont suspendu jusqu'aujourd'hui la réalisation de
ce projet, si utile pourtant au progrès et, si j'ose le dire, à
rhonneur de notre Société. Devons -nous permettre, en effet,
que des étrangers, nos ennemis^ frappés de Timportance et de
la valeur de notre ancienne langue, se livrent à des travaux
très-sérieux sur le roman, publient des revues savantes, spé-
ciales, des grammaires, des dictionnaires ; tandis que nous,
placés au contact même des sources riches des textes, au
milieu de populations qui ont conservé, dans leurs dialectes,
la tradition de la belle langue des troubadours, nous resterions
dans rinaction, nous laissant ainsi ravir la gloire de ressus-
citer le génie de nos ancêtres ?
On nous permettra d'exprimer le vœu que ceux qui ont
accepté la mission de travailler aux glossaires retrouvent le
temps et le calme nécessaires pour entreprendre et mener à
bonne fin cette œuvre, dont notre Société retirera de précieux
avantages.
En attendant, voici un membre libre de notre Société,
M. Azaïs, de Béziers, déjà très-honorablement connu par ses
poésies patoises, pleines d'esprit et de charme, et ses critiques
savantes sur le Bréviaire (Tamor^ d'Armengaud, qui vient de
publier un catalogue botanique local, avec la synonymie lan-
It8 MBLïOORAPfflB
guedocienne et provençale. Cet ouvrage, dont je ne puis vous
donner qu'une analjBe très-anpoinetei nous a paru parfai-
tement répondre au but de Fauteur, qui est de venir en aide
aux propriétaires ruraux, dont la plupart vivent au milieu des
plantes sans les connaître dans leurs noms français, faute d'un
guide intelligent et sûr.
Le mérite principal de ce livre est le soin tout particulier
de l'auteur de s'attacher à donner, dans les divers idiomes
néo-romaBS, les noms des végétaux les plus usuels, les plus
utiles. On y trouve, à cet égard, une profusion de termes pro-
pres à contenter tous les besoins. Nous avons été personnelle-
ment heureux de reconnaître et de retrouver les plantes de
l'Aude, que nous avons, dans un temps déjà bien éloigné,
entendu tous les jours nommer dans le patois du pays.
Nous avons seulement, en parcourant rapidement ce livre,
éprouvé le regret que les termes synonymes du roman pur ne
ûssent généralement que de trop rares apparitions. Il aurait
été également utile que les nombreux termes synonymes des
dialectes néo-romans eussent été classés par contrée, au lieu
d'être jetés pêle-mêle à la suite du terme français.
A part ces légères critiques, que le mérite bien connu de
l'auteur nous autorise à faire, nous ne pouvons qu'applaudir
au travail consciencieux et utile de M. Azaïs, et nous devrons
qu'il serve surtout à exciter notre zèle et notre courage pour
la publication prochaine de travaux du même genre.
Canta<}RBL.
ROMANI A, Recueil trimestriel consacré à Tétude des langues et des
littératures romanes, publié par Paul Meyer et Gaston Paris. — Paris,
librairie A. Franck. — Prix de Tabonnement: 18 fr.
La Romania a paru en janvier 1872. Le sommaire seul de cet^
revue nouvelle, sœur de la nôtre et à laquelle nous sommes heureux
de souhaiter la bienvenue, suffira à en faire comprendre l'impor-
tance.
\^ HoïMmif Rovfiania, limgua romma, itomanettim. — Dissertation
BIBLIOGRAPHIE 129
moitié historique, moitié philologique, ou M. G. Paris détermine,
avec autant de précision que de sagacité, les limites du monde ro-
man.
2° Notes sur les poésies de Battdri, abbé de Bourgueily par M. L. De-
lisle, membre de l'Institut. C'est un chapitre fort intéressant de
notre histoire littéraire. Quoique les poésies purement latines de
Baudri n'aient qu'un rapport indirect avec l'objet spécial de la fto-
maniaf on ne peut qu'approuver les directeurs de ce recueil d'y
avoir inséré cette intéressante étude, relative à î'un de nos princi-
paux poètes du moyen âge, puisqu'il n'existe pas en France de re-
vue spéciale pour ce genre de travaux .
3° Tersin, tradition arlésienne.
4® Le Chevalier y la Dame et le Clerc.
Ces deux textes inédits ont été publiés par M. Meyer. Us sont
précédés chacun d'une introduction où Pon trouve le soin et le sa-
voir habituels de l'auteur.
Nous remarquons ensuite un court glossaire de deux cents mots
ou locutions recueillis dans l'Indre-et-Loire, par M. A. Brachet,
l'auteur de la Grammaire historique de la langue française; — un ar-
ticle sur les mois latins qu'on rencontre dans les textes talmudiques,
de M. Darmesteter; — deux articles de M. G. Paris, comprenant
une discussion étymologique relative au lûot faîte (fastigium), et
une sévère critique du système de mythologie à outrance appliqué
par un savant allemand, M. Hugo Meyer, à l'explication de nos
vieilles épopées françaises ; — différents articles philologiques ou
bibliographiques, — et enfin la version provençale du conte popu-
laire rhythmé de la Fournigueta, empruntée à VArmana prou-
vençau.
A. B.
130 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE DE LA LANGUE D'OC
PENDANT L'aNNBB 1871
Almanagh historique, biographique et littéraire de la Provence,
fondé et dirigé par Alexandre Gueidon. 16« année, 1871. In-8,
60 p. Marseille, au Bureau de la publication, 1 fr.
Amours (les) champêtres du canton de Mens (Isère), vers patois
français. In-8, 4 p. Lyon, Bellon.
Angles (Marins). La Républiquo, vo l'Enfant de la liberta; can-
sounetto. In- 8, 3 p. Toulon, Robert.
Armana prouvençau pèr Pan de Dieu 1871, adouba e publica de
la man di felibre. Joio, soûlas e passo-tèms de tout lou pople dôu
Miejour. An dès-e-seten dôu felibrige. In-16, 112 p. Avignon^ Rou-
manille, 60 cent.
Bessi (Jules). Ai eletour! (vers), ln-8, 1 p. Nice, Caisson et Mi-
gnon.
Bessi (Jules). Ganson nissardi. Lu Ghitarrista; la Pipa. In-12,
4 p. Nice, Caisson et Mignon.
Bessi (Jules). Elession per lou conseu général. Appel ai electour
doù canton Ouest. Voten per Mossù Giuli Gilly. In-8, 1 p. Nice,
Caisson et Mignon .
Bessi (Jules). Lou Nouvèudon Basile. Ganson. Er dai ligouban.
In-8, 1 p. Nice, Caisson et Mignon.
Bessi (Jules). La Perruca d'un Sacrestan. Poèma en catre cant.
In-8, 56 p. et ports. Nice, Caisson et Mignon.
Bessi (Jules). La Question de Nice (en niçard, en français, en
italien). Nice, Caisson et Mignon.
Bessi (Jules) . Satira et Gritica. In-8, 1 p . Nice, Caisson et Mi-
gnon.
Bessi (Jules). Tau mestre, tau garson. Satira. In-8, 1 p. Nice, Im-
prim. administrative.
Bulletin bibliographique de la langue d'Oc pendant l'année
BULLETIN BIBLIOaRAPHIQUE 131
1869, publié par S. Léotard. In-S, 8 p. Montpellier, Gras. — Idem,
1870. In-8. 4 p. Montpellier. Ricaieau, Hamelin et Cie.
Extraits de la Bevtie des langues romanes.
Cassaignau (B.). Épisode de l'histoire de Nérac; légende du
XYl* siècle. Henri IV et Floupeto, poëmo. In-8, 24 p. Beaumont-
de^Lomagne, Serres, relieur, 75 cent.
Ghauvier (Ph.), de Bargemoun. Lei Yilajouaso. Lou Nieu de
Bouscarlo* In-32. x-92 p. Draguignan, Laugier.
Chilet (lou). Conte en vers, par F. P, In-8, 7 p. Draguignan,
Latil.
GoxTRDonAN (Biaise), de Marseille. Mes délassements. Poésies
françaises et provençales . 1" livraison. In-8, 16 p. Marseille, Lébon,
L'ouvrage sera publié en 12 livr. à 50 cent, chacune.
Delbez, poète. Lou Tens esarribat. j[870.As FrancésJ Chansons.
In-8, 4 p. Agen, Bonnet.
DuRiN (Alfred). Le Chant du siège de Paris. L'Empire, c'est la
paix. La Grando Ballado en patois limousi (trois chansons). In-4,
3 p. Paris, l'auteur, 59, rue Cardinal-Lemoine. 30 cent.
Faure (Charles), hbraire. Lou Jour di morts à la campagne (poé-
sie). In-8, 8 p. Montpellier, Boehm,
Geneste (Jules). L'Opignoun daou citoyen Jean Brenard, dit
Brenichot de Beychebelle, sur Bisquemaou et Guillaoumet, lou
noubet empereur de toutes leys Allemagnes. Poésie burlesque.
In-8, 15 ^, Bordeaux, Chaynes. 25 cent.
GuisoL (François). Lou Dina ridicul d'un proussès gagnât. Co-
media en doui ate e en vers nissart, giugada per la premiera fes,
me plen sucés, su lou Teatre de famiglia, per de giouve amatour.
ln-8, 30 p. Nice, Gilletta.
GuisoL (F.). L'Eco dau pople (vers). In-4, 1 p. Nice, Gauthier.
GuisoL. Poèma à l'imourtal Garibaldi, en la sièu lenga maire,
contra lou sièu envidïous, In-8, 12 p. Nice, Faraud. 50 cent.
GuisoL (F.). Satira e complimen ossia l'usura et lu ben parven-
gut. In-8,6 p. Nice, Gilletta,
Imitatiou de Jésus-Christ, traducide en béarnés per M. Tabé P.
Lamaysouette. In-8, vni-328 p. Pau, Vignancour.
13S CHRONKIUR
Loup^ (Lou) ET L'AcMvife, fable, fMir T. M. 1q-4, 1 p. SaM^Éti^nney
Montagny,
Mensonbohie (Lou) d*un village vesîn (vers), ln-8. f p. Niée,
Imp . adminislralive .
Mouraglia(F.). Lou Festin de l'Ariana, près Nîssa, lou 3 et 4
giuliet 1870 (vers). In-4à 3 col., 1 p. Nice, Caisson et Mignon.
Raoczblet (Lou). Annade 1870. N® t, f 7 juyet. In-f» à 3 coï. , 4 p.
Bordeaux, Gounouilhov. Abouuemèn : Fannade, 6 lioures ; cheyz
mes, 3 liaures dus sos.
Paréchèn lou dimènche
Statuts inédits de la coofrérie de Saint-Denis de Ginestet (en
langue romane), publiés avec une notice explicative, par A. Ger-
main, professeur d'JbiMoire et doyen de la Faculté d6& lettres de
Montpellier. In-4o, 12 p. Montpellier, Martel,
Extrait des Mémoires de ta Société archédogique de Montpei[ier.
ViNAs (l'abbé), curé de Jonquières. Proclamations faites à Assas,
près Montpellier, par ordre des Seigneurs du lieu, en 1483, et Cri-
des de la court de M. de Lauzières, au diocèse de Lodève, en f610.
In-8, 27 p. Montpellier, Gras.
Extraits de la Revue des hmçfuee rmianes.
S. Lêotaro.
CHRONIQUE
h'École des hautes études continue la série de ses publications.
Nous signalerons entre autres l'édition de la Vie de saint Alexis,
par MM G. Paris et L. Pannier. Ce travail, qui fait honneur à
l'érudition française, sera analysé dans la Revue des langues ro-
manes.
Signalons aussi le récent ouvrage de M. Michel Bréal : Quelques
mots sur IHnstruclion publique. Les amis des études sérieuses ne
sauraient trop en recommander la lecture.
* «
Dialecte picard. — M. Natalis de Wailly a publié, dans la Biblio-
thèque de r École des Chartes, t. XXXI et XXxII, une collection de
chartes en langue vulgaire, provenant des archives de la collégiale
de Saint-Pierre d'Aire. Il y a joint un commentaire grammatical
exact et complet.
Le Gérant, Ernest HAMELIN.
DIALECTES ANCIENS
UN alManach au X"»« siècle
I
Sur le recto du premierfeuillet dums.301 delà Bibliothèque
de l'École de médecine de Montpellier, figure un court alma-
nach, ou plutôt un préambule d'almanach, où se trouvent des
prédictions relatives au temps et aux événements politiques.
On sait que cette habitude bizarre ne s'est pas encore perdue,
et qu'on rencontre des almanachs ad mum. . . populi, où les va-
riations de la politique et celles de l'atmosphère sont prédites
avec soin, sinon avec clarté; car, dans bien des campagnes, un
almanach n'a de valeur qu'autant qu'il indique, non-seulement
le temps de l'année, mais encore le temps de chaque jour.
Nostradamus, qui publia des almanachs de ce genre, de 1550
à 1567, eut un très-gçand succès. On aurait pu croire qu'il
était l'inventeur de ce système de prédictions relatives à la
politique et à la météorologie ; enverra, en lisant cette courte
notice, qu'il n'a fait que remettre en vigueur une tradition
plus ancienne.
N'ayant ni les moyens ni le désir de traiter la question cer-
tainement intéressante de l'origine des almanachs, je me suis
<y)ntenté d'étudier ce document au point de vue philologique.
'. Je donne d'abord le texte et la traduction, puis le com-
mentaire.
n
(Uê. 301, M, r*)
A, 1. — Si die dominico. fuerint. kal. jan. hiems calidus.
vernum. humidûm. sestas. etautumnus. ventosi annone bone.
abundjMitia peccorum. Mel suffitienter. Vindemie. ubertas. e
9
134 DIALECTES H0DERNB8
legumihum. fructus. ortolani parebunt. Juvenes. interibunt.
bella delectabiliter. Regnum*. disceptatio. Pagne erunt et
latrocinia magna et aliquid novi. audietur. aut ex regibus, aut
ex principibus et pax fiet.
A. 2. — Si die secundo fuerint kal. jan. facit hiems com-
munem vernum et estatem teperatum. autumnum diluviosum.
formidines erunt. et infirmitates. Turpiores morientur. bella
delectabiliter surgent Mutationes militum. et principum. Al-
tercaciones erunt et multe. matrone in luctu sedebunt. et gla-
ties magne erunt. et reges interibunt ferro et mortalitas
magna erit et vindemia non bona et apes morientur.
A. 3. — Si die tertio fuerint kal. jan. facit hiems magnum,
et nimium. et diluviosum. Vernum et estatem. humidum. au-
tumnum siccum. Frumenti karitatem. etpeccorum interitum.
Repentini. in orbem regnabunt Navigantibus periculum Mel
superabundavit Uni erit karitas incendia multa. Pestilentia
multa nimia Legumina precipua fructus ortolaris parebit. 01-
leum. superabundabit Turbatio aliquaerit. romanis et mu-
lieres morientur. et reges peribunt. et vindemie labor erit.
A. 4. - Si die. IIII. fuerint kal. jan. erit annone vilitas
Vindemie habundantia. Pomorum inanitas . adquisitas homi-
num bonus negotium habundabit*. Virorum interitus. hiems
kalidus et asperus. Vernum malum. et humidum autumnum.
temperatum. Pericula ferri • olei copia Ventris. et precordia-
rum solatio*. Mulieres morientur Locis diversis famis erit et
aliquid novi audietur. SBstasbona erit. et juvenes morientur et
mel non erit *.
A. 5. — Si die. V. fuerint kal. jan. erit frumenti et olei et
pomorum vilitas. et legumina bone erunt anone vitiabuntur
lini erit karitas. Potionum. interitus pluvia multa. et flumina
* Faut-il lire : regum ou rtgnorum?
^ Je n'ai pas compris cette phrase. Le mot le plus embarrassant est
•' Farris ?
* Dans solatio le groupe al est douteux.
» Le copiste a^ ait d'abord écrit «rer II s'est corrigé lui-même.
UN ALMANACH AD X* SIECLE 1S5
foras exibunt. Hiems temperatum . Yernum ventosum. autum-
num bonum et estas bona. et pax erit.
A. 6. — Si die. VI. fuerint kal. jan. facit hiems tempestivum
Vernum bonum Ëstatem malum autùmnum siccum frumentum
et vindemiam habundabit et oleum lupitudo oculorum gregna-
bit Infantes interibunt bella et deliciosa. militum Motus orbis
terrarum. (P°105, v**) Et pereclitaciones regum et peregrina-
tiones ex primatis erunt et magni rumores crica {sic] principes
erunt et oves et opes morientur.
A. 7. — Si die. VII. fuerint kal. jan. facit hiems ventosum.
Vernum. magnum. Estatem varium autùmnum siccum et asi-
duis tempestatibus vexabitur Frumenticoncussio set annona
commoda. Peccorum interitus lini karitas Terciane febre do-
minabuntur et variislangoribus homines affligentur et mortalitas
erit maxime senes morientur.
TRADUCTION
A. 1. — Si les kalendes de janvier tombent un dimanche,
hiver chaud, printemps humide, été et automne venteux;
grains de bonne qualité ; abondance de bétail ; miel en suffi-
sance ; belle récolte en vin et en légumes, les jardins donne-
ront beaucoup. Mortalité sur les jeunes gens. Guerres en quan-
tité. Querelles entre les rois. Il j aura des batailles et de
grands brigandages, et on apprendra du nouveau, soit par le
fait des rois, soit par le fait des princes, et la paix reviendra.
A, 2. — Si les kalendes de janvier tombent le deuxième jour,
il fait * un hiver ordinaire, un printemps et un été tempérés,
un automne extrêmement pluvieux. Il j aura des épouvantes
et des maladies. Mortalité sur les gens laids. Des guerres écla-
teront en grand nombre. On verra souvent les soldats en ré-
volte et les grands en lutte. Les dames seront dans le deuil.
Et il y aura de grands désastres, et les rois périront par le fer,
* J'ai cru pouvoir hasarder cette expression, pour traduire plus fidôle-
menl le latin, quoiqu'on ne dise bien que : c II fait froid, il fait chaud i.
136 DIALECTES ANCIENS
et la mortalité sera grande, et la vendange ne ^çra pas bonne,
et les abeilles'mourront.
A. 3. —Si les kalendes de janvier tombent le troisième jour,
il fait un hiver long et rigoureux et un printemps très -plu-
vieux et un été humide, un automne sec ; les blés sont chers ;
épidémie sur le bétail; fréquentes bourrasques (?); danger pour
ceux qui naviguent; il y aura surabondance de miel; le lin coû-
tera cher; beaucoup d'incendies; pestes fréquentes, meurtrières;
il y aura surtout des légumes; les jardins donneront beaucoup;
il j aura surabondance d'huile; il j aura certains troubles chez
les Romains, et des femmes mourront, et des rois périront, et
on aura de la peine pour la vendange.
A. 4. - Si les kalendes de janvier tombent le quatrième jour,
les grains seront pour rien, la vendange abondante ; il n'y
aura pas de fruits
Mortalité parmi les hommes ; hiver chaud et rude ; mauvais
printemps et humide ; automne tempéré (?); craintes pour le blé ;
huile en abondance, soulagement pour Festomaç et les entrail-
les; des femmes mourront; il y a^ura disette en divers lieux, et
on apprendra du nouveau; Tété sera bon, et des jeunes gens
mourront, et il n'y aura pas de miel.
.'1 .5. — Si les kalendes de janvier tombent le cinquième
jour, le blé, Fhuile et les fruits seront pour rien, et les légu-
mes seront bons ; les grains seront avariés ; le lin cQÛ,tera
cher; il a'y aura pas de quoi boire (?); pluies abondantes, et les
rivières déborderont ; hiver tempéré; printemps vejiteux; bon
automne et bon été, et on aura la paix.
il. 6. — Si les kalendes de janvier tombent le sixième jour,
il fait un hiver favorable, un bon printemps, un mauvais été,
un automne sec; il y aura du blé et de la vendange en abon-
dance ainsi que de Thuile; les ophthalmies seront nombreuses;
dçs enfants périront; guerres et de soldats; tremble-
ment de terre. Et les rois seront en danger, et les grands or-
ront en divers lieux, et on f^ra courir des bruits fâcheux, sur le
compte des princes, et les brebis et les abeilles mourront.
UN ALMaKACH au X* SIECLE 137
A. *?. -^ Si Ifeà kaléndes de jiailviëHôiïibeiit lé septième jour,
il fait un hiVér venteux, tiii prtiitëinps dééagréâble (?), Un été
variable, un automne âeb et qui sera troublé par des tempêtes
continuelles. Déchet (?) surlésblés, mais les grains seront bons.
Epidémie sur le bétail. Le liti sera cher. Les fièvres tierces
domineront, et leshoninies seront affliges de inaladies diverses,
et il 7 aura grande mortalité, surtout sur les vieillards.
III
Ce texte n'est pas de la même main que le reste du manu-
scrit; il est moins ancien. Il n'offre pas de date ni de particu-
larité chronologique précisé, ou même approximative, qui per-
mettent de lui assigner une époque bien déterminée.
On remarque cependant qu'il y est fait mention des Romains.
S'agit-il des Romains du temps de l'Empire ou des Romains
de la Papauté ? Rien ne l'indique. Mais une observation permet
de rejeter la première alternative : c'est qu'en fait de person-
nages politiques, notre almanach ne parle que de rois et de
grands, « reges et principes », et noli d'empereurs ou de césars.
Quant à remonter aux Romains de la République ou inême
des premiers temps de l'Empire, cela est impossible, puisque
la locution die dominico, « dimanche )>, par laquelle il débute,
nous renvoie à l'époque chrétienne.
La date de la composition ne peut donc se retrouver ; quant
à la transcription, elle est très-certainement du X® siècle, à en
juger par l'écriture.
Le ms. où il a été inséré, en deux fragments très-courts et
d'inégale étendue (f* 1, r° et f» 105, v°), est occupé par un re-
cueil de canons pénitentiaux en trois livres, que Luc d'Achery
a reproduit dans le tome XI de son Spicilegium . Bouhier, à
qui il a appartenu, après de Thou, le dit du VIP ou VHP siè-
cle * ; mais, il est plus probablement du IX®.
* Voir âon Catalogue manuscrit, ir* 19 (Bibliothèque de l*Ecole de méd*
de Montpellier), p. 47, al. 20.
138 DIALECTES ANCIENS
Il est assez difficile d'en déterminer Torigine. Cependant,
parmi les rares indices de prononciation qui pourraient met-
tre sur la voie, j'en ai relevé un qui n'est pas sans valeur :
c'est la forme dimas, pour décimas, « les dîmes » : Si quis autem
voluerit retinere dimas (f» 104, v<*). Elle se trouve dans un
de ces textes de remplissage que les possesseurs de manuscrits
se plaisaient à intercaler dans les pages ou parties de page
laissées en blanc. L'italien, le catalan, l'espagnol et le por-
tugais, ayant conservé la forme latine décima, et le français
seul l'ayant abrégée en disme, que Ton prononçait comme au-
jourd'hui dîme, il est permis de supposer que ce ms. vient
d'une province de langue d'oil.
Du reste il n'importe guère, pour la valeur de ce document,
qu'il ait été écrit en France plutôt que dans un autre des
pays de langue romane, puisque les faits de syntaxe qu'on y
peut relever, et qui sont évidemment dus à l'influence du lan-
gage populaire, sont communs à toutes les langues néo-la-
tines.
Phonétique
1® Voyelles
jS pour e: pas d'exemple.
F pour œ: fréquent : — annonE bouE (a, 1), etc.
Arum pour orum : — precordiAKV^ pour prœcordiorum (a. 4).
Orum pour arum : pas d'exemple.
pour u: — ortoiani (a. 1), ortolaris (a. 3), pour hortulani,
hortularis.
U pour o: pas d'exemple.
/ pour u: pas d'exemple .
t^pour i: — lupitudo ^our lippitudo (a. 6). Voir p. 143.
2° Consonnes
B pour V : pas d'exemple.
V pour h: — mel superabundayit pour superabundabit
(a. 3).
C pour ce : pas d'exemple.
UN ALMANACH AU X* SIÈCLE 139
ce pour c ; — peccorum pour pecorum (a. 3 et a. 7).
G prosthétique : — aregnabit^^ourregnabit (a. 6). Voir p. 143.
ff prosthétique : — nabundantia (a. 3), uahundabit (a. 4 et
a. 6).
G pour gu, devant o: — langoribus (a . 7).
Gu pourgf, devant o: pas d'exemple.
H initial supprimé : — ortolani {a, 1), ortolaris (a. 3), pour
hortulani, hortularis.
K pour c devant a ; — Karttas {a, 3, a. 5 et a, 7), Kalidus
{a. 4).
iV pour nn / — avone pour annoncp (a. 5).
NN pour n ; pas d'exemple.
R (métathèse de 1'): — crica pour circa {a, 6).
S pour ss .* — asiduis pour assiduts (a. 7).
5Spour s.' pas d'exemple.
r pour rf final, devant une voyelle ; seT annona (a. 7) .
D pour t final : pas d'exemple.
Grammaire
Cft8
Accusatif en am substitué au nominatif en a .* — vindemiaM
habundabit (a. 6] .
Accusatif en em substitué à l'ablatif en e: repentini in orbeu
regnabunt {a, 3).
Genres
Le masculin est mis plusieurs fois pour le féminin :
Die dominico (a. 1). — Hiems calidus (a. 1), hiems magnum
[a. 3), etc.. — Estatem tepei^atum (a. 2), humidum [a, 3), ma-
lum (a. 6).
Dans le premier exemple on s'attendait à voir die dominica,
parce que beaucoup d'autres textes, regardés comme corrects,
donnent plutôt le féminin à dies ainsi employé. En réalité,
on était libre de choisir le masculin ou le féminin quand ce mot
était au singulier, le masculin n'étant de rigueur qu'au plu-
140 DIàLEOTBS angibms
riel. Dans le cas présent, où Ton compte les joups de la samaiiie^
où Ton attribue à chaque jour désigné sa vraie durée, et oon
une durée indéterminée, remploi du masculin est plus ockrrect ;
car dies au singulier ne prend bien le féminin qu'autant qu'il
indique la durée d'une manière vague : qtiadam die et oon qvo-
dam die. Il est probable, cependant, que le copiste ou F auteur
n'a pas fait toutes ces réflexions, et qu'il s'est contenté de se
conformer à l'usage populaire, qui, au moins en France et en
Espagne, préférait dies dominicus à dies dominica, comme on
doit le conjecturer d'après l'accord de nos anciens textes et des
patois actuels, qui, presque tous, donnent le masculin au mot
qui s'en est formé *.
Hiems et œstas étaient féminins dans le latin classique. La
substitution du masculin est due probablement à l'influence
du langage populaire, qui a donné ce genre au non^ des sai-
sons. Il faut observer aussi que œstas est conservé deux fois
avec son vrai genre : estas bona [a. 4 et a. 5).
Le neutre et le masculin, le neutre et le féminin, sont con-
fondus deux fois :
1° Autumnum temperatum (a. 4), bonum {a. 5). — Hiems
temperatum (a . 5) *. Il faut sous- entendre erit dans chaque
exemple .
2° Legumina bone erunt pour bona (a. 5) . - Precordiarum
pour prœcordiorum (a. 4).
Ces incorrections sont problablement dues à Tinfluence du
parler populaire, qui, au singulier, confondait le masculin et
le neutre, et, au pluriel, le neutre et le féminin. Cette dernière
confusion, celle du neutre et du féminin, provenait de la res-
semblance de flexion entre le neutre pluriel en a et le féminin
singulier, également en a : fausse analogie, qui explique le
changement de genre suivant le changement de nombre dans
les mots délice, orgue, — masculins au singulier, parce que la
* Exceptions : en italien, domenica, fém.; dans le patois de Genève,
une dimenche; dans le patois bressan, la dimenehi.
^ Nous avons déjà remarqué que hiems était masculin pour le copiste.
UN ÂtiMANAGH AtJ X* SIECLE 141
terminaison neutre de leurs primitifs latins delicium, organum,
se confondait avec la terminaison de Taccusatif masculin ; —
féminins au pluriel, parce que la terminaison a du pluriel
neutre des mots latins delicta, organa, les faisait prendre pour
des noms féminins.
On trouve fréquemment des exemples analogues dans le
latin mérovingien, tels que pecoras, vestimentas, etc. (Voyez
Brachet, Grammaire historique de ta langue française, p. 157).
Que de fois j'ai relevé, dans les thèmes de mes élèves, des bé-
vues du même genre : sumpsit armAS, « il prit ses armes )) !
Place des mots
Adjectif. — L'adjectif, employé comme attribut, se met tou-
jours après ie nom auquel il se rapporte: «fîiems [erit] calidus
— vernum [erit] humidum, — sestas et automnus [erunt] boni,
ete », «t non : « Calidus [erit] hâems, humidum [erit] vernum,
boni [enint} sestas et automnus. »
Il se met soit avant, soit après le nom, plus souvent après,
quand il n'est pas pleineisEvent attribut, o'est-à^dire quand il
figure incideniiment dans \b, proposition : u 1° (après le nom) Fruc-
tus ortolani parebunt, — Pugne erunt et latrocinia magna, —
fructus ortolaris parebit, — Si die d<Mninico si die se-
cundo .... si die tertio fuerint, — Et glaties magne erunt. »
Dans cet exemple, magne n'est pas pleinement attribut, carie
sens est : « Il y aura de grands désastres » , et non a Les désas-
tres seront grands » ; — a 2* (avant le nom) asiduis tempestati-
bus vexabituir, - Terciane febre dominabuntur, -*- Variis lan-
goribus homines affiigentur. »
Sujet, — Le sujet se met toujours le premier, et le verbe le
dernier: «Fructus ortolani parebunt, -*- Juvenes interibunt, —
Aliquid novi audietur. )>
Esse fait exception et se place indifféremment avant ou
après : a 1® (après) Pugne erunt )> ; — « 2** (avant) Si die dominico
fuerint kalendae. »
142 DIALECTES ANCIENS
Lexique
Formes et acceptions rares ou nouvelles
ASPERus [hiems] (a. 4) pour asper. — Fonne entièrement
nouvelle.
CoNCUSSio frumenti (a. 7). — Concws^io veut dire « secousse » .
Je ne vois pas trop comment il a pu être joint à frumenti. Est-
ce une acception nouvelle ? Faut-il y voir une faute de tran-
scription?
DELECTABILITER [bello) (a. 1). BcUa DEI ECTABILITER SUrgCnt
(a. 2). « Il y aura beaucoup de guerres, Beaucoup de guerres
éclateront». — Acception nouvelle. Les lexiques ne donnent
que le sens de « agréablement » .
C'est par la même analogie qu'en grec èiïieiTUùç signifie en
même temps «avec douceur» et «en abondance».
DELiGiosA {bella et militum) (a. 6), « guerres et méfaits? des
soldats ». — Je suppose que le copiste a mal lu ou mal écrit,
et que la vraie leçon est delicuosa. Ce mot, il est vrai, ne se
trouve nulle part, mais Ducange donne delicuum avec le sens
dedelictum, TrxaKJfxai échec ou faute commise. On pourrait en-
core lire deliquiosa, que Ton dériverait de deliquium, manque,
perte. Dans ce cas il faudrait peut-être traduire par n pertes
éprouvées par les soldats», ou par « défections des soldats»,
comme ont traduit deliquium solis par «éclipse de soleil».
DiLUviosuM ( facit autumnum ) (a. 2). Facit hiems diluviosum
(a. 3). «Il fait un automne, un hiver extrêmement pluvieux. »
— Mot entièrement nouveau et très- régulièrement formé de
diluvies, comme speciosus de species .
EX primatis peregrationes (a. 6), pour « primatum peregri-
nationes, — Acception nouvelle. Dans le bas latin, c'est d'or-
dinaire la préposition de, suivie de Tablatif ou de l'accusatif,
qui remplace le génitif de possession.
FACIT hiems, vemum, estatem. ... « Il fait un hiver, un prin-
temps, un été froids, etc. ». De même dans Grégoire de Tours:
Gravem eo anno hiemem fecit (Bibl. nat., ms. 17655, f» 44, r*»).
UN ALM4NAGH AU X' SIÈCLE 143
-^ C'est un pur romanisme, comme le prouyent les locutions
actuelles « Il fait chaud, il fait du vent, etc. »
FAMis pour famés (a. 4).
FEBRE (terciane) dominabuntur (a. 7). — Cette forme, qui
suppose le nominatif singulier febra, ne se trouve pas dans
Ducange. C'est une des créations de la syntaxe populaire, qui
ramenait tous les mots féminins au type commun de la pre-
mière déclinaison en a. Voir plus loin Primatis,
GLATiES {matrone in luctusedebunt et . . . . magne erunt) (a. 2).
— Glacies n'ayant ici aucun sens, il est probable que glattes
est pour clades, avec le sens de « désastre )). Pour le change-
ment de cl en gl, comparez Otuidis u pestilentia » ap. Diez,
Altr. Glossare, p. 49.
GREGNABiT (a. 6) pour regnabù, — J'ai relevé un exemple
analogue dans le ms. n° 61 (XP siècle) de la biblioth. de Leyde,
dit ms. de Vossius, f* 11, r": GKegnariolus pour regariolm (roi-
telet).
C'est de même, par la prosthèse du g devant l'r, que ranancu-
lus a formé anenouille,
HiEMS est traité comme mot invariable : fadt hiems commu-
nem (a. 2), facit hiems magnum (a. 3), facit hiems tempestivum
(a. 5).
LUPiTUDo oculorum (a. 6), pour lippitudo, — J'ai déjà eu oc-
casion ( Cinq Form, rhythmées et assonancées du VIP siècle,
p. 32) de signaler et d'expliquer la tendance qu'avaient nos
ancêtres à assimiler Vu et lï. J'en ai donné des preuves cer-
taines pour le XII® siècle. Il est permis de reporter cette ha-
bitude encore plus haut, et de supposer que de tout temps l'or-
gane gaulois a tendu à substituer le son û au son ou des anciens
Latins et des Italiens d'aujourd'hui.
MAGNUM vemum. . . . facit (a. 6). — Magni rumores erunt
(a. 6). — Facit hiems magnum et nimium (a. 3). — Magnus
semble avoir dans ces différents passages le sens péjoratif de
gravis, dont il semble aussi tenir la place. Du moins gravis ne
figure-t-il jamais dans ce texte, bien que le sens qu'il repré-
sente y trouve place plus d'une fois.
144 DlÂtECTBS ANGI9MS
HVTAtioiŒS fmUtum et prmeipum (a. 2)^ « HérohitioM opé-
rées par les soldats et par les grands. » -^ Accfeptioù nou-
velle. Mutatio, employé avec ce sens, régit toi^ours un nom de
chose : Mutatio rerum, « Révolution politique, n
0RT0LARI8 (a. 3) pour hortularù, — * Les lexiques delà bonne
latinité ne donnent que bortuaHsy hortemiè et hortulanus. Du-
cangene cite que le neutre pluriel, kortularta : olera, legumina,
et alia id genus quss in hortis nascuntur.
Encore cet exemple unique, tiré d'une charte du XIP siècle,
est-il postérieur de deux cents ans au nôtre.
PBRiGLiTAiCiONES regvm (a. 6), « Les rois seront en danger. »
— Acception nouvelle. Les lexiques ne donnent à periclitatio
que le sens de « essai, épreuve. »
PRBcoRDiARUM (a. 4) pour prœcorcHorum. *- Forme nouvelle.
J'ai déjà cité ce mot comme preuve de la tendance qu'avaient
ceux qui écrivaient le mauvais latin des premiers temps du
moyen âge, à confondre le féminin avec le pluriel neutre.
Primatis pour primatilms (a. 6). — J'ai eu occasion {Revue
- des langues romanes, janvier 1871, p. 60) de constater cette
loi de déformation, qui ramenait toutes les désinences des
noms ou adjectifs masculins à un type unique, celui de la
deuxième déclinaison en us.
Ducange cite un seul exemple de primatus, daté de 1086.
RBPENTiNi in orbem regnabunt navigantibus periculum (a. 3). —
n est probable qu'il s'agit des vents qui soufflent brusquement.
Venti serait donc sous-entendu. Conjecture plausible, et ^i
acquiert plus de force si l'on rapproche repentini de l'adjectif
annotini, qui se trouve dans le ms. 305 ( IX® siècle) de Mont-
pellier, employé isolément avec le sens de « vents étésiens » .
soLATio {Olei copia Ventris et precordiarum (a. 4). — Faut-il
lire Olei copia [erit] solatio ventris et precordiarum, — litt.
«Abondance d'huile sera j?our k sotdagement de l'estomac et des
entrailles», en regardant 5061^0 comme le datif de solatium?
Ou bien doit-on faire de solatio le nonuimaitif de solatiùy onis,
qui serait l'attribut de copia olei et non le complément de erit?
Dans ce cas nous auriona une forme nouvelle, faisant double
UN ALMANAOH AU X" SIECLE 145
emploi avec solatium, forme qu'on peut déduire du composé
consola tio.
TEMPESTivuM {Facît kiems) (a. 6). — Quel est le vrai sens
de cette expression ? Si elle appartenait à un texte correct, on
ne serait pas embarrassé, et on traduirait : « Il fait un hiver
favora^l^ )\, tempçstiims ajant, dans la bonne latinité, le sens de
<c opportun, favorable ». Mais, pour traduire ce mauvais latin
tout imprégné de romanismes, il est plus sûr de puiser les
éléments de comparaison dans le recueil de Bucange.
On y trouve, en effet, non pas Tadjectif, mais, ce qui re-
vient au même, r^dverbe tempesHve avec le sens de impetuose,
tempestatis instar. Les deux exemples cités, quoique moins an-
ciens que le nôtre — ils sont de 1364 et de 1386 — autorisent
la traduction que j'ai préférée, « hiver orageux. »
A. Boucherie
Il est intéressant de rapprocher ce document des Jours pé-
rilleux que M. Ç. Meyer a publiés dans le Jahrbuch. On y
retrouvera la même tendance et des bizarreries analogues.
Je regrette de ne pouvoir indiquer, d'une manière précise,
le volume où figure 1^ passage a^uquel je renvoie.
Je n'ai entre les mains que quelques feuilles de cette collec-
tion.
ARCHIVES DE MONTPELLIER
m
L'INVENTAIRE DES ARCHIVES DE U COMBfUNE aOTURE
Comme toutes les institutions municipales de cette époque,
la Commune Clôture était très-jalouse de ses franchises et de
ses privilèges ; elle en tenait compte avec une exactitude ri-
goureuse, ne manquant aucune occasion d'en accroître le nom-
bre ou d'en étendre Tapplication.
Cela explique pourquoi, à diverses reprises, elle donna Tordre
à ses agents d'en établir et d'en rédiger des inventaires mé-
thodiques, très-précis, quoique sommaires. Le Livre des pri-
vilèges de la Commune Clôture y publié récemment dans la /?ei;2^«,
en contient plusieurs, d'autant plus remarquables qu'ils ap-
partiennent tous à une date voisine de la création de l'œuvre.
Le plus curieux, sans contredit, puisqu'il accuse dès ce
temps des habitudes d'ordre et de bonne administration, est
évidemment V Inventaire des archives de 1264 *.
L'œuvre s' accroissant de jour en jour en richesses, en attri-
butions et en influence; son pouvoir s' étendant et, avec lui, les
complications d'affaires, on fut obligé, un siècle après, de pro-
céder à un nouveau travail de ce genre.
En conséquence, vers Tannée 1377, les seigneurs ouvriers,
administrateurs de la Commune Clôture, ordonnèrent qu'une
seconde inventoriation des chartes et des titres d'établisse-
ment, de propriété et de souveraineté de Tœuvre, serait faite.
Notre manuscrit fut le résultat de ce travail.
On peut penser, tout d'abord, que la publication d'un sem-
blable inventaire ne peut être de grande utilité ; la réflexion
ne tarde pas à modifier cette croyance. Ce n'est guère qu'un
' Voir, dans la Revue, la 4* livraison de 1872, p. 20.
ARCmVBS DBl LA OOMMUNB GLÔTURJB 147
ppocès-verbal très-sec et très-froid, sans doute, mais c'est
un procès-verbal qui relate les faits et gestes d'une puissante
administration, et qui en emprunte, à tout instant, le plus
grand intérêt.
C'est, si l'on peut s'exprimer ainsi, l'histoire même^ prise à
sa source la plus sûre et la plus impartiale.
S'il s'agit de V Inventaire des archives du Consulat, on y voit,
par l'arrangement et le classement des affaires, comment nos
pères les entendaient et comment ils les exécutaient. S'il s'agit
de celui des Archives de la Commune Clôture, on y sent revivre,
dans l'une de ses plus essentielles conditions d'existence, la
défense du territoire et le maintien de ses droits, l'intelligence
d'une Commune qui fut l'honneur et l'admiration de son temps.
Il en résulte que ces sèches énumérations de chartes et de
titres, par suite de ce souvenir de tout ce qui s'est fait d'im-
portant ou d'extraordinaire, forment de véritables chroniques
municipales, infiniment préférables, sous bien des rapports, à
celle que l'on insérait avec tant de soin dans le Petit Thala-
mus.
Les considérants qui en amenèrent la rédaction ont été
placés en tête du manuscrit en forme de préambule ; je les
reproduis ici, en traduction, comme étant très-dignes de re-
marque :
. « Au nom de N.-S. J.-C. et de M"^ Sainte Marie, vierge-
mère, et de tous les saints et saintes du Paradis, que ceci soit
fait. Amen.
» En l'an de l'Incarnation 1377, au mois d'août, Etienne de
Clapier, Bernard Jaudon, Deudes Astruc, Jean Navar, Pierre
del Valat, Benoit Oliva, Marc de Cabanes, ouvriers de la Com-
mune Clôture de la ville de Montpellier, sachant et connais-
sant que l'intérêt public doit être préféré à l'intérêt privé ; at-
tendu que la mémoire de l'homme est oublieuse, et que pour
cette raison l'écriture fut inventée, si bien que les choses à
perpétuer par la tradition tombent en oubli, si elles ne sont
ravivées par son bienfait ; pour ce, afin qu'il en soit fait un
mémorial perpétuel : voyant que les chartes qiLi concernent
notre susdit office, tant pour le fait de Tœuvre que pour celui
des chapellenies, desquelles nous avons le patronage, n'ont
pas été bien inventoriées, à cause de la négligence du temps
passé, nous avons fait écrire dans ce livre ou enregistrer, par
manière d'inventaire, toutes ces chartes avec ordre.
» Et, en premier lieu, les chartes et privilèges de Tœuvre,
ainsi qu'il suit, etc. »
Le manuscrit se compose de neuf feuillets grand in-4°, sur
parchemin., en belle et bonne écriture. Il ne forme qu'un seul
volume, avec un autre manuscrit du même temps et de même
espèce, le Catalogue des chapellmies, qui n'en est, à bien con-
sidérer, que la continuation *.
Il se divise en quatre parties :
La première, dont on vient de citer le début, n'est guère que
V Inventaire de 1264, accru et complété. Il commence avec la
charte d'institution de l'œuvre en 1196, par Guillem VIII, et
finit avec la charte d'acquisition des XII pans du fossé du
portail de Lattes, en 1376 .
La seconde est tout simplement le répertoire des actes et
instruments contenus dans le livre du notaire de l'œuvre,
W Elle Lambert. Il y est désigné par la curieuse dénomination
de Libre cubert de postz, ce livre ayant une reliure en bois
(art. 26).
Les troisième et quatrième sont d'autres répertoires des deux
livres de notes de son successeur, M® Jacme de St-Johan. Ils
sont dits l'un et l'autre, Libre de las notas, sans plus, sauf la
remarque, loqual es a l'obra, lequel appartient à l'œuvre (a. 50
et 70).
Les archivistes de ce temps4à, généralement notaires ou
secrétaires de l'administration, ne considéraient les chartes,
comme de juste, qu'au seul point de vue du profit que Ton
pouvait en tirer ; on était encore trop près des événements
* inventaire de Joffre, tom. II, 199. Armoir3 6, sac F.
ARCHIVBiS DB LA COMMUNE} OLÔTURB 14»
pour que Ton songeât à Thistoire, et, d^autre part, on ^taittr^op
pressé par les exigences et les empiétements de la irojanté
pour qu'il Qe iùt pas nécessaire de tenir un compte exact, en
vue de la défensive surtout, des forces que Ton possédait ; à
tout propos, à toute heure, il fallait être prêt à accepter la
lutte. De là cet esprit pratique, ces préoccupations sévères et
positives, qui en animent la rédaction.
Chaque titre de charte donne donc, ordinairement, en outre
des indications de Torigine, du sens et de la date, celle du
service qu'on peut en tirer, soit politique, soit fiscal.
Politiquement, la Commune Clôture possédait une entière
autonomie, ce qu'on appelait alors senkoria. Sa domination
était puissante, énergique et presque toujours incontestée. On
n'ignorait pas que le respect de cette domination était le pal-
ladium de l'indépendance communale ; on savait que, lorsque la
ville perdrait le droit de se garder et de se défendre elle-même,
la commune ne serait plus qu'un vain nom et que ses libertés
expireraient. Ce fut ce qui arriva, en effet, lorsque le duc d'An-
jou entra dans Montpellier par la brèche.
L'article 3 du présent inventaire énumère tout ce qui dé-
pendait de cette senhoria : les murs et les fossés, avec leur
double enceinte, les portes, les ponts-levis, les tours, les che-
mins de ronde, etc.
Aussi était- on d'une sévérité implacable pour tous ceux qui
osaient attenter au respect que l'on devait à la Commune Clô-
ture. En ruiner une partie quelconque, pour si petite qu'elle
fût, la franchir ou l'escalader méchamment, étaient des crimes
punis de mort ou du fouet. Quel que fût Je cas, les seigneurs
ouvriers, au nom de l'œuvre, à la fois juges et partie, saisis-
saient le coupable, et, après l'avoir montré ignominieusement
par les rues, le faisaient fouetter à l'endroit même des rem-
parts qu'il avait insulté, afin que le souvenir de F expiation fût
attaché à celui de l'insulte. Notre manuscrit nous en fournit
plusieurs exemples :
Le 17 décembre 1350», un homme fut fouetté {^cobai) pour
10
150 DIALBCrrBS ANCIENS
avoir volé certains verrous appartenant aux fortifications
(art. 9).
Le 13 octobre 1378, un porcher fut fouetté pour avoir
franchi la palissade (art. 81).
Enfin, le 13 juillet 1375, un assassin, Tajant franchie pour
échapper aux poursuites, vit sa condamnation à la peine de
mort s'aggraver de celle de Tamputation du poing ; ce poing fut
déposé dans une petite boîte au pied de la palissade (art. 59).
Cette législation singulière nous explique, en des temps plus
anciens et plus barbares, la légende et le supplice de Remus,
lors de la fondation des murailles de la Rome carrée .
Fiscalement, la Commune Clôture subvenait aux frais con-
sidérables de son administration par diverses ressources.
Elle ne put compter d'abord que sur une petite part des
contributions communes, librement concédées parles consuls,
en vue de la sûreté publique.
Elle y joignit, ensuite, une redevance spéciale imposée aux
étrangers, pour qu'ils contribuassent pour leur part à cette
sûreté dont ils partageaient les bénéfices. On peut voir, pour
l'une et l'autre de ces ressources, les articles 4, 5 et 6 du
Livre des privilèges et l'a. 10 de ce ms.
Plus tard, lorsqu'elle se fut solidement établie, elle s'en
créa elle-même un plus grand nombre, soit en louant les mai-
sons qu'elle bâtissait sur les remparts et aux XII pans, avec
l'obligation expresse de déloger au premier ordre; — soit
en cédant, par une sorte d'emphytéose à titre féodal, dite
acapte, diverses parties déterminées des fortifications, tant de
la première que de la seconde enceinte (art. 3, 11).
Tout l'inventaire des possessions, dans le Livre des privilèges,
est consacré à l'énumération des loyers. Les acaptes, au con-
traire, sont plus spécialement indiqués par le manuscrit que
nous publions ; on en trouvera, en tête de l'Index topogra-
phique, une liste détaillée.
Je me propose de publier, sur le dialecte de Montpellier,
du XI* au XIV* siècle, des observations très-iutéressaiites.
ARCHIYBS DE LA COMMUNE CLÔTURE 151
qui résultent d*une étude d'ensemble des manuscrits des ar-
chives municipales. Je ne relèverai ici que quelques particu-
larités de l'orthographe.
La plus remarquable est celle de Finsertion de certaines
explosibles.
Du p après m: ensempsifi,. 4), palmp$ (a. 3), plumps (a. 2).
Du s avant t : dastz (a. 15), sostz (a. 44), mostz (a. 79), degustz
(a. 22).
Du t après ch : dichiz (a. 7).
De h après g : fagh (a. 8), digh (a. 1).
Dans les polyphthongues, Yy remplace Vi : Monpeylier, es-
quieyra, manieyra (a. 3 et 19).
Enfin quelques exemples du féminin en e : bulle (a. 2), autre
a. 3), etc., à moins que ce ne soit une faute de Fécrivain.
Le Catalogue des ckapellenies, du même temps, présente les
mêmes particularités.
Nous y remarquons de plus que Ve initial, avant s, tombe :
spectayre, scriptura (a. 154, 1), s'y trouvent concurremment
avec especiayre, escriptura;
Ainsi que le r final des substantifs en or et en er : sesties,
obries, terrado (a. 282, 234), pour sestter, obrier, terrador, etc.
Du reste, il y a souvent, pour le même mot, et cela à quel-
ques lignes de distance, une infinité de variantes orthogra-
phiques. Nous trouvons, toujours dans le dernier manuscrit
cité:
Gleyza(d,, 222), glieyza (a. 224), glyeiza (a. 226), glieza
(a. 224), gleya (a. 231), etc.
Dans Fun et dans Fautre, les mots en ia, tels que capelania,
demaria, agulharia, ont une tendance à devenir iè : capelaniè,
demariè,agulhariè, comme on dit aujourd'hui. Dans la première
partie du Catalogue, on trouve indifféremment capelania et
capelaniè, directa senhoria ei directe senhorie (a. 195, 197), en
observant toutefois que le pluriel reste toujours en a : capela-
nias (a. 166 et sq.) ; dans la seconde partie, au contraire. Fa
est conservé avec soin (a. 218 et 59).
Achille MoNTEL.
152 DULLBCTB8 ANCIENS
TABLE
Du ms. De rédition.
I
F* 1, r*. — Inventaire des chartes proprement dit. Art. 1.
Ces chartes étaient placées dans une
armoire spéciale, divisée en étagères.
Chacune de ces dernières avait sa dési-
gnation à part. Notre ms cite Vescanh
primierde l'obra (a. 4).
Il y avait, en outre, plusieurs cassettes:
4^ Una pauca cayseta, coma esquieyra, la-
quai es senhada d'aquest senhal (a. 3). . . /'
2® Una cayssa .... senhada d^aquest senhal ,^ ^ \
(a. ^*^j .•• •••..•.. •.«.....••
5® Una pauca cayseta .... senhada d'aquest
senhal. (a. 22)
II
F* 3, v**. — Répertoire du Libre cubert de postz.
de W Élie Lambert Art. 26.
III
F* 6, V*. — Répertoire du premier Libre de las
notas 50.
IV
p« 3^ i»o — Répertoire du deuxième Libre de las
notas 70.
Ces deux derniers de M« Jacme de Saint- Johan.
ARCHIVES DB LA COMMUSIB CLÔTURE 153
1) En nom de Nostre-Senhbr Jhesu-Crist, e de madona
Sancta Maria Verges majre sieua, e de totz los sans e las
sanctas de paradis, sie fach. Amen. — En Tan de la encarna-
tion del digh notre senhor Dieu Jhesu Crist, M CGC LXXVII,
en lo mes d'aost, nos, Steve de Clapiers, Bernât Jaudon, Daude
Astruc, Johan Navars, Peyre del Valat, Benezeg Oliva, Marc
de Cabanas, obriers de la Comuna Clausura de la villa de Mont-
peylier, sabens et atendens que la utilitat publica deu esser
preferida a la privada, e que memoria d'omo (sic) passa, e per
so fon trobada scriptura, o leugieyramens las causas que se
transporton de una génération en autra tombon en oblit, si
non son avivadas per benefici d'escriptura ; per so, afin de
mémorial perpétuai : Nos vesem, .que los encartamens perto-
cans a nostre dich offici, tant per lo fach de la dicha obra,
coma per las capellanias, de lasquals em patros, per negli-
gencia lo tempz passats non son escritz ben governan, avem
fach scrieure en aquest libre, o registrar per manieyra d'even-
tari designanlos distz encartamens per orde. E premieyramens
los encartamens e previlegis de la dicha obra, en aysi quan se
sec.
I
2) Premieyramens, lo prevalegi autriat per mossen Guilhem,
senhor de Montpeylier, als senhors obriers de la dicha Comuna
Clausura de la vila de Montpeylier, buUa (sic) de la siue bulle
de plump, loqual fon donat Tan M C LXXXXVI, el mes d^oc-
tobre.
3) Jtem. I vidimusde letras riais autreiadas als senhors obriers,
la I per nostre senhor lo rey de Fransa, e l'autre del rey
(F° 1, v°) de Navarra, en losquals se conten que tota la se-
nhorie que los senhors obriers an en la muralha, els valatz e
XII palmps, aytanta senhorie an en la palissada et en los valatz
e'is XII palmps deu fin lo palenc e deforas ; losquals privilegis
del senhor de Montpeylier e'is dichs vidimus dels dichs senhors
reys son en una pauca cayseta, coma esquieyra, la-
quai es senhada d' aquest senhal
-t-
154 DIALECTES ANCIENS
4) Item. XVni carias ensemps lîadas que son en Tescanh
primler de robra,lasquals contenon las cridas de Tari de say e
de lay, que son acostumadas de far per la viela de Mont-
peylier per los senhors obriers.
5) Item, I* caria conienen publicaiion de iesiimonis cossi los
senhors obriers avien acosiumat de far las cridas acostumadas
per la vila de Montpeylier e per los barris de la dicha vila, am
los penos dels dichs senhors obriers. Fes la caria de la dicha
publicacion maistre P. Delboy, noiari de la cori del Bayle,
ran M CCC LXXVII, a XXII de dezembre.
6) Lasquals dichas cridas foron fâchas en aquest an, am los
dichiz penos dels dichtz senhors obriers.
7) Esa {sic) dicha caria es senhada deiras de las armas
dels dichiz senhors obriers.
8) Item, V caria conienen acori fagh enire lo pobol del barri
de Monipeylier e'is senhors cossols de Monipeylier, que los
dichiz senhors cossols eron ienguiz de donar per réparation del
digh barri e dels murs nous III M libr. Fes la caria maesire
Arnaui Ricari, noiari. Tan M CCC LXVII de ociobre,
senhada de las armas dels senhors cossols.
Q
9) Item. I* caria que conien cossi un home mui fonc scobat
per los murs de la vila de Montpeylier, quar avie raubais
(P° 2, r°) verrols per la muralha. Fes la caria maesire G. de
Galhac, noiari, Tan M CCC XL, a XVII de dezembre.
10) ItemV caria cossi los senhors cossols bayleron als senhors
obriers la molieia del pes e de las rendas e'I mieg suquet del
vin de Tan M CCCLXXII. Fes la caria maesire P. Gili, noiari,
ran M CCC LXXII, a III de febrier.
11) Item. I* earia conienen acori fagh enire los senhors
obriers d'una part e sen Johan Moion, especiayre, del gari-
Ihan que es deiras la gleya dé Sani-Salvayre, el digh sen
Johan Moion, es ienguiz de far una paret, aysi cant apar en
la caria fâcha per maistre Gili, noiari. Tan M CCC LXXIII, a
XVI de januier.
12) Item. II carias cossi los senhors obriers son elegiis
ARCHIYBS DR LA COMMUNE CLÔTURE 155
de Tan M CGC LXXIII, al derrier jorn de octobre, e Tautra de
Tan M CGC LXXVII, fâchas per maestre P. Gili, notari.
13) Item. III cartas que contenon cossi los senhors obriers
compreron de terras per far far los valatz foras la r-^
porta de Hobilho, senhadas d'aquest senhal. -J *^
14) Item, I* carta cossi los senhors cossols feron cession als
senhors obriers de XI C francs sobre la tersa partdels XII den.
per lieura e sobre la tersa part del suquet del vin. Fes la carta
maestre P. Gili, notari, Tan M CCC LXIX, aXXIIII de mars.
15) Item, I* cajssa plena de cartas contenons acaptes dastz
a diversas personas per los senhors obriers dels XII palmps
dels murs, e de las terres, e de las bestorres, e de légations
dels valatz, laquai cajssa es senhada d'aquest senhal ( ^ \
16) Item. I carta cossi los senhors cossols, exequidors del tes-
tamen (F° 2, v°) del sen Hue Cairel, am décret del officiai de
Magalona als senhors obriers feron cession dels doutes que eron
degutz al die sen Hue Cairel. Fes la carta maestre P. Gili, notari,
Tan M CCC LXIII, a III de jun. — Item. La clausa del testamen
del digh sen Hue Cairel, fâcha per maestre P. Bordon, Tan
M CCC LXI, a III de jun. — Item. Una procura dels seiihors
obriers. E sonensems.
17) Item. II cartas cossi lo rey de Malhorguas declaret que
los XII palms déferas lo portai del Peyron pertocavon als se-
nhors obriers, car lo rej lo {sic) avie donat ad acapte. Fes la
carta de la déclaration maistre Bernât Arnaut, notari. Tan
M ce LXIV, a X de las Kalendas de dezembre. — Item. Un
presses pertenen als dighs XII palms. — Item. May s un tran-
serig de la dicha carta, que son ensems liatz.
18) Item. Una carta cossi los senhors obriers autreieron a sen
P. Garin, meunier, I palms e mieg que son sostz la carrieyra
de la dogua, davan lo Palays, e que el e ses successors fosson
tengustz de tener o endregh la carrieyra dels XII palms. Fes la
carta per ijaaistre Marc Nichplau, notari, Tan M CCCII, a III de
ydus de octobre.
»
19) Item. II cartas contenons cossi los senhors fustiers del
portai d'Hobilhon, promesson al senhors obriers de far un por-
t^ DIALECTES AKCTEKS
iàl p«r local carretas am fusta poguesson intrai^ eh là dogoa.
Fes la carta maistre P. de Flesan, notarié Fan M CC XXVIII,
a X de las Kalendas d^abril, de lasquals la una eâ sagelada del
sagel dels senhors obriers.
20) Item. Una carta cossi los senhors obriers feron cridar per
la vila de Montpellier, que tota persona que aya hostals en los
XII palms (F® 3, r°) venguesson reconojser e pagar los usat-
gis denfra XV jorns. Fâcha per maistre G. de Galhac, notari.
Tan M CGC LU, a VIII de jun.
21) Item. Mays una carta cossi mossenher lo bayle declaret
e descerni una crida esser fazedoyra per la vila de Monpeylier
que tota persona que tengua ôeus dels senhors obriers que
vengan reconoyser. Fâcha per maistre Ferrier Figuieyras,
notari, Tan M COCXLV, a XI de juli.
22) Item, Una pauca cayseta en que ha de cartas de deutes
que eron degustz al sen Hue CaireL e [letras, e pro- ^^\
cesses, e libres de papiers, senhada d'aquest senhal \^^
23) Item. Una carta cossi los senhors obriers doneron licen-
cia als senhors, avian hostals en la dogua dels peliciers, de fa
{sic) I garilhan en la dogua. Fes la carta maistre G. Despustz,
notari, Tan M CGC XXVI, a XXI d'aost.
24) Item, Una carta contenen cossi los senhors obriers com-
preron los XII palms dels valatz del portai de Latas, en que
son diversas cartas e foron transcrichas per maistre G. Caba-
nis, notari, loqual transcrig de la dichas cartas la premîeyra
fon fâcha Tan M CCXI^t, a V de las kalendas de novembre.
25) Item. Autra càrta cossi los senhors obriers compreron
los XII palms del valat de! portai de Latas, eh que son diver-
sas cartas transcrichas per lo digh M® G. Cabanis. La pre-
mieyra fon fâcha Fan M CCC XVII, a VI de ydus de abril, e
fon ambas ensems.
II
26) (F*» 8, v°) /f^wi. AQUESTAS cartas deûfra designadas
son en las notas el libre cubert de postz de màestre Helies
Lambert, vel Ribert, notari, say entras, que erà notari dels
ARCfflVES DB LA. COMMUNE CLÔTURE 157
senhors obriers desus digiz, que pertenon a la dicha obrà.
27) Premieyramens un acapte dat a'n P. Ranier, sedier, de
Montpeylier, de I* pessa de terra que es a la camp oliejra que
se confontà * am la honor d'en P. de Salninhac, laurador, e la
honor de Johan Miquel, am usatgî de XII den. Fes la carta lo
dig maestre Helyes, Tam M CGC LXV, a III d'abril.
28) Item. Los senhors obriers deron ad acapte a maestre
P. Gili le garilhan que es foras lo portai de Sant Sperit. Fes
la carta lo dig maestre Helias, Fan M CGC LXV, a XIII d'aost,
am usatgi de VI den.
29) Item. Los senhors obriers deron ad acapte a sen Jacme
Pal I* plassa que es juxta lo portai de Sapf Guilhera e davan
Fostal del dig Jacme Pal, am usatgi de V s^". Fes la carta lo
dig maestre Helies, Tan M GGG LXV, a XIX de setembre.
30) Item. I carta de acapte dat per los senhors obriers a sen
G. Gassanhas, mersier, de 1 espasi de plassa que es foras la por
talieyra clausa dels XII palms, denfra los murs de Montpeylier
e denfra lo portai de la Saunaria, devans la part dels Bans antixs,
en ajsi com se confronta am la honor del dig G. e d'autra
part am la dicha portalieira dels digz XII palms, am la car-
rieyra publica que hom veis del dig portai, e am lo dig portai,
am usatgi de v s. Fes la carta lo dig notari. Tan M CCG LXV,
a XX de octobre.
31) (po 4, r°) Item. I* carta de acapte dat per los senhors
obriers a'n Micholau de Millensa, frenier, de Montpellier,
I spasi plassa defra que es foras la portalieyra clausa de
XII palms, denfra los murs e desus lo portai de Sant-Guilhem,
devans la part senestra, ajsi quant homintra lo dig portai, que
se confronta am lo mur del dig portai et am la portalieyra
et am la honor del dig Micholau, per sa molher, am usatgi de
VIII den. Fes la carta lo dig notari Fan que desus, a XXII d'oc-
tobre.
32) Item. I* carta de acapte dat per los senhors obriers a'n
Berenguier Figaret, mercadier, I spasi defra de valat, que es
* 11 faut lire évidemment confronta, comme ci-dessous (a. 30).
158 DIALECTES ANCIENS
entre lo portai del Pejron e'I portai de Sant-Guilhem, am
usatgi de IIII s^'. Fes la carta lo dig notari, Tan que desus, a
XXII d'octobre.
33) Item, I* carta de acapte dat per los senhors obriers a sen
G. Cassanhas, I spasi de XII palms ajtan quant si enten de la
majon del dig G. Cassanhas, adonquas derrocada, entre a la
tersa part del pilar de pejra contigna a la dicha honor del dig
G. en loqual son plantatz.... de la porta del intramen del dig
spasi dels XII palms, segon la drecha linha del dig pilar entre
a l'autre premier pilar de la mayson del dig G., anan de la dicha
porta defra los ditz XII palms vers la torre de la Babota, am
usatgi de VI den. Fes la carta lo dig notari, Tan M CGC LXVI.
34) Item. I carta cossi dona Jacma, molher de sen Julian
Rollen, cambiador, de Montpejlier, reconoc als senhors obriers
que el tenie e possesie I* clau de I* porta de I estai sieu scituat
prop los Bans Vielhs de las Donas de Montpeylier, per loqual
dig hostal sieu los digz senhors obriers e lurs ancessors en la
dicha obra an e auran franc intramen et issamen als murs e
spasi de XII palmps denfra los murs de la Comuna Clausura de
Monpeylier el temps (F** 4, v°) de nécessitât de franca vo-
luntat, laquai dicha clau als digtz senhors obriers redre e res-
tituir promes en pas e fes question de jorn en jorn, a la vo-
luntat dels digtz senhors obriers. Fes la carta lo dig notari.
Fan M CGC LXVI, a XXIX de may.
35) Item, V carta cossi los senhors obriers deron ad acapte
I* plassa espasi de terra, scituada denfra dos portais de^
Peyron de Montpeylier, contengut davan lo portai del Peyron
davans la part so es assaber del portai de san Guilhem, tant
quant si entent del mur del davans portai entre el pe del esca-
lier per loqual hom monta sobre lo davan portai, de longueza
e de largueza del mur, entre el intramen del dig portai, a sen
P. Gadel, sabatier. Fes la carta lo digtz notari. Fan M GGC
LXVI, a XVI de febrier, am usatgi de X s^'.
, 36) Item, I* carta cossi los senhors obriers deron ad acapte
a Aymeric de Sarlac, mersier, I* plassa de terra scituada den-
fra los dos portais del Peyro, contigua ab mur clauden la doga
ARCHIVES DE LA COMMUNE CLÔTURE 159
del valat, deys la part del portai de san Guilhem, aytant quant
se esten del pe de F escalier per loqual hom monta al davan
portai del Peyro entro que sia I* cana de longueza vers una
porta clausa per laquai hom avie acostumat de intrar en \p
valat entro a la carrieyra publica, am usatgi de X s*". Fes la
carta lo dig notari, Tan e'I jorn que desus.
37) Item. I* carta cossi los senhors obriers deron ad acapte
a sen G. Tornaret I* mayson que es entre los II portais del
Peyron, am usatgi de V s^". Fes la carta lo dig notari, Tan
M CGC LXVIII, a XIIII de jun.
38j (F* 5, r°) Item. P carta cossi los senhors obriers deron
ad acapte a sen R. Costa, cambier, I* plassa o spassi de la
doga del valat de san Guilhem, so es assaber de una cana de
lare, e de longuesa del pont del portai de san Guilhen entro a
P boyssonada del dig valat, am usatgi de I flori. Fes la carta
lo dig notari. Tan M CGC LXVIII, a X de januier.
39) Item. P carta cossi los senhors deron ad acapte a'n G.
Passarc, cordier, de Montpeylier, P plassa en la doga del va- '
lat de P cana de lare, e de longuesa del pon del portai de san
Guilhem entro ad una boyssonada del dig valat, laquai longuesa
era de part del mur claus, am usatgi de I flori ; fes la carta lo
dig notari. Fan M CGC LXVIII, a V de febrier.
40) Item. P carta cossi los senhors obriers deron licencia
e autoritat a sen Martin de Royre, sol anu. donc, de cargar
sobre la paret dels XII palms claus, que es costa Testai del dig
Martin, scituat en lo luoc appelât a la Brida entre lo portai de
Blanquaria e'I portai del Carme, am covenen que lo dig Martin
e'is sieus successors per tôt temps sian tengutz, e deia la dicha
paret als sieus propris despens tener condicha e edeôcada
è hereditar e refar, aytant quant se endevenrie cazer, o dé-
molir en tôt en partida, aytant quant li pertoca. (F® 5, P")
Fes la carta maestro Helies sobre dig, Tan que desus, a XII de
febrier .
41) Item. P carta cossi los senhors obriers deron ad acapte
a'n'G. Coderc, cordiedier (5tc), habitador de Montpeylier, P
plassa spassi de doga del valat de san Guilhem, so es assaber
160 DIALECTES ANCIENS
de IX palms de largueza e de longueza del pont del portai de
San G. entro ad I* boyssonada del dig valat, laquai longueza
es de la part del mur ende n'ayssi, que entre la dicha plassa
e'I dig mur remanha franc Tespasi de II canas e mieia de lon-
guesa, am usatgi de I iiori. Fes la (F* 5, v°) carta lo dig no-
tari, Fan M CGC LIX, al davan derrier jorn de maj.
42) Item. I* carta contenen que les senhors obriers deron
ad acapte a'n Hue Berla, cordier, de Montpeylier, I* plassa
de I* cana de larguesa e de longuesa del portai de san Guilhem
entro a la boyssonada del valat, am usatgi de 1 flori . Fes la
carta maestre Helies Lambert, Tan M CGC LXIX, a IIII de
octobre.
43) Item, P carta contenen que los senhors obriers deron ad
acapte a'n Loquet, cordier, I* plassa que es en la doga del
valat de san Guilhem de X palms de longuesa e de larguesa
del portai de san Guilhem entro a la boyssonada, am usatgi de
I flori. Fes la carta lo dig notari. Tan M CCC LIX, a XXVI
d'octobre.
44) I* carta contenen quossi los senhors obriers deron ad
acapte a'n Brenguier Galmilha, mercadier de Montpeylier, lo
valat que es del portai de la Saunaria entro a las plassas dadas
ad acapte als cordiers, o a las boysonadas, e I cros que es sostz
lo pon del dig portai de la Saunaria, am usatgi de LX s^*. Fes
la carta lo dig notari, Tan que desus, a XIX de novembre.
45) Item, Garta contenen cossi los senhors obriers de I* part,
e R. Rivelet, fabre de Montpeylier, de Tautra part, conven-
gron e accorderon que lo dig R. Nivelet det als senhor obriers
I palm de plassa de son hostal^ que es costa lo portai de La-
tas, vers los Bans Vielhs, per far la portalieira et un pilar que
claus los XII palms, e'is ditz senhors obriers autregeron àl
dig R. Nivelet I palm dels XII palms ajustes e afigis a son
hostal. Fes la carta lo dig notari, Fan M GGG LXIX, a VIII
de febrier.
46) (P** 6, r*) Item. Los senhors obriers deron ad acapte, per
defalhimen de instrumen, I pessa de terra de camp que es al
pueg de Sauret a'n G. de Rocamaura, cambiador, e fa de usatgi
ARCHIVES DE LA OOMMUNB CLÔTURE 161
VI den. Fes la carta lo dig notari, Tan M CGC LXIIII, a II de
dezembre.
47) Item. I* carta cossi los senhors obriers lauzeron a
R. Muinlan, felh {sic) de sen Berenguier Muinlan, blanquier,
V institution de hères de dona Katherina, molher de sen Pons
Fabre, especiayre, say entras, de I* vinha que es en lademaric
de Sant Andrieu de Novegens, en lo luoc apelat. . . . Am usatgi
de mieg florin. Fes la carta lo dig notari Tan M CGC LXVII, a
XXIX de octobre.
48) Item. I* carta contenen que los senhors obriers lauzeron
I* vendition fâcha a dona Loysa, molher de sen Thomas Assaut,
especiayre de Montpeylier, per sen P. Esbarra, cambiador, de
Montpeylier, de I* pessa de terra de camp contenen en se III
cartayradas scituadas en lo terrador Gosta Bêla, que si ten
dels senhors obriers am directa senhoria e lauzimi, e de uzatgi
amXXIIII s'* pagadors al coven dels Frayres de sant Augustin.
Fes la carta lo dig notari, Fan M CCG LXVIII, a VIII de may.
49) Ite^n, I* carta contenen que la dicha dona Loysa, molher
del dig Thomas Assaut, remes la dicha pessa de terra de camp
a sen P. Uflana, e'is senhors obriers lauzeron la dicha remis-
sion. Fes la carta lo dig notari, maestre Helies, Tan e'I jorn
que desus.
III
50) (F^ 6, v^ ) AQUESTAS CARTAS denfra designadas son
en lo libre de las notas receupudas per maestre Jacme de san
Johan, notari dels senhors obriers de la dicha comuna clau-
sura de Montpeylier, loqual libre es en la dicha obra, que per-
ten a la dicha obra.
51) Premiéyramen I* carta contenen que los senhors obriers
deron ad acapte aHugoninBerla, cordier, de Montpeylier, Tus
e Tesplecha, o la plassa de IX palms o entorn de larguesa, o en
longuesa del valat que es del portai de san Guilhem vers la
boysonada {sic) ort d'en Galmilha, am usatgi de mieg florin. Fes
la carta lo dig notari. Fan M GGG LXXIII, a XXVII d'aost.
52) Item, I* carta contenen que los senhors obriers deron ad
162 DIALBSCTBS ANCIENS
acapte a Helies de Brossât, cordier, de Montpellier, I* plassa
que es del portai de san Guilhem vers la bojssonada del ort
d'en Calmilha, am usatgi de X s*'. Fes la carta lo dig notari,
Fan que desus, a XIIII de octobre.
53) Item. l' carta contenen que los senhors obriers compreron
dos ostals ensemps contenguis, scituatz en lo luoc appelât a las
BarchaSy am directa senhoria e lauzimi del hospital de sant
Aloy, am usatge de XVIII deniers, per près de XL floris. Fes
la carta lo dig notari, Tan M CGC LXXIIII, a XIX de juU.
54) I* carta contenen que los senhors obriers deron ad
acapte a sen Johan Portier, pestre, de Montpejlier, que lo dig
sen Johan puesca far o far far I plancat de la maion sieua entro
a I pilar sieu edificat al pe del mur que es vista lo portai del
Peyron, dans la part drecha*... la via vers laFustarie del por-
tai del Pejron, am usatgi de XII den. Fes la carta (F° 7, r^)
lo dig notari. Fan que desus, a XIII de octobre.
55) Item. I* carta contenen que los senhors obriers deron ad
acapte a sen Johan Costa, maselier, de Montpeylier, lo valat,
o us o esplecha del valat, que es del arc del portai de Latas entro
a la paret de la torre de la Babota, am usatgi de XX s^^ Fes
la carta lo dig notari. Tan desus, a XXVI d'octobre.
56) Item. P carta contenen que los senhors obriers autreie-
ron a sen Benezeg Oliva et autres senhors avens hostal davans
jos XII palms del mur que es del portai del Carme vers la
Torre Granda que es d'avan la gleya de sant Benezeg, de tener
una clau de la portalieyra dels XII palms costa lo portai del
Carme per mètre lur frucha e lurs causas, laquai clau promeze-
ron als dichs senhors obriers de restituir, quant als dichs sen-
hors plazera. Fes la carta lo dig notari. Tan que desus, a
XXXI d'octobre.
57) Item. P carta contenen que los senhors obriers lauzeron
una vendition fâcha a sen P. Biguarra, mercadier de Mont-
peylier, per dona Francesa, molher de sen Berenguier Calmi-
Iha, Tort del valat que es costa lo portai de la Saunaria, Fan
^ La phiase esl inachevée
ARCHIVES DE LA COMMUNE CLÔTURE 103
M CGC LXXVIIII. Fes la carta le dig notari, a XXVII de febrier.
58) Item. I* carta contenen que los senhors obriers deron ad
acapte a sen P. Bigarra, sobredig, I patu de terra, o us e esple-
cha del dig patu que es en lo valat del portai de la Saunaria
entro a Tort del dig sen P. Bigarra, que si ten am lo mur,
XII palms e mieg, am usatgi de v s**. Fes la carta lo dig no-
tari, Tan que desus, a XXVIII de febrier.
59) (P° 7, v°) Item, I* carta contenen que a Guilhem Laures
delat en la cort de Montpeylier de la mort de P femena que
estava davan lo Temple, la ausi de nuetz e fon condampnatz a
pendre, e car transpasset la palissada la dicha nueg fon con-
dampnatz a tolre lo pong e fon li talhat al pe de la palissada fo-
ras lo portai de sant Salvayre, a requesta dels senhors obriers,
loqual pong fon mes en P riosta* al pe de la dicha palissada.
Fes la carta lo dig notari Tan M CCCLXXV, aXI de juli.
60) Item, P carta contenen qu'els senhors obriers lauzeron
una vendition fâcha a sen Pal Costa de sant Johan de Vedas
per sen Jacme dels Guortz, ortolan, de Ppessa de terra de camp
que es el terrador appelât Searnalhac, am usatgi de II s*" III den .
Fes la carta lo dig notari, Tan que desus, a XIII de setembre.
61) Item, P carta contenen que los senhors obriers lauzeron
P estitution de heretier fâcha per Flors, filha de son P. del Cug,
ortolan, say entras, en loqual testamen fes son heretier sen
Bernât del Cong, de P pessa de terra de camp que es el terra-
dor appelât Montolhet, am usatgi de XXI den. Fes la carta lo
dig notari, Tan que desus, a XXIX de setembre.
62) Item, P carta contenen que los senhors obriers deron ad
acapte a sen Johan Roquet, cordier, de Montpeylier, P plassa
que es en lo valat que es del portai de san Guilhem, entro als
arns o Tort de sen P. Bigarra, am usatgi de VII s^* VI den. Fes
la carta lo dig notari. Tan que desus, a XXIIII de octobre.
63) Item, P carta de acapte que deron los senhors obriers a
sen Johan Pozaran, blanquier, de Monpeylier, de P torre a
respleg(F° 8, r**) del mur del portai del Carme entro al portai de
' Probablement brotUa.
164 DIALECTES AKCIBNS
laBlanquaria, atn usatgi de y s''. Fes la carta lo dig notari, Tan
que desus, a XXIIII de octobre.
64) Item. V carta contenen que los senhors obriefs deron
ad acapte a Ben Arnaut Costa, fustier, et a Joan Prieurel et a
Jacme Salas, lauradors, de Montpejlier, tota la dogua que es
del portai de la Blanquaria entro al portai de san Gili, am
usatgi de XXYIII s^^ Fes la carta lo dig notari, Tan que de^us,
a XXVII de octobre .
65) item, I* carta contenen que sen Guiraut Serven, laura-
dor de Montpellier, reconoc als senhors obriers V plassa de
terra que es en lo valat que es del portai de la Blanquaria vers
lo portai del pilar san Gili. Am usatgi de II s^^ Fes la carta
lo dig notari, Tan M CGC LXV, a XXI de Novembre.
66) Item, I* carta contenen que los senhors obriers lauzeron
una vendition fâcha a sen P. del Solier, laurador, per sen Johan
Prieurel, laurador, de I* plassa de terra que es en lo valat que
es del portai de la Blanquaria vers'lo portai del pilar san Gili
am usatgi de II s^". Fes la carta lo dig notari, Tan que desus,
a XXIII de novembre.
67) Item. I* carta contenen que los senhors obriers lauze-
ron I' vendition fâcha a sen Bernât (F° 8, p°) Audibert, de
Montpejlier, per sen Arnaut Costa, fustier, de Montpellier,
de P plassa de terra que es en lo valat que es del portai de la
Blanquaria vers lo portai de sant Gili, am usatgi de II s^*. Fes
la carta lo dig notari, Tan que desus, a XXIII de novembre.
68) (F** 8, V**) Item. P carta contenen que los senhors obriers
deron ad acapte a sen Johan Martin, canabassier, de Montpej-
lier, lo valat que es del portai del Carme entro al portai de la
Blanquaria. Am usatgi de XXII s^*. Fes la carta lo dig notari,
Fan que desus, a III de dezembre.
69) Item, P carta contenen que sen Johan Valiejra, cambia-
dor, de Montpejlier, reconoc als senhors obriers per nom de
la obra, una plassa de terra que es en lo valat que es del por-
tai de la Blanquaria, vers lo portai del pilar san Gili, am usatgi
de XII den. Fes la carta lo dig notari, Tan que desus, a XVH
d'octobre.
ARCHIVES DE LA COMMUNE CLÔTURE 165
IV
70) (P« 8, v°) AQUESTAS CARTAS que se ensegon son
notadas en autre libre, receubudas per lo dig maestre Jacme
de sant Johan, notari, loqual libre es a Fobra.
71) Premiejramen I* carta contenen que los senhors obriers
deron ad acapte a sen Johan Vielas, cambiador, de Montpej-
lier, I spasi o usus et esplecha de XII palms que son foras la
palissada del portai de Sant Salvayre, costa la Gros con-
frontan am Tort de sen Colm Bertrand et am la honor del dig
Johan, am usatgi de XII deniers. Fes la carta lo dig notari.
Tan M CGC LXXVI, a III de mars. Reconoc.
72) Item, I* carta contenen que sen Johan Valiejra, cambia-
dor, de Montpeylier, reconoc als senhors obriers I* plassa de
terra, o Tespleg o us de la dicha terra que es en la dogua, que
es del portai de la Blanquaria vers lo portai de san Gili, am
usatgi de IX den. Fes la carta lo dig notari, Tan que desus, a
XVIII de mars.
73) (F® 9, r°) Item, I* carta que Johan Prieurel, laurador, de
Montpeylier, reconoc als senhors obriers I* plassa de terra, o
us e espleg de la dicha terra que es en lo valat del portai de la
Blanquaria entre lo portai de san Gili, de usatgi de IX den.
Fes la carta lo dig notari. Tan e'I jorn que desus.
74) Item, I* carta contenen que sen Bertolmieu Salas, lau-
rador, reconoc als senhors obriers I* plassa de terra, o Tus e
Tespleg d'aquela que es en lo valat que es del portai de la Blan-
quaria al portai de san Gili, am usatgi de IX den. Fes la carta
lo digz notari. Fan M GGG LXXVII.
75) Item. I* carta contenen que sen Johan Ponsart, teysieyre
de Montpeylier, reconoc als senhors obriers I* plassa de terra,
Tus e Tespleg d'aquela, que es en lo valat que es del portai
de la Blanquaria, vers lo portai de san Gili. Am usatgi de II s^'.
Fes la carta lo dig notari. Tan que desus, a VII de dezembre.
76) Item, I* carta contenen que los senhors obriers deron ad
acapte a sen P. de Vernoiols, cambiador de Montpeylier, I*
pessa de terra de vinha contenen en se V cartes que es en la
II
166 DIALECTES ANCIENS
demaria de sant Steve de Sorieg, am usatgi de II s^* e VI den.
Fes la carta lo dig notari, Tan que desus, (F° 9, p**J a XII de
januier. Reconoc.
77) Item, I* carta contenen que sen Andrieu Galon, laura-
dor, de Montpeylier, reconoc als senhors obriers unà plassa de
terra que es en lo valat que es entre lo portai de la Blanquaria
e'I portai de san Gili, am usatgi de XXII den. e mealha. Fes la
carta lo dig notari, Tan que desus, a YIII de febrier.
78j (F° 9, v°) Item, I* carta contenen que los senhors obriers
deron ad acapte a sen Joan Fenestre, tejseyre, et a sen Baude
Biihan, fabre, de Montpeylier, lo valat, o us et eplecha del dig
valat, que es foras lo mur del portai de la Saunaria entro en la
paret que se ten a la torre apelada de la Babota, en loqual valat
son aras los tiradors, am usatgi de XII s^'. Fes la carta lo dig
notari, Tan que desus, a VIII de mars. Reconogron.
79) Item. I* carta contenen que los senhors obriers deron
ad acapte a sen Duran Fetalh, cordier de Montpeylier, o a dona
G-uilhalma, sa molher, los XII palms, o Fus et esplecha dels
digtz XII palms, que son denfra lo mur del portai del Carme
entro a la Gran Torre. Am usatgi de I franc pagador a san
P. d'Aost. Fes la carta lo dig notari, Tan M CGC LXXVIII, a
XII del mes d'abril. Reconoc.
80) Item, I* carta contenen que los senhors obriers deron
licencia et autreieron a maestro P. Romans, fabre, et a mostz
d'autres, de far un capitel de fusta, cubert de plomp, sobre la
cros e ymaginas que son sobre lo pilar de la Saunaria ; en lo
quai capitel mezeron las armas dels senhors obriers. Fan que
dessus, a XII de octobre.
81) P carta contenen que I home porquier fon corregutz
per la palissada de Montpeylier, quar avia traspassada la dicha
palissada, arequesta dels senhors obriers. Fes la carta maestre
Jacme de san Johan, Tan que desus, a XIII de octobre.
.VRCHTVES DE LA .COMMUEE CLÔTURE 167
INDEX TOPOGRAPHIQUE
Agaptes. — Emphytéose, à titre féodal, d'une partie quelconque
des fortifications.
Il y en avait de plusieurs sortes :
\o A captes dets dotze palms . Ils appartenaient généralement aux
propriétaires des maisons voisines du rempart et attenantes , par
conséquent, à ce chemin de ronde (a. 15. 24, 30, 33 et 34). V. aussi
le Livre des pnviléges : gloss. s. v. Dolze palms.
Il est bon d'observer que c'était quelquefois une cqncession gra-
tuite, comme celle donnée collectivement, par exemple, à tous les
habitants d'un quartier (a. 56).
Il y avait aussi des acaptes dels dotze palms de la palissada; c'est-
à-dire du chemin de ronde de la seconde enceinte (a. 71).
2® Acaptes de la doga. Ceux de la douve appartenaient plus parti-
culièrement, de temps immémorial, aux pelicierSy qui y essoraient
leurs pelleteries, et aux cordiers, qui y opéraient leur tissage.
D'où la doga dels Peliciers (a. 23), qui s'étendait du Peyrou aux
Carmes,
Etla doga dels Cordiers (a. 35 à 39, 40 à 44, 52, 62, 65, 68, 69, 79),
qui allait, au contraire, du Peyrou à la Saunerie.
3° Acaptes dels vallals, des fossés (a. 13, 15, 24, 32, 36, 38, 44,
55, 58, 62, 62 à 75, 78. - Cf. Livre des privilèges : gloss. s. v. Vallats
4® Acaptes dels murs, des murs. Existaient surtout par suite de
l'autorisation d'y poser la maîtresse poutre d'une maison, (/rf. 40
et sq.)
5° Acaptes de Uis torres e hestorres. Des tours et donjons (/d.
s. V. Bestorres).
6° Acaptes dels espazis e patus. Des petites places vides, situées au
devant des portes ou dans les fossés (a. 30, 58).
7° Acaptes dels garilhans. Des égouts (a. 28, etc.).
8° Acaptes dels cros. Des fosses à fumier (a. 44, sq.). — Cf. Livre
des privilèges: gloss. s. v. Femorasses.
Arc DEL PORTAL DE Latas. — Porcho du portail de Lattes (a. 55).
Arns. — Ronces qui séparaient les jardins des fossés (a. 62).
Bamhs vibls. —Vieilles étuves publiques (a. 45). A l'extrémité
de la rue des Étuves actuelle.
168 DIALECTES ANCIENS
On disait aussi Banhs antixs (a. 30).
Banhs viELs DE LAS DONAS. — Partie des étuves publiques qui
était réservée aux femmes (a. 34). C'était la plus voisine du rem-
part.
Barris. — Nom de la seconde enceinte (a. 8). Le côté de l'occi-
dent se nommait palissada, parce qu'elle était en pieux et non en
murs.
Les faubourgs, défendus par les barris, étaient dits également
barris.
Barchas (las). — Le quartier du Port-Juvénai (a. 53), à cause des
barques qui s'y arrêtaient.
Boyssonada. — Haie vive, buissons défendant le baut du fossé
(a. 38, 39, 41, 42, 52), du côté des champs surtout.
Brida (la). — Redan situé entre la porte de laBlanquerie et celle
des Carmes (a. 40).
Camp olieyra (la). — Olivette (a. 27).
Gapelas. — Chapelles rustiques : S.-Andrieu de Novegens (a. 47),
S. 'Steve de Sorieg (a. 76), S.-Salvayre (a. 11), etc.
Carme (lo). — Le Carmel, couvent des Carmes, à la Blanquerie
(a. 56).
Carrieyra de la Dogua. — Voie formée par la douve sur tout le
parcours du fossé (a. 18).
Carrieyra dels XII Palms. — Rue du chemin de ronde dans
l'enceinte (a. 18).
On en désignait chaque partie par le nom du sixain auquel elle
appartenait. D'où les rues des 12-Pans -Saint- Paul, des 12-Pans-
Sainte-Croix, etc.
Les XIJ Palms extérieurs, ainsi que les deux chemins de ronde de
la Palissade, formaient aussi des carrieyras de cette sorte.
Carrieyra de la Saunaria. — Rue de la Saunerie (a. 30) ; elle
conduisait de la porte de ce nom à l'Argenterie. C'est notre Grand' -
Rue,
Carrieyra del Peyro. — Rue du Peyrou (a. 36). Allait de la
porte du Peyrou au Palais .
Costa bella (terrador). — Ténement (a. 48).
Cros de Sant-Salvayre. — Croix rustique, placée non loin de la
petite porte de ce nom (a. 71).
CovEN DELs PRAYRES DE S. -AUGUSTIN. — Couveut des Augustins
(a. 48).
ARCHIVES DE LA COMMUKB CLÔTURE l(^
Demakias. — Dimeries : S.~Andrieu de Novegens(a.. 47), S.-Estève
deSorieg{a., 76).
DoGA. — La Douve. L'étendue de ce rebord du fossé était si
considérable qu'on y avait bâti des maisons (a. 23).
Tout comme les fossés, les parties de la douve, dites aussi simple-
ment do^as, se comptaient d'un portail à Tautre (a, 64) et en allant
de gauche à droite.
La doga de S.-Guilhem avait été donnée en emphytéose aux
cordiers, dont, par suite, elle portait le nom (a. 35 et sq.).
De même, la doga del Peyro, allant de la porte de ce nom aux
Carmes, était dite, pour un motif analogue, doga dels Peliders (a. 23).
DoTZE PALMs. — On nommait ainsi:
lo Le chemin de ronde intérieur, entre les maisons et le mur;
2<» Le chemin de ronde extérieur, entre le mur et les fossés :
Dotzepalms delsvallats, dotze palms de foras lo portai (a. 17, 25);
3*» Les deux chemins de ronde, intérieur et extérieur, de la Pa-
lissade. XJJ palms que son foras la Palissada; XII palms deu fin lo
palenc e de foras (a. 3, 71).
Absolument, l'expression Dotze Palmes ne désigne que le chemin
de ronde de l'intérieur des murs. — Les ouvriers n'acquirent le
chemin extérieur que très-tard. Notre inventaire met en 1219
Tachât de la part de Lattes et en 1266 Vacapte de la part du Peyrou
(a. 24, 17).
Escalier del Peyron. — Montée raide qui conduisait de St-
Guilhem à la porte du Peyrou (a. 35, 36).
FiEus. — Concessions à titre de fiefs, faites par les ouvriers (a.
20, 21). Principalement, les maisons qu'ils avaient permis de bâtir
dans les III palms et les fossés.
FusTARiA. — Rue des marchands de bois : la Fustaria del portai
del Peyron {a.. 54), et ceile del portai d'Hobilhon (a. 19).
Garilhans. — Égouts. L'inventaire en cite trois :
i° Garilhan que es detras la gleya de S.-Salvayre (a. 11), réparé
en 1373. Probablement l'égout des Aiguerelles;
2^ G. de la dogua dels Peliciers (a. 23), creusé en 1326;
3° G. foras lo portai de S.'Speritia.. 28), donné en emphytéose en
1365. Probablement Tégout du Merdanson.
Gleisas. — Églises: S.-Benezeg (a. 56), S.-Salvayre (a. 11).
Hospital de S.-Aloy. — Hôpital de 8t-Éloi (a. 53),
Montolhet (terrador). — Ténement (a. 61).
T70 DIALECTES ANCIENS
Murs. — Les murailles de la clôture (a. 3, 54).
Mous DELs BARRIS. — Geux de 1367, de la part de Lattes, sont
dits mur j noiis (a. 8).
Murs de la doqua. — Mur qui ferniàit la douve à chaque extré-
mité (a. 36).
Orts. — Jardins. Ils étaient situés sous les remparts. Exemple :
Vort d'en CalmUha (a. 44, 51, 52, 57), Vorl d'en Bigarra (a. 58, 62),
que si ten am la mur.
Il y en avait aussi sous la Palissade. Exemple : Yort de sen Colm
(a. 71).
Palays (lo). — Le Palais des seigneurs (a. 18).
Palissada (la). — Nom de la seconde enceinte, du côté de l'Occi-
dent. Était en paknc, en pieux (a. 3).
Chaque partie était désignée particulièrement par le nom de la
petite parte voisine, en allant toujours de gauche à droite. Ex : la
palissada del portai de S.-Salvayre (a-. 71).
Part de lay e p. de say — Les deux parties de l'ancienne ville (a. 4),
celle de l'évèque et celle du seigneur. Par erreur, le ms met VarL
Patu. — Petite place où on laissait croître rherbe(a'. 58). On
nommait ainsi surtout le fond des fossés .
Peyro (lo). — Le Peyrou (a. 36), et plus souvent Peyron .
PiLAR . — L'ensemble des deux piliers de chaque grande ponte ;
celui où on apposait les emblèmes et les bannières (a. 80) et auquel
on attachait les chaînes (a. 40, 54).
Notre ms. cite:
1® Lopilar de la Saunaria{a, 38, 80);
2" Lo pilar de Latas (a. 46),
3« Lo pilar Sant-Gili (a. 65 à 69, 72).
Je n'ai pas besoin de remarquer que cette dernière expression
donne le véritable sens et la véritable orthographe du nom de cette
porte, si vainement cherchés par les faiseurs d'étymologie.
11 y avait aussi un pilar à chaque extrémité des chemins de
ronde ; notre ms cite : un pilar que elaus los XII palms (a, 46).
Plancat. — Barrière, en planches, qvui fermait l'extrémité de la
fusiaria del Peyron (a. 54).
Plassas. ~ On nommait ain>si les petites place» si<»iéee devant;
les grandési portes^de la vidle» de ce eôtté^ci des murs. Exesople:
{° La plassa 4éla Saunària (a. 30)^
2'' La plassa de San-GuiJIiem (a. 29).
ARCHIVES Dfî LA C50MMUNB CLÔTURE 171
Ponts (los) . — Chaque grande porte avait son pont levis. Notre
ms . cite :
lo Lopont de la Saunaria (a. 44),
2» Lopont de S.'Guilhem (a. 38, 59).
PoRTALs (los). — L'Inventaire cite, parmi les grandes portes :
1° Lo portai de la Saunaria (a. 30, 41, 44, 57, 58, 78, 80),
2* Lo portai de S,-Gili (a. 31. 32, 35, 36, 42, 51, 29, 64 à 67, 73
:i75, 77),
3° Lo portai del Peyron (a. 17, 32, 35 à 37, 54),
4° Lo portai de la Blanquaria (a. 40, 63, 64 à 69, 72 à 79),
5° Lo portai del Carme (a. 40. 56, 63, 68, 79),
6o Lo portai d'Ohilhon (a. 13, 19).
Ce dernier aurait été rebâti, en 1248, par les fustiers, pour qu'il
pût donner passage à leurs grandes charettes de bois de charpente
(a. 19).
Puis les petites portes de la seconde enceinte :
l» 1,0 portai de S.-Salvayre (a. 59, 71),
2° Lo portai de S.-Sperit (a. 28) ,
3° Lo portai de Lafas (a. 55).
PoRTALiEYRAS. — Portcs dcs extréuiités du chemin àes XII palms.
Exemples : celles de Lalas (a. 45), des Carmes (a. 56), de la Sau-
naria (a. 39), de S.Guilhem (a. 31), etc.
Portas. — Les extrémités de la douve (a. 19) et celles des fossés
(a. 86) avaient aussi leurs portes.
PuEO DE Sauret. — Monticule de Sauret (a. 47).
S.-Aloy. — V. le mot hospital.
S.-Andrieu de Noveqens. — Id. capelas.
S.- Augustin. — Id. coven.
S.-Benezeg. — Id. gleyas.
S.-Johan-de-Vedas. — Village voisin (a. 60).
8.-0uiLHEM. — V. le mot portai.
S. -Steve-de-Sorieo. — Id. capelas.
S . -Salvayre. — Id .
Searnalhag. — Ténement (a. 60).
Temple (lo). — Demeure des Chevaliers du Temple (a. 59) ; au
quartier dit maintenant du Grand-St.-Jean.
Terradors. — Téuements : Costabella (di. ^S)^ Montolhet{&, 61),
Sauret (a. 46), iSearna/Aac (a. 60).
Torres. — Tours (a 15, 62). — Le ms. cite :
172 DIALECTES ANCIENS
!• La Torre de la Babota (a. 33, 55, 78) ; aujourdhui TObsenra-
toire ;
2° La Torre Granda (a. 56), ou Gran torre (a. 79) ; aujourd'hui
la lourdes Pins.
3o La Torre de VEspleg (a. 63) : entre la porte des Carmes et celle
de la Blanquerie.
GLOSSAIRE
Ad, prép. — A (a. 17) *.
Apiar, adj. m. — Attaché (a. 45).
Ajuste, adj. m. — Ajouté (a. 45).
Arn, s. m. — Ronce (a. 62).
ATENDEN,p. prés. — Considérant (a . 1).
Autre. — Autre (a. 3). Rayn. autra.
Aven, p. prés, pris subst. — Ayant, possédant (a. 56).
BoYsoNADA, s. f. — Amas de buissons (a. 38).
Brida, s. f. — Bride, partie de fortification (à. 40).
Bulle, s. f. — Bulle (a. 1). R. huila.
Cambier, s. m. — Changeur (a. 38).
Gapellania. s. f. — Chapellenie (a. 1).
Garto, s. m. — Petite mesure de surface (a. 76). — La quarterée
se disait cartayrada (a. 48.)
Cazer, V. — Écheoir(a. 40).
Glauden, p. prés. — Fermant (a. 36).
^ La consonne finale de ad tombait devant une autre consonne, sauf h.
Il en était généralement de môme de celle de et, quant, tant, etc. —
C'est par erreur d'impression que le glossaire de VInvsntaire du Con-
sulat dit autrement. — Ce d d'ad devenait quelquefois z devant une
voyelle : az els pour ad els. Ce changement ne se produisant que lors-
qu'il y a liaison, je laisse les mots réunis : azeU, azaisso, azalcun^ etc.,
partout où nos manuscrits croient devoir la marquer.
ARCHIVES DE LA COMMUNE CLÔTURE 173
GoNVENEN, S. m. — Convention (a. 40), pour convinent, Rayn.
CoNDiCH, a. p. pass. — Arrangé, e (a. 40).
CoNTiGNA, adj. f. — Gontigaë (a. 33).
CoNTENGuiR, V. — Être contigu (a. 53) .
CoRDiEDiER, s. m. — Gordier (a. 41).
CoRREGUT, p. pass.— Poursuivi à coups de fouet (a. 81).
Daus. —Du haut (a. 54).
Demarie, s. f. — Pour detnaria(B.. 59, 77).
Desgernir, V. — Décerner (a. 22).
Devans, part. — Pour davant (a. 31).
Deys. — Du côté, à partir de (a. 36). Et deu (a. 3).
Enden'ayssi, loc. — De ce côté-ci (a. 41).
EscANH, s. m. — Étagère (a. 4) .
Esquieyra, s. f. — Équerre(a. 3).
EsTAR, V. — Rester, demeurer (a. 58).
EsTiTUTioN, s. f. — Institution (a. 61) et aussi institiUion (9. . 47).^
ExEQuiDOR, s. m. — Exécuteur (a. 16).
Fazedoyra, adj. p. — A faire (a. 21).
Felh, s. m. — Fils, (a. 47).
FusTA, s. f. — Bois de charpente (a. 19).
FusTARiE. — Pour fustaria (a. 54).
Garilhan, s. m. — Égout (a. 11). Aujourd'hui, gazilhan,
GovERNAN, p. prés. — Gouvernant (a. 1).
Hereditar, V. — Conserver, relever? (a. 40).
IssAMEN, s. m. — Sortie (a. 40). Pour issida, R.
Le. pour Lo (a. 28).
Manieyra, s. f. — Manière (a. 1). Pour marnera, R.
Mémorial, s. m. — Mémorial (a. 1).
MoLiEiA,s. f. — Mouture (a. 11).
NuET, s. f. — Nuit (a. 59). EtNoEG (/d.)
0, adv. — Où, dans le lieu (a. 18, 51, 62).
Omo, s. m. — Homme (a. 1). Pour Aom, om, R.
Permetre, V. — Permettre (a. 20).
Pertogan,p. prés. — Touchant (a. 1).
Plancat, s. m. — Barrière en planches (a. 54).
Plump, s. m. — Plomb (a. 1). Et Plomp (80).
Preferit, mA, p. pass. — Préféré, e (a. 1).
Prevaleoi, s. m. — Privilège (a. 3). ^onv privilegi, R.
Procura, s. f. — Procuration (a. 16).
174 DIALECTES ANCIENS
Prosses, s. m. — Poursuite (a. 17). Fout pr-oeeâyR.
Quossi. — Pour cossi (a. 44).
Saben, p. prés. — Sachant (a. 1).
RiosTA. — Est-ce brosiia? (a. 59).
SciTUAT, ADA, p. pass. — Situé, e (a. 36).
ScoBAR, V. — Battre, fouetter (a. 9).
Sedier, s. m. — Marchand de soieries (a. 27).
Sen, s. m. — Seigneur (a. 16). Pour senhor, R.
Senhorie, s. t. — Pour senhoria, R. (a. 7). ,
Senhor. — Avec un nom de métier : senhors fustiers (a. ^),
senhors obriers (id).
Spazi, s. m. — Espace (a. 3). Pour rspasi (a. 30), R.
SuQDET, s. m. — Souquet, sorte d'impôt du vin (a. 10).
Teysseyre, s. m. — Tisserand (a. 78) et aussi fei/jicyre (a . 75).
Dans R . leisseire.
Tirador, s. m. — Tireur, ouvrier cordier(a. 78). I
Transcrig, s. m. — Transcription (a. 17). \
Transcriure, V. — Transcrire (a. 24).
ViDiMus, s. m. — Visa (a. 1).
Viela, s. f. — Ville (a. 4).
VisTA. — Vis-à-vis (a. 54).
Usus, s. m. — Usage (a. 71). Et aussi w* (a. 51).
PREDICTIONS ASTRONOMIQUES
POUR LES ANNÉES 1290 A 1295
Le manuscrit in-folio L. 2 de la Bibliothèque nationale de
Madrid contient, entre autres documents, une copie du Libre
de la Saviesaj du roi Jacques P' d'Aragon ; mais le scribe,
ayant d'arriver à la fin de l'œuvre royale, y intercale, sans au-
cune transition, une série de prédictions astronomiques pour
les années 1290 à 1295. Ces prédictions m'ont paru offrir quel-
que intérêt. Il est bon, d'une part, de ne laisser perdre aucun
débris de la langue catalane du XIIP siècle; d'un autre côté,
il peut être curieux, pour l'histoire de l'astronomie, de re-
cueillir un document de cette nature. J'en dois la communica-
tion à mon savant ami D. José -Maria Escudero de la Pena,
professeur à l'Ecole de diplomatique de Madrid, qui a poussé
l'obligeance jusqu' à collationner mes épreuves sur le manuscrit
de la Bibliothèque nationale.
L'auteur de ces prédictions nous est tout à fait inconnu ; il
se désigne lui-même par trois initiales, dont la dernière est
sans doute celle du nom de sa ville natale ou de son pays. On
voit d'ailleurs que nous sommes en présence d'un adepte de
la grande école astronomique espagnole, héritière des travaux
juifs et arabes, qui dut un si vif éclat à la protection du roi
Alfonse le Savant, Mais, parmi les noms des astronomes espa-
gnols du XIIP siècle parvenus jusqu'à nous, aucun ne répond
aux initiales de notre manuscrit. Ce n'est point un des rabbins
appelés Jehudah bar Moseh ben Mosca, Zag ben Yacoub de
Tolède (ha Tolaitolah), Jehudah ha Coben, Moseh ha Cohen,
Abraham VAlfaqui, Samuel ha Levy de Tolède, Jehudah ben
Moseh ha Cohen ; ce ne peut être davantage maître Bernard
l'Arabe, non plus qu'aucun des chrétiens, clercs ou laïques.
176 DIÀIiEGTES ANCIENS
désignés sous les noms de Garcia Ferez, Guillem et Johan
d'Aspa, Fernand de Tolède, Gil de Tebaldos de Parme, Pedro
del Real, Alvaro Hispano, Johan de Messine, Johan de Cré-
mone, etc. Il est probable cependant que ces prédictions ont
été d'abord écrites en castillan, puis traduites en catalan, car
un habitant des pays où se parlait cette dernière langue n'au-
rait pas songé à compter, parmi les bêtes de somme, le cha-
meau, qui ne devait se rencontrer que dans le midi de TEs-
pagne.
La langue de notre manuscrit est du pur catalan ; c'est à
peine si Ton y rencontre deux mots qui trahissent l'origine ou
tout au moins Tinfluence castillane : dejeny de dejar, laisser,
permettre, employé ici dans le sens d'essayer, et logars (cas-
tillan, lugares, lieux). Encore ce dernier se trouve-t-il au
moyen âge dans la langue du midi de la France (Raynouard,
Lexique, VI, 29).
Les éclipses prédites par notre astronome inconnu ont toutes
eu lieu aux jours et aux heures qu'il a indiqués, ainsi que le
prouve la table des éclipses de Y Art de vérifier les dates. Quant
à ses explications sur la position des astres, elles sont incom-
préhensibles aujourd'hui, même pour les hommes de la science ^
Dans de telles conditions, la ponctuation du texte et la tra-
duction devenaient fort difficiles ; j'ai suivi pas à pas l'original,
en ponctuant d'après le sens qui m'a paru découler le plus na-
turellement de la construction de la phrase ; mais je dois si-
gnaler l'incertitude de mon interprétation à l'attention du
lecteur qui serait désireux d'étudier ce petit problème.
Selon l'usage du temps, des phénomènes météorologiques et
des événements divers sont prédits comme conséquence des
phénomènes astronomiques. Il ne s'agit guère, du reste, que
de dommages annoncés assez vaguement pour les récoltes et
pour les hommes. Les événements de l'année 1295 seuls sont
* J'ai consulté à ce sujet M. Edouard Roche, professeur à la Faculté
des sciences de Montpellier, auquel je dois des remerciements pour ses
obligeantes indications.
PRBDICnONS ASTRONOMIQUES 177
désignés d'une manière plus précise : ce sont des épidémies
frappant sur les hommes et sur les bêtes de somme, et de plus
la mort d'un souverain puissant. En 1295, en effet, deux mois
avant Téclipse annoncée, mourut le roi de Castille, Sanche IV.
Mais il est possible que la prédiction de cette mort ait été
ajoutée au texte original après F événement. Il se pourrait
même que le texte tout entier eût été rédigé postérieurement à
Tannée 1295. Le manuscrit sur lequel je fais ma publication
n'est certainement pas antérieur au XIV siècle, et, bien que
ce ne soit évidemment qu'une copie, l'original pourrait fort
bien n'avoir vu le jour qu'après les événements qu'il est censé
avoir prédits.
C. DE TOURTOULON.
A tots los fels de Jesu-Crist per les Spanys scampats dels
lochs e de les terres longuament e amplament als quais aquestes
letres pervendran, maestre Bo.D. c.,avent conexençade la art
de les esteles, treballant per lo profit del humanal linatge, sa-
luts e gracia de Sant-Espirit. Per la ténor de les présents
sia a vos demostrat que, segons la art d'astronomia, yo he
conegut fermamenten terra* que moites coses se deven esde-
venir en los temps qui vendran, segons l'ordonament dels co-
sors sobirans, ço es asaber de les planètes*, las quais coses
per esguardamen divinal vull à tots manifestar e demostrar,
per ço que als périls davall escrits segons lur poder dejen con-
trastar ; car los darts davant vists meyns solen nafrar.
En l'any ço es a saber de la nativitat de Nostre Seynor Jesu-
Crist, M. ce. XC, en la terça indicio, dels diluns xxi dia en
agost, passada la miga nit, vinen lo dimarts xxii dies d'aquell
mes, la luna estant en pisce ab la coa del drago, pujan d'o-
rient en lo senyal del cranch, seran eclipsades les très parts
del cors de la luna.. Per raho d'aquell éclipse sera gran péril
enlamar, e seran grans naufragis. Molt sera mort,e destrutas
* Il faut lire probablement: en fermament e en terra.
3 Le copiste a écrit plantes
178 DIALfiOTËS ANCIBNS
aquells qui son en aygua e sera minuament de pex e <i« fruyts
d'ajgua, e sera dan e détriment a tots estants prop d'ajgua.
Per que tujt se guarden la donchs a navegar de xv. dies del
mes de décembre entro a xv. dies dies del mes de marc en la
quarta indicio.
Item en aquell matex any, dimarts a v. dies en setembre
primerament esdevenidor, en la terça hora del dia, la luna
e el sol estant en conjunccio en lo xx. grau de la verge, prop
del cap del drago, pujant d'orient en losenyal que es dit libra,
sera éclipsât lo sol i. poch, ço es a saber de u dies {sic). E per
raho d'aquest eclipsi serant molts dampnatges als homens, etc.
Item dimecres en febrer a xiii dies , iiii indicio, en la un
hora de la nit, seguentlo dijous xv. dies d'aquell matex mes,
la luna estant en virgine ajustada al cap d*aquell senjal que
es dit drago, e el sol en aquel que es dit piscis, ajustât a la
coa d'aquell senjal que es dit drago, pujant al sol exint, en
lo senyal* que es apellat libra, les dues parts del cors de la
luna seran eclipsades, ço es a saber que la luna aura minua-
ment de les II. parts. E per raho d'aquest eclipsi e defalliment
se deven seguir molts dampnatges e minua molts difruyts de
terra e d'arbres per les lochs.
Dimecres a xxx. dies en juliol, en la vindicio en la ii. hora
de la nit, seguent lo derrer dijous de aquell matex mes, sera
eclipsada la mitât del cors de la luna. Per raho del quai eclips i
se seguiran molts dampnatges per los logas *.
Item en Tanj de la incarnacio m. ocxc. m. en la vi. endicio
{sic) en lo dimenge vi. dies en juliol, en la quarta hora del dia
la luna e el sol estant en conjunccio en lo xx. grau, estant
en aquell senjal que se dit cancer, pujant o devallant en lo xvii
grau, sera éclipsât lo sole aura defalliment, et seraescur sobre
la terra axi com si era nit. E per raho d'aquell eclipsi del sol
seran molts dampnatges per lo mon ; e sera gran péril en les
aygues, e mort e destruccio a aquells qui usen en ajgua e
* Le copiste a écrit par erreur sol au lieu de senyaL.
« Il faut lire logars.
PREDICTIONS ASTRONOMIQUES 179
aquells qui estaran en aviron en les illes e prop d'aygua. E
seran per los lochs, axi com dit es, torbaments, e enbarga-
ments e morts de homens e de fembres en molt gran quantitat.
Diumenge a xxx. dies en mag, la viii. endicio, passada la
miganit, peri. hora, vinent lo diluns xxx. dies deaquell matex
mes, la luna estant en aquell senjal que es dit sagetari, prop
la coa del senjal que es dit drago, e el sol en aquell senyal
que es dit geminis, prop lo cap del drago, pujant del sol exint
en panorm [sic) en lo senyal que es dit piscis, en lo xxi. grau,
seran eclipsades les très parts, eclipsades* del cors de la luna.
Per raho d'aquest eclipsi, segons lo juhi dels philosofs, signi-
fica mort de algun Rey gran e de christians en lo dit any
esser esdevenidor, e seran longues malalties, e mort de ca-
mels, e Je cavayls, e de muls. E sera mort de nobles barons
amans e creents Deu, e sera molts altres dampnatges en lo
mon.
* Sic : répété eclipsades.
180 DIALBCTES ANGIBNS
ERRATA DU TOME II
GBSTA FRANGORUM
P. 120, ligne 9: quel est la meilleure, lisez : le meilleur
P. 121, ligne 9: otréerait, lisez: otréeret.
P. 121, ligne 10: avoent este, lisez: aL\oeni esté.
P. 122, ligne 25: conselliers, lisez: conseliers.
P. 122, ligne 28: comment, lisez : cornent.
P. 123, ligne 5: conu, lisez: conut.
P. 123. ligne 12: cil fut fu, lisez : cil fu.
P. 124, ligne 29: Toloza, lisez: Tolosa.
P. 125. ligne 24: Hiliara, lisez : Hilaira.
PSEUDO-TDRPIN
P. 127, note 23 : Estoire, lisez : Estoira.
P. 127, note 27; Estoira, lisez: Estoire.
P. 128, ligne 10: lai ou, lisez: lai où.
P. 130, note 8 : Vinc una, lisez : vinc à una .
P. 131, note 15: de peiro, lisez: de peire.
DIALECTES MODERNES
CORTETE DE PRADES
Poète agenais du XVII* siècle
Où trouver maintenant nos chères muses pastorales? Dis-
persées par nos orages politiques, elles se sont enfuies à
tire-d'aile pour s'éloigner le plus possible des violences, des
prétentions et des misères de notre temps.
Maudite soit cette civilisation qui s'est noyée dans le sang,
qui ne vit que de passions haineuses, et n'est devenue, pour
un grand nombre de gens, que l'expression des appétits, des
convoitises et de l'envie insensée qui les dévorent.
Cherchons nos vierges poétiques dans des régions plus dou-
ces ; suivons-les dans ces asiles anciens qu'elles hantaient
autrefois, et demandons-leur ce qu'elles ont pu, dans ces heu-
res de crise suprême, conserver d'esprit, de naturel et de
grâce.
Dans la riche et verte vallée de la Garonne, au pied de co-
teaux qui s'allongent en enfermant dans leurs lignes ondu-
leuses son bassin magnifique, vivait, au XVIP siècle, un gen-
tilhomme dont le manoir, admirablement situé, annonçait une
simple et heureuse existence.
Ce lieu s'appelait Prades, et François de Cortète en était le
seigneur. Ce gentilhomme, qui était né vers la fin du XVP siè-
cle, avait été militaire ; d'abord attaché, en qualité de page,
à la maison d'Esparbès de Lussan, vicomte d'Aubeterre, gou-
verneur de Blaye, il le suivit à la guerre et notamment en
Catalogne, dès que celui-ci fut maréchal de France. On le
trouve encore, en 1639, servant sous les ordres du petit-fils
de Montluc, Adrien de Montluc, comte de Carmaing, qui était
alors gouverneur, pour Sa Majesté, du pays de Foix. Après
. 12
182 DIALECTES MODERNES
avoir glorieusement exercé son métier de soldat, il était re-
venu dans son pays, en Agenais, où il était né ; il ne le quitta
plus, et y mourut dans un âge très-avancé *.
Son goût naturel pour les lettres,' qui n'avait pu que se dé-
velopper auprès d'Adrien de Montluc, lettré lui-même, et qui
faisait état d'encourager les poètes de son temps, lui inspira
le désir de rendre sous une forme poétique les impressions
qu'il recevait dans cette vie calme et champêtre, s'écoulant
sous l'éclat du soleil et des splendeurs de cette riche nature.
Il aimait le langage du peuple , il connaissait les coutumes, les
récits et les chansons de la campagne. C'est ainsi qu'il fut
amené à composer des pastorales ; car on chantait alors, on
s'amusait même aussi, parfois même on était heureux : —
c'était, croyez-le bien, un temps charmant que celui-là. On
faisait moins de métaphysique sociale qu'à présent : il n'était
pas, à tout propos, question de régénération, de revendica-
tion, de révolution. On était plus modéré, plus sage ; on avait
plus de résignation, partant plus de bonheur; on travaillait
sans se plaindre, et, pour supporter la vie et ses misères, on
les égayait en chantant le travail, l'amour et la jeunesse I On
croyait à toutes ces choses alors ; — on croyait en Dieu aussi,
et pas tant en soi-même qu'à notre époque C'était,
croyez-le bien, un temps charmant que celui-là.
Le seigneur de Prades faisait donc des pastorales; c'était
Ramounety ou lou Paysan agénes tournât de la guerro (Raymond,
ou le Paysan agenais i^evenu de la guerre), puis la Miramondo
(la Miramonde) et autres pièces de moindre importance *.
• Jean- Jacques de Corlôte, unique fils de notre poëte, ne laissa pas de
descendance masculine; il eut deux filles: Marie, l'une d'elles, s'étant ma-
riée avec Bernard Daurée, écuyer, sieur de Molhes, lieutenant général
d'épée de la sénéchaussée d' Agen, fit son mari seigneur de Prades. Depuis
lors, le nom de Prades a toujours été ajouté à celui de Daurée. Cette- fa-
mille existe encore et habite, aux environs d'Agen,le joli castel de François
de Gortète.
2 Les œuvres de François de Gortète ne furent imprimées qu'après sa
mort, par les soins de son fils Jean-Jacques.
CORTÉTE DE PRADES 183
Ces petites comédies champêtres en cinq actes ne brillent
pas par la richesse de Tinvention ; l'intrigue y est banale sans
être simple, et elle est trop compliquée pour nie pas se res-
sentir un peu des bergeries prétentieuses qui étaient à la mode
en ce temps-là.
Dans Tune d'elles, on trouve même un loup, — un loup ra-
visseur, — fort bien dressé, du reste, à emporter Tagn^au
chéri de la pastourelle, pour donner Toccasion au galant ber-
ger de le sauver et de le rendre à sa maîtresse attendrie et re-
connaissante. Il y a pourtant, dans Tune et l'autre de ces
pièces, une grande facilité de versification, une connaissance
parfaite du dialecte agenais, parlai par-là quelques vers heu-
reux, quelques lueurs de fantaisie ; malheureusement cela ne
dure pas.
L'auteur était un homme d'esprit qui se plaisait aux habi-
tudes, au langage des paysans qui l'entouraient ; il les faisait
parler à sa guise et leur prêtait souvent d'assez jolies expres-
sions.
Ramounet, le principal personnage de la première pasto-
rale, est un soldat vantard, lâche et déserteur, miles gloriosus,
qui, pour avoir passé quelques mois hors de son pays, feint
d'en avoir oublié le langage et s'exprime, d'une façon ridi-
Hamounet et la Miramondo, pastorales en lengatge d'Agen, furent
d'abord imprimées à Agen, chez Gayan, en 1684, in-8*.
\^La Aiiramondo, pastorale en langage d'Agen, fut de nouveau imprimée
par le même Gayan en 1700 ; on y avait joint : las Larmos del Grabé (les
Larmes du Gravier), par l'auteur de Ramounet j — et à la suite un son-
net.
En 1701, Gayan fit un nouveau tirage de cette dernière édition ; il y
manquait les Larmes du Gravier et le sonnet de la fin. On remarque que
l'éditeur indique comme l'auteur de celte pastorale Jean-Jacques de
Gortète, fils de notre poëte. Cette erreur venait sans doute de ce que Jean -
Jacques avait signé de son nom l'épîtro dédicatoire de Ramounet à M Es-
parbès deXussan, comte de Lasserre, gouverneur de l'Agenais.
On cite encore une édition petit in-8» en 1685.
Enfin une dernière édition de Ramounet a été faite à Bordeaux, chez
la veuve de F. Séjourne jeune, en 1740.
184 DIALECTES MODERNES
cule, dans un affreux mélange de français et de patois. A la
fin de la comédie et de ses gasconnades, il tombe entre les
mains de son capitaine et est en grand danger d'être pendu,
lorsqu'une jeune fille qui Ta suivi à son insu, sous un déguise-
ment de jeune berger et sous le nom de Carlin, intercède en
sa faveur et obtient sa grâce à la charge qu'il l'épousera.
Tout ceci se passe au milieu des scènes d'amour les plus
variées, car tout est amoureux dans cette pastorale : vieux et
jeunes ne vivent que de sentiment et d'intrigues croisées ; il
est évident que, de ce temps-là, l'amour était de tous les
âges comme de toutes les saisons. Alis, la mère de Florimon,
a deux amoureux, et Philippe, la jeune bergère, en a trois ; et,
par surcroît, cette charmante petite fille aime follement Car-
lin, l'amoureuse déguisée qu'elle prend pour un jeune pâtre.
Il y a de la vivacité et du mouvement dans ces quelques
scènes spirituellement dialoguées ; certains morceaux n'y sont
pas sans charme, comme on en peut juger par cette scène
entre Philippe et Carlin , dont nous extrayons un passage :
Philippe s'excuse modestement de ce qu'elle n'est point belle.
— « Elo n'a re de bel. » — Carlin lui répond assez genti-
ment:
Re de bel, la Philipo : he que se pot-el dire
De plus blanc que sa pel ? elo es coumo lou lire .
Sous piels touts annclats, entre roux et mourets,
Son autan de sedous à prene lous courets .
L'œillade de son eil, per pauc qu'elo l'alluque,
Fa mouri tout à l'houro ou cal que l'on se cluque.
Impossible de bese un naset milieu feyt ;
La roso de sa gauto y nada sur la leyt,
Dous boucis de coural y formon la bouqueto.
Sa mino es touto sajo e n'a res de friquetto .
« Rien de beau, la Philippe : hé ! que peut-il se dire — de
» plus blanc que sa peau? elle est comme le lis. - Ses cheveux
» tout bouclés, qui ne sont ni blancs ni noirs, — sont autant
» de lacets à prendre les cœurs, — Le regard de son œil,
» pour peu qu'elle l'allume, — fait mourir à l'instant où il
CORTETE DE PRÀDES 185
îi faut fermer les yeux. — Impossible de voir un petit nez
» mieux fait; — la rose de sa joue y nage comme dans du lait,
t — deux morceaux de corail y forment sa petite bouche. —
2) Sa mine est toute sage et n'a rien de fripon. • ...)')
Nous n'hésitons pas à mettre la Miramonde au-dessus de
Ramounet; c'est plus près de la vérité, sans y toucher pour-
tant. Ce n'est pas parfaitement naïf, mais il y a plus de sen-
sibilité, des idées fines, des mots charmants et de l'entrain.
Miramonde, la belle Miramonde, aime le jeune Robert, et
elle en est tendrement aimée ; par malheur, le père de la ber-
gère veut lui faire épouser Peyrot , autre amoureux moins
beau, mais plus riche que Robert : de là des scènes de tris-
tesse et d'amour et les nombreuses péripéties de ce petit
drame. La mère de Miramonde, touchée des sentiments sin-
cères des beaux amoureux, les protège et réussit à les conduire
au plus heureux dénoûment.
L'action se complique surtout de la jalousie de la jeune
Marion, qui aime aussi Robert, mais n'en est point aimée, et
s'efforce, pour se débarrasser de sa rivale, de la faire épouser
à Peyrot; et puis de la résistance du père, qui tient aux pro-
messes qu'il a faites au riche berger et à son admiration pour
la belle vigne qu'il possède. Le père barbare cède à la fin, et
Peyrot se console en se mariant avec la sœur de Miramonde .
Marion sera contrainte aussi de souscrire aux vœux de Ber-
trand, qu'elle avait jusqu'alors dédaigné, et c'est ainsi que tout
s'arrange.
Le style de cette pastorale nous semble en général plus
relevé que celui de Ramounet, On en pourrait citer d'assez
jolies scènes; mais il nous suffira, pour donner une idée de la
manière de l'auteur, de faire connaître ce morceau d'une
description de l'hiver :
Auillez que fasian naûs quan lou cel, quan la terro,
Quan tout se debandabo et nous fasio la gnerro ?
Que fasian naiis. Auillez ? Dius e lou mounde ou sap.
Car lous esclops as pès, lou capelet al cap,
dil tout bestit et cintats de la fonde,
186 DIALBCTES MODERNBS
Nou laichaben pas ten ses y fa quauquo rondo.
Talomen que tout braudo et la plèjo dessus,
Courian de prat en prat, aro en bat, aro en sus ;
Quan -de cops mîeis plegatz coumo un arc que se sarro,
Al mitan d*uno fango estiraben la garro,
E quan tout agrupitz al pé d*un tapurlet,
La gouto al cap del nas, lou cap dîn lou coulet,
Transits e tremoulans coumo uno quo de baquo,
Abian lous pots touts blans, éren touts morf ondits
E del gran fret qu'abian nous briffaben lous dits.
(c Bergers, que faisions-nous quand le ciel, quand la terre,
» — quand tout se déchaînait et nous faisait la guerre ? — Que
» faisions-nous, bergers? Dieu et le monde le savent, car les
» sabots aux pieds, le béret sur la tête, — la veste boutonné,e
» et serrée à la ceinture, — nous ne foulions aucun pâturage
» sans y mener quelque ronde ; — si bien que, tout mouillés et
» toujours sous la pluie, — nous courions de prairie en prai-
» rie, tantôt là-bas, tantôt là-haut. — Quand, nos corps demi-
» ployés comme un arc que Ton tend, — au milieu de la boue
» nous tirions le jarret, et quand, tout accroupis au pied d'un
» talus, — le nez glacé et la tête dans le collet, — transis et
» tremblants comme une queue de vache, — les dents s'entre-
» choquaient et faisaient clique-claque^ — nous avions les lè-
» vres toutes blanches, nous étions morfondus, — et nous
» avions si froid que nous soufflions dans nos doigts. »
Dans une pièce fort originale, que notre poëte appelle les
Larmes du Gravier, on remarque aussi de la gaieté, de" la verve
et un heureux emploi des richesses de la langue.
Le Gravier est une belle promenade d'Agen, qui, de tout
temps, a été menacée par l'invasion des eaux de la Garonne.
En 1684, le fleuve furieux était sur le point d'enlever les
arbres et la verte pelouse du Gravier, et c'est de cette ma-
nière que s'en plaignit alors de Cortète, dans les larmes qu'il
lui fit verser :
Grabé, que ta perto m'es aisso !
Que jou planji toun bel tapis !
CORTÊTE DE PRADBS 187
Al médis loc que se trépis,
On bey la terro que s'abaisso ;
Tout s^esperrequo al mendre aigat.
Lou pescaire ten lou bergat
Oun las damos d'Agen fasion lours permenados,
E Taignel escano de set
Oun lous peichs lous plus grans dins mens de quatre annados
Faran lou capuchet.
(( Gravier, que ta perte m'est cruelle ! — Que je regrette ton
» beau tapis ! — Au lieu même le plus foulé, — on voit la
» terre qui s'abaisse ; — tout s'éboule au moindre courant
» d'eau. — Le pêcheur se sert de sa perche — là où les dames
» d'Agen faisaient leurs promenades, — et l'agneau meurt de
» soif — dans l'endroit même où les poissons les plus grands,
» dans moins de quatre années, — feront le plongeon.»
Il continue très-spirituellement cette élégie bizarre ; on peut
encore citer la fin :
Las, que faran las paouros goujos,
Que ban querre l'aigo à la f oun ?
La nostro à son èl que se foun,
Et las prunèlos toutos roujos.
Ah ! sa diran, quin desaguis,
Grabé, la que te persiguis,
Posque perdre sa douts e péri de sequèro '
Fillos, quan bous aûs y benès,
Non bous semblo pas el, al respect de ço qu'ero,
Un prat de sept dinès ?
Pauré prat rasât coumo un mounge ;
Grabé, lou loc des passotemps,
Souben-te que, din pauc de temps,
Tu sarat passât coumo un sounge.
Lous prumès aigats que bendran,
Acos segù, t'acabaran,
Se costo lou courren tu n'as quauquo ressourso .
L'on te plan be tout mey et mey ;
Mas que pensario tu la trouba dins ta bourso
Ha bado aqui tout ouey.
1
188 DIALECTES MODERNES
a Hélas ! que feront les pauvres servantes — qui vont cher-
» cher de l'eau à la fontaine ? — La nôtre en a son œil tout
» mouillé, — et ses prunelles toutes rouges. — Ah ! diront-elles,
» quel malheur, — Gravier, que celle qui te poursuit — puisse
» perdre sa source et périr de sécheresse! — Oh ! filles, quand
» vous y venez, — ne vous semble-t-il pas, au prix de ce qu'il
» était, — un pré de sept deniers? — Pauvre pré, rasé comme
» un moine ; — Gravier, le lieu des passe-temps, — souviens-
» toi que dans peu de temps — tu seras passé comme un
» songe. — Les premières averses qui viendront, — c'est cer-
» tain, t'achèveront, — si contre le courant tu n'as quelque
» ressource, -r- L'on te plaint bien à qui mieux mieux ; — mais
» celui qui croirait que tu la trouveras dans ta bourse — peut
(( bayer là tout aujourd'hui. »
Cortète de Prades avait laissé dans ses papiers le manuscrit
d'une comédie en cinq actes, intitulée Sancho Pança chez le
duc:é[\e n'a jamais été publiée; il en a été seulement tiré
quelques copies, mais peu de personnes la connaissent. Les
extraits que nous avons pu en voir n'ont fait que confirmer
l'appréciation que nous avons faite de son talent ; il s'y ren-
contre avec les mêmes défauts, les mêmes qualités que dans
les autres.
Ne pouvons-nous pas maintenant nous rendre un compte
assez exact du mérite de notre poëte ? Il a employé avec
adresse la langue de son temps et de son pays, langue qui se
rapproche beaucoup de celle que parlait si bien le Toulousain
Goudouli (Pierre Goudoulin); il a fait des chants rustiques,
des pastorales, trop recherchées peut-être, mais qui ne sont ni
sans esprit ni sans grâce. On y chercherait en vain une haute
inspiration ; on y voudrait plus de souffle, plus d'âme ; le senti-
ment vrai, la simplicité réelle lui échappent ; mais il reste
aimable, abondant et d'une humeur facile. Il semble qu'il ait
voulu rendre le mouvement et l'éclat des vers de Goudouli;
mais il est loin de lui, et nulle de ses œuvres ne rappelle les
stances du Toulousain sur la mort d'Henri IV. Combien il est
CORTETB DE PRADES 189
loin aussi de nos modernes chantres du Midi, Jasmin, Mistral,
qui sont des poètes de haute envergure, d'une inspiration
élevée et profonde. Toutefois, de Cortète, comme les poètes de
cette valeur moyenne, a le mérite d'avoir continué la chaîne
qui rattache les poètes du moyen âge à ceux de nos jours, et
de n'avoir pas laissé dépérir en ses mains l'héritage glorieux
de ses ancêtres ; il l'a enrichi de fleurs et de grâces nouvelles,
et l'a transmis à ceux qui devaient le suivre, en leur mon-
trant la voie poétique par laquelle lui-même était passé.
La langue employée par de Cortète est le dialecte agenais,
tel qu'il était parlé de son temps. Il ne diffère, nous Pavons
dit, que d'une manière peu sensible du languedocien de Gou-
douli.
Nous devons reconnaître que, depuis cette époque, ce dia-
lecte a perdu de son originalité première ; l'usage vulgaire
auquel il a, été uniquement appliqué, l'ignorance et la rudesse
de ceux qui l'ont parlé exclusivement, lui ont fait subir d'assez
graves altérations, et il s'est peu à peu éloigné de la langue
littéraire des troubadours, ou, du moins, de cette langue d'oc
qui, sans avoir la perfection du verbe poétique des maîtres,
présentait dans ses divers dialectes un caractère d'origine
commune qui les ramenait tous à la même source.
Nous trouvons dans les œuvres de Cortète des expressions
perdues maintenant, qui n'étaient pas les moins gracieuses de
la langue si riche des temps passés. Nous pourrions citer les
mots: sîaw (tranquille), routo (rompu), auzi (écouter) et bien
d'autres ; ils ont disparu pour être remplacés par des locutions
patoises ou plutôt du français travesti.
Il a faUu tout le génie de Jasmin et de nos félibres proven-
çaux pour s'affranchir, à mesure qu'ils ont grandi, des vulga-
rités modernes de leur langue chérie ; pour retrouver, en re-
montant dans le passé et en y appliquant un goût opiniâtre,
la parole simple et vraie, d'origine et de race, qu'ils voulaient
parler.
Il n'est que trop certain que, reléguée au rang des patois,
la langue méridionale a subi des modifications regrettables,
190 DIALECTES MODERNES
qui semblaient devoir la condamner à n'être que Tobscure
vassale de sa rivale victorieuse, la langue française.
Nous ne devons en estimer que mieux les poètes et lés sa-
vants qui se sont vaillamment attachés à la défendre et à con-
server son antique noblesse, qui, par leurs œuvres et leurs
efforts, ont attesté sa vitalité et perpétué son charme litté-
raire.
C'est à ce titre qu'il nous a semblé que notre poète agenais,
ce gentilhomme du XVIP siècle qui prêtait un idiome si har-
monieux aux bergers de son pays, n'était pas un personnage
sans valeur, et qu'il pouvait justement être recommandé à
l'attention de la génération studieuse de notre temps.
Adrien Donnodevie.
LOU ROUMIEU
LEGENDA DAU TEMS DAS COMTES DE PROUVENÇA
I
RAMOUN E SOUN SAGAT
Aviè'n èr de grandou, lou Comte de Prouvença ! . . .
E pamens lous de soun entour,
Dau pus mendre au pus fier, vantavoun Tavenença
Qu'aviè mes de moda à sa court.
Degus tant magnifie : pouderous e dounaire,
S'avisava pas se teniè
D'estelous ou d'argent! Un counsel, unpecaire,
Bailava tout, fins un diniè.
Lou trapavoun soulet dins la vila ou pèr orta.
As vielhets toucava la man ;
Parlava au mounde bas assetat sus la porta ;
Tamben castiava un sacaman :
LE ROMIEU
LÉGENDE DU TEMPS DES COMTES DE PROVENCE
l
RAIMOND ET SA SUITE
Avait-il l'air majestueux, le Comte de Provence! — Et pourtant
ceux qui Tentouraient, — du plus humble au plus grand, vantaient
l'urbanité — qu'il avait mise à la mode à sa cour. — Nul n'était aussi
magnifique : puissant et généreux, — il ne regardait pas s'il tenait
— des morceaux de bois ou de l'argent! (Pour) un conseil, (pour)
une prière, — il donnait tout jusqu'au dernier denier. — On le ren-
contrait seul à la ville ou par les champs. — Il touchait la main aux
vieillards ; — il parlait avec les pauvres gens sur le seuil de la porte;
— il châtiait parfois un malfaiteur. — Il dispensait un misérable do
}9Z DIALECTES MODERNES
Teniè quite un minable e d'obras e de talhas ;
En poulitica: «Un bon acord,
Disiè, proufita mai que dos bonas batalhas;
L'ourgul leva pas lou rembrd ! »
Despioi que lou sourel tant d'omes ensourelha,
E pèr foça vai s'estrassant,
Quant n'i'a de gouvernants qu'aurien soustat Marselha
Libra, sans n'en vouirà lou sang?
Mes lous autres d'aqueste an pas tirât esemple !
A sèt ans, pire qu'en prison,
Era emb'un cousi sieu jout la culpa dau Temple
Quant patissiè d'èr à Mounzou.
Ëlous grands que n'an vist, s'escaloun, van se traire
De cops sus Tescach d'un fumiè ;
D'autres cops à la cima embé lou counquistaire
Jaques, l'enfant de Mount-peliè,
Ou Ramoun, que mai aime, el, sa fenna, sas filhas.
Tout acôs en tant bon renoum
Que disien au peis de las bravas famîlhas :
corvées et d'impôts ; — en fait de politique : « Un bon traité, — disait-
il, est plus avantageux que deux bonnes batailles ; — l'orgueil ne
délivre pas des remords. » — Depuis que le soleil enveloppe tant
d'hommes de ses rayons, — et pour beaucoup va se perdant, — com-
bien y en a-t-il de gouvernants qui eussent toléré Marseille —
libre, sans en répandre tout le sang? — Mais les autres n'ont pas
pris exemple sur celui-ci 1— A sept ans, plus à l'étroit qu'en prison,
— il était avec un sien cousin sous la férule du Temple, — lorsqu'il
manquait d'air à Monzon. — Et les grands qui ont souffert, lors-
qu'ils s'élèvent, vont se jeter — parfois sur un tas de fumier ; — d'au-
tres fois (ils montent) au plus haut avec le conquérant — Jacques,
l'enfantde Montpellier, — ouRaimond que je préfère, lui, sa femme,
ses filles ; — tous en si grand renom, que l'on disait au pays ( en
LOU ROUMIBU 193
(t Soun couma aquela de Ramoun. »
Passais mèstres dau saupre e de la pouësia,
Comte, Coumtessa, enfants tabé,
Sus Tescharpa e Tescut avien escrich: Patria,
Arts liberaus e gai-sabé !
Pertau lous troubadours d'auta e bassa Prouvença,
Jours e festenaus, a la court
Fasien tout ressoundi d'innés de renaissença,
De cansous de glôria e d'amour.
le veniè dau pus lion de tant forts musicaires,
Cargats d'outisses de tout biais,
Liras, arpas, aubois. Qau prenien pèr menaires ?
Las filhas dau segnoU d'a-z-Ais,
Que fasien à grand gourg regoulà Tarmounial
Pioi prenien lenga à sous moumens,
Ramoun e Beatris, rèis de la Pouesia ;
N'era aquis de ravissements !
Tabé, pèr lous ausi, veniè la granda esclapa
Das chivaliès arnescats d'or ;
parlant) des familles honnêtes : — <c Elles sont comme celle de
Raymond 1» — Passés maîtres en science et en poésie, — Comte,
Comtesse, et les enfants de même, —avaient écrit sur leur écharpe
et leur écu : Patrie, — arts libéraux et gai savoir. — Aussi les trou-
badours de haute et basse Provence, — jours (ordinaires) et fêtes
carillonnées à la cour, — faisaient tout retentir d'hymnes de renais-
sance, — de chansons de gloire et d'amour. — Il y venait, des
points les plus éloignés, des musiciens fameux, — porteurs d'instru-
ments de toutes formes : — lyres, harpes, hautbois. Qui prenaient-
ils pour les diriger? — Les filles du seigneur d'Aix, — qui faisaient
ruisseler Tharmonie à grands flots. — Puis, le moment venu, ils
prenaient la parole, — Raimond et Béatrix, rois de la poésie ; — c'en
était des ravissements ! — Aussi, pour les entendre, venait-il la
194 DIALECTES MODERNES
Viscomtes, paladins, barouns, légats dau Papa,
Damas qu'embrandavoun lou cor,
Nobles, pages, varlets, ornes de touta mena,
Gents d'estable e gents de chinièi ;
Trin reiau, despensiè, que, quand brafa pas, rena,
Ë tant gasta un comte qu'un rèi.
II
LOUS POUTOUS
Un cop touta la court tournava de la cassa.
Lou Comte èra laiat, la Coumtessa èra lassa,
Sas manidas detras avien lou linde au front.
— « Ai set, faguet la maire ; aquel sourel grasilha I »
— « Sores, sounet Margai, anen ! Nora, ma filha !
Sancheta! Beatris! venès, save una font! »
E zou I sans prene ban, las quatre doumaisellas
Rasejèroun lou sou ; antau van las estellas
foule brillante — des chevaliers harnachés d'or ; — vicomtes, paladins,
barons, légats du Pape, — dames qui embrasaient le cœur, — nobles,
pages, varlets, hommes de toute espèce, — gens d'écurie et gens de
chenil; — train royal, dépensier, qui murmure s'il ne se gorge, —
et gâte autant un comte qu'un roi.
II
LES BAISERS
Une fois toute la cour revenait de la chasse. — Le Comte était
soucieux, la Comtesse était lasse; — leurs filles suivaient le front
pur. — « J'ai soif, dit la mère ; ce soleil dévore. » — « Sœurs, ap-
pela Marguerite, allons ! Eléonore, ma fille ! — Sanchettc ! Béatrix!
venez, je sais (où trouver) une fontaine. » — Ethopp! sans prendre
élan, les quatre jeunes filles — effleurèrent le sol ; ainsi vont les
étoiles. — lorsqu'elles décrivent leur courbe dans le ciel, laissant
un sillage enflammé — pendant les belles nuits qui réchauffent ou
LOU ROUMIEU J95
Quand gasoun aiçamount, embrandant sous draiaus,
Dins las tant bellas niochs caudas ou fregelugas.
Elas sus un camis tout fioc et tout bélugas
Au pus fort dau sourel semblavoun quatre uiaus.
Fasien parpalhejà lous iols. Lestas e vivas,
A rime retrasien de fadas ou de divas,
Quicon d'encantarèl que dona gau e pou!
Gau! de las arrestà per Testrieu ou la brida,
De li bailà dau cop soun cor, soun sen, sa vida;
Pou ! dau grand mau d'amour que calcina e tant dôu !. . .
Lion e de tras la court seguissiè sa voulada.
Un Roumieu*, d'aut unpioch, veguet la cavalcada
Desbanàjout souspèds soun ruban mirgaiat.
Pioi rede e sans brouncà davalet de las Aupas,
As endrechs que lou pastre escarnit monta à paupas ;
Avié mai de grandou que lou comte laiat.
D'entre-mièja, à galop tournavoun las manidas
Sus sas egas tout gruma. Aderè, las ardidas
qui glacent. — Elles, sur un chemin tout feu, tout étincelles, —
(exposées) au plus ardent soleil, ressemblaient à quatre éclairs. —
Elles éblouissaient. Lestes et vives, — elles rappelaient à Titlée clés
fées ou des déesses, — une chose enivrante qui fait envie et peur.
— Envie ! de les arrêter par Tétrier ou la bride, — de leur donner
en une fois son cœur, sa raison, sa vie I — Peur ! du grand mal
d'amour qui consume lentement et tant fait souffrir. — Dans le
lointain et derrière, la cour suivait leur vol.-— Un Romieu, du haut
d^un pic, vit la cavalcade— dérouler sous ses pieds son ruban diapré ;
— puis, raide et sans hésiter, il descendit les Alpes, — aux endroits
que le pâtre craintif gravit en hésitant ; — il avait plus de majesté
que le Comte soucieux. — Sur ces entrefaites, au çalop revenaient
les jeunes filles, — sur leurs juments écumantes. — Sans repos, les
folles — excitaient de front leurs bêtes, parce que — elles avaient
' Pèlerin qui est allé ou va à Rome.
196 DIALECTES MODERNES
Acoussavoun de frount sas bèstias, pèr amor
Qu'avien trouvât un rec e d'oumbra pèr se jaire ;
Que toutas d'una man pourtavoun à sa maire
L'aiga qu'avien pousat dins de grands cournets d'or.
La Coumtessa enclausida, ela e sa troupelada,
D'un tant poulit cop d'iol, demouret clavelada ;
Soun alezan jaunous semblava de loutou.
Chaca filha faguet sarrà soun ega blanca
Dau chival de sa maire, iol contr'iol, anca-à-anca,
E bailet soun degout en change d'un poutou.
Pensas lou cacalas que fasien! Dins sa joia
Las Rosas de Prouvenca e TEli de Savoia,
Pèr lou maniaguejà, cerquèroun das segnous
Lou pus bon, lou pus bel, lou que, pèr las coumplaire,
Auriè tout despoulhat, noum, couronna, terraire. . .
Ramoun ! èra à despart soûl e melancounious.
Despioi bon prou, Ramoun das rires se tirava,
E degus noun saviè de-que lou tafurava :
On cigaleja pas sous làguis au bel èr.
trouvé un ruisseau et de Tombre pour s'y reposer, — que toutes
d'une main portaient à leur mère- l'eau qu'elles avaient puisée dans
de grands cornets d'or.— La Comtesse ravie, elle et son escorte, —
d'un si charmant coup d'œil, resta clouée (sur place); — son alezan
jaunâtre semblait être de laiton. — Chaque lille fit approcher sa
jument blanche — du cheval de sa mère, œil contre œil, hanche à
hanche,— et donna sa goutte d'eau en échange d'un baiser.— Vous
pensez les éclats de rire qu'elles faisaient. Dans leur joie,--les roses
de Provence et le lys de Savoie — cherchèrent entre les seigneurs,
pour le câliner, — le meilleur, le plus beau, celui qui, pour leur
complaire,— se serait dépouillé de tout, nom, couronne, territoire...
-- Raimond! il était à l'écart, seul et mélancolique.— Depuis long-
temps, Raimond s'éloignait des rires, — et nul ne savait ce qui le
dévorait: — on ne chante pas ses chagrins à tous les vents -Ce
LOU ROUMIBU 197
Aquel jour, tout dins el èra à nou poure crèire :
Caminava sans saupre, agachava sans vèire ;
Fasié, couma se dis, soun pantai Tiol douvert.
Noun sai se d'un bourgnou destourbet las abelhas,
Mes n'ausiguet Fissam fissaire à sas aurelhas,
Ne devistet la rèina e de-tras de moulous.
El n'era espaurugat. Aici quicon d'estrange :
L'escadroun brounzinous carguet de testas d'ange
E Ramoun ne seguet quite pèr de poutous.
m
LA CROUS DAU FRONT
Dins un bosc siau, fresquet e de bella vengtida,
Contra un rec rajant à grand gourg,
Assetat sus lou pas d'una bauma founsuda
Fasien pausa lous de la court.
jour-là, tout absorbé, il était dans un élat tel qu'on no pourrait le
croire : — il marchait sans s'en douter, il regardait sans voir ; — il
rêvait, comme on dit, rœil ouvert. — Je ne sais s'il effaroucha les
abeilles d'une ruche; — mais il en entendit Tessaim piquant à ses
oreilles; — il en aperçut la reine et derrière elle une foule. —
Il en était effrayé. Mais voici une chose singuhère : — l'escadron
bourdonnant prit des têtes d'ange, — et Raimond en fut quitte pour
des baisers .
III
LA CROIX DU FRONT
Dans un bois calme, frais et de belle venue, — près d'un ruisseau
coulant à grands flots, — assis sur le seuil d'une grotte profonde,
— ils prenaient du repos, ceux de la cour. — Repos! Seulement le
13
198 DIâLBCTES modernes
Pausa ! tant soulamen lou Comte, la Coumtessa,
Ë lous senuts dau grand counsel.
Aviè dounat d'ale, Ramoun, à la jouinessa,
A sas filhas, pèr gardà'mb'el
De soun noble sagat la marchandisa grèba.
Aquestes èroun de repaus ;
Mes lous tiret d'aquis aquel qu'aviè Testèba,
Quand s'esclamet au bout d'un pau :
« Lou mounde qu'apitança, aici, lucre e jouina
A pas sauve de demourà :
léu, Comte, fau assaupre à toutes ma rouina,
Ai pas pus que d'iols pèr plourâ ! »
L'assistança dau cop seguet embalausida,
El descouflat ; mes Beatris
Avié toussit lou col couma una ûou passida,
L'ama esquinsada e lou cor tris.
Trantalhava ; Ramoun Fagantet dins sous brasses,
Ela se penjet à soun col,
En aissejant : — « Sèn pas en de tant michants passes,
Ramoun ; ce que disias es fol? »
Comte, la Comtesse — et les personnes graves du grand conseil. —
Raimond avait donné toute liberté à la jeunesse, — à ses filles,
pour garder avec lui — de sa noble suite les personnes de poids. —
Ceux-ci étaient dans le calme ; — mais il les en tira, celui qui avait
le timon (du gouvernement), — lorsqu'il s'écria, après quelques mi-
nutes : — « Les personnes qu'allèchent le lucre et les jouissances —
n'ont plus que faire ici : — moi, Comte, je fais savoir à vous tous
ma ruine ; — je n'ai plus que des yeux pour pleurer 1» — L'assemblée
fut étourdie du coup, — lui dégonflé ; mais Béatrix — avait plié le
cou comme une fleur flétrie, — Tâme déchirée et le cœur broyé.
— Elle chancelait. Raimond la saisit dans ses bras ; — elle se sus-
pendit à son cou, — en sanglotant : « Nous ne sommes pas dans
une si mauvaise situation ; —Raimond, ce que vous disiez était in-
LOU ROUMIËU 199
— « Fenna ! e vautres segnous, brandigues pas la testa :
Dau grand ben que m'èra avengut
Pèr eritage e drech, afourtisse, me resta
Foça dèutes, pas un escut !
As souldats, as varlets, dève abihage e paga }
Dève as marchands moun trin de court ;
Das jasiôus un mioch d'or tapariè pas la plaga
Que rousiga e n'en pren toujour.
Devignas pas la nioch ce que me derevelha ?
De mous poples lous viragauts ?
Soun à la republica, Arles, Niça, Marselha* !
Pèr contra lous segnous das Baus,
Sufis que tiroun jour de Baltazar lou mage*,
Se cresôun francs d'ounestetat ;
Ajudoun Frédéric ', que pren moun acatage!
Avignoun me ten aquetat !
Ramoun * lou mescresent monta ! E n'ai qu'una vida
A bailà!... Làguis, que ses grands !
Soui à lacrous dau front: filhas, eau vous marida? »
— « leu ! beleu à de soubeirans ! »
sensé I » — « Fomme I et vous autres seigneurs, ne hochez pas la
tête : —du grand bien qui m'était advenu — par héritage et par droit,
j'affirme qu'il me reste — beaucoup de dettes, pas un écu. — Aux
soldats, aux valets, je dois le vêtement et la solde; — je dois aux
marchands les dépenses de ma cour ; — des juifs un muid d'or
ne couvrirait pas la plaie — qui ronge et s'étend toujours. — Vous
ne devinez pas la nuit ce qui m'éveille ? — Les insultes de mes
peuples? — Elles sont en république, Arles, Nice, Marseille... —
* Arles, en Tan 1213 ; — Nice, en l'an 1215 ; — Marseille, en l'an 1212.
^ La maison des Baux fait remonter son origine au mage Balthazar.
• L'empereur Frédéric IL
* Comte de Toulouse.
200 DIALECTES MODSRNES
Cridet Tome dau pioch, souldat dau roumaviage.
Soun capel descatalanat,
Sa rauba de bourras, pèr enliassa'n mariage,
Avien Ter un pau desanat.
Tabè lous de la court alandèroun lous brasses ;
Ramoun empougnet sa destrau,
En ie cridant : — « Lengut ! sarra de quauques passes,
Veiren se siès feloun ou brau ! »
L'autre s'embaura pas; trais soun bourdon, se carra
Dins sas pelhas fier que-noun-sai,
Destapa soun grand front, d'un pas lente se sarra
De Ramoun, se corba e dis : — « Vai ! » —
Par contre, les seigneurs des Baux, — parce qu'ils descendent de
Balthazar le Mage, — se croient dispensés de probité. — Ils aident
Frédéric, qui me dépouille ; — Avignon me tient en échec... —
Raimond, le mécréant, monte (vers nous) : Et je n'ai qu'une vie —
à donner! Chagrins, que vous êtes grands l — Je n'ai que la croix
de front I Filles, qui vous marie? » — « Moi ! peut-être à des sou-
verains! » — S'écria l'homme de la montagne, soldatdu pèlerinage.
— Son chapeau rabattu, — sa robe de bure, pour nouer un mariage,
— semblaient un peu défraîchis. — Aussi ceux de la cour levèrent-
ils les bras au ciel ; — Raimond empoigna sa hache, — en lui
criant : « Bavard, approche de quelques pas ; — nous verrons si
tu es félon ou brave ! » — L'autre ne s'effarouche pas; il jette son
bourdon, se redresse — dans ses haillons, fier qu'on ne saurait le
dire; — il découvre son grand front, d'un pas lent il s'approche
— de Raimond, se courbe et dit : Va !
LOU ROUMIEU 201
IV
^ VOUE DAU BON DIEU
— « As pas fach que lou sinne e lou remord t'agaira ! » —
Se penset nostre Comte en quitant sa manaira ;
E, mourrut, faguet : — « Leva ! ù au pauràs, « siès ?» —
[ « Roumieu ! »
— « E pioi ?» — (( Roumieu, n'i*a prou !» — « Per tapa tas
[guenilhas,
Mes pas pèr lenguejà quand parle de mas filhas !
Vos pas dire eau siès ?» — « Soui Tome dau bon Dieu !
» Toun ajuda, se vos ! Vène pastène sorga,
Acatat d'un belèu : t'ai parlât sans messorga.
Pèr Nora, Beatris, e Sancheta, e Margai,
Se voulounte de rèis, o Comte de Prouvenca !
Camine dins lou drech ; s'end'acos i'a n'oufensa,
Qu'ou'n'estripes ma lenga e la trases de-lai?
IV
l'homme du bon dieu
— « Tu n'as fait que le simulacre et le remords t'obsède l » —
se dit notre Comte, en laissant sa hache. — Et, d'un ton bourru, il
dit au misérable : « Lève-toi ! tii es ? » — « Romieu ! » — « Et puis ? »
— « Romieu; c'est assez. » — « Pour cacher tes guenilles, — mais
non pour ouvrir la bouche lorsque je parle do mes filles I — Tu ne
veux pas te faire connaître? » — « Je suis l'homme du bon Dieu !
— » ton aide si tu le veux. Je ne viens pas discuter, — abrite d'un
peuk-êkre: je t'ai parlé sans mensonge. — Pour Eléonore, Béatrix, et
Sanchette, et Marguerite, — si je souhaite des roi:?^ ô Comte de
Provence! — je chemine dans le droit; — s'il y a'une offense en
cela, — que ne déchires-tu ma langue et la jettes au loin ?
» Toutefois je suis bon; tu le verras si tu m*écoutes. — Pour-
qaoi tant de plaintes? Raimorid, laisse-les toutes — aux prodigues
202 DIÀLEGTBS MODERNES
» Pamens soui bona causa, ou veiras, se m'escoutes...
Pèrque tant de plagnuns ? Ramoun, quita-lous toutes
As grands degavaiès que, fauta de gouvèr,
An escampat soun founs couma un sedàs pie aôli,
E de soun gros avé quand suçoun lou restôli,
Fauta de desenculpa enculpoun Tunivers.
» Pariés au mangouniè sans pata ni candèla,
Aqueles manjouins, pioi vous fan quincanella !
A de travals antau quau voudriè s'estequi ?
Ramoun, en Lenga-d'oc, ges passoun pas pèr malhas :
Sus la plaça, un sergent le fai quita las braihas... *
Tant d'ancaus, tant de cops cridoun : Paga t'aqui * !
» Tus siès empachugat, e pâmai, cavalisca !...
Aube, de tous Ëstats manca una brava lisca,
E destrùssi es lou vent que brandis ta coumtat ;
Mes toun pople ideious es lec d'independença ;
Lou vos tout? Que sus mar, lou Rose, la Durença,
qui, par défaut d'ordre, — ont répandu leur argent comme un
tamis laisse passer l'huile ; — et de leur grande fortune lorsqu'ils
lèchent les restes, — étant sans excuse, ils accusent l'univers .
» Semblables à l'épicier sans argent ni chandelle, — il y en a de
ces mangeurs qui font banqueroute. — A leur mauvaise besogne
qui voudrait s'astreindre ? — Raimond, en Languedoc, nul d'eux ne
passe à travers les mailles de la loi. — Sur la place publique un
sergent leur fait poser les braies.. . . — tant de fessées, tant de fois
ils crient : Paye-toi là I
» Toi ! tu es empêtré, mais pas plus, morbleu ! — C'est vrai, de
tes Etats il manque un beau morceau, — et destructeur est le vent
qui secoue ta comté.. — Mais ton peuple aux idées folles est friand
* Ils y étaient attachez (au fameux verrouil de St-Firmin), detractis hrcic-
cis et super caput positiSf conformément à un ancien statut fait par nos
consuls en 1213, où tous leurs créanciers avaient droit de leur aller frap-
per sur le dos exposé à nud, etc., etc. {Histoire de la viUe de Montpellier,
par d'Aigrefeuille.)
^ La cession des biens s'y faisait (aux églises St-Firmin et de N.-D.-
des-Tabies) ; le débiteur qui était réduit à cette extrémité paraissait le
LOU HOUMIBU 203
Sans ges d'arrestadous, nade la libertat. »
Lou Comte èra mouquet ; una man jout la gauta,
Assetat sus un souc, branlava pas. Pus nauta
E gimblada sus el, pus bella que jamai,
Beatris alanguida. En mîech la moulounada
Das segnous alifrats, la testa rabinada
Dau Roumieu qu'aviè Ter dau Jupiter de-z-Ais.
— ((0 terra espetaclousa e santa de Prouvença 1 »
Tournet mai lou mesquin, « terra de Taboundença !
Sôu qu'engrana e fleuris sans jamai èstre las !
D'aquel masclun garrut maire toujour encenta,
Esquicha pèr Ramoun ta sava nourrissenta,
E n'auren à moulous de trésors, de souldats ! »
Couma un cop de cournet dau bosc gagna lous causses,
La voues dau Pèlerin s'anet perdre en abausses ;
Mes tant ressoundiguet dins lou cor de Ramoun
Qu'en despiè lou mau-grat de sa vielha noublessa,
d'indépendance. — Le veux-tu tout entier? Que sur la mer, le
Rhône, laDarance, — nage sans obstacle la liberté. »
Le Comte confus, une main sous la joue, — assis sur un tronc
d'arbre, était immobile. Plus haut — et penchée vers lui plus belle
que jamais, — Béatrix, soucieuse. Au milieu de la foule — des sei-
gneurs pimpants, la tête hâlée — du Roraieu, qui ressemblait au
Jupiter d*Aix.
— « terre grandiose et sainte de Provence ! » — reprit le pèlerin,
«terre de l'abondance! — sol qui reçois le grain et fleuris sans ja-
mais être las ! — de ces gas vigoureux mère toujours enceinte, —
pressure pour Raimond ta sève nourrissante, — et nous en aurons
à foison des trésors, des soldats î »
dimanche, à Tissue de la messe de paroisse, et étendait ses deux mains
sur le grand verrou de la porte principale, par où il entrait et sortait le
plus de monde. Là, ayant la tête et les pieds nu?, et le derrière découvert,
il criait à ses créanciers: Paga-te (Vaqm! Paye-iol de là! {Notice sur
MorUpeliier, Ch, deBelleval.)
204 DIALECTES M0DEB2UBS
Mes au countentamen de la bella Coumtessa,
Agantet, el, la man dau minable sans noum :
— (( Gramecis, ie faguet, tardiera estavenguda,
Counsels an passât tems. Quau serviriè d'ajuda? »
— « leu », tournât l'autre. — « Tus I En change que ftirai,
Se vese regrelhà ma Coun^tat desglesida,
S'embrandes après Dieu lou sourel sus ma vida ? »
— (( Me trairas, couma un chi, fora de toun palais ! »
Octavien Bringuier.
{A suivre.)
Comme un coup de cornet s'élève du bois sur les monts, la
voix du Pèlerin alla se perdre dans les endroits les plus reculés ;
— mais elle retentit tellement dans le cœur de Raimond, — qu'en
dépit de la malveillance de la noblesse antique, — mais à la satis-
faction de la belle Comtesse, — il saisit, lui, la main du misérable
sans nom.
« — Grand merci, lui dit-il, mais ta venue est tardive, — le temps
des conseils est passé. Qui me donnerait Taide ?» — « Moi ! répond
Tautre. » — « Toi ! Que ferai-je en échange, — si tu fais reverdir ma
comté flétrie, — si tu allumes après Dieu le soleil sur ma vie ? » —
« Tu me jetteras hors de ton palais, comme un chien ! »
CONTES POPULAIRES
Il n'y a dans le conte populaire que deux choses constantes :
ridée qui le perpétue et les principaux incidents qui en mar-
quent rintrigue et la fin. Et encore ces derniers ne le sont-
ils que grâce à de certaines paroles sacramentelles que chaque
conteur répète.
Le reste varie selon les lieux, les temps, les circonstances
et les individus. Toutes les versions, quoi qu'on ait pu faire,
gardent quelque chose de celui qui les a recueillies ; toutes, en
outre, par le fait de Fusage sont faussées, ou insciemment ou
sciemment.
Dans le premier cas, le conteur mêle, en vertu de vieilles
traditions, des idées et des incidents qui appartiennent à des
contes divers ; dans le second, la modification est voulue. Le
conte de Turlendu, que Ton trouvera ci-après, en est un
exemple remarquable. Il nous a été communiqué par M. le
pasteur Liebih, de St-Germain de Calberte (Lozère).
Il appartient à ces contes par progression dont lou Cese,
publié par VArmana provençau^, est le plus caractérisque. Le
héros, cherchant fortune, part de chez lui avec un pois chiche,
réchange successivement avec une poule, un porc, un cadavre
de femme, une jeune fille vivante, et finit par devenir un grand
seigneur.
Le conteur populaire substitue à cette idée merveilleuse
une idée burlesque; puis, tronquant le dénoûment par une fin
ridicule, trompe, de parti pris, l'attente des auditeurs. C'est
une attrape. Nous en donnerons, par la suite, d'autres exem-
ples de plusieurs sortes.
Nous continuons cette publication par quelques autres
' Ce conte est ascendant: la Bravo Femo, traduit de Ë. Laboulayo
( Conles bleus )• est un exemplis de la progression inverse
206 DIALECTES MODERNES
petites pièces rhythmées. On pemarquera que, dans les der-
nières, le rhythme est devenu si précis, qu'il est presque de la
versification.
A. M. et L, L.
V. — TURLENDU
Turlendu, per sa fortune, abio pas qu'un pezoul. Anet en
un oustau beire se li gardarièu pas soun pezoul. Ë li digue-
rou:
— Pauzas Taqui sus lataulo.
Dins quauques jours benguet cercà soun pezoul.
— Moun cher, la galino bous To manjat.
— Ton badarai, — ton cridarai, — d'aqui que la galino
n'aurai.
— Bous eau pas ton badà, — ni ton cridà, — sounco prene
la galino e bous en anà.
Prenguet la galino et anet dins un autre oustau.
— Bouon jour, Turlendu ; benès bous caufà !
— Ai pas frech, mes bene beire que me gardés ma galino, se
bous plâi.
— Eh ! be, mettes lo al poulaliô.
Dins qauques jours benguet cercà sa galino.
— Moun cher, Tautro fes toumbet dins Testabledespouorcs
ela bous mangèrou.
— Ton badarai, — ton cridarai, — d'aqui que lou pouorc
n'aurai .
-- Bous eau pas ton badà, — ni ton cridà, — sounco prene
lou pouorc e bous en anà.
Prenguet lou pouorc e bai dins un autre oustau.
— Bouon jour, Turlendu; benes bous caufà!
— Ai pas frech, mes bene beire que me gardés moun pouorc,
se bous plai.
— Eh ! be, mettes l'aqui à l'estable.
CONTES POPULAIRES S07
Dins quauques jours be querre sonn poiiorc.
— Moun cher, Tautre jour intret dins Testable de la miolo,
e li bailet un cop de pè e lou tiet.
— Ton badarai, — ton cridarai, — d'aqui que la miolo au-
rai.
— Bous eau pas ton badà, — ni ton cridà, — sounco prene
la miolo e bous en anà.
Prenguet la miolo e s'en anet en un autre oustau.
— Bouon jour, Turlendu ; benès bous caufà !
— Ai pas frech,mès bene beire que me gardés ma miolo, se
bous plai.
— Eh ! be, laissas Taqui.
Dins quauques jours be querre sa miolo.
— Moun cher, Tautro fes la chambrieiro Tanabo abéurà, la
laisset toumbà dins lou pous.
— Ton badarai,— ton cridarai, — d'aqui que la chambrieiro
aurai.
— Bous eau pas ton badà, — ni ton cridà, — sounco prene
la chambrieiro e bous en anà.
Prenguet la chambrieiro, la met dins un sac e s'en bai en un
autre oustau.
— Bouon jour, Turlendu ; benès bous caufà I
— Ai pasfrech, mes bene beire que me gardés moun sac, se
bous plai.
—Eh! be, mettes lou aqui darriè lapouorto.
E Turlendu s'en bai.
Del temps que i'ero pas, faguèrou sourti la filho e mette-
guèrou un gros chi.
Benguet querre soun sac. Quan l'aguet pourtat un bon
briéu :
— Marche un pau, que mi lasse de te pourtà?
Coumo droubiguet soun sac, lou chi li salto al nas e lou
l'empouorto.
E piei disiô :
e08 DULBCTBS MODBRNES
— D'un pezoulhet auno pouleto,-— d'unopouleto à un pour-
quoi, — d'un pourquoi à uno miouleto, — d'une miouleto à
uno ôlheto, — d'uno filheto à un chinas, — que m'a empourtat
lou nas !
Traduction
TURLENDU
Turlendu, pour toute fortune, n'avait qu*un pou. Il alla à une
maison demander si on ne lui garderait pas ce pou. On lui répon-
dit : « Laissez-le là sur la table. » — Il revint au bout de quelques
jours pour le prendre. -^ « Mon cher, lui dit*on, la poule l'a
mangé. » — « Tant je me plaindrai, — tant je crierai, — que cette
poule j'aurai. » — «Ne vous plaignez pas, — ne criez pas, - prenez
la poule et allez-vous-en. »
Il prit la poule et alla à une autre maison. — « Bonjour, Tur-
lendu ; venez donc vous chauffer ! » — « Je n'ai pas froid ; je viens
demander si vous ne me garderiez pas cette poule ?» — « Certai-
nement; mettez-la au poulailler. » — Il revint au bout de quelques
jours pour la prendre. — « Mon cher, lui dit-on, l'autre jour elle
tomba dans l'étable aux cochons, et les cochons la mangèrent. »
— « Tant je me plaindrai, — tant je crierai, — que ce cochon
j'aurai. » — « Ne vous plaignez pas, — ne criez pas, — prenez
le cochon et allez- vous-en . »
Il prit le cochon et alla à une autre maison . — « Bonjour, Tur-
lendu; venez donc vous chauffer 1 » — Je n'ai pas froid ; je viens
demander si vous ne me garderiez pas ce cochon ?» — a Certai-
nement ; mettez-le à l'étable avec les autres. » — Il revint au
bout de quelques jours pour le prendre. — « Mon cher, lui dit-on,
Tautre jour il s'approcha de la mule, et la mule le tua d'un coup
de pied. » — « Tant je me plaindrai, — tant je crierai, — que
cette mule j'aurai. » — « Ne vous plaignez pas, — ne criez pas, —
prenez la mule et allez-vous-en. »
Il prit la mule et alla à une autre maison. — « Bonjour, Tur-
lendu ; venez donc vous chauffer !» — « Je n'ai pas froid ; je viens
demander si vous ne me garderiez pas cette mule. » — « Certaine-
ment ; laissez-la là. » — Il revint au bout de quelques jours pour
la prendre. — « Mon cher, lui dit-on, l'autre jour la chambrière,
la menant à l'abreuvoir, l'a laissée tomber dans le puits. » — « Tant
je me plaindrai, — tant je crierai, — que cette chambrière j'aurai. »
CONTES POPULA.IRES 209
— « Ne vous plaignez pas, ne criez pas, — prenez la chambrière et
allez- vous en. »
Il prit la chambrière, la mit dans un sac, et alla à une autre
maison. — « Bonjour, Turlendu; venez donc vous chauffer I » —
Je n'ai pas froid, je viens demander si vous ne me garderiez pas
ce sac. » — a Certainement ; laissez-le là derrière la porte. » Et
Turlendu s'en alla. A peine fut-il dehors, que Ton sortit la jeune
fille du sac et que l'on mit à sa place un gros chien.
If revint prendre son sac. Après l'avoir porté un instant: « Mar-
che un peu, dit-il, que je me lasse de te porter. » — Mais, en
ouvrant le sac, le chien lui sauta au visage et lui emporta le nez .
Et il disait:
« D'un petit pou à une petite poule, — d'une petite poule à un
petit porc, — d'un petit porc à une petite mule, — d'une petite mule
à une jeune fille, — d'une jeune fille à un gros chien, — qui m'a
emporté le nez !
VI. — l'aubre
Ai! lou poulit aubre — que i'a dinsaquel jardi! — Lou pus
poulit aubre — de toutes lous aubres. — Dessouta lou rou-
manis — ounte ma mia Anneta preniè sous plezis.
Ai! la poulida branca — que i'a en aquel aubre ! — La pus
poulida branca — de toutas las brancas. — La branca à Tau-
bre, — Faubre au jardi. . . — Dessouta lou roumanis — ounte
ma mia Anneta preniè sous plezis.
Ai ! lou poulit nis, — que i'a sus aquela branca! — Lou pus
poulit nis — de toutes lous nizes. — Lou nis à la branca, — la
branca à Taubre, — Taubre au jardi. . . — Dessouta lou rou-
manis — ounte ma mia Anneta preniè sous plezis.
Ai ! lou poulit iôu, — que ià dins aquel nis ! — Lou pus pou-
lit iôu — de toutes lous iôus. — L'iôu au nis, — lous nis à la
branca, — la branca à Faubre, — Taubre au jardi. . . — Des-
souta lou roumanis — ounte ma mia Anneta preniè sous
plezis.
Ai ! lou poulit aucel — que i'a dins aquel iôu ! — Lou pus
poulit aucel — de toutes lous aucels. — L' aucel àTiôu, — l'iôu
210 DIAIiBGTBS MODBRNBS
au nia, — lou nis à la branca^ — la branca à Taubre, — Tau-
bre au jardi — Dessouta lou roumanis — ounte ma mia
Anneta preniè sous plezis.
Traduction
l'arbre
Ah I le bel arbre — qu'il y a dans ce jardia ! — Le plus bel arbre
— de tous les arbres. ... — Sous le romarin — où ma mie Annette
va se réjouir.
Ah ! la jolie branche — qu'il y a à cet arbre ! — La plus jolie
branche — de toutes les branches. — La branche à l'arbre, —
l'arbre au jardin. . . — Sous le romarin — où ma mie Annette va
se réjouir.
Ah ! le joli nid — qu'il y a sur cette branche I — Le plus joli nid
— de tous les nids . — Le nid à la branche, — la branche à l'arbre,
l'arbre au jardin. . . — Sous le romarin — où ma mie Annette va
se réjouir.
Ah ! le joli œuf — qu'il y a dans ce nid I — Le plus joli œuf —
de tous les œufs. — L'œuf au nid, — le nid à la branche, — la
branche à l'arbre, — l'arbre au jardin. . . — Sous le romarin —
où ma mie Annette va se réjouir.
Ah! le joli oiseau — qu'il y a dans cet œufl — Le plus joli
oiseau — de tous les oiseaux. — L'oiseau dans l'œuf, — l'œuf au
nid, — le nid à la branche, — la branche à l'arbre, — l'arbre
au jardin... — Sous le romarin — où ma mie Annette va se
réjouir. »
Les versions de ce conte offrent des variantes assez con-
sidérables, d'abord parce que le nom de la mie change avec
chaque conteur, ensuite parce qu'on peut faire successi-
vement réloge de toutes les parties de Toiseau :
Ail las poulîdas patas. . .
Ail lou poulit plumage , . .
Ail lapoulida testa, . . .
Ail las poulidas alas. . .
Ail la poulida coueta» . . etc.
Ce qui rend le renouvellement des expressions intermina-
CONTES POPULAIRES 211
ble et augmente d'autant les difficultés du récit que Ton doit
en faire. Du reste, ces petites compositions n'ayant d'autre
but que d'exercer la langue des enfants, il y a fort à croire
que ces variantes appartiennent à la version originale. Une
version de M. le pasteur Liebih donne ces variantes, sans
autres différences.
VII. — LOUS NOUMBRES
Un, lou bon Diu; — dous, lous Testamens ; — très, la Trini-
tat ; — quatre, lous Evangelistas ; — cinq, las plagas de Nostre-
Senhe ; — sieis, lous lums dau temple ; — sept, las joias de Nos-
tra-Dama ; — ioch, las Beatitudas ;— nôu, lous Anges ; — dech,
lous Coumandamens ; — ounze, las estelas; — douge, lous Apô-
tres. — Ounze, las estelas; — dech, lous Coumandamens; —
nôu, etc.
Traduction
LES NOMBRES
Un, le bon Dieu ; — deux, les Testaments ; — trois, la Trinité ;
— quatre, les Évangélistes ; — cinq, les plaies de Notre-Seigneur ;
— six, les lumières du temple ; — sept, les allégresses de Notre-
Dame ; — huit, les Béatitudes ; — dix, les Commandements ; — onze,
les étoiles; — douze, les Apôtres. — Onze, les étoiles; '-dix, les
Commandements; — neuf, etc. »
A cette énumération pieuse, qui sert d'exercice au caté-
chistes, et dontDamase Arbaud (Chants populaires de Prorence,
I, pag. 42) cite une version fort compliquée, il faut en joindre
une profane, en usage dans quelques jeux, entre autres une
sorte de cheval fondu. Le chef du jeu prononce successive-
ment chaque nombre, en joignant à chacun d'eux, en rime,
un mot quelconque. Exemple :
« Un, lou lum; — dous, d'amellous; — très, lou bres; — quatre,
l'albâtre; — cinq, lou pèlerin; -^ sieis, lajieis; — sept, lout let; —
ioch, lou pioch; — nôu, loubiôu; — dech, lou liech; — ounze, la
rounze; — douge, Taze te fouge. »
212 DIALB0TB8 MODBRMES
Il est d'habitude que les mots accolés soient par séries de
noms de métier, d'objets domestiques, de fleurs, de fruits, etc.
VIII. — LOU GAU
Quau garda Yostre oustau? — La galino ambe lou gau. —
Ount' es lou gau?— Sus lou brancau. — Ounf es lou brancau?
— Lou fioc Ta cremat. — Ounf es lou fioc ? — L'aiga l'a da-
moussat. — Ount'es l'aiga? — Lou bi6u l'a beguda. — Ount' es
lou biôu? — Un pau pertout.— Âussas-ie la couga,— Ebufa-
ie dejout.
Traduction
LE COQ
Qui garde votre maison ? — La poule avec le coq. — Où est le
coq? — Sur la bûche. — Ou est la bûche? — Le feu Ta brûlée. —
Où est le feu? — L'eau l'a éteint. — Où est Teau? — Le bœuf Ta
bue. — Où est le bœuf? — Un peu partout. — Haussez-lui la queue
— Et soufflez dessous .
IX. — LA GALINO
Quau gardarà deman? La galino courte.
Ent' es la galino courto? Es dejout lou liech.
Ent' es lou liech? Lou fioc Ta bruUat.
Ent' es lou fioc ? L'aigo Ta tuât.
Ent' es l'aigo? Lous biôus l'an begudo.
Ente sou lous biôus? A la rado*.
Ent' es la rado? A la cimo de l'Espiradel.
Ent' es l'Espiradel? La cabro n'a manjat un mourcel.
Ent' es la cabro? Lou loup l'a manjado.
Ent' es lou loup?. Es aqui que courre pertout.
* Rado, haie. En languedocien, raza.
CONTBS POPULAIRES 213
Traduction
LA POULE
Qui gardera la maison demain? — La petite poule. — Où est la petite
poule ? — Sous le lit. — Où est le lit ? — Le feu l'a brûlé. — Où est
le feu ? — L'eau l'a éteint. — Où est Teau ? — Les bœufs Tont bue.
— Où sont les bœufs ? — A la cime de TEspiradel. — Où est l'Es-
pîradel? — La chèvre en a mangé un morceau. — Où est la
chèvre? — Le loup Ta mangée. -^ Où est le loup? —Le voilà qui
court partout I
On se sert quelquefois de cette espèce de récitatif pour jouer
à la queue leu-leu ; mais le véritable récitatif de ce jeu est le
couplet suivant, qui se chante :
Anen à la vinha, — que lou loup i'es pas,
Manjaren de figas — e de bons muscats.
Loup ! loup ! manjaras pas de mas ôlhetas I
Loup ! loup ! manjaras pas de mous garçons !
Allons à la vigne, le loup n'y est pas. — Nous aurons des figues
et de bons muscats. — Loup! loup 1 tu ne mangeras pas de mes fil-
lettes. — Loup ! loup! tu ne mangeras pas de mes garçons.
Dans les Cévennes, le jeu du Renard, lou Itainalkou, se fait
de la même manière, c'est-à-dire aussi à la queue leu-leu. Le
récitatif est différent : c'est un dialogue entre la mère poule,
la clouco, et le renard. Voici la version envoyée par M. le pas-
teur Liebih :
La Clouco. De que fas aqui? — Lou Rainalhou. Un flouquet.
C. De que bos faire d'aquel fiouquet?— R. Faire caufà d'aigo.
C. Perde que faire? — R. Azugà mous coutelets.
C. De que bos faire de tous coutelets? — R. Bole coupa uno
branqueto.
C. De que bos faire d'aquelo branqueto? — R. Faire uno es-
caleto.
C. De que bos faire d'aquelo escaleto? — R. Mountà al ciel.
14
214 DIALECTES MODERNES
C. De que bos anà faire al ciel? — R. Manjà toutes lous pou-
lets que i troubarai.
C. Ni manjaras pas lous mièus almens? — R. Pas aqueles
que poudrai pas arrapà.
X. — LOUS CONTRADICHS
Ai un fraire escaramousset.
Per héritage li dounere un siblet.
Un siblet n'es pas un escrit6ri,
Paradis n'es pas pergatôri ;
— Pergatôri es pas paradis,
Uno lebre es pas uno perdris ;
— Uno perdris es pas uno lebre,
Uno coumbo es pas un serre ;
— Un serre es pas uno coumbo,
Un chibal es pas uno boumbo ;
— Uno boumbo es pas un chibal,
Uno nieiro es pas un grapal ;
— Un grapal es pas uno nieiro,
Lou varlet es pas la chambrieiro ;
— La chambrieiro es pas lou varlet,
Uno bledo es pas un caulet ;
— Un caulet es pas une bledo,
Unmoutou es pas uno fedo,
— Uno fedo es pas un moutou ...
Traduction
LES CONTREDITS
J'ai un frère de petite taille. — Je lui ai donné en héritage un
sifflet. — Un sifflet n'est pas une écritoire, — le paradis n'est pas
le purgatoire; — le purgatoire n'est pas le paradis , — un lièvre
n'est pas une perdrix; — une perdrix n'est pas un lièvre, — une
vallée n'est pas une montagne, etc., etc.
Ce récitatif, qui peut se continuer indéfiniment avec le nom-
bre des interlocuteurs, n'a que deux points obligatoires : la
CONTES POPULAIRES 215
rime, qui doit former un enchaînement, et le sens des mots,
qui doit toujours être en opposition. C'est ce que M. Liebih,
auquel nous devons cet exemple, appelle rimes à chaînons
(Kettenreime). Dans sa version, les vers 8 et 9 étant interver-
tis, nous avons cru devoir les rétablir à leur véritable place.
XI. — PLÔU ET FAI SOUREL
Plôu e fai sourel.
La galino sauto al mel,
Del mel sauto al ouort,
troubat un aze mort :
De la pel ne fai un mantel,
De la teste un caramel.
S'en vai à sant Jan,
Tout caramelan.
Sant Jan, douebre mi !
Nou farai, pardi,
Que ma femno a fà Tefon,
Que Tapelou Petit Jon.
Petit Jon lou mestre
Tiro la carreto.
Traduction
IL PLEUT ET IL FAIT SOLEIL
Il pleut et il fait soleil. — La poule saute au mil , — du mil au
jardin. — Là, elle trouve un âne mort: — de sa peau elle se fait
un manteau, — de sa tète un chalumeau. — Elle va à saint Jean, —
tout chalumelant. — Saint Jean, ouvre-moi i — Non, je ne le ferai
pas, — car ma femme vient d'enfanter — celui qu'on nomme
petit Jean. — Petit Jean le maître — tire la charrette...
Nous donnons cette version, également communiquée par
M. Liebih , quoiqu'elle nous paraisse tronquée, dans l'espé-
rance que nos lecteurs voudront bien nous aider à la complé-
ter.
216 DIALBCTBS MODBRNBS
XII. — LOUS DETS
De long d'aquelo planeto
Passet uno lebreto.
Aquel la vejet,
Aquel la courriguet,
Aquel Tarrapet,
Aquel la manjet,
E lou pus manît diguet:
Piu-plu* !
Fa pas res per iu ?
— Vej'aqui un osset,
Bai lou manjà al^cantounet.
Traduction
LES DOIGTS
Tout au long de cette petite plaine , — passa un lièvre. — Celui-
ci (Js pouce) le vit, — celui-ci (l'indea?) le poursuivit, — celui-ci {le
médian) l'atteignit, — celui-ci {V annulaire) le mangea, — et le plus
malingre {le petit doigt) dit : — Piu-piu ! — n'y a-t-il rien pour moi ?
— Si, voilà un petit os, — va le manger dansun coin.
Autre version, transmise par M. Liebih, des parties rhyth-
mées du Pichot Nanet. Il en existe beaucoup d'autres, que nous
insérerons au fur et à mesure que Ton voudra bien nous les
signaler ou que nous nous en souviendrons.
XIII. — JAN L'OLI
Jan rOli
Béu l'oli
Dejout la semau.
Quand Taze bramava
^ PiU'piu, onomalopée du cri du moineau : d'où le français piauler, le
languedocien pititô et le pipilare de Catulle.
CONTES POPULAIRES 217
Sounava
Vidau.
Lou cat se penchena,
Darrié lou bufet.
La vielha se leva,
le fout un soufflet ! . . .
Traduction
JEAN DE L*HUILE
Jean de l'huile — boil Thuile — sous la cornue. — Quand
râno bramait, — il appelait — Vidal. — Le chat se peigne, —
derrière Farmoire. —La vieille se lève — et lui f... un soufflet.
Jan l'Oli et Béu tOli sont les noms que les enfants donnent
au chat-huant. Le débit de ce conte est terminé par une petite
tape que l'on donne à Tenfant.
XIV. — JEAN DE l'ORT
Un cop i'aviè un orne — que fouchava un ort;
Lou rire i'escapa — lou vej' aqui mort.
le tirou la linheta,
Vej' aqui que peta !
le tirou lou linhôu,
Vej' aqui que fai p6u !
le tirou lou fin,
Vej' aqui que viu!. . .
Traduction
JEAN DU JARDIN
Il y avait une fois un homme, qui piochait au jardin. — Le rire
le prit, il en mourut. — On dénoue l'aiguillette, — le voilà qui
p. . . ! — On dénoue les cordons de la chaussure, — le voilà qui
fait peur! — On dénoue le dernier fil, — le voilà qui ressuscite ! »
i\8 DIALECTES MODBRNBS
Ce conte se termine par une horrible grimace. La mimique
entre pour beaucoup dans le récit des contes populaires;
quelques-uns sont même entièrement mimés. J'ai déjà cité
lou PivhotNanet; je citerai plus tard Babau.
La Romania, dans sa 2* livraison, a donné deux versions de
Tenterrement de Jan de tOrt. Elles lui ont été communiquées
toutes les deux par Frédéric Mistral ; Tune a été recueillie à
Maillanes, Tautre dans la province de Saluées. Les voici:
1. JAN DOU PORC 2. JOUAN DE l'oRT
Quau es mort? Qui es mort?
— Jan dou Porc. — Jouan de Tort.
Quau lou plouro ? Qui lo souterra?
— Lou rei Mouro. — Jouan de la guerra.
Quau lou canto ? Qui lo ploura ?
— La calandro. — Soua signoura.
Quau lou ris ? Qui lo bala?
— La perdris. — Soua cavala
Quau n'en viro à brand? Qui lo chanta?
— Lou quièu de la sartan. — Souo chanet.
Quau n'en porto dôu ?
— Lou quièu dau peirôu.
Traduction
1. Jean lb Porc : — Qui est mort?— Jean le Porc. — Qui le pleure?
^Le roi Maure. — Qui chante les prières? — L'alouette huppée. —
Qui en rit? — La perdrix. — Qui en sonne les cloches ? — Le cul de
la poêle. — Qui en porte deuil? — Le cul du chaudron. »
2. Jean du Jardin : Qui est mort? — Jean du Jardin. — Qui
Tenterre ? — Jean de la Guerre. — Qui le pleure ? — Sa veuve . —
Qui le porte ? — Son cheval. — Qui en chante les prières ? — Le
petit chien .
XV. — PIEU ! PIEU !
Dans un discours prononcé par l'auteur du Mireio , en 1862
(V, YArmana prouvençau de 1863, p. 25), nous trouvons la
CONTES POPULAIRES 219
version provençale d'un conte, également rimé et chanté, qui
est fort connu de tous les Méridionaux :
Lou sort de nostro lengo me fai ensouveni d'une sourneto
que ma maire me countavo quand ère pichot. — S'agissiè d'un
paure enfant que sa mairastro aviè tuà, que soun paire aviè
manjà, que|saJsorre|aviè entarrà, e que ressuscitavo en forme
d'aucèu blanc, e que cantavo aquesto cansouneto :
Ma mairastro,
Dins la mastro.
M'a deli,
Piei fabouli.
E moun paire,
Lou lauraire.
M'a manjà
E mastegà.
E Liseto,
Ma sourretto,
M'a plourà
E m'a'ntarrà.
E pieu ! pieu !
Encaro sièu vièu !
Traduction
Le sort de notre langue me rappelle un conte que ma mère me
disait lorsque j'étais petit. — Il s'agissait d'un pauvre enfant que
sa marâtre avait tué, que son père avait mangé, que sa sœur avait
enterré, et qui cependant ressuscitait sous la forme d'un oiseau
blanc, et chantait cette petite chanson :
Ma marâtre — dans la maie — m*a pétri, — puis fait bouillir.
Mon père, — le laboureur, — m'a mangé — et mâché.
Lisette, — ma petite sœur, — m'a pleuré — et enterré.
Et cependant, pieu 1 pieu ! — me voici encore vivant.
POÉSIES PATOISES
DE NICOLAS FIZES
(1679-1716)
(SviU)
LOU DOUBLE PROUCÈS
Seconnd Prouoés
Gkeffiè
Caousa de Jaoumeta Daouphina,
De nostre juge la vesina,
Que demanda embe foundamen
Qu'ourdounes dedins lou moumen
Que soun marit, per sas mestressas,
La prive pas de sas caressas ;
Car vous proumet que Vj a b'un mes
Que sap pas de quinte genre es,
Mes qu'abandonna sa Daouphina
Per visita sa Goudounina,
E ansin la lajssa a Teâcart:
Demandaressa, d'una part ;
E Birou, que, couma coursari
Se va diverti d'ourdinari
Ë va countentà sa fouliè,
Aou soûl despens de sa mouliè,
P0ESIB6 DE FIZES 8£]
D'aoutre : — Niclet es per Daouphina^
E Bedos contra la badina.
NiCLET, avoucat
Messieus, las leys an ourdounat
Que tout home siè coundamnat
En cas que prengue davantage
Qu'una fenna dins lou mariage,
E la fenna ne prengue qu'un
Entre lous quaous tout siè coumun ;
E que caressou sas persounas
Couma pigeouns embe pigeounas,
Sans s'avisa de cercà ailleurs
Ni mestressas ni serviteurs,
Pioyque trovou dins eles-mêmas
L'amour et lous plasis extremas.
Cepandan joj vesèn Birou,
Contra lou drech e la resou,
Que réserva per sas mestressas
Tout soun amour e sas caressas,
E lajssa sa fenna a l'escar
Sanso voule n'in fajre part.
N'es-ti pas aco pitouyable,
E Birou n'es-ti pas blâmable ?
Mes quand Daouphina a remarquât
Que la prouvisioun l'y a manquât,
L'y a remoustrat embe sagessa
La grandou d'aquela faiblessa
Que l'oubligeava a la quitta ;
Qu'aviè de que lou countentà,
Que quittés sapassieou nouvèla,
Qu'incara ela era be prou bêla,
E que faliè pas cercà antaou
Ce qu'aviè dedins soun houstaou.
Lors, Birou l'y faguet proumessa
222 DIALECTES MODERNES
Qu'ela soula era sa mestressa,
Que preferava soun amour
A la pus bêla de la cour,
Mes que n'era pas generousa
De se faveyre ansin jalousa,
Car Fy tendriè pas jes de tort
Quand Yj faoudriè soufEri la mort.
Las partidas en dos brassadas
Fouguèrou recounciliadas.
Toutafes, caouque tems après,
Ela l'y veillèt tout esprès
E surprenguet, tant elajes fina,
Soun marit em la Goudounina.
Encara Blrou Fy ou neguèt;
Mes d'abor ela Ty faguèt
Acta per la man d'un noutari
D'oun Ty raouba pus Tourdinari,
En l'y proutestan aoutramen
De toutes lous doumageamens.
Pourtant Birou toujour s'en moqua
E l'estima coum una coqua,
Pren sous plases ounte l'y play,
Mes emDaouphina, pas jamay.
Partant, Messieus, rendes justiça
An d'aquesta negra peliça
E fasès soun marit veni
Dins soun devé, per l'aveni:
Fasès que visquou sans querèlas
Coum' un parel de tourtourèlas,
Pioy que vesès qu'ara-metieou
Implora vostra proutectieou ;
Ela espéra, sous vostras alas,
Qu'imitarà lèou las cigalas.
Daouphina
Messieus, yeou souy, per moun malheur.
POESIES DE FIZES 223
Abandounada d'un vouleur
Per louquaou yeou n'aj que tendressas
E que va fa d'aoutras mestressas;
Yeou lou caresse nioch e jour
Afin de Vy dounà d'amour,
E pioy aquel michan me layssa
En un canton, coum'una cayssa.
Sans qu'el ine countente jamay
D'un : oh ! bestia, que fas aylaj ?
Qu'es fachous d'estre maridada
E se veyre pas caressada !
Voudriè be may anà aou sabbat,
Que fenna vioure en célibat.
Messieus, se ses gens de pouliça,
Se vous plaj, fasès-me justiça.
Bedos, avouent
Aqui b'un droUe empourtamen
Propre a fa divertissemen !
Tout'aquelas flamas nouvèlas
Noun soun ren que de bagatèlas.
Messieus, res d'acô n'es pas vray,
Ela ou dis perceque l'y play.
Se sap qu'una fenna amourousa
Noun pot pas estre que jalousa ;
E per aco faou qu'un marit
S'ane toujours troubla l'esprit
Per rendre compte de sous passes ?
Aco n'apartèn qu'as matrasses.
L'y faou donne estre à tout moumen
Per l'y fayre lou coumplimen ?
Messieus, ayço fariè be rire ;
Res d'aco noun se deou pas dire.
Daouphina
Couma? tus. nous ou diriès pas
Se te mangeavou toun repas ?
334 DIALECTES MODERNES
BiROU
He ! se vous plaj, dona Daouphina,
Fagues pas tant vostra mutina.
DAOUPfflNA
Coussi ! vouleur, tus siès ajci ?
BiROU
Vous aj counougut aou toussi :
Mes banissès vostra coulera,
Ma Daouphina, moun cor, ma chèra,
Venès qu'yeou vous fasse un baysà...,
Daouphina
Yeou te vole escandalisà ;
Maraoud, ounf as ta Goudounina ?
BiROU
Parlas couma se caou, Daouphina,
Dins lous termes de la resou ;
Vous ses Daouphina, e yeou Birou.
Daouphina
Saves be que tu m'as batuda,
Per Tamour d'aquela perduda.
BiROU
Daouphina, parles pas antaou,
Te baylaray un viragaou,
E s'ansin tu siès messourieyra
Yeou te faray pla vertadiejra.
Parlen pus bas, escouten-nous.
Daouphina
Jamaj n'aouras visage dous
D'aquela qu'era ta Daouphina.
Birou
Anas, vous ses una couquina,
POESIES DE FIZES 225
Es'oun era per fayre bruch....
NiCLBT, avoucat
Metten Fespasa dins Testuch,
Ayci se fay pas de vioulença,
Ajas respect per Taoudiença :
Rendes Thounou qu'ayci debès,
Vous rapprendrai! s'oun lou sabès.
Daouphina
Aquel mérita la galera. . .
NiCLET
Fagas pas tant vostra coulera ;
Parlas embe mouderatieou,
Ayci se parla sans actieou.
Daouphina
Ëh ! se vous ères a ma plaça.. . .
Juge
Vos te taysà, vieilla carcassa !
BiROU
Escouta, doun may parlaras,
Te proumette qu'où pagaras.
Daouphina
T'ou pagaray? vouleur, mangeayre....
Bedos, avoucat
Accoumouden aquest'affayre ;
Messieus, s'oun lous mettes d'accord
Se pouillaran jusqu'à la mort,
E souven l'y aoura de gourmadas,
D'yols maquats, testas descouyflfadas ,
De bruch e de cops dins l'houstaou :
Evitas-l'y tout aquel maou.
226 DIÀLEGTESM ODBRNES
Juge
Paix, avoucats, car yeou ourdoune
Que chacun d'eles se resoune ;
Mes, s'oun disou la veritat,
Que lou marit siègue fouytat,
E, se la fenna es messourieyra,
Mostre lou queou à la carrieyra .
Daouphina
Messieus, aco n'es que trop vray
Qu'el me caressa pas jamay
E qu'ayma may la Goudounina
Quo noun pas sa chera Daouphina ;
Quant de fes vay se diverti
Vers lou pourtaou de San-Marti !
Qu'où nègue, lou vouleur, se Taousa!
Yeou n'ay trop vist aquela caousa ;
Cresès que dise la vertat,
Pioy que l'y l'an be dessoutat.
Mes après tout, siey ben marrida
Que moun marit siè ma partida,
Sans aco, parlariey be may.
BiROU
Tus n'acabariès pas jamay
S'anfin tout yeou noun t'avouave.
Es vertat, Daouphina, l'aymave.
Yeou l'y ay fach l'amour caouque tems ;
Mes, après tout, seguen countens ;
Metten fin a nostra querèla :
Yeou noun la trove pas pus bêla ;
Ay changeât lou fioc lou pus vieou
Qu'aviey per ela en aversieou.
Daouphina
Tus fas veyre per ta counduita
POESIES DE FIZBS 227
Que noun siès qu'un grand hipocrita.
Me portes a te pardonna
Aco que van te coundamnà;
Mes afin d'establi bon ordre,
Faou, caouqua fes, fajre desordre.
BiROU
Ay, Daouphina, toqua la man ;
Passaray per ce que diran.
Quand yeou te vese pas countenta,
Yeou souj dabord dins la tourmenta.
Visquen milieu dins Taveni :
Te vole fayre rajeuni;
Aouray per tus mêma tendressa
Que quand tus ères ma mestressa :
Te parlaray dors en avan
Toujour lou capèl à la man.
E noun faray pus bona mina,
Sinoun à ma chera Daouphina.
COUNSEILLÈ
Afin, Moussu, qu'aquest' accord
Siègue pus durable e pus fort,
Yeou trove bon per prevoyença
Que lou counfirmes per sentença.
Mes sous aquela counditieou
Que se Birou fay seditieou
E se Vj raouba sas caressas
Per countenta d'aoutras mestressas,
'Qu'ela lou fasse, d'aoutra part,
Premieyramen famous cornard,
E qu'ensuita dessus sas banas
Se fasse mila coucalanas ;
Car, s'el las cargua sans resou.
Es juste qu'aje mêma hounou.
Ansin, se Fy veniè un capriça
El crendrié d'abord la justiça.
228 DIALECTES MODERNES
Cresès-me, aquela apprehensieoa
L'y levariè rinflammatieou,
Es ben vertat qu'el la quittava
Per una mestressa qu'ajmava,
E veniè d'aquel soulet maou
Tout lou desordre de Thoustaou.
Partant, se Vy mettra bon ordre
Se l'y dounan un os a mordre
Que lou tendra dins lou devé
Que per Daouphina deou avé.
Outra que faou en counsciença
L'y prounounçà tala sentença
Afin de réprima l'abus
Se per hasard tournava pas.
E veyren ansin que Dauphina
Patirà pas couma une china,
Mes Birou toujour l'aymarà
E toujour la caressarà.
Juge
De l'accord de las dos partidas
Qu'ara se trovou benunidas,
En counsequença daou débat
Qu'entr'eles dous era arribat.
Et per counfirmà davantage
La bona fin daou mariage...
Qu'es, que dous cors, per amitié,
Noun ne fassou pas qu'un entiè,
A la requesta de Daouphina
Qu'aviè patit coum'una china
De ce que soun marit Birou
L'abandounava sans resou,
Per ana fayre de caressas
Trop souven a d'aoutras mestressas,
Ara mêmes es ourdounat
POESIES DE FIZES 229
Que soun maritsiè coundamnat
A fayre jamai bona mina
A d'aoutra fenna qu'a la siouna ;
Que se, malgré nostra defensa,
El contraven a la sentenca,
Naoutres voulen que, d'aoutra part,
Daouphina lou fasse cornard
Ë que sus soun parel de banas
L'j fassou mila coucalanas ;
Coum'aco viouran désormais
Marit e fenna dambe paix.
Dauphina
Aj I moun Biroa !
BiROU
Chera Daouphina !
Daouphina
Aj ! moun badin !
BiROU
Aj ! ma badina !
Daouphina
M'aymaras-ti?
BiROU
Se t'aymaray !
Tant que dins lou mounde vieouray.
Daouphina
Ah ça ! renden-nous témoignage
Que sèn âdels en mariage.
BiROU
Noun ou pode fa millou
Qu'ente fasen aquel poutou.
15
230 DIALECTES MODERNES
DEPENSA EN VERS PATOUES
DA8 NOUES DE MOUSSU L'ABBÈ PLOMET «
del'annada 1714
Eh! qu'es ayço, moussu TAbbat ?
Disou que vous ses rebutât
De fa, per lapousteritat,
Chaqu'an un pouèma sacrât
En patouès per lou nouvel nat
Que per de pastres siè cantat ?
Perqué ? per caouque discours plat
Emperit e maou councertat
Que musa malinna a dictât ?
Ount'es doun vostra fermetat
Après avedre résistât
Trente ans a la malinnitat?
Oh ! se vous play, moussu TAbbat,
N'es pas de vostra dignitat
De vous rendre ansin sans coumbat.
Jusqu'aycis avès mesprisat
Kignourença e la paouretat
De tout esprit qu'es maou timbrât,
Que l'envia a toujour roungeat »
E roungearà a l'eteTnitat.
Las gens qu'an de souliditat
Vostres noues an approuvât
E vostr'art toujour an goustat.
* Picpre-Antoine-Mqrie de Plomet, chanoine et prieur de l'église coUé-
giab de Sainte-Anne de Montpellier, avait Tinnocente manie de rimer
chaque année des noëls français ou patois, qu'il considérait comme autant
de chefs-d'œuvre, et qui ne le cédaient en médiocrité qu'à ceux de M. le
conseiller Robin, son ami. Nous en connaissons deux recueils, imprimés
tous deux à Toulouse, chez Lecamus, en 1716 et 1718: le Voyarje des
Pasteurs en Bettdéem et les Bergers de Bethléem.
POESIES DE FIZES n\
Perjeou, siey estât encantat
De la granda diversitat,
Daou brillan e de la beoutat,
De Fadmirabla raretat
Ë de la curiousitat
Que dins vostra musa aj trouvât ;
E per fa veyre la vertat
En plein jour e dins soun esclat
De ce que vous ay débitât,
Trouvares ayci réfutât
Tout ce que vous an objectât:
Disou qu'avès gascounisat,
Caouquafes prouvençalisat,
E prou souven parisisat,
Quand avès mounpelieyrisat.
Homera, quand a grecisat,
N'a-t-i pas el atticisat,
Eolisat, ionisât,
Doricisat, béocisat,
Cretisat e coumunisat ?
Perque dounc vous an accusât
D'avedre dialectisat?
E vostres p astres daou sabbat
An ben fach s' an judaïsat,
SiJousep a préconisât
E Jacob s'a tympanisat *.
Parla, envious, esprit bournat,
L'accuses d'ave balounat,
D'ave trop hyperbolisat,
D'ave trop metaphorisat
E d'ave trop patoutisat?
Sur aco te siès espuisat,
As raillât, as pindarisat
So tympanis et choro (Psalm.)
232 DIALECTES MODERNES
E toun cervèl tesiès secat ?
Malhurous pouèta crottat,
Eh ! de que te siès avisât ?
S'aviès Fart d'Horaça pesât,
Aouriès b'autramen résounat :
Horaca es escandalisat^.
Quand Fheros n'a pas herosat,
Quand Davus n'a pas davusat
E Bertoumiou bertoumisat ;
Acos Fart, mounsignor TAbbat,
Que vous avès ben observât.
Coulin a ben coulinisat
Mourdakay* a mourdakisat,
E Pâlot a palotisat.
Quand la reyna a gorgea virât,
La joja Ta destimbourlat ;
Aou lioc que quand Fange a parlât
Certas tout es ben penchinat,
Frances, piousa majestat,
Majestuousa pietat,
Incoumparabla caritat,
Chacun ben caractérisât
Es d'un pouèta aoutourisat
Que faj pas soun nouviciat
E qu'Apolloun a caressât.
Vesès-be que, sans vanitat,
Hurousamen aj pénétrât
Touta vostra subtilitat
A travers la simplicitat
Que toujours avès affectât,
Vesès be, sans m'estre fourcat
' Intererit multum Davus ne loquatur an héros ;
Maturusve senex, etc. (Hor., Aps poet.
2 Nom de juif.
POEMES DE FIZES 833
Ott'en quatre lignas qu'ay traçât
Touta Tenvia ay terrassât,
Sans que degus siègue ouïfenoat.
Courage donne, moussu FAbbat !
Save que, quand aouriès jurât.
Un noue sera préparât
Per un aoutr'an, ben penohinat.
Toujours rimarà qu'a rimât.
LA FON DE FROUNTIGNAN
OBRA QALOYA
( 1680 )
ARGUMEN
Lous habilans de Frontignan avien fourmat lou dessein de fayre
una fon de bona aygua aou mitan de la plaça ; es vray que ne savièn
pas de sourça, mes cresièn qu'aco n'era pas una affayrc, e que,
couma Frountignan es situât aou pè d'una ceintura de mountagnas
e a l'endrech lou pus bas daou terrein, l'aygua de la plogea poudiè
pas manqua de s'y rendre par una infinitat de venas, après s'estre
purgada a travers de la terra ounte aourié passât. Mettèrou doun
la man à Tobra, faguèrou veni de trouvayres de sourças, mes certas
que se trouvèrou pas de grans sourciès. En plusieurs endrets daou
terrayre ounte la broca l'y ajèt virât dins la man, faguèrou vira la
terra, mes bé pourrièn dire, selon lou prouverbi, que noun faguèrou
pas de traous en terra mola, senoun era que trouvèrou la terra fort
dura. Enfin, après plusieurs tentativas, l'entrepresa restèt aou
croc, jusqu'as à Tarrivada d'un habitan qu'era estât absent durant
l'employ das cercayres de sourça. Couma cresièn aquel moussu fort
savant e curions, lou faguèrou pressenti se n'aviè pas Ion courage
de l'y fayre una fon. — « Si, respondèt-el sans besità, que voun
faray una. »
234 DIALECTES MODERNES
Tout lou mounde n'ajet un gauch que se poudlè pas exprima.
Dins dous ou très jours Tautheur pourtet aquesta idylla en plaça.
Aco fouguet la fon que l'y faguet. Lous beuveurs d'aygua ne fou-
guèrou pas countens, mes lous qu'aymavou lou pivois ne crevèrou
de rire. Sus aco, la coummunautat ouvriguet l'yol, é fouguet délibé-
rât en plein counsel qu'aqui ounte Ty aviè aboundamen de bon vin
muscat, se falliè pas piqua d'avedre de bona aygua. Jamay counsel
milieu près e milieu seguit. Desempioy, quasi toutes loushabitans
y beuvou tout pur, et segu que dins Frountignan Ty a may de pe-
nitens rouges que de blans.
IDYLLA
Frountignan, aco's un séjour,
Doun la jouïnessa es toujours presta
A ben beoure e fajre l'amour,
Maj qu'on aje martels en testa.
Tan que l'argen l'y manqua pas,
Caou veyre coussi s'engaouchilla ;
Courris de repas en repas,
De joc en joc, de filla en filla.
Lou jour, chacun se divertis
Millou que noun se saourié dire,
E la nioch tout y retentis
De serenadas et de rire.
Bonjour mestre, bourroul daou poul,
Aou port, a la carrieira, en plaça,
Quand on a lou ventre sadoul,
Y soun de jocs de bona graçac
Lasfillas l'y an may de beoutat
POÉSIES DE FIZBS 235
Que noun Yj an pas d'indiiferença ;
Chacun galant l'y es ben tratat,
L'on n'y counouy pas la souifrença.
Bals e dansas, jocs e cansous,
Civilitats, aoubeïssencas,
Vous attirou tant de douçous
E nous gagnou leurs coumplasenças.
Ayman, beuvèn e risèn fort,
E passan nostre tens sans lagna,
Regrettan pas lou siècle d'or
Ni may lou pays de Caoucagna.
Aqui las réflexions qu'un jouine home fasiè,
Quand se vejèt aoutour una gran coumpagniè,
Mesclada de garçons e de fort bêlas Allas,
Entendudas a merevillas.
Qu'après soupà venièn aqui se permenà.
E noun s'en faou pas estounà.
Car, ma fé, l'endrech es aymable :
Una allèa de couroubiès
E dos autras de limouniès
Lou rendou fresquet, agréable ;
Lou lilas e lou roumani
De leur charmant parfum vous fan estavani ;
Lou jassemin e la ginesta
Vous embaoumou de leurs oudous,
E lous gays aousselets en festa
L'y bresillou mila cansous.
L'on trova una fon merveillousa
Sur una eminença que l'y a ;
La campagna es tout orgueillousa
Quand sa liquou la vèn mouilla.
Sur un gran pè d' estai s'elèva una Fourtuna
236 DIALECTES MODERNES
Qu'es d'alabastre daou pus fin ;
Es caressada d'un Neptuna,
Mes ela caressa un daouphin ^
De liouDS, de chivals, de tritouns, deserenas,
Soun de marbre blanc aou dejout;
An de liquous dedins las venas
Que vous escarrabillou tout.
La Fourtuna, au-dessus, versa d'aygua de Cetta
D'una tetina soulamen ;
De Taoutra versa de claretta,
Ë de muscat daou foundameïi.
Sa suzou sen Tambre e la rosa,
Quan vèn la saison de suzà,
Mes toujour pissa d'aygua rosa,
S'enten quan Vy bèn lou pissà.
Lou diou Neptuna vénérable
Se mostra pas mens favourable.
Car poussa très jets d'ayguarden
De las très puas dau triden.
Dous jets, l'un de cédrat, l'autre de bergamota,
Sourtissou daou fron daou Daouphin ;
Chacun forma una fon pichota,
Mes chacun cepandan ramplis un grand bassin.
Una serena bêla e fresca
Applanpougna soun pèou, lou quicha tant que pot,
E sembla que mousesqua
Thè, café, chocolat, daou bout de soun rigot.
Vesès a sous constats de Tritouns amourouses,
' Le grand Dauphin de France, fils de Louis XIV.
POBSIBS DE FIZE8 237
Qu'enraouquis d'ave tant buifat dins leurs cournets ;
Lous voudrièn be rampli de tels sucs deliciouaes,
Per adouci leurs gargatets ;
Mes sembla que Tamour lous rende vergougnouses,
Ou pulèou qu'ajou poou de s'escaoumà lous dets.
En eifet, s'oun erou fumantas,
Aquelastres liquous n'aourien ni suc ni mue.
Mes d'oun vèn, dires-me, que sian ansin brulantas ?
Eh! d'oun ven la calou das bans de Balarnc?
Que coulou Ion daou peou, aco's ce qu'on estima,
E l'on estima paou que sien caoudas ou nou ;
Lou chivaliè Bernin l'y a perdut soun escrima,
Acos es lou traval que l'y fay may d'hounou.
Lou mounde pren embe de tassas
Das rachs de las figuras bassas
Las liquous que l'y fan, seloun la fantasiè,
De sousseleguas aou gouziè.
Hippocras, populo, sorbet e limounada.
Tout y racha dins de bassins,
E la gruma que fay, couma de savounada,
Se counvertis en muscardins.
Aqui l'on trova anfin toutes lous vins d'Espagna,
Toutes lous vins que l'Europa produis,
Vin de Cote-Roti, vin grec, vin de Champagna,
Jusqu'aou vin de canta-perdris.
Tout ce d'impur que la liquou carreja,
Dins lou foun daou bassin tomba e se l'y pourris ;
Mes, quand lou bassin on netteja.
L'on n'y trova aou foun que musc e qu'ambre gris.
En l'air, un grand nibou d'abeillas
238 DIALECTES MODERNES
De las vapous d'aquela fon
Coumpaousou leur bel meou, nous charmou las aoureillas,
E per paou que siaslas, vous inspirou lou son.
Mila pichots ruissèous d'aquela bêla sourça
Coulou per lou peys emb'un murmure dous,
E s'en van arrousà, dins leur paisibla coursa,
Jardins, vignas e prats, aoubres, herbase flous-
Aquela fon, d'un'inventieou nouvèla,
Fay dire à toutes lous vesis :
Hurous pays ! qu'una sourça tant bêla
Arrosa, engrayssa, embelis, enrichis !
L'ouvrage es travaillât embe delicatessa,
E caou may de vint jours per tout counsiderà ;
Devisas, ihscriptieous, tout l'y es plen de noublessa,
E l'on noun pot jamay cessa de l'admira.
Aoutour d' aquela fon, la terra es tapissada
D'herbeta tendra e d'un millioun de flous ;
Jamay nous a sentit l'arayre ni l'ayssada
E sembla que vous dis : Messieus, assetas-vous.
Es aquis, en eifet, que la troupa amourousa
Faguet un round e s'assetèt ,
E l'un d'eles, qu'a vie la voix harmouniousa,
Ouvriguet lou discours, toussiguet e cantet :
CANSOU
Air ; Sans Vamour, etc.
Sans l'amour tout languis, tout nous lassa,
Tout desplay dins un cor qu'es de glaça ;
Agréable séjour.
Que sès-vous sans l'amour?
Las oumbras, lou zephir, lou murmura
Endormou lous soucis dins un cor amourous ;
POESIES DE FIZES 239
Lou printemps, lous aoussels, la verdura,
Reveillou lous plases dins uncorlangourous.
Aymen dounc, visquen-pas sans tendressa :
Qu'es charmant d'avedre una mestressa !
La joya e lous plasis nous seguiran toujour
Se savèn proufita das bels jour de l'amour.
L'assemblada fouguet countenta
Qu'on ajès débutât per aquela cansou :
Mes un, dount la mestressa era paou coumplasenta.
N'y trouvèt pas tant de douçou :
CANSOU
Air : de las Fouliés d'Espagna
Charmant séjour, que ses paouc agréable !
Que poudes paou countenta ma passieou !
Lorsque l'amour rend ui> cor misérable,
Tout l'y desplay, tout crey soun afflitieou .
Sa responsa fouguèt pas sotta.
N'y ajet prou de soun sentimen:
Mes dabord n'y ajèt, un qu'era d'humou falotta.
Que l'y enseignet d'adouci soun tourmen :
CANSOU
S' una flama nouvèla
Vous rend trop chagrinons,
Bayzas-me vite la canèla,
Dabord vous trouvares jouyous.
Una fiUa, qu'èra pas muda,
Diguet que lou bon sens era una bona ajuda,
Que faliè pas pourtà tout à l'estremitat.
Que refusa d'aymà n'era pas cruaoutat.
Souven cent rasous nous empachou,
S'ou-disiè, de dounà soun cor;
240 DIALECTES MODERNES
Caouquas fes lous galans se fachou,
Caouquas fes lous galans an tort.
CANSOU
Air : Jugez si l'on en doit attendre — Un bon succès
Quand brullan dins lou cor
Per un galan aymable,
S' un aoutre vèn alor
Nous fa lou pitouyable.
Jugez
S'il peut jamais attendre,
Un bon succès.
Certains esprits laougès
S'en van de bêla en bêla
E nous voudrièn après
Counta la bagatèla :
Jugez
S'ils peuvent en attendre
Un bon succès.
Que servis qu'a tout pas
Un galant vous seguisqua :
Se noun nous revèn pas,
Que quitte, cavalisca.
Jugez, etc.
Es vray que nous cresèn, respoundêt sa vesina,
Lous mena couma de barbets ;
Per ma fe nostrliumou l'y fay vira l'esquina,
E pioy nous en mourdèn lous dets.
CANSOU
Quand un galant agrada
E que dona soun cor,
Perque fa la sucrada,
Perqu'oun l'ayma dabord ?
Souven l'on s'y attrapa
PQESimS DE FIZES 241
Lorsque lou chagrinas.
L'ouccasieou nous esc&pa,
Nous resta un pan de naz.
Sèn de grans baous de rèvà tant,
Reprenguèt un de la coumpagna,
Fan ben de dounà soun va-t-an
Emb'un galant que fay veni la lagna ;
Digas-m'un paou, quinte ragous
Pot estre aco per una fiUa,
Qu'un grand maraou, plantât coum'una quilla,
L'entretengue toujour de plaintas e de plous?
Un galant coum'acos série pas de moun gous
E l'y fariey le ou fayre Grilla.
CANSOU
Per que se plagne a tout moumen
Davan una mestressa?
Qu'oun n'es aymat manqua souven
Ou d'esprit ou d' adressa :
Quand sérias poulit coum'un soôu
E qu'aurias de mérite,
L'amour es libre, ayma que voôu,
Que n'es counten,que quitte.
Lou que cantet aco n'èra pas malhurous ;
El aymava, era aymat, mes aviè l'humou prounta,
E toujour sousteniè qu'un amant langourous
N'aviè pas prou de cor, as aoutres fasiè hounta ;
Que s'attirava anfin la haina e lou mespris :
Mes qu'un droUe que ris e canta.
Se divertis, e las Allas encanta,
E toujour emporta lou pris.
Un escarabillat, que déjà se lassava
De demourà tout mut dessus la scena, intret,
242 DULEGTES MODERNES
Cantet tout roundamen é faguèt lou pourtrait
D'una qu'aviè quittât, e d'un' aoutra qu'aymava
CANSOU
Viva una mestressa
Que ris quand on la caressa,
Fricaouda e de bon sén ,
Qu'es grasseta e qu'ayma bén !
Mes per las merlussas
E las que fan un pan d'ussas,
Quittas-las à l'escar
Que noun soun ni pey ni car.
Per lors una gentia femèla,
Per dire milieu soun dictât,
Se levet de sus l'escabèla
Ounte soun quieou era assetat :
Lou levet dounc dessus l'herbetta,
E coumencèt sa cansounetta.
CANSOU
Ayci la gran philosophia
Que l'y a dins l'empire amourous :
Counouissen pas ce que nous lia;
Dous cors trouvou pas res de dous
Se noun l'y a pas de sympathia
Que lous unisque toutes dous.
Finissez dounques vostras plaintas,
Que n'aousiguèn pas pus d'hélas !
Quand vous aymaren pas, sans feintas,
Retiras-vous a petit pas.
L'amour souffris pas de contraintas
Es que l'on nou s'endevèn pas.
Amay es vray, diguèt Fatima,
Yeou savié pas d'ounte veniè
POESIES DE FIZBS 243
Qu'un bruUava per yeou ; yeou n'aviei prou d'estima
E jamay noun me reveniè.
Per pénétra tant yon, ma vista era caluga;
Mes counouysse un touillaou que vole pas noumà :
El es marquât d'una berruga ;
Amay reste pas de Taymà.
La droUa crevava de rire,
Toutlou monde entendèt ce qu'ela vouliè dire :
Mes arrivèt l'aoubooy dins lou mèma moumen;
La trdtpa se mettèt en dansa
Chacun dansèt fort gayamen,
E pioy s'anèt doubla la pança,
Aoutan filla que coumpagnou,
Emb'un moucèl de regagnou.
DISPUTA EN GUISA DE PROUCÉS
sus LA MORT d'uNA BICHA
qu'era à M. de Oolbebt, avesque de Moanpeliè
AOUGUSTINA
Noun, jamay lou soulel, despioy que fay soun tour,
N'a donnât as mourtels un tant malherous jour !
Plouras, pleuras, Bertin, e viras la cervèla.
Es vous que respondres daou sort de la gazèla.
Que dira Mounseignur quand apprendra sa mort?
Mercié, moussu Vinsan, vous donou tout lou tort :
L'y a pas jusqu'à Lacroix et Marc qu'oun vous accuse ;
Poudès plegà paniès, n'y a res que vous escuse.
Per yeou, quitte l'houstaou, tornea moun aygarden,
Se noun ses castiat d'aquel triste acciden .
244 DIALECTES MODERNES
Levas-vous d'avan yeou, sourtès de ma cousina,
Ou vous fende lou cap d'un feri^e ou d'una ayssina.
Pleuras? eh ! cresès-ti m'apaysà per de plous ?
Nou, quand ne rempliriès quatre grands demalous,
Quand daou plourà vendrias estequit coum'un sieoure,
Tastares pas moucèl, méritas pas de vieoure.
Plouras, chisclas, bramas, descargas lou planché,
Ou vous faraj sourti per la man d'un huche.
Sourtès pas?...
(Aoagustina pren an haste, e moussu Vinsan accouris aou brach, srguit
de Merciè, de Lacroix e de Marc. ^
MOUSSU viNSAN, grand vicari
Qu'es ayço? qu'es aqueste vacarme?
Aougustina, ses fola, e faou qu'yeou vous desarme.
AOUGUSTINA
Layssas-me ! . . . . layssas-me ! . . .
M. VINSAN
Fola ! . . .
AOUGUSTINA
Moussu Vinsan!....
MERCIÈ, Day aou secours
Qu'es ayço ? vous voulès ayci versa de sang !
AOUGUSTINA
Layssas-me ! . . . . layssas-me !
LACROIX
Calas pas, vieilla rança ?
AOUGUSTINA
Que sourtigue d'aycis, ou l'y crèbe la pança !
M. VINSAN
Que vous a fach Bertin, que sias tant en furou?
POESIES DE FIZBS 245
AOUGUSTINA
Coussi, n'ou savès pas?... vous n'ou savès pas ?
M. VINSAN
Nou!
AOUGUSTINA
Coussi, noun savès pas lou sort de la gazèla ?
M. VINSAN
Es vray... mes cridès pas, ma chèra doumaysella:
Ay escrich... taysas-vous, attendes Mounseignur
E nous accables pas de malhur en malhur.
AOUGUSTINA
Mounseignur gasta tout embe sa gran patiença ;
Ounfes la punitieou s'attendèn sa presença?
L'y menares Bertin, Bertin souspirarà,
E vostre Mounseignur, tac. . . lou perdounarà,
Cepandan la gazèla es morta e sarà morta. . . .
Faou que Bertin perisque ou que gagne la porta.
Bertin, souvenès-vous de la mort de Faoussel * !
Tant que tendray las claous, tastares pas moucèl.
MERCIÈ
Aça, n'attenden pas que Mounseignur revèngue !
Nous caou jugea Bertin.
AOUGUSTINA
Mes caou que s'en souvèngue :
May que siè ben punit, lou tène perdounat.
LACROIX
Adieou, paoure Bertin ; vous vese coundamnat.
Aigla, qu*èra a Tavesque.
16
246 DIALECTES MODERNES
M. viNSAN, à Merctè
Naoutres, asseten-nous ; vaoutres, gardas la porta.
LACROIX
Proucès entre Bertin e la gazèla morta.
M. VINSAN
Yeou coundamne Bertin.
MERCIÈ
Lous caou fa playdejà
Audiam partes toujour, avan que ^e jugea,
M. VINSAN
Aougustina, parlas, mes parlas sans coulera ;
Davan lou tribunal sacbas qu'on se moudèra.
AOUGUSTINA
E vous aoutres, sachas qu'un juge qu'es entiè
Jamay as criminels n'a pas fach de quartiè ;
Qu'un bendèou atapa lous yols de la justiça,
Afin que sans respect punisque la maliça.
Apres aquel avis, n'avès qu'a m'escoutà ;
N'aj que trop de resous e m'en vaou débuta :
Bertin era cargat daou souèn de la gazèla,
Sur ela el deviè fa garda perpetuèla ;
Yeou, deviey la nourri de favarôous, de pan. . . .
Pecayre I ela veniè m'ou prene dins la man,
Me fasiè de poutous, veniè mangea à ma taoula ;
Helas ! quand m'en souvèn, yeou perde la paraoula,
Ay las larmas a l'yol e moun cor es sarrat ;
Aou lioc qu'aquel maoudit, aquel dénaturât,
Que deviè tant aymà la gazèla poulida,
Lou cruel, d'un despiech l'y a fach perdre la vida !
La gazèla, ou savès, mettiè tout dins soun sac :
Un jour l'y aviè mangeât un paquet de tabac,
POESIES DE FIZBS 247
Tabac qu'anèt trouva dedins sa cambra ouverta :
Pes lors aquel maoudit Vj counjuret sa perta.
Ser de tabac, cruel, aquela punitieou !
Daviès-pas, malherous, qu'acos es la passieou
Que permi lou bel mounde es venguda à la moda.
Qu'égaya lous esprits lorsque la testa roda ?
Ouy, lou tabac voou may que toutas las sentous,
Descarga lou cervèl e guéris las vapous.
Perde tabac. . . ah! ciel! ciel ! prenès madefensa,
Esterminas Bertin e vengeas Finnoucença !
Messieus, que fay Bertin afin de se vengea?
Vous dounariey cent ans, cent ans per Vj soungeà
Vous la mena un bel jour amoun sur la terrassa,
Elay fay mila bounds, mes Bertin la menaça:
Aquel cor, que jamay n'era estât menaçât,
Saouta sus la murailla e se rounca aou foussat....
MARC
Aougustina, aco's trop ; aqui Fy a de maliça,
E yeou siey pas ayci per souifri l'injustiça.
Quand me dounarias pas de quinze jours de vin,
Noun souffriray jamais un discours tant malin.
Jamay un tel dessein n'intret dins sa pensada ;
Bertin Taymava trop per Tavé menaçada I
Una nioch qu'un déluge aviè ramplit la cour,
Bertin, à corps perdut, et transpourtat d'amour,
D'aygua jusqu'aou ginoul, la larma à la prunèla,
Aou travers das esclars vay saouvà la gazèla.
Messieus, counsideras lous dangès e l'actieou,
E pioy dinsl'aoutre cas jugeas de l'intentieou.
Ayci ce qu'a perdut nostra paoura gazèla :
Es la vivacitat que l'y era naturela ;
Sus la tourre mountet per veyre lous jardins,
E sans un acciden l'y aouriè saoutat dedins.
Nostra gazèla aviè tant d'adressa e de força
348 DIALECTES MODJSRNES
Que soun saout poudiè pas Vj fay re faoussa amorça ;
Ouy, yeou vous gageariey qu'ela aouriè trenpassat
Mema sans prene ban, la dougua e lou foussat ;
Mes sur la tourre Y y a de broussailla pourrida,
Una herbaTarrestèt e Yj coustèt la vida.
Messieus, ara jugeas lou malherous Bertin,
Aves en vostras mans soun sort et soun destin
M. VINSAN
Oupinen.
MERCIÈ
Souy d'avis que, per sa negligença,
Bertin ploure vingt jours e fasse penitença ;
Lou zèla d'Aougustina escusa sa passieou,
Mes la caou satisfayre, aco's moun intentieou.
M. VINSAN
La cour, ayant égard aou zèla d'Aougustina,
L'y perdouna dabord sous esforts de petrina,
Pourvu qu'aTaveni moudère sa furou,
E que laysse a Bertin digerà sa doulou :
Ourdouna, pioy qu'enfin ou vôou, la vieilla rança,
Que Bertin siè cinq jours sans vin e sans pitança ;
E naoutres, nous cargan de gagna Mounseignur,
Que perdoune Bertin e plangue soun malhur.
POESIES DE FIZES
249
BOUTS RIMATS
Ploumet rampa toujour couma una
De rima couma un baou noun e.s jamaj
Daou temple d'Apolloun voou leva la
Mes la porta per el es fermada al
Sa musa couma un cat davan la porta
A beou Ty fa veni sous pastres a
Tant de rebaladis ApoUoun noun
Demanda de laouriè, Yj porta de
Ploumet crida toujour : Ouvrissès-me,
ApoUoun Yj respon : Yon d'ayci,
Que te servis de fa la mina d'un
Jamay noun ay changeât en pouèta un
Mas musas jusqu'ayci t'an buffat per
An esfray de la voix d'un tant rude
cagaraoula,
sadoul ;
cadaoula,
baroul.
miaoula,
ginoul,
enjaoula;
fenoul.
pecayre !
beligas !
cagayre ?
matras ;
fringayre,
aoussèlas.
BIBLIOGRAPHIE
Romania, N" 2. — P. 130. D'Arbois de Jubainville, la Langue
franque, le Vieux Haut-Allemand et la Langue française : L'auteur
croit, contrairement à Topinion de Diez, que les mots français
d'origine germanique ont été empruntés à la langue franque de
l'époque carlovingienne et non à ce qu'on appelle le haut-allemand.
Il constate les transformations du groupe franc ch, resté tel pen-
dant la période mérovingienne et devenu h pendant la période
carlovingienne, repousse les étymologies jusque-là acceptées d'au-
berge et à' arrière-ban, et termine en recherchant les formes primi-
tives : 1® du second terme d'un nom propre français bien connu.
« Geofroi », 2o du nom commun français « frais. » — P. 146 A.
Darmesteter, Glosses et Glossaires hébreux-français du moyen âge :
Excellent travail, qui donne beaucoup et qui promet davantage.
L'auteur a découvert une mine des plus riches et dont il tirera
sans aucun doute tout le parti possible. Rien qu'avec les Laazim
(glosses, en langue étrangère) de Raschî, il est assuré d'apporter
un appoint d'environ trois mille mots, appartenant non pas à la
langue poétique comme V Alexis ou le Roland, mais à la langue
usuelle familière de la fin du XI» siècle. — P. 177. G. Paris, Sur
un vers du Coronement Loois : Prenant pour point de départ le vers
a Vet s'en li cuens Guillaumes a Mosterel sor mer ^> et le pas-
sage où il est intercalé, M. G. P. démontre avec beaucoup de vrai-
semblance que, parallèlement à celle de Guillaume d'Orange dans
le Midi, s'est formée la légende épique de Guillaume de Montreuil-
sur-Mer, dans le Nord, et que dès le commencement du XIP siè-
cle elles se sont mêlées, ou plutôt que la première a absorbé la
seconde, ainsi qu'il semble résulter de ce fait que Guillaume
d'Orange était un héros favori pour les jongleurs normands. Nou-
velle preuve, ajouterons-nous en passant, de l'influence que le
Midi a eue parfois sur le Nord, même en fait de poésie épique, —
F\ 190. P. Meyer, Henri (TAndeli et le chancelier Philippe : Ce travail
complète les notices consacrées par l'abbé de la Rue et l'histoire
littéraire au trouvère normand Henri d'Andeli; par Dubois, du
Boulay et Daunou, à Philippe de Grève, chancelier de l'Eglise de
Paris. Il se termine par le Dit du chancelier Philippe j composé peu
BIBLIOGRAPHIE SSl
de temps après la mort de ce personnage par son ami Henri d'An-
deli. Cette poésie était inédite, sauf trente-cinq vers cités par l'abbé
de la Rue. M. P. Meyer Ta extraite du n» 4333 de la Bibliothèque
harléienne. Dans le commentaire, M. P. M. signale la bizarre
étymologie « os lampadis » que Tauteur donne du nom de Philippe,
et ajoute qu'on la retrouve dans l'une des pièces de Baudride Bour-
gueil qu'a publiées M. L. Delisle dans la Romania, I, 36. A cet
exemple de la fin du XI« siècle, je puis en joindre un autre plus
ancien, donné parle ms. 301 (Bibl. de PÉcole de médecine de
Montpellier), X« siècle, f° 102, v*» :« Philipus qui interpretatur o*
lampadis. » — P. 216-225. Mélanges: l® Etymologie de na'orer;
2» Etude sur la Chanson du Chevreau (très-intéressante), par M. G.
Paris. — P. 226-236. Corrections par M. P. Meyer: 1° le Poëme de
Doèce revu sur le manuscrit ; 2° les Glossaires du Donat provençal.
Ces deux articles contiennent beaucoup de leçons nouvelles. —
P. 237-258. Comptes rendus instructifs des ouvrages les plus
récents relatifs aux langues néo-latines. — P. 259-269. Analyse
des périodiques français et étrangers qui traitent de la philologie
romane. Ce travail, comme le précédent, est très-soigné et fort utile
à consulter. —P. 270-272. Chronique.
Nous remercions les directeurs de la Bomania du soin qu'ils
ont pris de rendre compte des travaux et des publications de la
Société des langues romanes. Nous en ferons autant à leur égard, et,
comme eux, nous n'abdiquerons aucun des droits de la critique,
La science n'a qu'à gagner à cette concurrence à la fois ferme et
bienveillante.
A.B.
Biblioteca catalana, publiée sous la direction de don Mariano
Aguilo y Fuster *.
Nous avons sous nos yeux un vrai bijou de philologue et de
bibliophile : c'est la première livraison de la Biblioteca catalana, dont
la Revue des langues romanes annonçait, il y a quelque temps ^, Tap-
parition prochaine. Afin de satisfaire des goûts divers, les édi-
teurs de ce recueil ont voulu faire marcher de front la publication
1 On souscrit à Barcelone, chez Alvar Yerdagner, éditeur, Bambla, 5 ; à Pari", chez
MaisonneuTô et Gie, quai Voltaire, 15.
« T. II, P. 146.
252 DIALECTES MODERNES
de quatre voluaies ditférents. Cette livraison comprend la première
feuille de chacun des ouvrages qui suivent :
i« La Chronique du roi Jacques I*»" d'Aragon, d'après le plus an-
cien manuscrit connu (1343), avec les variantes de l'édition unique
de Valence (1557);
2® Lo Libre deU feyts d^armes de Catalunya, ouvrage inédit de Ber-
nât Boades (1420) ;
3<> Une traduction catalane de la Genèse, par Guillem Serra
(1451), publiée pour la première fois dans la. Biblioteca calalana, par
don Miguel Victoriano Amer ;
4° Le fameux roman de chevalerie de Johanot Martorell, Tirant
lo Blanch, réédité d'après l'édition princeps de Valence (1490) et
l'édition de Barcelone de 1497.
Il paraîtra chaque mois une livraison de quatre feuilles, au prix
de 1 franc {una peseta) la livraison.
Les éditions de la Biblioteca catalana, irréprochables au point de
vue de la correction, se présentent au bibliophile sous la formé la
plus séduisante : ce sont de délicieux volumes petit in-8% imprimés
en caractères elzeviriens, sur beau papier vergé de fabrication cata-
lane ; les vignettes, fleurons, encadrements, dessinés et gravés
pour cette collection, sont ravissants de composition et d'exécution.
Depuis les Mey et les Gumiel, ces contemporains et ces émules
des grands imprimeurs du XVI» siècle, la typographie des pays de
la couronne aragonaise n'avait rien produit qui approchât de celte
perfection, et, aujourd'hui même, nous ne connaissons rien qui la
dépasse dans nos éditions elzeviriennes les plus admirées.
L'entreprise de don Mariano Aguilo continue la tradition de tra-
vail ôrudit et consciencieux dont Prospero de BofaruU renoua, il y
a plus d'un demi-siècle, la chaîne un instant interrompue, et que
poursuivent dignement don Manuel, don Antonio de Bofarull, fils
et neveu de don Prospero.
C'est l'honneur de l'intelligente et riche cité de Barcelone d'avoir
tenu, de tout temps, son renom intellectuel à la hauteur de sa pros-
périté matérielle. Je ne sais quelle est la ville de France où l'on trou-
verait aujourd'hui un éditeur disposé à se charger, comme Ta fait don
Alvar Verdaguer, des frais d'une publication quia pris pour devise:
No guardes à quants plans, mas à quais ; Ne regarde pas à combien tu
plais, mais à qui.
T.
PERIODIQUES
A Tavenir, nous donnerons régulièrement, et par trimestre,
le sommaire des recueils périodiques spécialement consacrés
aux études romanes, ainsi que Tindication des articles des
autres journaux qui pourraient les intéresser.
Nous prions les membres de la Société, et en général tous
ceux qui s'occupent de ces études, de vouloir bien nous signa.
1er les travaux qui auraient pu nous échapper, et nous aider à
compléter ou à rectifier nos renseignements.
Les études romanes sont actuellement représentées par sept
recueils périodiques, dont deux se publient en France, la Ro-
mania et la Revue des langues romanes ; deux en Allemagne, le
Jahrbuch et les Romanische Studien ; un en Italie, le Propugna-
tore; un en Catalogne, la Renaxensa, et un à Madrid, la Revtsta
de Archivas,
A. M.
I. Romania. — Fondée cette année même, à Paris, par deux
jeunes savants de grande érudition, MM. Paul Meyer, des Archives
nationales, et Gaston Paris, professeur suppléant au Collège de
France, cette revue, qui compte déjà parmi ses rédacteurs ou ses
collaborateurs tout ce que la capitale possède de savants romani-
sants, est destinée à faire autorité dans la science et à prendre part
à la renaissance des hautes études dans notre pays.
Elle paraît par livraisons trimestrielles d'environ 128 pages cha-
cune, formant à la fin de l'année un fort volume. — L'abonnement
est de 15 francs pour Paris et de 18 francs pour les départements :
pour l'étranger, le port en sus.
L'éditeur est M. F. Wieveg, propriétaire de la librairie A . Franck,
rue Richelieu, Paris.
Il a déjà paru deux livraisons.
Janvier. — G. Paris: Romani, Romania. — L. Delisle: Baudri
de Bourgueil. — P. Meyer: Tersin, tradition arlèsienne. — Id. Le
Chevalier, la Dame et le Clerc, fabliau anglo-normand. — A. Bra-
cbet : Vocabulaire tourangeau.
254 DIALECTES MODERNES
Mélanges: Mots latins dans les textes talmudiques (A. Darmes-
teter). — Faîte, étymologie (P. G.) — La Mythologie allemande
dans Gérard de Vienne (G.P). — Ad espazas tornau (P. M). —
André de France (G. P.). — I*a Mouche et la Fourmi, conte pro-
vençal.
Comptes rendus: G. Paris, la Vie de 8t Alexis. — Léon Gautiers,
la Chanson de Roland. — P. Meyer, Documents mss. de l'ancienue
littérature de la France. — Garducci, Gantilene e Ballate. — De
Varnhagen, Gancioneiriho de trovas antigas. — G. Michaelis, Ro-
mancero del Gid. — De Gihac, Dictionnaire d'étymologie daco-
romane. — Chronique.
Avril, — H. d'Arbois de Jubainville, la Langue franque, le Vieux
Haut- Allemand et la Langue française. — A. Darmesteter, Glosses
et glossaires hébreux-français du moyen âge. — G. Paris, Sur un
vers du Coronement Loois. — P. Meyer, Henri d'Andeli et le chan-
celier Philippe .
Mélanges : Navrer (G. P.). — La Chanson du Chevreau (G.P).
Corrections: le Poëme de Boèce revu sur le ms. (P. M.). — Sur
les glossaires du Donat provençal (G. P.).
Comptes rendus :
A. Canello, Diez e la filologia romana. — A. Boucherie, la Vie de
Ste Euphrosyne. — P. Roesler, Romœnische Studien. — A. Mus-
safîa, Darstellundderromagnolischen Mundart. — A. Gœlho, ïheoria
de conjugacâo em latin e portuguez. — A. Saco Arce, Gramatica gal-
lega.— A. Mussafia, Ueber eine altfr. flandschrift der K. Universi-
tœts bibliotek zu Pavia.— E. Stengel, Codex mspt. Digby, 86. —
Goldbeck, Beitrœge zur altfranzœsischen lexicographie. — Carbo-
nell, Opuscules ineditos, pp. par M. de Bofarull. — Canti populari
Monferrini, pp. G. Ferraro. — A. Maspons, lo Rondallayre. —
Périodiques. — Chronique.
II. Jahrbach fur romanische und englische literatar (An-
nales des littératures romane et anglaise). — Fondée en 1859, à
Berlin, par MM. A. Ebert et F. Wolf ; paraît aujourd'hui à Leipsig,
chez Brockhaus, dirigée par M. L. Lemcke.
Trimestrielle, prix: 3 thalers ; soit, à Paris, 12 fr.
Xlle vol. 3* livr. — D'-Oesteriey, Raparius.— Bartling, les Dia-
lectes du sud de la France.— Kochler, de l'Histoire de Charlema-
gne et de son épouse Sibille, en vieil espagnol. — Tobler, Lettres
inédites de Ugo Foscolo. — Liebrecht, Chansons et énigmes popu-
laires de la Sicile.—- Annonces; critiques.
PBRTODIQUBS {S5
III. Romanische Stadien. —Ce recueil, dirigé par le fondateur,
M. £. Bœhmer, bibliothécaire, à Halle (Prusse), parait irrégulière-
ment, par Êiscicules ; le prix est à raison de 50 cent, la feuille. — ^11
n'a paru encore qu'un seul fascicule.
HT. Propoc^atore. — Fondé, il y a cinq ans, à Bologne, par
l'éditeur Romagnoli, pour faire suite à sa collection à'OEuvres rares
ou inédites. M. le commandeur Zambrini en a la direction; cest
assez dire que Tœuvre est sérieuse et de la plus haute importance.
Janvier f février, — Carlo Vesme : di Alcune Inscrizionivolgari tos-
cane dei secoli XI, XII et XIII. — P. Rajna : Osservazioni fonologiche
a proposito de un manoscritto de la Biblioteca magliabeccbiana. —
F. d'Ovidio : di Alcune Parole che nella pronunzia toscana producono
il raddopiamento délia consonante iniziale délia parola seguente. —
F. (îarta et Mulas: le carte d'Arborea e l'Academia diBerlino. —
Réponse de M. Bentino à M. E. d'Ovidio, sur les traductions du
grec. — Notices de M. F. d'Ovidiosurles périodiques romans. — Due
pie antiche Narrazioni, publiées par M. A Neri. — La Novellaja
milanese, esempii e panzane lombarde, raccoHe del milanese de
Vitorio Imbriani. — Leggendadis. Silvestro, papa. — Bibliografia.
V. Renaxensa. — Succéda en 1871 au Gai Saber. — Publié à
Barcelone et rédigé en catalan ; il est surtout consacré à Tétude de
la langue et de la littérature catalanes. — Il paraît les !«' et 15 de
chaque mois, par livraisons de 12 pages, sur 2 colonnes. — Le prix
est de 36 réaux pour l'étranger.
Janvier y 1. — Del Gremi y Art dels corallers en Barcelona (fin),
par Andreu Balaguer. — Breu ensaig geologich de la concade Ban-
yolas (/în), par Père Alsius. — Amor perdut, poesia, par J. Colo-
minas y Ferrant. — Dels Carrechs del gênerai de Catalunya (/în),
par F. Maspons y Labros. — Diseurs pronunciat en l'obertura del
centro artistich d'Olot, par Joachim Priera y Bertzan. — Una volta
pel cel, poesia, par M. Jacal. — Corts catalanas (5Mife),parF. M. J.L.
— Als detractors del rector de Vallfagona, poesia, par F. Soler. —
Bibliographia. — Anecdotas. — Notas.
Janvier, 2. La Naturalesa e l'Art, par J. Batet. — Rectifications
al articles publicats baix l'epigrafe : Breu ensaig geologich de la conca
de Banyolas, par P. A . — Lay, poesia, par A. de B. — Las Metomor-
fosis de Ovidi,traducio d'en F. Allègre , par S. A. — La Verge puris-
256 DIALECTES MODERNES
sima, poesia, par Dolors Pasqual. — Gorts catalanas (fin), par P. M.
de L. — Fou un somni, poesia, par M. Drapel.
Les 4 livraisons de février et mars ne nous sont pas parvenues.
VI. — Revista de Archivos, Bibliotecas y Musées. — (Ma-
drid, par livraisons de 16 pages, paraissant chaque quinzaine ; prix,
à l'étranger, 20 pesetas.)
Fondéeà Madrid, Tannée dernière, et rédigée, sous la direction du
savant Escudero de la Pena, de la Escuelo de Diplomaiicay par les
principaux paléographes d'Espagne. Ainsi que son nom l'indique,
elle contient des notices et des documents des archives, bibliothèques
et musées d'Espagne.
Nous suivrons avec le plus grand intérêt et la plus vive sympa-
thie ses travaux et ses publications ; nous en rendrons compte très-
soigneusement.
Vol. II, Livr. 1 à 6. — Inventari dels libres (71) de la reine
Maria d'Aragon, XV s. p. par M. Velasco, archiviste du royaume
de Valence, Beaucoup de ces livres appartenaient à notre vieille lan-
gue du Midi ; nous reviendrons sur cette intéressante publication. —
Supplique adressée au pape Jean XXII, en l'an 1277, sur le fait des
deniers prietos, p. par Escudero de la Pena. — Libre de las em-
barcations ques fan per Arger p. p, M. Velasco.
A ces recueils, de la plus haute importance pour nos études, il
faut en joindre un grand nombre d'autres, qui s'en occupent quel-
quefois incidemment.
Ainsi en France : la Bibliothèque de VÉcole des Chartes, la Revue
archéologique y le Bibliophile francois y le Bulletin du Bibliophile, lePo-
lybiblion, la Bévue des questions historiques, le Cabinet historique, la
Bévue critiquey la Bévue de linguistique, etc.
En province : VArmana prouvençau, la Bévue de Gascogne, la Bévue
du Lyonnais, la Revu^ de Savoie , etc.
En Allemagne : les Archives pour Vétude des langues et des littéra-
tures modernes, le Journal pour Vantiquité allemande, VIndicateur
pour Vantiquité germanique, la Germania, le Journal pour la philolo-
gie allemande, la Literarisches Centralblat, etc.
En Angleterre: VAcademy et VAtheneum, etc.
En Belgique: le Journal de IHnstruction publique, etc.
En Danemarck: le Journal de pédagogie, etc.
En Italie: la Bivista europea, la Bivista sicula, etc.
PERIODIQUES 237
£n Espagne: la Revista balear, etc.
Anzeigrer Air kimde der deatschen Vorseil (Indicateur pour
la science des antiquités allemandes). — A Nuremberg. Mensuel.
Archiv fUr das Studiam der neueren Sprachen und Lite-
raturen (Archives pour l'étude des langues et des littératures mo-
dernes).
Se publie à Berlin, sous la direction de M. Herrig; trimestrielle,
au prix de 16 francs.
Armanà prouvençau, adouba e publica de la man di felibre. —
Joio, soûlas et passo-tems de tout lou pople dôu Miejour. — C'es*-
ToT^ane des felibres provençaux ; paraît chaque année, en une bro
chure de 120 pages environ. Prix, 50 cent.; tiré à 5,000 exemplaires,
Contient, à part les indications ordinaires de tous les annuaires
une chronique (cronico felibrenco), une nécrologie, des poésies des
divers poètes provençaux, enfin des contes, chants et proverbes
populaires .
En est à sa 18® année, et date par conséquent de 1854.
XVIII. — Contes: La Mousco e la Fournigo, — li Quatre Nas de
moussu Ugues, — la Galino esplumassado, — la Febredou loup, —
Bons mots et reparties. — Escourregudo astrounomico, travail où
F. Mistral a réuni tous les termes dont se servent nos paysans pour
désigner le ciel et les étoiles .
Poésies: De F. Mistral, G. Azaïs, A.-B. Crousillat, G. St-René
Taillandier, M. Frizet, J. Roumanille, Félix Gras, Léon Alègre,
L. de Berluc-Perussis, A. Arnavielle, Marins Girard, E. Negrin,
Alexandre Ducros, Paul Arène, Louis Roumieux, Alphonse Ta van,
Combalusier, A. Boudin, Jean Monné, L. Rochetin, J.-B. Gaut,
Marins Bourrely, etc.
Bibliothèque de rËcole des chartes. — Une livraison chaque
deux mois, au prix de 12 francs.
XXXII. — N. de Wailly, Observations grammaticales sur les
chartes françaises d'Aire en Artois.
Bulletin de la Société archéologique, scientifique et litté-
raire de Béziers.
2« Série, VI, 1. — Catalogue botanique languedocien, par M. G.
Azaïs .
Grermania. Viertcl jahrschript fur deutsche alterthum shunké.
Begzùndet von Franz Pfeiffer.— Dirigé par Karl Bartsch.
XVL 4. — E. Kolbing : die Nordische erexsaga und ihre quelle.
258 DIALBGTES MODBRNBS
Gœtttnesohe irelehrte anzeigen. — Publié à Goettingue.
Février. — Tobler : les Derniers Troubadours de la Provence,
p. p. P. Meyer.
Literarisch Gentralblat. — Publié à Leipsig.
Bartsch. Histoire de la littérature provençale (Msf). — Hofmnan,
Alexis pariser Glossar 7692 — Meyer, les Derniers Troubadours
(MJff.). Paris, la Vie de 8t Alexis (Mf). — Del Governo de regni,
p.p. Teza (Msf); Fergus p. p. Martin (Mf.)
Polybiblion. — Revue bibliographique universelle, fondée en
1868, par X^Sodèlé bibliographique; se publie sous la direction d'un
comité de rédaction, dont le président est M. de Beaucourt. — Pa-
raît mensuellement, par livraisons de 4 feuilles sur deux colonnes.
Le prix est de 15 fr. pour Paris et les départements.
Janvier-mars :
Elle ne se borne pas à de simples nomenclatures, elle contient
en outre régulièrement des comptes rendus des principales publi-
cations françaises et étrangères, un bulletin et une chronique.
Avril. — H. Gaidoz : les Lettres, les Sciences et les Arts en Sicile,
pendant les années 1870-1871, par Giuseppe Pitre. Palerme, Pe-
done Lauriel, in-12 de XIlI-289 p.
Revue critique d'histoire et de littérature. — Le premier
trimestre de 1872 contient les comptes rendus des ouvrages sui-
vants: \^ Liber de infantiae et Ghristi salvatoris, p. p. Schade; —
S. Bartsch, Histoire de la littérature provençale (G. P.); — B.
Grion, Dino Gompagni (G. Monod) — Storm, les Nations et les Lan-
gues romanes (G P.)— J* Pons, Origine du patois de la Tarentaise.
— G. Haag. Comparaison du prâcrit et des langues romanes. —
Castiglia, Langue et Amour. — Le Livre des Cent Ballades, p. p. de
Queux de St-Hilaire. — ^Tres flores del antiguo teatro espanol, p. p.
par G. Michaelis (G. P.)- — Thomas: Grammaire créole (P.M.)
Revue do Gascog^ne. — La Société historique de Gascogne publie
sous ce titre son bulletin mensuel , par livraisons de 3 feuilles grand
in 8°, formant à la fin de l'année un volume de près de 600 pages.
Elle en est déjà à la 5« livraison de son XIII« volume. Le rédacteur
en chef est M. Léonce Couture; — le président de la Société,
M . l'abbé Ganéto, vicaire général .
Janvier," Léonce Couture: l'Entrada de Mossen de Clarmont,
'
PERIODIQUES 2S9
cardenal et arcevesque d* Aux (1507), d'après le jms- des archives
municipales d'Auch, A. A. 1, livre vert, ff. LXV-LXVII: relation
curieuse au double point de vue de Thistoireet du langage.
Revue de rinstruction publique en Belg^ique. — (6 liv. par
an). Publiée à Gand.
Mars, — Gh. Nisard: Étude sur le langage populaire ou patoi0
de Paris et de sa banlieue.
Revue des questions historiques. — Publiée à Paris.
Janvier. — H. d'Arbois de Jubain ville : A. Thierry et les noms
propres francs. — A Longnon: les Gartulaires de Saintongo.
Revue du Lyonnais (mensuelle, 20-22 fr.). Publiée à Lyon.
Février. — D. Monin, Étude sur le patois lyonnais (suite).
Rheinisches Muséum ftLr philologie (Journal de philologie
allemande). — Publié sous la direction de M. Fr. Ritschl et A.
Klette.
XXVII. 1.— W. Teutîel. Die Historia Apolonii, régis Tyrii.
Rivista europea.
Mars. — Carolina Goronedi, de Alcuni Usi populari bolognesi.—
Dora d*Istria, gli Albanesi in Rumenia. — La liv. d'avril contient la
suite de ce dernier travail .
Rivista sicula. — Publiée à Palerme.
Mars. — Michel Amari, leEpigrafi arabiche diSicilla (II. — Iscri-
zioni sepulcrali.) — Gius. Sergi, del Elemento formatore dei numeri
délie lingue indo-europee.
The Academy, a recort of lileralure, learning, science and art» —
A Londres, chaque mois, par livraisons de 20 pages à 2 colonnes.
Janvier. — H.-A.-J. Munro: on the Pronunciation of latin (VII).
Zeitschrlft tar deutsches alterthum (Journal pour Tanti-
quité allemande.) — Dirigée par Haupt.
A. F« 111. 3 -— Wackernagel, die Anfœnge lateinischer profaner
Rytmen des Mittelalter.
JOURNAUX
Journal de Toulouse. 9 mars. —Séance de la Société archéo-
logique du midi de la France: notice de M. le D' Noulet sur le Guil-
laume de la Barre de P. Meyer. —
260 DIALECTS8 MODERNES
Measaffer de Touloase. 11 mars. — La Revw des Uingues ro-
manes, ipa.T M. Firmiu fioissin.
L^Union (Paris), du 12 mars,— la Chanson de Roland, p.p. par
Léon Gautier, article de M. Marius Sepet.
ENSEIGNEMEiNT
DES lANaUBS ET DFIS LITTBRA.TURES ROMANES
Voici, d'après la Romania et le Centralblat, Tindication des
cours qui se font actuellement en Europe :
FRANCE
Collège de France. — M. G. Paris: le cycle àe Guilhaume au Court
Nez, — Explication philologique di'Aliscans,
École des Chartes — M. Paul Meyer: Grammaire comparée du
vieux français et du provençal.
École des Hautes Études. — M. G . Paris : Poema del Cid et Roman-
cero del Cid. — Exercices de critique philologique et littéraire.
A. Brachbt. — Grammaire des langues romanes.
Citons encore : au Collège de France, le cours de M.E. Quinet,
sur les Langues et littératures de l'Europe méridionale ; à la Faculté
des lettres, celui de M. Lenient, sur la Poésie patriotique en France,
depuis les invasicns normandes jusqu'au XVI® siècle ; à l'École
libre des sciences politiques, celui de M. H. Gaîdoz, sur l'Ethnogra-
phie européenne ;
A Lyon, le cours de M. Hbinrigh.
ALLEMAGNE
Berlin . — M. Tobler, prof, ord . — Grammaire italienne; morceaux
choisis provençaux ; conférence romane.
M. Steinthal, prof. ord. — Sur Thistoire des langues, particu-
lièrement du grec et du latin, et sur Torigine et le caractère des
langues romanes.
Bonn. — M. F. Diez, prof. ord. — La langue et la poésie proven-
çales; explication d'un drame de Caldéron.
M. Deuus, prof. ord. — La vie et les œuvres de Dante, ancien
français et provençal.
CHRONIQUE 261
Giessen. — M. Lemcke. — Conférence pour les langues modernes ;
la Gerusalemme liherala du Tasse.
Gœttingue. — M. T. Muller, prof. ord. — Grammaire de l'ancien
français et explication de la Chanson de Roland; conférence romane.
Graz. — M. Ltjbin, prof. ord. — Histoire de la littérature italienne;
explication de VInferno de Dante.
Halle. — M. Bobhmbr. — Histoire de la littérature poétique des
peuples romans ; explication grammaticale de la Chrestomathie de
Bartsch; conférence romane.
Leipsig. — M. A.Ebert, prof. ord. — Histoire de la littérature ita-
lienne; explication de poésies en v. fr. d'après la Chreêtomathie
de Bartsch.
M. H. ScHTJCHARDT, priv. doc. — Grammaire italienne.
Kœnigsberg. — M. Sghipper, pr. doc. — Grammaire historique de
la langue anglaise ; grammaire historique de l'ancien français et
explication de la Chanson de Roland,
Munich. — M. G. Hofmann, prof. ord. — Ancien français et ancien
espagnol , avec explication de la Chanson de Roland et du Poema del Cid.
Strasbourg. — M. Beromann. — Origine et histoire de la langue
française.
M. Max Muller. — Résultats de la linguistique comparée.
tienne. — M. Mussafia. — Littérature romane.
SUISSE
Bâle. — M. E. Stengel, priv. doc. — Explication d'Othello, con-
férence. "^
Zurich. — M. Rochat. — Syntaxe française.
NORWÉGE
Christiania. — M. StoRm. — Cours de vieux français et d'italien.
CHRONIQUE
Académie des jeux floraux. — Elle a eu à examiner cette année
612 compositions, toutes en français. Nous n'avons donc pas à nous
en occuper.
La sujet du discours en prose était l'éloge de Lamartine. Un
17
262 DIALECTES MODERNES
souci a été accordé à M. Louis Noël, de Toulouse ; une violelte, à
M. Jules David, de Fontainebleau.
Les pays du Nord comptent un grand nombre de romanisants.
En Russie, les Universités suivent Pexemple donné par l'Allema-
gne. En Suède, les rois ont à cœur de se souvenir qu'ils tirent leur
origine d'un de nos compatriotes, le Béarnais Bornadotte.
Parmi les romanisants dont ils ont facilité les travaux et les
voyages dans nos provinces méridionales, ainsi qu'en Espagne et
on Italie, citons : MM. le docteur Storm, qui professe à Christia-
nia (Suède) ; — le docteur Eslander.(GustaYe), d'Helsingfors (Fin-
lande), qui a publié un livre remarquable sur la poésie provençale;
— le docteur Lidforss, professeur de langues vi\'antesà Lind (Suède),
dont nous avons pu constater l'esprit et Térudition dans nos séan-
ces.
En France, on nous laisse cette consolation que, lorsqu'on vou-
dra rétablir ces études, qui concernent notre pays et nos gloires na-
tionales, on trouvera, à Vétranger, des professeurs du plus grand
talent.
* ♦
L'Association pour Tencouragement des études grecques en
France, fondée en 1868, a formé ainsi son bureau pour 4871-1872 :
— Président honoraire , M. Patin. — Président, M. Egger. — Vice-
présidents, MM. Thurot et fleuzey. — Secrétaires^ MM. Ghassang
et L* Hâve t. — Trésorier, Gustave d'Eichthal.
* *
Le Comité de la Société bibliographique, pour 1872, se compose
de MM. de Beaucourt, président; — Anatole de Barthélémy, prince
Auguste Galitzin, René de Saint-Mauris, Marius Sepet.
* *
A paru, à Barcelone (Alvar Verdaguer, libraire), 2* édition de
Mireya, poema provenzal de Frederico Mistral, poesto en prosa espa-
nola por Celestino Bar allât y Falgueza,
* *
Il va paraître incessamment une édition du poëme provençal
sur la chasse du troubadour Daude de Pradas, li Auzel cassador,
selon la version du ms. 2777 de la bibliothèque Barberina, à Rome,
CHRONIQUE 2G3
Le texte sera précédé d'une introduction critique et enrichi de no-
tes, avec un glossaire, par M. Ernest Monaci, de Rome.
* ¥
La Société archéologique du midi de la France, dans sa séance du
6 février, a entendu une notice de M. le docteur Noulet, sur la
publication faite par M. Paul Meyer de la traduction et du glossaire
de Guillaume de la Barre. Le procès-verbal se termine ainsi :
« M. Noulet a étudié avec un très-grand soin le glossaire de
M. Meyer ; il en a relevé trente mots dont l'interprétation qu'en a
donnée le savant professeur de Paris devait être, pense-t-il, réfor-
mée, ce qui l'a conduit à en préciser le sens dans une série de
notes. »
♦ ♦
Il vient de se former à Gerona (Catalogne) une -4 ssociaciô lilteraria ,
qui aura un but et une action a peu près analogues à ceux des Jeux
floraux de Barcelone.
* ♦
M. Marins Bourrely, de Marseille, vient de faire paraître le l**" vo-
lume des Fables de La Fontaine, traduites en provençal. Nous en
rendrons compte prochainement,
*
La Junta direetiva de la Jovb Gatàlunya est ainsi composée, pour
1872:
Joseph Roca y Roca, président. — Joseph Blanch, vice-président.
— Salvany, J. Montagti, J. Revenios, présidents des trois sections
Lettres, Sciences et Arts ; — P. Santalô, trésorier. — Angel Gui-
merà, secrétaire.
*
F. Pelay Briz publie toujours son Calendari català, qui est le
pendant, au delà des Pyrénées , de notre cher Arrhanà prouvent
çau.
*
L'éditeur Lopez, de Barcelone, termine en ce moment la publi-
cation critique des œuvres du célèbre Rector de Valfagona.
*
Le consistoire des Jeux floraux de la cité de Barcelone a été
264
DIALECTES MÔDËRÎ^ES
ainsi formé pour cette année. Président, M. Joseph Latamendi. —
MainteneurSy MM. Félix-M. Falguera, Manel Angelon, Joseph Go-
roleu, Wesceslas Querol, Ferran Sellarès. — Suppléants, MM. J.
Viga, J. Thomas y Salvany, Manel Anglasell.
Société de linguistique. — Dans sa séance du 30 décembre 1870,
elle a renouvelé son bureau pour l'exercice courant. — Président^
M. Gh. Thurot, membre de Plnstitut. — Vice-présidents^^M. Gaston
Paris et Tournier. — Secrétaire, M. Bréal. — Administrateur,
M . Gaidoz. — Trésorier, M . Meunier.
Le président sortant, M. Egger, devient, ipso facto, président
honoraire.
¥ ¥
M. Paulin Paris, professeur de langue et de littérature françaises
au moyen âge, a donné sa démission. Le Collège de France pré-
sente deux candidats pour le remplacer: MM. Gaston Paris, fil.",
du démissionnaire et suppléant, et M. Paul Meyer.
ERRATA DU TOME II
GRAMMAIRE LIMOUSIffE, par H. G. Ghabaneau
P. 176, ligne 12 : sêjo, lisez: sêje.
P. 188, note 3: amaiam, lisez: amatum.
P. 191, ligne 22: atones, lisez: atone.
P. 191, note 2, dernière ligne : missu, lisez : missus,
P. 202, ligne 16 : en e, lisez : i en e,
P. 208, note 1, supprimez: eipôuri pour pauruc.
P. 209, lignes 11-12: en ui, s'il était bref ou en position, etc.,
lisez: en ui, s'il était long, en oi (égale om), s'il était bref ou en
position.
P. 211, Ugne 21 : eu, lisez; ue,
P. 217, dernière ligne du texte: {leume), lisez: {liume)^
l\
Montpellier. — Bicatean, Hamelin et Ce.
Le Gérant : Ernest Uamblin.
DIALECTES ANCIENS
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE
DES ANCIENS COMTÉS DE ROUSSILLON ET DE CERDAGNE
Les deux comtés de Roussillon et de Cerdagne comprenaient,
sur le versant nord des Pyrénées, le Roussillon proprement
dit, le Vallespir, le Gonflent et le Capcir, ce dernier dans le
haut bassin de l'Aude, et, sur le revers méridional, la Cerdagne
et le Barida dans le bassin du Sègre, et la vallée de Ribes dans
celui du Ter.
Tous ces pays, délivrés de la domination des Arabes par
les rois francs, vers la fin du VHP siècle, formèrent ensuite
des comtés indépendants, qui finirent par s'agréger au comté
de Barcelone, savoir : le comté de Besalu, qui comprenait le
Vallespir avec une partie de la plaine du Roussillon, en 1111 ;
celui de Cerdagne, avec le Confient, Capcir, Baridà et la vallée
de Ribes, en 1118, et celui de Roussillon, qui n'était qu'un
démembrement de l'ancien comté d'Empories, en 1172. Ils
furent une dépendance du royaume d'Aragon sous les rois Al-
phonse et Pierre P% le seigneur Nunyo-Sanche et le roi Jac-
ques le Conquérant. Les rois de Majorque les possédèrent avec
la seigneurie de Montpellier, de 1276 à 1344. Ils rentrèrent
alors sous la domination des rois d'Aragon, qui les conservè-
rent jusqu'en 1660, malgré l'occupation qui en fut faite, de
1462 à 1493, par les troupes de Louis XI et de Charles VIII.
Les pays de Roussillon, Vallespir, Confient et Capcir, avec
la partie de la Cerdagne qui les avoisine, furent cédés à la
France par le traité des Pyrénées.
La chaîne des Pyrénées orientales n'a jaînais été une bar-
rière efficace pour les populations de commune origine qui en
habitent les deux versants, et l'union politique et administra-
is
266 DIALECTES ANCIENS
tive qui a existé pendant des siècles, entre les deux comtés de
Roussillon et de Cerdagne, n'a pu que resserrer les rapports
de parenté et les relations commerciales et autres qui, dès les
temps les plus reculés, ne formèrent qu'une seule famille des
Cerétans et des Ibères des bords du Sègre et de la Tet. Rien
ne saurait mieux le démontrer que l'unité absolue de langage
qui a toujours existé dans les deux pays, et il est certain que,
sous Louis XIV, le catalan parlé à Puigcerda ne se distinguait
en rien de celui que l'on écrivait à Perpignan. L'occupation
française des deux comtés, sous Louis XI et Charles VIII, n'a-
vait exercé aucune influence sur l'idiome local, et, malgré le
voisinage du Languedoc et du pays de Foix, le languedocien
n'a guère pu introduire que quelques locutions et altérer un
peu la prononciation dans quelques paroisses du Capcir. Par-
tout ailleurs, et jusqu'à l'extrême frontière, le catalan s'est
conserve dans toute sa pureté et a même pénétré assez pro-
fondément dans quelques villages languedociens du pays de
FonoUet.
La langue vulgaire parlée encore aujourd'hui en Roussillon,
et employée dans les actes publics, comme langue officielle ou
administrative, depuis le milieu du XIV* siècle jusqu'au mois
de mai 1700, n'est autre chose qu'une des branches dérivées
de l'ancienne langue romane *.
On ne connaît pas de documents entièrement rédigés en
catalan avant 1250; mais on trouve des mots et l'orthographe
de cette langue dès le IX* siècle, des phrases entières au XP,
et il serait facile d'en retrouver la syntaxe dès la même épo-
que, sous l'enveloppe du latin, on ne peut plus irrégulier, em-
I Le catalan doit être classé parmi les langues d'oc, bien qu'il pré-
sente à toutes les époques des exemples de l'emploi du si afOrmatif . Aux
X* et XI* siècles, les documents locaux l'appellent langue vulgaire, langue
rustique et commmune, dénominations qui ont évidemment le môme sens.
Muntaner lui donne celle de catalan (catalanesch), au commencement du
XIV* siècle, quoique à la môme époque, et jusqu'à la fin du XVI* siè-
cle, les documents du pays la désignent encore sous le nom de langue
vulgaire ou romane.
DOCUMENTS SUR LA LAI^GUE CATALANE 267
ployé dans les ventes, donations et autres écritures publiques
rédigées au sud et au nord des Pyrénées. Peut-être donnerons-
nous un jour les preuves fournies à cet égard par l'étude mi-
nutieuse des documents originaux écrits en Roussillon et en
Catalogne à partir de Fan 800 ; mais, dans tous les cas, ce
travail offrira naturellement plus d'intérêt lorsqu'il nous aura
été permis de montrer la langue catalane définitivement fixée,
par la publication d'un certain nombre de textes antérieurs
à l'an 1350. Il nous sera alors bien plus facile de rechercher
dans les anciens documents latins les origines, i ou plutôt la
transmission de la syntaxe et de l'orthographe de la langue
catalane.
Quoi qu'il en soit, et pour en revenir à la question qui nous
occupe aujourd'hui, il y ^ un fait que nous croyons pouvoir
énoncer dès ce moment : c'est que, depuis le IX® siècle jusqu'au
XVIIP, la langue vulgaire parlée en Catalogne présente les rap-
ports les plus intimes et l'identité la plus complète avec celle du
Roussillon, et qu'elle se distingue en beaucoup de points des .
idiomes du Languedoc et du pays de Foix*. Il n'y a, pour s'en
convaincre, qu'à consulter les Chroniques de Jacques le Con-
quérant et de Bernard des Clôt, et les actes catalans rédigés
en Roussillon à la fin du XIIP siècle. Cependant il s'introdui-
sit, dès cette époque, surtout en Roussillon, certaines désinen-
ces et locutions de provenance languedocienne, que l'on peut
attribuer à l'influence de la cour de Majorque, qui résidait à
Perpignan, et aux relations de ses rois avec leur seigneurie
de Montpellier et les autres pays de la langue d'oc. Mais ces
introductions étrangères furent entièrement rejetées lorsque
le Roussillon rentra sous la domination des rois d'Aragon (en
1344), et, à partir de cette époque, le catalan roussillonnais fut
absolument semblable à celui de l'autre versant des Pyrénées.
* Bornons-nous à rappeler ici que, dès le XI* siècle, on écrit à Nar-
bonne et à Garcassonne atit(haut), decebrai (je tromperai) et farai (je
ferai), les mots que Ton écrit en Roussillon et Catalogne aU, decehre et
fare.
268 DULECTBS ANCIENS
Quant à la langue des troubadours de la Catalogne et du
Roussillon, on peut certainement y trouver des mots purement
catalans ; mais nous la considérons comme une langue litté-
raire et conventionnelle, exclusivement employée dans ces
deux pays pour les compositions poétiques, comme on peut le
voir encore au XIV® siècle,par l'exemple de Muntaner et du roi
Pierre IV d'Aragon, qui écrivaient leurs Chroniques en prose
catalane et leurs vers en langue romane provençale. Il n'y a pas
à s'occuper de ces compositions poétiques et de la langue
qu'elles ont employée, pour la question qui nous occupe ici:
bornons-nous à dire que la langue romane des troubadours
catalans ou roussillonnais diffère essentiellement de la langue
catalane vulgaire, et celle-ci s'en distingue encore plus, peut-
être, que de la langue vulgaire du Languedoc.
Les plus anciens écrits du Roussillon où l'on trouve, non
pas seulement des traces, mais des expressions et des phrases
ou formules entièrement catalanes, sont des actes de conces-
sion et reconnaissance de fiefs, des conventions entre feuda-
taires et des serments féodaux. Il n'y a pas à douter que ces
serments ne fussent prononcés en langue vulgaire, pour que
les personnages, souvent illétrés, qui les prêtaient, pussent biçn
se rendre compte de leurs devoirs, promesses et obligations,
et c'est ce qu'indiquent d'ailleurs les fameux serments prêtés à
Strasbourg en 842. On peut même présumer qu'il en existait,
dès cette époque, des formules entièrement rédigées en ro-
man rustique ou vulgaire ; mais il ne nous en est parvenu au-
cune, et, plus tard, les rédacteurs de ce genre de documents
se bornèrent à reproduire textuellement certaines parties de
de ces formules primitives, peu variées il est vrai, mais ce-
pendant assez nombreuses pour que l'on puisse, avec elles,
reconstituer, pour ainsi dire, le texte complet du serment ori-
ginal .
Le formulaire de ces serments n'a guère varié pendant trois
siècles; ils ne sont presque jamais datés, et, le plus souvent.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 269
ce n'est que par les noms des personnages qui y interviennent
et par d'autres données historiques qu'il est possible d'en dé-
terminer la date approximative. Nous n'en connaissons aucun
d'antérieur au XP siècle en Roussillon ou en Catalogne *.
Ces actes de prestation de serment continuèrent d'être
rédigés en Roussillon à chaque mutation de seigneur ou de
feudataire, jusqu'au milieu du XIIP siècle. Le formulaire
était toujours le même ; mais, malheureusement, soit que les
feudataires ou châtelains fussent devenus plus lettrés, soit pour
d'autres motifs, à partir du XIP siècle les formules purement
romanes ou catalanes en furent de plus en plus réduites et
bannies. On les remplaça par une rédaction latine, et il existe
deux serments prêtés pour le même objet, et pour ainsi dire
dans les mêmes termes, mais dont l'un, prêté vers l'an 1088,
renferme plusieurs phrases en langue vulgaire , tandis que
l'autre, prêté vers 1238, n'en donne qu'une traduction latine
où l'on ne trouve que le mot hosts comme seul indice de la
langue vulgaire, qui dut cependant être employée par celui
qui prêta ce dernier serment, comme par celui qui le reçut.
* Il est vrai que Raynouard a cité [Choix des poésies, etc., tom. I»'-)
de nombreux extraits d'uQ recueil de serments (ms. de Golbert) qu'il
rapporte à Tan 960 environ et qui appartiennent, sinon à la Catalogne, au
moins au Narbonnais ou à d'autres pays du Languedoc ; mais nous
sommes convaincu que la date arbitraire de 960 est erronée et que tous
ces actes appartiennent au XP siècle. Le plus ancien de ces documents
que l'on connaisse pour le Roussillon est de Tan 1000, et les archives de
Barcelone, qni avaient recueilli tous les titres des anciens comtes de Be-
salu, de Gerdagne et de Ronssillon, n'en renfermaient aucun qui dépas-
sât cette date. En effet, en 1398, Arnaud Porta, régent de la procuration
royale de Roussillon et de Gerdagne, fit copier à Barcelone tout ce qu'il y
avait de documents de ce genre concernant les châteaux de ces deux com-
tés, et, dans la liste encore conservée des serments qu'il fit copier, il n'y en
a pas un seul qui remonte au delà de Wifred, comte de Gerdagne, c'est-
à-dire au delà de Tan 1000. On lit en tête de cette liste : Les ruhliques da-
vcU escrites, foren tretes del arxiu reyal de Barchenonaj e trameses a
Arnau Porta, régent la procuracio reyal dels comtats de Rossello e Cer-
danya, lany MCCCXCVIII (Registre XXXI f« 144, de la Procur. royale»
arch. des Pyr.-Or., B. 350). Aucune des copies d'Ar. Porta ne s'est conser_
vée dans les archives des Pyrénéen- Orientales.
270 DIALECTES ANCIENS
Comme on le pense bien, d*ailleurs, les formules latines des
derniers serments, aussi bien que des premiers, ne sont qu'une
enveloppe transparente sous laquelle on reconnaît, sans la
moindre difficulté, la langue vulgaire de Tépoque. L'étude de
ces textes pourrait donc offrir un certain intérêt pour la lin-
guistique ; mais ce travail serait inutile pour la question que
nous avons en vue en ce moment, et nous nous bornerons à
publier les documents où Ton trouve des mots, des phrases et
formules nettement et franchement exprimés en langue vul-
gaire.
I
Le premier document de ce genre que nous puissions citer
est l'aveu féodal des justices et droits seigneuriaux du lieu de
Saint-Jean-Pla-de-Corts, situé en Vallespir, sur les bords du
Tech, au-dessous de Céret. Cette reconnaissance, faite en 976,
par une dame du nom de Minimill ou Minimille, à Oliba, comte
de Cerdagne, Confient, Fonollet, Vallespir et Besalu, a été déjà
publiée par dom Luc d'Achéry *, mais avec tant d'inexacti-
tudes et d'erreurs, qu'on peut la considérer comme inédite.
Nous n'en avons pas l'acte original, mais le texte que nous
donnons se trouve transcrit avec d'autres titres du XIIP siècle,
relatifs au même objet, dans l'aveu féodal fait, en 1313, au roi
Sanche de Majorque, par le seigneur de Saint- Jean-Pla- de -
Corts. Le rédacteur de ce dernier document a fidèlement co-
pié les textes originaux qu'il y a insérés, car l'orthographe
des noms de lieu et de certains mots diffère, selon les docu-
ments de diverses époques transcrits in extenso dans la recon-
naissance finale. On ne pourrait guère l'accuser que d'avoir
doublé la lettre f de deffendere et de n'avoir pas su lire le nom
Lodouicide l'acte original de 976, qu'il donne par erreur sous
la forme Lodeuarii,
(An 976)
In nomine domini ego Minimille domina de Piano d e Curtis,
• SpicUegium, tom. 111, page 705,
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 271
accipio per te Oliba comitem, meum seniorem, ad feudum
propter hoc quod me et meos semper manu teneatis et deflfen-
datis et meos, totas meas justicias que sunt meum alod de Pla
de Curtis et de Boscheros et de Vilarcello et de Oliuis Sobira et
Inferius et de Palatio et de Casteled. Et ego Oliba comes acci-
pio te Minemilles et omnes successores qui ibi fuerint, cum
tota ista honore et totam aliam quam habes, in mea garda et
deflfensione semper ; et facio statutionem quod meos heredes
similiter faciant per omne tempus, ita quod tu et tuos suc-
cessores habeatis semper et teneatis istas justicias de parro-
chia Pla de Curts et de alia prescripta tua honore a feu per
me et meos successores, et sic totum dono et firme et laudo,
videlicet homicidias, cugucias, firmancias et justicias que ibi
esse possunt. Et insuper vobis dono omnes pasturals, aquas et
agualSf boschs et meneres presentia et futura, et piscationes,
sicut pertinere debent ad nostrum senioriuum, de Pog Lauro
quousque pervenitur ad Volum, et de termine de Cered ad usque
termines ipsum Volo; et de ipsas tuas justicias et de tes seno-
rim quas in Volone habes, te et tuos empare. Quod si ego aut
nuUus homo venerit ad irrumpendum, non hec valeat vindi-
care, set firma et stabilis permaneant omni tempore. Facta
est scriptura. V. kalendas augustas. anno. xx^. ii. régnante
Leutario rege, filio Lodeuarii. sig + i^^^a Minemille. sig -|-
num Olibe comitis qui ista scriptura feudale seu donationis fe-
cimus et firmare rogamus. sig -|- num Cimdofredus. sig +
num Sperandeu, sig -|- num Lunesus. sig -\- num Leupordus.
sig + num Viuazane.- et est factum in conspectu aliorum
multorum proborum virorum.
(Liber fetÂdorum, G, P» 89, v». — Archives du dép, des Pyr.-Or.y B. 16.)
Les mots et les formes pla, garda, sobira, curts, feu, pastu-
rais, meneres, boschs, pog, aguals et tes senorim se sont conser-
vés dans le catalan moderne, qui dit, il est vrai, ayguals et
senyorius, pluriel du latin senioriuum de l'acte de 976. Le mot
mènera est plus tard devenu masculin {mener); mais il était
autrefois féminin, comme le prouve le nom du village du Val-
2^2 DIALECTKS ANCtENS
lespir la Mènera, qxxe l'orthographe officielle appelle fort im-
proprement la Manera, et meneres est un pluriel féminin ca-
talan parfaitement régulier. Le pronom possessif tes se trouve
dans un serment de 1088, publié plus loin : cket faca tes osts.
Le pluriel boschs n'est pas resté dans le catalan moderne,
qui dit boschos ou boscos, de même que mas a donné au pluriel
mases et aujourd'hui masos. Ce mot est signalé comme appar-
tenant à la langue vulgaire dans une sentence de 987, relative
à un massif forestier du pays de Berga : Ipsa densicula quod et
rustice nuncupatur bosco * .
La locution a feu^ traduction du latin ad feudum de la pre-
mière ligne du document, se retrouve dans le testament de
Miro, évêque de Gherona et frère du comte Oliba, de l'an 979 :
qtu>d consentivi a Rodegario a feu * .
Sperandeu (espère en Dieu) est du pur catalan.
Quant aux noms de lieu, voici des extraits des documents
transcrits dans l'aveu de 1313. La reconnaissance du 6 des
calendes d'août 1264 porte : Minimille condam domina,,, omnes
pasturas aquas et aquah boschos et menerias, , , de Podio Laurono
usque pervenitur ad terminos Voloni, et de terminis Cereti usque
ad terminos predictos Voloni, Dans l'acte de paréage des justices
du même fief, des ides de février 1269 : in locis de Vilartzel et
de Castelkt, Enfin, l'aveu féodal du 16 des calendes de juillet
1313, où sont transcrites les trois pièces ci-dessus, porte : om^
nesjusticias castri de sancto lokanne de Piano de Curtibus et ter-
minorum et territorii eiusdem et de Bosqueros et de Vilarzello et de
Oliuis superiori et Inferiori, et de Palatiô et de Casteled,
La conjugaison catalane est déjà complètement formée à la
fin du X*" siècle, comme on le voit par le serment prêté eh l'an
1000, par Ermengaud, comte d'Urgell, à Ermengaud, fils de
Bernard, vicomte de Confient, plus tard évêque d'Urgell : Ft
* ViUanueva, Viage literario, tom. XV. p. 280.
^ Bofarull, las Condes de Barcelona vindicados, tom !•'.
DOCUMENTS î?UR L\ LANGUE CATALANE 27*^
de ista ora in antea ego Ermengaude comité suprascripto non
DECEBRE isto Ermengaude filio Bemardo vtcecomite,,, et adjutor
ero,,, A tenere et ad ahere sicut Sallane odie teneî^,
La première personne du futur est déjà connue par le ser-
ment de 842 {simlvarai eo), et Raynouard en cite divers exera"
pies des actes prétendus de 960 {vedarai, aucirai, darai, iolrai,
farai), en ajoutant que « quelquefois ai se changeait en et ou
e, selon la différence des prononciations *. » Les cas de la
forme ei ne sont pas absolument inconnus en Roussillon^
mais on n'en pourrait guère citer que de rares exemples dans
les écritures du xi* siècle, et c'est la terminaison e qui a pré-
valu dès l'an 1000 et s'est conservée dans le catalan moderne.
Quant à la forme ai, elle n'a pas dépassé les limites du Lan-
guedoc, où celle en ei était aussi très-commune. On lit dans un
serment prêté à Narbonne, vers l'an 1020 environ : De ista
horainantea^ ego Petrus Ameliusde Petra pertusa,,, nonDBBE-
BREi Berengarium vicecomitem de Narbona^, On ne voit, au
contraire, que la terminaison e dans le serment prêté à la com-
tesse de Barcelonne en 1023 : exinde no fen forcarb... infra
ipsos,,, quadraginta dies que tu men convenras per nom de sacra-
menty sito drecare o to bmbndare. Et si... no la ^emendava,
incurram *. Enfin le serment prêté vers l'an 1042 au roi
Ramire d'Aragon, par Guillaume, évêque d'Urgell, fils de
Wifred, comte de Cerdagne, porte : De ista kora in antea non
te DBCEPERE... adiutor Hbi ero per tenere illa que avéras et acap-
taras qui te voluerint tolre [Marca htsp., n° 225.)
II
Le second document que nous publions appartient au pays
* Villanueva, tom. X, p. 285.
« Choix des poésies, etc., tom. I", p. 71.
•'' Hist. de Languedoc, tom. II, preuv. 153.
* Marca htspanica, Append., n* 196. Les leçons forcare et drecare sont
conformes à l'ancienne écriture catalane, qui ne connaissait pas encore la
cédille avant le XII» siècle ; mais les anciens éditeurs ont eu, en général,
le tort d'ajouter aux textes originaux des apostrophes souvent distribuées
fort mal à propos. Les textes que nous publions conserveront les accents
et la ponctuation des actes originaux.
274 DIALECTES ANCIENS
deBesaJu : c'est une convention faite au sujet des abbayes de
Saint-Pierre de Besalu et de Saint-Étienne de Banyoles et
autres biens, entre Guillaume, fils de Doda, et Raymond, fils
d'Emma, contre Pierre, Etienne et Bernard, fils de Gerberge,
et tous ces personnages nous sont aussi inconnus les uns que les
autres. Cependant le nom de Guillaume, comte de Besalu,
permet de rapporter cet acte vers le milieu du XP siècle, car
Guillaume 1", fils de Bernard et de Tota ou Doda, succéda à
son père en 1021 et mourut en 1052. Il eut pour successeurs
Guillaume II, son fils, qui est connu comme comte de Besalu
de 1054 à 1064, et son second fils Bernard, qui remplaça son
frère aîné dès l'an de 1066. On peut donc attribuer la mention
du comte de Besalu de notre document à Guillaume 1®' et rap-
porter la rédaction de l'acte à l'an 1050 environ.
(Vers l'an 1050.)
Ego Guilielmus filius qui fui de Doda femina. de ista hora
inantea non dezebre Raimun filius qui fuit de Em femina. de
sua uita. neque de suis membris qui in corpus suum se tenent.
neque de suos castellos. neque de suos feuos. uel alodes. uel
baglies. neque de ipsa abathia de Saricti Pétri de Bisilduno.
neque de sua honore que hodie babet. et inantea cum meo
consilio adquisierit. Et ego Guilielmus prescriptus. ista omnia
suprascripta [a]ut de ista omnia suprascripta. non o tolre no *
no len tolrei ad Raimun prescriptum. nec ego. nec homo. nec
homines. nec femina nec feminas. per meum ingenium. neque
per meum consilium. Et si homo est aut homines. femina aut
feminas. qui to[llat au]t tollant. ista omnia supra scripta. aut
de ista omnia supra scripta ad Raimun supra scriptum. ego
Guilielmus iamdictus adiutor len seré ad Raimun iamdictum.
per fidem sine engân, de cunctos homines vel feminas unde
Raimundus iamdictus me Guilielmum iamdictum comonra per
nom de isto sacramento. per se ipsum. uel per suos misses uel
missum. Et de iamdictum comunimentum comonir nom uedaré.
^ Sic. C'est une erreur du scribe, et il faut lire ne au lieu de no, de môme
que, plus loin, non auré ne no tenré.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 275
Et iamdictum adiutorium sine engan lo H faré. exceptas cor-
pus de Guilielmo comité de Bisildun.
Et ego Ghuilielmus iamdictus finem nec treuuam nec socie-
tatem. non auré, ne no tenré. ab Père et ab Esteuen, et ab Ber-
nard, fills qui sunt de Gerberga femina. ad illorum ben neque
ad damnum iamdicti Raimundi. sine consilio iamdicti Rai-
mundi. Et ego Ghuilielmus prescriptus. infra primos sexsaginta
dies. que Andréas frater meus aura recobrada ipsa abatia sancti
Stephani de Balneolas. faré iurar ad Andreu suprascriptum per
unum cauallarium ad Raimun iamdictum. que non aura finem
nec treuuam nec societatem ab Père nec ab supradictos fratres
suos. sine consilio iamdicti Raimundi. Et si Andréas mortuus
fuerit prescriptus frater meus, ego Guilielmus iamdictus simi-
liter fare fer ad meum filium. aut ad meum fratrem qui ip-
sam abatiam abuerit. ad predictum terminum. Et iamdictus.
Andréas no fenesca iamdicta abadia, ante quam recuperet eam..
sine consilio iamdicti Raimundi.
Sicut superius scriptum est si o tenre et o atendre ego Gui-
lielmus prescriptus ad Raimundum prescriptum. exceptus
quantum Raimundus iamdictus me asoluera [sic) suo gradiente
animo sine forcia.
(Original. — Charte-partie sur parchemin.)
(Archives du dép. das Pyrénées-Orientales, série E. — Fonds de
la famille d'Oms-Calvo-Bassèdes.)
On remarquera que la première personne du futur prend
une fois seulement la terminaison et {tolrei)/k côté de celle
en e [tolre)^ qui se retrouve partout ailleurs, avec ou sans accent.
Il y a aussi à noter le gl de baglies, qui représente 17 mouillé
du catalan ballies ou batllies, et surtout le double / du mot
fills^ écrit exactement comme dans le catalan actuel. C'est
un cas extrêmement rare, et peut-être n'en trouverait-on
pas trois autres exemples dans les manuscrits antérieurs au
XIV« siècle.
On a déjà vu, en 976, des exemples de la préposition cata-
lane a (a feu), ou ad devant une voyelle {ad Andreu) ; mais ab
(avec) est inconnu dans les actes de la Catalogne avant
le XP siècle, quoiqu'il se trouve déjà, sous la forme latine
fia DIALECTES ANCIENS
apud, dans un testament rédigé à Vich en 948 : ipse pullino
saxo remaneaî ad Ingutlberto apud ipsa sella ; en 972, venerunt
apud (avec) fratrem Isamum, et dans le testament de Té vêque
Miro de Q^erona, en 979, alodem quem concamiavi apud (avec)
sanctum lohannem. Un testament de Tan 1014 donne cette pré-
position sous la forme conservée dans le catalan : et ipso pullino
qui est ab ipsas equas remaneat ad Eriballo filio meo. Enfin une
des pièces que nous publions (1088) porte : ut vadam aput te
in hosts aput meum conduit et aput meos komines, . . et alberg ai
ti. Cette prépositon se trouve dans les serments de 842 (ab
Ludher nul plaid) et, quoique Rajnouard [Choix, etc., t. I",
p. 346) ait dit qu'il a serait difficile d'expliquer cette prépo-
» sition ; ce qu'on peut dire de plus satisfaisant, c'est que la
» langue romane l'a prise à'habere », nos citations prou-
vent que les Catalans l'ont prise dans la préposition latine
apud.
Baluze a publié deux pièces intéressantes qui se rapportent
aux anciens comtes de Cerdagne, et nous croyons utile d'en
citer ici tous les passages rédigés en langue vulgaire.
La première est un serment prêté vers l'an 1064, sur l'autel
de Saint-Martin de Canigo, par Ermengaud, comte d'Urgell,
à Raymond, comte de Cerdagne.
De ista hora inantea, ego Ermengaudus comes. .. non dezebrei
Raymundum comitem... neque de omnem terram.. de Guifredo
pâtre suo.., no lo tolre, ne lo len tolre, neldezebre^ nelenganare.,.
Et adjutor H sere contra cunctos sine suo engan, unde... men
comonraper nomen de isto sacramento... Et de ipso adjutorio
nol enganare, ne comonir no men vedare,.. et adjutor en sere
ad Raymundum... unde men comonra.,, et adjutor /t o * «ère a
tener et ad aver contra cunctos... et de ipso adjutorio nol enga-
nare ne comonir no men vedare,,, et istum sacramentum li
tenre,,. Et si., forsfacturam. . emendare voluerit.. ego., ipsa
emenda recebre la perdonare, et inantea... sacramentum.. li
* Il faudrait peut-être lin ou ten, au lieu de Ho.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 277
tertre., et similiter o tenre et o atendre ego Ermengaudus . .
ad uxorem ejus Adala comitissa... Sicut superius scriptum
est, sio tenre et o atendre ego... ad uxorem ejus et ad filium
sine engan, exceptum quantum Raymundus vel isti. . . mihi
men absolvera vel quantum absolverint. . sine forcia *.
Le second document, daté du 3 des ides de mars 1067, est
un traité passé àDavejan en Termenès, entre Rengarde, com-
tesse de Carcassonne, et son beau-fils Guillaume-Raymond,
comte de Cerdagne.
(1067)
Hœc est convenientia quœ facta est inter Rengardis comi-
tissa et Guillermum comitem generum suum. Convenit Ren-
gardis... ad Guillermum... ut donet ei Redes cum omni comi-
tatu Redensi... sine suo engan. Et ipsos castellos quos ego...
habeo.. in potestate de Guillermo... los mètre et poderos len
fare sine suo engan, et affidar los si fare ad omnes homines
qui eos tenent per me... Et de ipsos castellos en' poderosa
no Si) y adjutor en sere ad Guillermum... Et si ad prœdicta Ren-
gardis venia en talent que se stegess per so chaball ad una part,
que tengess Rengardis prœdicta la medietad de les dominica-
turas et de omnes usus et censos Et item convenit... ad
Guillermum, ut de ista bora.. in jamdictà omnia encombre no
H meta per uUum ingenium, ne H faça, ad damnum prsedicti
Guillermi, et ipsas honores supradictas non do ne les ' donen
encombre Rengardis prœdicta sine consilio Guillermi... Et si-
militer convenit Guillermus. .. ad Rengardis.. ut de ista hora
in antea in jamdictà omnia encombre no H meta ne H faca... et
de ipsas honores no les do ne les donen encombre Guillermus
prœdictus sine consilio Rengardis. .. Et ego Rengardis prœs-
cripta guarents ten sere per directam fidem sine tuo en-
gan *.
* Maroa hisp.f n« 259.
* Erreur: il faut lire on, du latin unde.
3 II est probable qu'il faut lire ici, et en deux autres endroits plus loin,
lin ou len^ au lieu de les.
* Marca htsp.f n° 265.
^S DIALECTES ANCIENS
III
(Vers 1074.)
Il existe un projet de traité entre Pons, comte d'Empories,
fils de Guila, et Guilabert, comte de Roussillon, fils d'Alaïz,
qui ne peut guère être rapporté qu'à Tépoque où celui-ci
succéda à son père Gausfred, c'est-à-dire à l'an 1074 envi-
ron . C'est un document fort long, conçu et prononcé en lan-
gue vulgaire, et très-intéressant pour la philologie ; mais
malheureusement il nous est parvenu sous l'enveloppe d'un
semblant de latin, et nous devons nous borner à en donner
es passages où la langue vulgaire se montre tout à fait à nu.
(Vers 1074.)
Haec est notitia de ipsa conuenientia quod Pontius comesfilius
qui fuit Giia comitissa conuenit et iurat ad Gilabertum comi-
tem filius qui est de Alaizis comitissa Et item convenit ei
predictum Pontium adpredictumGilabertum, utperquantas que
uices podstadmen daras de Ipsum castrum de Beckesen, nolte tolre
nol te desrochare nol te desuedare. Et simili modo... de castrum
de Rochaberti,.. et de ipsum chastrum de Rochamora., etut ad-
iutor illi fiât a tenere et abere ipsum chastrum de FonoUarias. *
sine suo en^an... Et convenit predictus Pontius ad predictum
Gilabertum que non mantineat illi hominem neque homines
feminam uel feminas que ad predictum Gilabertum fatiant
querram {sic),., et conuenit ut ille ne [sic) commoueat ei
querram ad predictum Gilabertum.. Et simili modo iurat ne
convenit predictus Pontius.... quod ipsos sacramentos et
ipsas convenientias quod Pontius predictus iurat et conuenit
ad predictum Gilabertum, fideliter mente teneat... Et item
conuenit predictus Pontius ad predictum Gilabertum quod
ipsos placitos, quod Pontius placitauerit, de ipsum auere quod
ille abuerit de ipsos placitos. si Gilabertus ibi non fuerit, non
abet partem Gilabertus de ipso auere. exceptus de baudia. et
de batalia, quod diuidant per médium.
(Original sur parchemin. — Archives du département des
Pyrénées Orientales, B. 4) .
DOCUMENTS SÛR L\ LANaÛË CATALANE è?9
Ce traité fut renouvelé en 1085 entre le même Ôuilabert,
comte de Roussillon, et Hugues, comte d'Empories ; les con-
ditions sont les mêmes que celles de la convention de 1074,
mais le latin en a été fortement amendé, et il n'y a guère que
la phrase suivante à citer, comme offrant quelques vestiges
de la langue vulgaire, dans le texte de ce traité, publié par
Baluze :
Et ego jamdictus Vga cornes.., adjuvem tibi sine engan per
quantascunque vices commonueris mihi per te aut per tuis. ut
a comonir non me vetare, et ita tibi teneam et atendam, etc. *.
IV
(Vers 1081.)
Le serment que nous donnons sous le n® IV fut prêté, vers
Tan 1081, au comte de Cerdagne Guillaume -Raymond, par
Raymond-Bernard, vicomte de Gonflent et de Cerdagne, pour
les châteaux de Joch en Conflent, de Queralt, Miralles et
Sant-Marti-dels-Castells, en Cerdagne. Nous n'en possédons
qu'une copie faite, en 1416, d'après un registre des fiefs des
archives de Barcelone, copie fort exacte d'ailleurs, et nous
signalerons seulement la double lettre n du mot engannare^
par laquelle on a voulu écrire, dès le XP siècle, ainsi qu'on
le faisait encore quelquefois dans les manuscrits catalans
du XIV®, ce que le catalan a définitivement exprimé par ny
Cette question orthographique a beaucoup embarrassé les
scribes catalans, qui ont hésité pendant trois ou quatre siè-
cles et ont fini par adopter la solution encore en vigueur au-
jourd'hui.
(Vers 1081 )
luro ego Raimundus Bernardi filius qui fui Guisle femine.
fidelis ero ad te Guillemum comitem seniorem meum filius
qui es Adale comitisse, et sine fraude et ullo malo engenio et
sine ulla decepcione et sine engan per directam fidem. et de
ista hora in antea, no dezebre te, prephatum comitem, de tua
^Marca kisp., n» 297.
^80 diâlectbs anciens
yita, neque de tuis membris que in corpore tuo se tenent,
neque de tuis castris aut castellis, terra et honore, rochis uel
puis condirectis uel heremis , comitatu uel comitatibus,
alodiis uel feuis omnibus, uel de aliquo quod hodie habes uel
habere debes et in antea adquisieris. Et nominatim iterum
iuro tibi ipsos castellos, scilicet sancti Martini castrum, et
castellum de Miralies, et castellum de Cheralt, et de Joch, et
omnes fortitudines que in eo uel in eis modo sunt aut inantea
erunt, no to tolre, ne ten tolre, ne ten engannare, ne ten dezebre,
ni to vedare, ne to contendî^e, ni ten contendre, ne consenciens
ad faciendum hoc no sere per uUum ingenium. Et si homo est
aut homines femina uel femine qui tibi tollat uel tollant
vetet uel vêtent predicta omnia aut aliquid de predictis om-
nibus, ego prefatus Raimundus de illa hora et deincepa ûnem
nec societatem non aure ni tenre cum illo, uel cum iUis,
cum illa uel cum illabus, ad ullum illorum bonum uel tuum
dampnum, donec tu recuperatum habeas hoc totum quod
perdideris de jamdictis omnibus sine tuo engan. Et adiutor te
sere a tener et ad auer et a défendre predicta omnia contra
omnes homines uel feminas, sine tuo engan, tecum et sine te.
Et tuis inimicis quos sciero guerram fare potencialiter tecum
et sine te, dum tecum maie stabunt ; et ita ero sine tuo engan
eorum inimicus, dum tecum maie stabunt, sicut tu ipse, et de
ipso adiutorio not engannare, ne comonir no men vedare per ul-
lum ingenium, perquantas vegadas men recherras o men comonras
per te ipsum uel per tuos misses uel missum.Et/^er^Manto ve-
gadm men recherras per te ipsum vel per tuos misses uel missum^
notvedai'C predictos castellos nec aliquid de fortitudinibus que
in eo uel in eis modo sunt aut in antea erunt, neque ab fors^
factura^ neque sine fors factura, te sine tuo engan poderos ne fare
de omnibus, sicut prescriptum est, et omnes tuos quos volue
ris et jusseris. Sine te et tecum societatem non aure ne tenre
cum tuis inimicis aut inimico, inimica uel inimicas, inôdelibus
uel inûdele, ad tuum ullum dampnum, me sciente. Justiciam
neque directum not vedare net contendre, de me ipso neque de
ullis meis. seniorem nec seniores no fare ni tenre ne affidare.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 281
et si factum eum habeo, nol tenre sine tuo saluamento et de
quanto tu men absoluras. In predictis castellis uUis castella-
num nec castellanos, castellanam nec castellanas, deinceps no
mètre ni estalblire (sic), nisi nominatim ipsos quos tu in eis
elegeris et laudaueris et uolueris, qui similiter eos tibi jurent
et ego et eodem modo, et potestatem de eis non queram sine
te. Tuum consilium aut consilia non descubrire ad ullum tuum
dampnum me sciente. Sicut superius scriptum est de te pre-
fato Guillemo, si o tenre et o atendre, post te, ad filium tuum
uel filiam siue ad ipsum uel ipsam cui uel quibus debitaueris
tuum honorem Cerdanie uel dimiseris uerbo uel scriptis, sine
tuo uel eorum engan, sicut melius dici uel cogitari de te et
facere et attendere potest ; et hoc faciam infra primos tri-
ginta dies quibus mortuus fueris et ego hoc sciero, sine mala
contencione et sine alio lucro; manibus per suam manum
apendre predicta omnia, et taie sacramentum len jurare qua-
lem hodie juro ad te, super altare sacratum et reliquias sanc-
torum que in ibi habebuntur. Et propter hoc quod superius
scriptum est mitto in pignora ego prefatus Raimundus ad te
prephatum comitem et predictos, omnem feuum et hono-
rem et alodium quod habeo uel habere debeo in totam ter-
ram tuam uel infra eius termines, ut sicut scriptum est to-
tum tibi teneam et attendam. Quod si non fecero et ita non
attendero sicut scriptum est, incurrat prescriptum pignus in
tua uel, post te, in predictorum potestate, ad faciendum quod
volueris, et deinceps cuicumque dones predicta omnia, neque
ego hoc possim querela're nec ullus per me. Sicut superius
scriptum est, si to tenre et to atendre totum sine tuo engan, et
post te ad predictos, exceptus quantum uel de quanto tu men
absoluras tuo uel eorum gradiente animo, sine uUa forda,
per deum et hec sancta sanctorum, et adhuc ut melius dici
et cogitari potest ad tuum bene uel, post te, omnium tuorum.
(Copie sur parchemin faite par Diago Garcia, secrétaire'
du roi Ferdinand d'Aragon, tenens claves archivi régi*
Barchinone, d'après un registre dit des fiefs desdites ar-
chives, le 29 mars 1416.)
Archives du département des Pyrénées-Orieutales. — H. 3.
19
282 DIALECTES ANOIBNS
Dans le passage Sicut superius scriptum est,., si o tenre, le
mot si est Tadverbe latin sic, qui a formé le français ainsi et
le catalan aixi ou axi.
V
(Vers 1088.)
Le serment suivant, que nous donnons d'après l'original, se
rapporte à Tan 1088 environ, et fut prêté par Raymond Bra-
cads ou Brachats de Serrallonga ou de Cabrenç, dans le haut
Vallespir, à Guillaume, archidiacre d'Elne, prenant aussi le
titre de vicomte en qualité de tuteur de son neveu, vicomte
de Castellnou. C'est un texte fort intéressant pour la linguis-
tique, et Ton peut j remarquer surtout la prédominance de la
terminaison et de la première personne du futur, qui remplace
presque exclusivement désormais la finale e des textes cata-
lans antérieurs.
Caria de Serra longa
(Vers 1088.)
De ista hora inantea iuro ego Raimundus filius qui fui Bel-
lissindis femine; a^e Guilielmo filius qui fuisti Vidiane femine.
fidelis ero tibi. sine fraude etmalo ingenio. et sine ulla decep-
tione ; sicut homo débet esse ad suum seniorem cui manibus
se comendat per directam fidem sine tuo engan. De ista hora
inantea ego Raimundus prescriptus ; iuro a ti Gruilielmo pres-
cripto. adiutor te sserei de tuo honore uel honores quas hodie
habes. et inantea cum meo consilio acaptaras. et de tuos cas-
tellos. uel de ipso castello que dicunt Castro Nouo et ipsum
castellum que dicunt Pena^. et ipsum castellum de Montdon*.
* Le château de Pena, situé sur la rive droite de i'Agii, au-dessous
d'Estagell, presque â la limite du Roussillon et du pays de Fonoiiet, dé-
pendait alors des vicomtes de Castellnou, feudataires des comtes de Be-
salu.
* Le château de Montdon, appelé de Monte Domno et Mons Boin danâ
la reconnaissance de 1238, était situé en Vallespir, dans la vallée de
Montdony, qui débouche aux Bains d'Arles.
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 283
et ipsum de Serra longa. cum ipsas pertinentias qui perti-
nent ad ipsos castellos prescriptos. no ten tolrei. nels te tolrei.
nec ego nec homo uel homines. femina nel feminas. per meum
consilium. neque per meum ingenium. Et si est homo aut ho-
mines. femina uel feminas. qui to tola. o ten tola; adiutor ten
sereiper dreta fide sine engan. et per nomen de Molet^. Et ip-
sum castellum de Sserralonga potestatem ten darei. sine tuo
engan. e nol te desuedarei ah forsfeit. ne sine forsfett. per quantas
uices men comoniras, per te ipsum, aut per tuum missum. uel
misses, per nomen de isto sacramento. et de comonir nom des-
uedarei. Et ipsos consilios unde tu me comoniras per nomen de
isto sacramento. che^ ten cet. no ten descubrirei. Et ipsum tuum
fratrem. aut tuum nepotem cui tu iachiras, auttestabis tuum
uicecomitatum. ad illum dabo potestatem de castello de Serra-
longa, sine tuo engan. et sine lucro quod ei non queram infra.
XV cim. dies que el men comonira, per nomen de isto sacra-
mento.
Sicut superius scriptum est. si to tenrei e to atendrei me
sciente sine tuo engan. Et ipsos adiutorios suprascriptos. sine
tuo engan los te farei.
Ego ^ Raimundus Bracads. conuenio tibi Guilielmo uiceco-
mite. uel archidiacono. chet faca tes osts et tuas caualgadûs,
et ut uadam aput^ te in hosts aput meum conduit, et aput meûs
* Ce nom désigne, sans doute, le château appelé plus tard de Mont Fer-
rer, situé dans la paroisse de Sainte-Marie-de -Mollet, et il en résulte que
les seigneurs de Gabrenç ou de Serrallonga dépendaient directement du
château de Mollet ou de Monlferrer, qui appartint, en effet, à la famille d&
Gastellnou jusqu'à la fin du royaume de Majorque.
2 La conjonction che (prononcez que) se présente trois fois dans ce docu-
ment: la seconde fois, unieuu pronom, chet faca ; dans le troisième cas,
ched faca, le d final n'est qu'un changement du tj amené par la voyelle
du mot suivant.
8 Ces dernières lignes sont cousues au bas de la pièce, avec du fil de
parchemin; même écriture.
♦ Altération du latin apud, équivalent du catalan ab employé plus
loin.
2b4 DIALRCTES ANCIENS
homines. et uociferem tua signa* et alberg* ab ti. Et hec omnia
conuenio tibi cked o faca et to atena. toi sine tuo engan.
(Original sur parchemin. — • Archives du département des Py-
rénées-Orientales, B. 72.)
Ce serment fut renouvelé vers Tan 1238, presque dans les
mêmes termes, par Bernard-Hugues de Serrallonga, en faveur
de Guillaume, vicomte de Castellnou (AreAiVes des Pyr,'Or., B.
72) ; mais cette seconde rédaction est entièrement latine et n'a
conservé que les mots acaptaras et host en langue vulgaire.
(De 1074 à 1090.)
Le serment suivant appartient à la fin du XP siècle, et Ton
peut le rapporter à Tan 1090 environ, si, comme nous le pen-
sons, Herre Oliver, qui le prêta pour le château de Salses,
à Guillabert, comte de Roussillon, est le même qu'un certain
Peints OUba déjà décédé en 1096, dont il est fait mention dans
un acte daté du 3 des ides de février 1095, et commençant ainsi :
ïn dei nomine. ech (sic) scriptura denunciat. qualiier condam Pe-
trus OUba. donauit filium suum nomine Benedictum. cum sua
parte de fonte Salsinis. et cum sua parte de molino, et de pisca-
cione de predicta fonte, domino deo et Sca Maria, que uocant
Crassam. La donation est confirmée par ledit Benoît, sans
doute peu après la mort de son père. (Archives du dép. des
Pyr.'Or., B. 35.)
Si ridentité de ces deux personnages était bien constatée,
le serment aurait bien pu être prêté au commencement du
gouvernement de Guillabert, c'est-à-dire vers l'an 1074. Nous
en avons l'acte original, et en outre une copie faite en oc-
tobre 1298, a quadam scriptura scripta in quodam registro (sic)
pergameneo illustrissimi domini régis Aragonum {Ibid., B. 4).
^ On a des prises de possession du ch&teau de Montdony au XIIP siè*
cle, faites en arborant le pennon du seigneur sur la plus haute tour, aux
cris de Castelnoul Castelnou! et c'est là évidemment ce qu'on entendait
dans le serment de 1088, par les mots vociferem tua signa.
^ AlberÇy pr. personne du subjonctif d'alhergar.
1 »» ,
DOCUMENTS SUR LÀ LANQUE CATALANE 2S5
Cette copie contient quelques variantes, que nous donnerons
en note.
SacramenkUe super castro dé Saisis
(De 1074 à 1090.)
Ego Petrus Oliuarii ûlius qui fui Ricsendis ^ de ista ora
inantea. fidelis ero tibi Gilaberto' comité, filius qui fuisti
Adaladis oomitissa. sine fraude et ullo malo ingenio. et sine
ulla deceptione. per directam fidem sine engan. sicut homo
débet esse suo seniori cui manibus se commendat. Et de ista
ora inantea ego prediotus Petrus no dedebrei^ te ^veÎB.ium
Gilahert^. de tua uita. neque de tuis membris qui in cor-
pus tuum se tenent, neque de tuis honoribus quem hodie
habes uel per qualicumque modo inantea adquisieris, neque
de tuos castellos. Sed ' adiutor ero tibi retinere omnem tuum
honorem per directam fidem sine engan, contra cunctos ho-
mines uel feminas. qui tibi auferre uoluerit uel uoluerint. Et
de tuo adiutorio nom desuedarei, ne no ten engannarei. ne a co-
monir no me • tiedarei, per quantas uegadas lom manaras o men
comoniras '', per te ipsum aud per tuos misses uel missum. Et
de ipso castello qui est in uilla Salses potestad no ten uedarei,
ne estadga per quanta^ uegadas men demanaras per te ne per
tuos messages, ne per tuo message. Sicut superius est scriptum
si to faret per directa fide * et sine engan to atendrei,
(Original sur parchemin. — Archives du département des Py-
rénées-Orientales, B 4.)
' La copie de 1298 donne les variantes Riesendis, Guilaberto, Ada-
laidis.
'^ Le serment de 1074 écrit ijrilahert.
^ Copie de 1298, dezebreû
* Ibid , prephatum GuUahertum,
K Ibid., set.
• Tbid., men.
7 Ibid., comonr(is.
s La copie de 1298 ajoute avec raison après fide le mot et, qui a été omis
dans Tacte original.
296 DIALECTES ANCIENS
Vil
Les archives des Pyrénées- Orientales possèdent cinq autres
serments du XIP siècle, concernant le château de Salses;
mais, comme nous l'avons déjà observé, les rédacteurs de ces
documents suppriment désormais le plus possible les mots ou
formules en langue vulgaire, et il suffira d'en donner seule-
ment les passages où ces expressions ont été conservées.
(Vers 1128). — Ego Guillemus de Sabes filius Sibille femine,
de ista hora in antea tibi Gaufredo comiti Rossilionensi filio
Agne comitisse ôdelis ero efe vitatua... et de honore. . . quem
in antea acaptabismeo consilio ero tibi ajudador et valedor sine
enganno. Et castellum de Salses dabo tibi poder quociens tu
interrogabis me inde poder, . . Et sicut superius scriptum est
et legi potest to atendrei e to tendrei sine enganno per deum et
hec sancta.
(Copie de 1298 sur parchemin. — Archives des Pyrénées-Orien-
tales, B. 4.)
(Vers 1143.) — Ego Gruillemus de Apiano filius Adaledis
femine, de ista hora in antea tibi Gaufredo comiti Rossilio-
nensi filio Agnetis comitisse, fidelis ero de tua vita... ero tibi
adjudadorei valedor sine enganno. Et castellum de Salses dabo
tibi poder.., et sicut superius... to atendrei e to tendrez,.,
(Copie de 1298 sur parchemin.— Arch. des Pyr.-Or., B. 5.)
(Ann. 1164.) — Ego Guillemus de Apiano filius Adaledis fe-
mine. de ista ora inantea. tibi Girardo comiti Rossilonensi.
filio Trencauelle comitisse. fidelis ero... ero tibi aiudador et
ualedor sine enganno. et castellum de Salses dabo tibi poder
quociens tu interrogabis me inde poder. per te. uel per tuum
message... Sicut superius... to atendrei et to atendrei {sic).
(Original — et copie de 1298 --Ibid.)
(1165.) — Procès-verbal de remise du château de Salses au
comte de Roussillon.
Anno XI. M°. C. LX. V. idus setembr. feria. ii. circa me-
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 287
ridiem; ipse Girardus cornes quesiuit castrum de Saisis Guil-
lemo de Apiano quod iurauerat ei se redditurum qotiens illud
teneret. dum ipse uel aliquis per eum illud teneret; et
noluit illud ei reddere. et hoc fuit in presentia. G. de Castro
Rossilione. et Segarii de Paracols. et B. de Cocoliberi. et
Bernard! de Tacione. et Ademari de Mosset. et Arnaldi de
Canaueles. et G. de Monte Rug. et R. de ludaicis. et Ber.
de Lupiano. et Pétri Arbert. Postea reddidit illud ei. xi. die.
vmj. kal. octobr. feria .v. circa horam nonam.
(Original sur parchemin.— Jbid.)
(1172, le 8 des cal. d'août.) — Serment prêté pour le châ-
teau de Salses à Ildefonse, roi d'Aragon et comte de Roussil-
lon, par Guillaume de Fia ou de Apiano, fils d'Adaled, selon la
formule et les termes de ceux qui précèdent, sauf la finale e
au lieu de et au futur {to atendre et to tenre).
(Copie de 1298 sur parch.— Arch. des Pyr.-Qr., B. 7.)
Les autres serments féodaux prêtés en Roussillon au dou-
zième siècle, et jusqu'en 1250, conservent toujours la formule
des serments antérieurs avec quelques mots en langue vul-
gaire, mais de plus en plus rares et perdus dans la rédaction
latine. Nous n'y avons du reste relevé aucune * locution nou-
velle ni aucune forme intéressante, et il faut se contenter de
constater que la terminaison e du futur, qui semble avoir
disparu des actes rédigés en Roussillon à partir de l'an 1080
environ, est reprise à partir de la réunion du Roussillon à la
couronne d'Aragon (1172) et devient la seule forme employée
dans les siècles suivants.
* Citons, toutefois, un passage du serment prêté à Raymond-Berenger
de Ganet, par Pierre de Gornella, au sujet du fief de Mossellos, le 4 des
ides de mai 1148 : « Juro tibi Dalenciam de cunctis hominibus et de tuo. . .
honore . .. et delà chasa de Mosselons potestatem ten dunare per tu aut
piir tuos missos. . sic teneam tibi e to atendre.
(Âicliiyes de l'hôpital Saint-Jean de Perpignan, parchemin n^ 1, liasse 30.)
888 DIALECTES A^C1ENS
VIII
n n'j a pas une seule des expressions soulignées des textes
qui précèdent qui n'appartienne à Tancienne langue romane ;
mais il n'y en a pas non plus une seule, sauf le pronom a ti
(serment de 1088®), qui ne se retrouve encore aujourd'hui dans
la langue catalane. Nulle trace, d'ailleurs, de la règle de la
lettre s conservée ou supprimée comme indice du sujet ou du
régime, règle admise et prouvée 'd'ailleurs pour l'ancienne lan- ,
gue romane, mais complètement inconnue dans le catalan. Il
n'j a que l'exemple de l'adjectif ou participe guarents d'un
serment de 1067, et nous devons ajouter que ce même mot se |
retrouve sous la même forme dans des actes roussillonnais du I
XII* siècle. C'est une expression d'origine germanique, et l'on
n'en saurait rien conclure pour une langue presque entière-
ment originaire du latin. Qu'y aurait-il d'ailleurs d'étonnant
à ce qu'il j eût d'autres exemples de sujet avec s au singulier,
dans des serments religieusement, et l'on peut dire fastidieuse-
ment répétés, avec les mêmes formules et dans les mêmes
termes? C'étaient pour ainsi dire des textes officiels, et il j a
lieu plutôt d'être surpris qu'ils n'aient pas conservé de plus
nombreuses traces des règles du latin et dû roman primitif.
Ce n'est pas, après fout, dans ces serments ou conventions
à formules immuables qu'il faut chercher la marche et les pro-
grès de la langue usuelle ; c'est surtout dans les donations,
ventes, testaments et autres actes de la vie privée, que l'on sur-
prend à chaque pas la langue catalane parlée, sans que le la-
tin qui la recouvre puisse en déguiser les formes ou la couleur.
Le Roussillon n'a guère que des documents de ce genre à citer
pour tout le XII® siècle et partie du XIIP ; mais tous ne décè-
lent que la langue catalane pure, et il suffira d'en citer un exem-
ple. C'est la concession de droits féodaux dans la paroisse de
Custoja, en Vallespir, faite le 2 des calendes de novembre 1168
par Tabbé d'Arles, en faveur de Bertrand de Buada : en voici
quelques extraits :
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 289
Ego Raimundus dei gracia abbas Arularum,. dono tibi Ber-
trando de Buada.. feuum in honore de Custodia quem nos ibi
hebemus, apud mansum de Buada,., item borda de Podio Ala-
mir, et aliam de Frigide Pestel,.. et aliam de Bag, et aliam de
Toron, et aliam de Bernardo Bofil, et aliam de Ker ; et decimum
de mil et de duada,.. et mansum de Richa,. et omnes exidas
eiusdem . et defensam piscandi in Tec, Et in parrochia S'^
Marie de Custogia.. tascham milii de Prouedonegs,. ethabeas
X. sest. desegle currentes.. et duos sest. de frumento rases
In manso de Castaner, pro baiulia pernam unam... et. i. mi-
geram de ciuada ad mensuram Petralate, pro albergua. et i. sest.
current de ciuada et i . porc de trescol uel xx . den. Rossilio-
nenses. et de palea i. fex, et iiii. gardes de ciuada, et i. ioua,
et II. panes de segle, et i. jomal a segada, et ad Pentecos-
ten accapte de ouis et formaticis. et in festivitate Abdon et
Sennen, acapte quem ad nos déferas, et ad sag . i . eminam
uini... In manso de Chera similiter, pro molendino i. migera
current de blad,. et in Mansis de Buxo.. de Pomareda,, et Rai-
mundi Rossel de Planes ^ similiter. in manso de Fageda, , in manso
de Verdegario.. in manso de Lupera. . in manso de Plana.,.
in manso d£ Serra,, in manso dePalome7\ , in manso de Credma-
dels,, in manso de Orri,, in manso de Boscherons, pro alberga i.
miger de ciuada et ini. garbes de ciuada et i. fex de palea.. et
déférât carbonem ad fabrega de Roirus,, et in manso de Cer-
dans.,. Et si abbas uadit in ost, ubi Bertrandus uadat, eat
cum illo... In manso de Fag un. garbes eti, fex de palea.. in
manso de Muntada i . jomal a segada et m . garbes et i. feix de
palea.. in manso de Chered i . miger de duada,, et i . ioua cum
II. panes et i. iornal a segar et oua et caseos.. in manso de
Calais I . iornal a ssegar et im . garbes,.. in borda de Cremadels
i , fex de palea et i . sester ras de ciuada, . in borda Pétri de Pe-
rer.. in borda Feiri Nouel.. in manso de Monte Capel... in
manso .rfe Noger.. in manso de PuioL, in manso de Uernedes,,,
Borda de Tarter., et Plan Castaner,, et borda Belueder., et
mansus de Verdeger,, et Arnallus de C^era faciant espadadas
ad Buadam, sicut alîi mansi ad scam Mariam. In supra dicto
290 DIALECTES ANCIENS
honore, si bos aut uacca moritur aut ita cadat ut inde moria-
tur, habeasi. co5:a.... Quando homines de Custodia faciant
iomals ad scam Mariam... et logers quos sag accipit, habeat
per te et per nos. Et tu Bertrannus defendas totum supradic-
tum honorem de omnibus hominibus secundum tuum poder,
excepte contra nos... In manso de Budac habeas m . migers de
segle et i . mengar cum duobus sociis sine ciuada, quando men-
surabis expleta. et in ipso mensurar sit ipse operarius, et
donet tibi unam gallinam et i . fogaca ipse rusticus in Natale
domini. et tu dones ei i . mtger uini ... In manso de Serrad de
Villa Rubea, i. migeram de hlad de braccagge, et i. leuadam de
porc, et m. manas de lino^ et i. manjar cum uno socio. Mansus
efe iVo^er similiter, excepta wna mana Uni... Borda Laurencii
de Manso, quam tenet per scam Mariam, dabit mangar soli tas-
cario, quando leuauitaream.... Mansionarius de Podio habeat
terciam partem de kastaneta quam tenet per te. et tu duas.
Petrus de Planes similiter.. Arnallus de Planis unam mige-
ram de castaneis. R. Rosseilon similiter.. de manso deColomer
habeas redecimum. . . Actum est hoc. n. kal, nouembris anno
domini M°. C**. LX.VIIP. régnante Ludovico rege inFrancia.
-j- Dompni Raimundi abbatis... -)- Bertrand! e/e Buada,. -\-
Petri de Mataplana archidiachoni.. -(- Guillemi de Torderes.
-\- Bernardi de Bag decani.. -{- Bernard! de Orri. -(- Maca-
ned., -{- Pétri de Pomereda,,,
(Parchemia. — Archives du département des Pyrénées-Orien-
tales. — B. 79).
Nous avons souligné dans ce document tous les noms pro-
pres et toutes les expressions qui ne sont que du pur catalan,
et il en coûterait peu de supprimer les terminaisons latines
des mots feuum, decimum, redecimum, defensam, tascham, per-
nam, manso, palea, eminam, buxo, lupera, carbonem, ovum, ho-
nore, bos, expleta, natale, operarius, tascario, Uni, levadam, man-
sionarius, castaneis et autres, pour avoir, avec les modifications
orthographiques venues depuis le XIP siècle, les mots catalans
feu, deume, redeume, defensa, tascha, pemd, mas, palla, emina,
DOCUMENTS SUR LA LANGUE CATALANE 291
boix, llobera, carbo, ou, konor, bou, esplet, nadal, obrer, tas-
quevy lit, llevada, masover, castanyes, etc. Autrement dit, sauf
quelques formules qui se rattachent au latin classique, tous les
actes du Roussillon, depuis le IX® siècle jusqu'au milieu du
XIP, ont été conçus ou rédigés en langue vulgaire ou cata-
lane, et les mots en ont été tout 'simplement revêtus de ridi-
cules traductions ou terminaisons latines.
Alart,
Archiviste du département des Pyrénées-Orientales.
ARCHIVES DE MONTPELLIER
IV
LE CATALOGUE DES CHAPELLENIES
Ainsi que je l'ai dit dans ma précédente publication, le
Catalogue des Chapellenies fait suite, dans le même volume, à
V Inventaire des archives de la Commune Clôture^, et n'en est,
à bien considérer, que la continuation. Même écriture, même
esprit de rédaction, mêmes intérêts.
C'est qu'en effet les seigneurs Ouvriers joignaient à l'ad-
ministration de la Comuna Clausura, qui était leur office prin-
cipal, celle de l'œuvre des Chapellenies, de Vobra de las Cape-
lanias (a. 170).
On nommait Chapellenies des fondations de rente perpé-
tuelle, établies dans le but de faire dire des prières pour les
morts. Je n'ai pas besoin d'ajouter que ces établissements
n'avaient lieu, dans le plus grand nombre des cas, qu'en vertu
de clauses testamentaires et d'après les indications des défunts.
Comme ces sortes de fondations étaient très-nombreuses au
moyen âge, nos pères, craignant que le clergé ne s'enrichît
outre mesure et ne parvînt à posséder trop de puissance, s'il
accumulait entre ses mains tous les biens légués, et désirant,
d'autre part, que la volonté des morts fût respectée , crurent
satisfaire à toutes les exigences en confiant, d'un commun
accord, le patronage effectif de ces fondations pieuses aux sei-
gneurs Ouvriers. Leur administration jouissait d'une grande ré-
putation d'honnêteté et d'esprit de justice, et offrait en outre
toutes les garanties possibles de bonne gestion et de conser-
vation.
La conséquence de cet accord, si honorable pour elle, fut
que la Commune Clôture se trouva maîtresse, pendant plu-
sieurs siècles, de biens de la plus grande valeur, à la seule
* V. la dernière livraison de la Revue, II, % p. 146.
LE CATALOGUE DES CHAPELLBNIBS 293
condition de tenir et de faire tenir les clauses testamentaires
énoncées.
Cela explique d'une façon suffisante, sans qu'il soit néces-
saire d' j insister, pourquoi Ton trouve dans nos archives, non-
seulement les actes relatifs à la fondation et à la tradition des
Chapellenies, mais encore un inventaire précis, quoique ana-
lytique, de ces mêmes actes, lequel est le Catalogue que nous
publions.
Ce n'était pas, d'ailleurs, la seule marque de confiance
qu'eût reçue la Commune Clôture : elle possédait plusieurs
autres patronages plus ou moins importants, parmi lesquels
il convient de citer le patronage des biens et des posses-
sions du monastère des religieuses de Saint-Gilles (V. art. 168,
153 et 59). Ces remarques n'ont rien d'oiseux, en ce sens
qu'elles font connaître l'estime que l'on avait pour le carac-
tère et la sagesse de cette curieuse administration.
Il serait difficile de dire à quelle époque et comment les
seigneurs Ouvriers furent chargés, pour la première fois, de
la surveillance et de la direction des chapellenies. Y eut-il un
établissement consulaire spécial? Y eut -il purement et sim-
plement une de ces ententes communes comme il s'en pro-
duisait souvent dans ces petites républiques municipales, où
l'esprit d'association était si ingénieux et si hardi ? C'est ce
que j'ignore.
Ce qui semblerait néanmoins une preuve à l'appui de la
dernière de ces suppositions, c'est que, même à l'époque où
l'usage de fonder de ces chapellenies était dans toute sa
puissance, les seigneurs Ouvriers étaient encore particulière-
ment désignés, par les testateurs, co;nme devant être les pa-
trons de la chapellenie instituée ; on peut en conclure , ce
me semble, qu'il n'y avait pas de texte de loi obligatoire.
Il est vrai qu'ils se disent, en général, patrons de toutes les
chapellenies, de lasquals em patros, comme s'exprime le préam-
bule du manuscrit; mais il n'en est pas moins vrai aussi qu'ils
se disent également patrons de chaque chapellenie, prise à
294 DIALECTBS ANCIENS
part et indépendamment, comme s'il n'en était pas de même
des autres.
« Item, I carta de acapte dat per los senkors obriers, patros
de la capelanie de sen Johan Bertholmieu, . . . ( a. 94). — De même ,
I charte concernant Y acapte donné par les ouvriers, patrons
de la chapellenie du sieur Bertholmieu »
Cette expression, qui revient souvent, n'est pas ici une vaine
formule, mais bien T affirmation très-précise d'un droit parti-
culier.
Une preuve que Ton pourrait invoquer encore, c'est qu'on
était parfaitement libre de choisir tels ou tels autres patrons,
pris dans la famille, avant que d'en arriver définitivement au
patronage des seigneurs Ouvriers. Les exemples abondent :
Dona Mirabels ne les nomme expressément qu'après son
héritier, e aprop sosjoms son patros los senhors Obriers (a. 18).
Deux frères instituent pour patrons, d'abord leurs héritiers,
puis les héritiers de ceux-ci en ligne directe, e fes patros de
la dicha capelania los hères sieus els hères d'aquels procezens del
mascle^ et ne désignent les seigneurs Ouvriers qu'après l'ex-
tinction de la famille , et aprop los senhoms Obriers de la Co-
muna Clausura de Monpeslier (a. 112. — V. aussi les a. 11,
24, etc. )
Les titres de constitution de chapellenie sont presque tou-
jours, comme il a été dit, des testaments. L'article 90 nous
donne la forme la plus ordinaire de leur inventoriation :
« Item. Le testament de M. Jean Mounier, prêtre de l'é-
glise Saint Denis, par lequel il fait connaître sa volonté qu'une
chapellenie soit instituée et des prières dites à l'autel de
Saint Raynier de ladite église. Fit le testament M. Vivien de
Prades, notaire, l'an 1318, le X des calendes d'octobre. »
Les seigneurs Ouvriers nétaient pas de simples exécuteurs
testamentaires, selon le sens absolu du mot^ mais bien de vé-
ritables héritiers, dans toute la force du terme. Notre manu-
scrit ne laisse aucun doute à cet égard :
« Item^ Le testament de M. Philippe Robert, par lequel il
LE GÀTALOaUE DES CHAPELLENIES ^95
ûi héritiers, pour la moitié de ses biens, les seigneurs Ouvriers,
en loqual fes heretiers los senkoms Obriers per la mitât, et pour
l'autre moitié les frères carmes. )> (a. 99.)
Nommer les seigneurs Ouvriers héritiers, — • les iustituer pa-
trons de] la chapellenie, — ou encore laisser ses biens pour
Tamour de Dieu, per amor de Dieu (a. 24, etc.), sont, dans le
langage du temps, des expressions tout à fait identiques.
Il est bon d'ajouter que la consécration de la chapellenie
était quelquefois conditionnelle. Un testateur n'en fonde une
que dans le cas où ses enfants ne lui survivraient pas (a. 46) ;
un autre, que dans le cas ou ses fils mourraient sans héri-
tiers (a. 85).
Les clauses testamentaires concernant la chapellenie avaient,
pour l'exécution, des formes extrêmement variées, qu'il est
peut-être bon d'indiquer brièvement.
Lorsque le legs consistait en biens fonds, les seigneurs Ou-
vriers les donnaient en acapte, ce qui veut dire que l'acqué-
reur en avait la propriété, à la charge toutefois d'en payer la
rente stipulée, à perpétuité, lui et ses successeurs. Les arti-
cles 118 et 119 nous offrent un exemple de la constitution de
la chapellenie et de la remise en acapte :
« Item. I charte indiquant comment les seigneurs Ouvriers,
patrons de la chapellenie fondée par le sieur Bernard Bonoreg,
parcheminier ou mercier, de Montpellier, achetèrent pour la-
dite chapellenie, du sieur B. de Roquemaure, changeur, de
Montpellier, une pièce de terre de vigne, en franc alleu, située
au ténement des Trencats, Fit la charte ledit M. Helies,
l'an 1364.
» Item, I charte indiquant comment les seigneurs Ouvriers,
patrons de ladite chapellenie, donnèrent cette vigne en acapte
à G. de Roquemaure, à la charge d'en payer la rente perpé-
tuelle {usatgi) de XV sous. Fit la charte ledit notaire. Tan et
jour que dessus.»
11 est bien entendu que tout le monde était apte à recevoir
de ces acaptes^ même le prêtre, en spécifiant toutefois que c'é-
tait en son nom personnel, comaprivada persona{B,. 198).
Sd6 DIALECTES ANCIENS
Uacapte était la forme habituelle ; aussi n'était-ce guère
que de la volonté des défunts que le bien était vendu et sa
valeur placée en rentes sur hypothèques (a. 84,90), ou que
le legs, fait en argent monnayé, recevait une destination
semblable (a. 9, 28, 98, 101, etc.). Quoique la rente de ce
genre pût recevoir toute la force de la rente de Vacapte^
c'est-à-dire quoiqu'elle pût être considérée comme matgiy
on préférait cependant Vacapte réel, qui offrait au régime fis-
cal d'alors de plus grandes facilités de surveillance et de ges-
tion.
Aussi, lorsque le legs était en espèces, en achetait-on immé-
diatement des terres, que l'on remettait ensuite en acapte.
Les articles 14 et 15 donnent un exemple d'achat et de trans-
mission de ce genre :
(( Item, La charte d'achat par les seigneurs Ouvriers de 25 sé-
terées de terre, au terroir de Mauguio, pour la chapellenie
fondée par M. Bernard Saurel, prêtre. Ladite charte fut faite
par M® Helies Lambert, notaire, l'an 1344, le 8 octobre.
» Item. Et la charte d'acapte de ce bien, donne à en Jean
Jacme, tanneur, à la charge de payer pour usatgi 21 setiers
de blé. Faite par M® Helies Lambert, notaire, l'an 1344, le
8 octobre.»
Si le legs était insufûsant, les seigneurs Ouvriers ne consti-
tuaient qu'une part de chapellenie (a. 11), ce qui ne donnait
droit probablement qu'aune part de prières. En général, pour-
tant, les legs étaient de si grande valeur qu'ils suffisaient à
constituer plusieurs chapellenies (a. 19, 23, 48, 84, 164, 168,
316, etc.).
Pour ce qui concerne la rente, elle était remise, à chaque
saison, soit en argent, soit en nature (a. 130, 165, etc.), au
chapelain.
La tradition de ces acaptes ne pouvait avoir lieu dans
aucun cas, qu'il s'agît de succession (a. 152), — lieuration (a.
148),— institution de hères (a. 153), — remission (a. 174),—
dation en pagua (a. 178), — estauh (a. 193) ^-^permutation (a.
LE CATAXOaUE DES CHAPELLENIBS 297
202), etc., que du consentement des seigneurs Ouvriers. Aussi
les voyons-nous, à tout instant, faire acte d'autorité, affirmer
leurs droits de patronage et consigner la chose dans leurs
archives.
Ils avaient pour les aider dans cet office, à part le clavaire,
le notaire et les agents de la Commune Clôture, remplissant
les mêmes fonctions pour tout ce qui concernait les chapelle-
nies, un légiste chargé du contentieux, sous la curieuse déno-
mination de procurayre de las armas (a. 54), procureur des
âmes du purgatoire.
La prévoyance de nos aïeux eut pendant fort longtemps de
bons résultats : elle mit une limite à [la cupidité et à la puis-
sance du clergé.
Il faut dire sans doute que la rente, s'immobilisant par
suite de la désignation de la chapelle ou même du chapelain
( a. 87, 100 ), et aussi que ce dernier se faisant accorder une
part dans la gestion de ce qu'il finissait par considérer comme
son bien propre (a. 180, 187, 189, 198, 203), ces deux causes
devaient suffire, à la longue et par la seule force des choses,
pour amener la transformation des chapellenies en bénéfices .
Néanmoins, les seigneurs Ouvriers méritent de recevoir ce
témoignage, qu'ils firent durer l'ancien état de choses jus-
qu'à la fin de la Commune, et que ce ne fut que par le fait de
la volonté royale, commandement et injonction expresse
(a. 47, etc.), qu'il y fut porté atteinte.
Le préambule du Catalogue des chapellenies est le même que
celui de V inventaire delà Commune Clôture^ ;\e copiste ne s'est
pas même donné la peine de modifier les conséquences qui ré-
sultent des mêmes considérants, en tenant compte du nouveau
manuscrit.
Il est évident, en effet, qu'au lieu de : e premieyramens los
encartamens del digh nostre ofici de Vobra, enaysi quant se sec,
^ Sauf la dalô, 1378 au lieu de 1377, quoique les Ouvriers indiqués
soient les mêmes que ceux de cette dernière année; il s'agit probablement
de la fin de leur administration .
20
298 DIALBCTBS ANCIENS
il aurait fallu : e secundamens los encartamens de las capelanias,
etc.
Le travail d'inventoriation paraît avoir été fait avec soin.
On cite une charte dont on possède Tindication, et qui ne se
retrouve pas (a. 113) ; on cite une chapellenie dont on ignore
l'origine et le fondateur, faute de documents (a. 8); enfin
on ne manque pas d'observer, lorsqu'il s'agit d'actes tran-
scrits, si les originaux sont encore aux archives de l'œuvre
(a. 195, 232).
Les divisions de ce travail sont les mêmes que celles de l'in-
ventaire qui précède ; la chose s'explique en ce sens que les
actes des deux administrations étaient couchés sur les mêmes
registres.
La première partie est donc, comme on l'a déjà vu, l'inven-
taire des chartes proprement dit (a. 1).
La seconde, le répertoire du livre de notes de M® Helies
Lambert, connu sous le nom de Libre cubert de post (a. 114).
Les troisième et quatrième, les répertoires des deux livres de
notes. Libre de notas (a. 170 et 201) de M® Jacme de St-
Johan.
A ces indications principales le Catalogue des chapellenies
en joint plusieurs autres qui lui sont particulières, et qui ont
l'avantage de nous faire connaître d'anciens livres ou re-
gistres de nos archives :
1° Le livre aux armes de l'œuvre, lo Libre en que son las
armas de l'obra, sur un cahier {cazem) duquel le notaire
Helies Lambert avait noté un certain nombre d'actes (a. 166 à
170);
2® Le livre en papier, couvert de parchemin et portant le
signe d'une couronne, Libre de papier, cubert de pargamin,
senkat sus lo dos de la corona, où le notaire, M* Jacme de S.-
Jolia, avait noté une charte (a. 233 à 235) ;
3° Le livre enchaîné de l'œuvre, lo Libre de la cadena de
l'obra{ei. 30). Quoiqu'il soit dit, à propos d'une charte de
1361 : E es la nota en lo libre de la cadena cubert de post de la
LE CATAliOGUB DES CHAPELLBKIES S99
dicha obra 'a. 77], il ne faaî pas le confondre avec le librt
cubert de po$t de M* HeUes Lambert, puisque Tarticle précé-
demment cité les distingue soigneusement :
(( Es la carta en lo Librt de la cadena de robra^ mays es notada
a plen en lo Libre de las notas del digh notari, — Cette charte
se trouve indiquée dans le LiTre enchaîné de TœuYre, et tran-
scrite dans le Livre des notes dudit notaire » ;
4° Enfin le livre du papier du manifeste, lo Libre del papier
del manifest (a. 227;. Il semble que c'était une sorte de jour-
nal, où Ton consignait sommairement, au fur et à mesure, tous
les actes de Tadministration. Il est dit, après l'article d'un
testament ordonnant d'acheter des rentes : « E son compradas
las rendas, ayssi quant apar el Libre del papier del manifest
(a. 223). — Ces rentes ont été achetées, ainsi que cela résulte
du Livre du papier du manifeste. »
300 DIALECTES ANCIENS
TABLE
Du ms. De l'édition
F® 17, r°.— Inventaire des chartes proprement dit.. Art. 1
Ces chartes étaient contenues dans plu-
sieurs cassettes, dont trois sont indi-
quées :
1® Cayssa longa (a. 31) ;
2° C. de noguier, en laquai son las armas
dels senhors obriers (a. 97). . v . .
3° C. longua estrecha (a. 109).
Diverses boîtes :
1" Massapan senhat d'aytal senhal (a. 348) . ^^
Q
2° M, de Berenguier de Meyrueys (a. 110) ;
3° M, senhat d'aytal senhal (a. 236) T
Des sacs (a. 13, 25, 45) et des rouleaux
(a. 7).
Quelques-unes de ces chartes étaient con-
servées dans YEscrin de Vobra, en mas-
sapan (a. 236).
II
po 29^ po. — Répertoire du Libre cubert de post de
M« Hélies Lambert 114
III
F® 38, r°. — Répertoire du Libre de las notas de
M* Jacme de S.-Johan 170
IV
F° 43, r°. — Répertoire de Vautre libre de M® Jacme
de S.-Johan 201
i^ CATALOGCJE DBS CHAPELLENIBS SOI
1) (F* 17, r*) EN NOM DE NOSTRE SENHOR* DIEU
Jhesa Crist, e de madona sancta Maria, verges, majre sieua,
e de tostz * los sans e las santas ' de paradis, sie tagh. Amen. —
En Fan de la encamation M.CCC.LXXVIII. Nos, Steve de Cla-
piers, Bernât Jaadon, Daade Astrac, Johan Navars, Peyre
del Yalat, Benezeg Oliva, Marc de Cabanas, obriers de la
ComnnaClaasurade Monpe jlier, sabens et atendens que la uti-
litat pablica deu esser preferida a la privada, e que memoria
d'orne passa (e per so fon trobada escriptara), car leugjej-
ramens las causas que se tresparton * de nna génération en
antra, tombon en oblit, si non son avivadas per beneficî d^es-
criptura ; per so, afin de memoria perpétuai : nos vezems ' que
los encartamens pertocans a nostre digh • offici, quant ' per lo
fa^* de la dicha obra, coma per las capelanies', de lasquals
empatros, per negligencia lo temps passât*", non son escritz
ben governan,avemfagh*^ scrieure en aquest libre e registrar
per manie jra de enventari designans *' los digtz ** encarta-
mens per orde. E premiejramens los encartamens del digh
nostre offîci de Tobra, en ajsi quant se sec.
2) PREMIEYRAMENS III cartas, de lasquals la una con-
ten cossi en Rajmon Maurin compret de possessyos en franc
alo,que son prop lo pos de sant Jorgi, e fonc fâcha per maistre
Pons Lemozin, notari, Tan MCCLXXXX. pridie idus Janua-
rii. Ë las autres doas son ensem liadas.
3) (F° 17, v°) Item. Lo testamen de sen. P. Parrocha que
ordenet doas capellanies, de lasquals la una es sobre un hos-
tal que es prop lo portai de sant Gili, en la carrieyra d'en Va-
lentin, loqual hostal aras ten maistre P. del Pont, donat de Sant
Johan. E Fautra capellanie sobre los autres sieus bens. Fagh
* Var. de l'autre préambule: Senher.— - Totz.~- ^ Sanctas.— * Trans-
porton. — s Vezem. — " Dich. — "' Tant. —^Fach, — » Capelanias. t-,
*" Passais. — ^^Fach. — ^^Ipesignan . — ^^ pisU.
30S DIALECTES ANCIENS
per maistre P. Maiorin, notari, Fan MCCCXLVII, a VIIII de
May.
4) Item. Una carta de compra de una vinha que es a la
Mota en franc alo, de la capelanie que ordenet sen Duran sag-
najre, fâcha per maistre Jacme de sant Johan, notari, Tan
M.CCC.LXII. A VIII de juU.
5) Hem. Mays III cartas que pertenon a la dicha capelanie.
Son totas IIII ensemps.
6) Item. XYI cartas e plus que pertenon a la capelanie de
sen Johan Ros, pasticier, laquai capelanie se décanta a la
gliejza de santa Anna.
7) Item. De cartas de reconoysensas que son totas ensemps
en I roUe.
8) Item. V cartas que pertocon a I possession en franc alo
que es a Bonieyras, laquai compret en Bernât Pages. Ë non
sap hom a quai capelanie pertenon.
9) (F® 18, r*) Item. Lo testamen de sen P. de Mascon, ar-
gentier, en loqual testamen ordenet II capelanies, delasquals
la una si deu decantar a Nostra Dona de Taulas, e Fautra a
sant Aloy, per lasquals capelanies laysset IIIIC lieuras.
10) Item. Mays ordenet que aprop la mor de sos enfans
dona Alayseta, sa molher, aytant quant estara ses marit, ten-
gues sos bens. E aprop se, desson per amor de Dieu. Fes lo
testamen maistre P. Majori, notari. Fan MCCCXLVIII,a XVII
de jun.
11) Item. Lo testamen de sen Thomas Amoros, en loqual
ordenet doas capelanies, lasquals serviron en un quar, los
bens non hovalian. Décanta se al castelh per mossen Johan Bes-
solh, capela. Son fagh per maistre Johan Boret, notari. Fan
MCCCXLVIII, a XX de abriel.
12) Item. Una carta cossi los senhors obriers compreron
XIII s. e VI deniers d'usatgis en divisas possessions per la cape-
lanie que ordenet sen B. Castel, cabassier.
13) Item. Mays motas cartas de compras e de reconoyssensas
que pertenon a la dicha capelanie, que son en I sac totas.
14) Item. La carta de la compra de XXV sestayradas que
LE CATÂLOaUE DES GHAPELLEKIES 303
son a Melguier(F® 18, v®}, que compreron los senhors obriers
per la capelanie que ordenet mossen Bernât Saurel capela ;
fâcha per maistre Helies Lambert, notari. l'an MCCCLXIIII,
a VIII de octobre.
15) Item. E una carta de acapte de la possession dat a'n
Johan Jacme, coyratier, am usatgi de XXI. s. de blat. Fagh
per maistre Helies Lambert, notari, Tan MCCCLXIIII. a VIII de
octobre.
16) Item. El testamen de mossen Johan de Perussa, doctor
en leys.
17) Item. De cartas de compras de usatgis, que compreron
los senhors obriers, e diversas reconoysensas que pertenon a
la dicha capelanie del digh mossen Bernât Saurel e son totas
ensemps.
18) Item. Lo testamen de dona Mirabels, molher de sen P.
Cissan, coyratier, e fes heretier Xristol de Clapiers, e ordenet
una capelanie decantadoyra a santa Catherina, e aprop sos
jorns sonpatros los senhors obriers. Fagh per la man de mais-
tre Bernât Holama, notari. Tan M CCC XXX,{a XIIII de sep-
tembre.
19) Item. VIIII cartas, que pertenon a la capelanie d'en
Guiraut Joguos, que compreron de usatgis LX sols de las-
cals la una conten acapte dat a Esteve Columbier, barralier,
de una cartayrada e mieia, am usatgi de XXX sols. Fes la
carta maistre Johan Gaian, notari. Tan M CCC XLI, a XX de
febrier. Et en las autras cartas a autre acapte am XXX s. de
usatgi, Tan e'I jorn desus digh. — E son totas ensems.
20) (F° 19, r°) Item. Diversas cartas, que son en nombre
XXV, que pertenon a la capelanie que ordenet mossen Ricart
Bec, capelan, e décanta se a Tautar de la Magdalena de la
gleya de Nostra Dona de Taulas— Décanta la mossen Philip ,
gran capela.
21) Aras la décanta mossen Genieys Arbossa, capela.
22) Item. III cartas que pertenon a la capelanie de maistre
B. de la Vabre, de lasquals la una conten cossi dona Johanna,
molher de sen P. Roqueta, compret III pessasde terra en alo
904 DIALECTES ANCIENS
que son al plan de Latas, am caria fâcha per maistre Johan
Holama, notari, Tan M CGC XL, a VI de abriel. E las cartas
son ensemps.
23) Item, I testamen fagh per dona Johanna Raynandina^
molher de sen Raynaut Ferrier , mercadier, en loqual stabli
una capelanie decantadojra a Nostra Dona de Taulas, am
XL libr. de renda. Fagh per maistre P. Majorin, notari, Tan
M CGC XLVII, a XXII de jun.
24) hem. Le testamen fagh per maistre Fermin de la Voûta,
en loqual ordenet que, si los fils sieus morisson, fes hères subs-
titui az els sa filha, molher de sen Mathieu, arbalestier. E
aprop los jorns de la filha vole que sons (sic) bes se donon per
amor de Dieu a voluntat (F** 19, v°) dels senhors obriers. —
Fes lo testamen maistre Felip Gautier, notari, TanM.GGG.XL a
XXVI de febrier.
25) Item. Las cartas que pertenon a la capelanie de sen
P. de Favars, que son en I sac, e Tes lo testamen e cartas de
compras. Loqual testamen fes maistre Laurens Miquel, notari,
Tan M COC e II, a XV de las kalendas de mars. Eson en suma
XXV cartas en I sac.
26) Item, Lo testamen fagh per dona Marita, molher d'en
Johan Rossenel,moynier de Monpeylier, receuput per maiestre
Johan Girfaut, notari, sotz Tan M GC XL VIII a XXVII de jun.
E de cartas de reconoyssensas de usatgis, que son totas ensemps.
27) Item, X cartas contenons reconoyssensas, que son en-
semps, senhadas detras de la letra del d
28) Item, Una carta de compra de usatgis, que compret sen
P. Guilhem, per la capelanie de dona Fermina, molher de
P. de Rores (F° 20, r°) fâchas per maistre Steve Vidal, no-
tari. Fan M. CGC, XXXIIII, a II de jun.
29) Item, Carta cossi lo digh sen P. Guilhem det ad acapte
II possessios am sert usatgi. Fes la carta lo digh maistre Steve
Vidal, Tan M CGC LXV. A III de ydus de novembre.
30j Item, Es la carta de la compra dels usatgis que vendet
lo dig sen P. Guilhem als senhors obriers, laquai fes maistre
Helies Lambert, notari. Fan M CGC LXIII, aJfXXI d'abrU.
LE CATALOGUE DBS CHAPBLLBNIES 305
Es la carta en lo libre de la cadena de Fobra; mays es notada
a plen en lo libre de las notas del digh notari.
31) Item, I cajssa longua en que ha XXXV carias que per-
tocon a la capelanie d'en Nicholau Vezian.
32) Item. Las cartas que pertocon a la capelanie que orde-
net sen Gaubert de la Costa, laquai se décanta en la gleya de
Sant Augustin de Monpeylier. En que ha de cartas de compras
de possessions, e de roconojssensas, que son en nombre XXII,
33) Item. Diversas cartas, que son en nombre XXXI de com-
pras de usatgis e de reconojssensas que pertocon a la cape-
lanie de sen Jacme Johan, fustier que se décanta a sant Aloy.
(F° 20, v°) Décanta la mossen B. de Calmon, capela.
34) Item. Lo testamen d'en Jacme de Sant Nicholau, en
loqual ordenet I capelanie que se décanta a sant Paul. Fagh
per maistre Daude Gervajs, notari. Tan M CGC XL VIII, a
XIII d'abril. Décanta la mossen P. de Portz, capela:
35) Item. VII reconoyssensas que pertocon a la capelanie
que ordenet sen Esteve Rog, borzes de Monpeylier, lacal dé-
canta mossen Genieys Arbossa, capela, a sant Bertholmieu,
e la carta de la collation del digh capela fâcha (per) maistre
Helies Lambert, notari. Tan M CGC LX.
36' Item. Lo testamen d'en Esteve de Montoulieu, merca-
dier, en loqual ordenet que de sons {sic) bens se fesesson ca-
pelanies. Fes lo testamen maistre B. Nogaret, notari, Fan
M CGC XLVIII, a II de abril.
37) Item.. I carta cossi los senhors capelas de Botonet, son
tengutz de far residencia a Botonet, per ordenation fâcha
per mossen Arnaut (F° 21, r°) de Verdala, avesque de Maga-
lona, per la auctoritat de nostre senhor lo papa. Fagh per
maistre Hue Carbonel, notari, Tan M GGG XXXVIL a XV de
mars.
38) Item. I carta que conten que mossen Jacme de Salsan,
capela que decantava la capelanie que establi dona Alazays,
filha de sen Johan de Gaubert, una possession que es a Boniey-
ras ; am LX s. de usatgi [sic).
39) Item. Lo testamen d'en FerminTenchurier, cabassier, que
906 DIALECTES ANCIENS
ordenet una capelanie que se décanta a sant Fermin. Fes lo
testamen maistre Philip, notari. Tan M CGC XI, a VIII calen-
das de febrier.
40) Item. I carta de compra de I possession que compreron
per la dicha capelanie. Fâcha per maestro Philip Daude,
notari. Tan M CGC XII, a III de jdus de novembre.
41) Item, Autra carta de compra de I possession en alo per
la dicha capelanie. Fes la carta lo digh notari, Fan que dessus,
a XI kalendas de mars.
42) Item. X cartas que pertocon a las dichas possessions
que son en nombre XVIII, tan reconojsensas quant autras, e
son ensemps.
43) Item. Lo testamen de dona Alazajs, filha de sen Johan
de Gaubert, molher de sen P. de Madona, que layset per I
capelanie (F* 21 ^ v®) G s. annuals, que se décanta a sant Ma-
thieu, en Tautar de sant Antoni ; fagh per maistre Arnaut de
Gonflenc, Tan M GG LXXXVIII. a III jdus junii.
44) Item. I carta d'acapte dat am usatgi de LX s. fagh per
maistre G. Gabanis, notari. Tan M GGG XL, lo derier jornde
jenuier.
45) Item. I sac en que ha diversas cartas que pertocon a la
heredetat d'en Raymon Guos, que ordenet I capelanie, laquai
se décanta a sant Guilhem, e autra capelanie, laquai se décanta
en la dicha gleyza a Tautar de Nostra Dona de Tostz Sanz.
46) Item. Lo testamen de dona Johana, molher de san R. de
Sant Martin, mercadier de Monpejlier, en loqual fes héritier
R. de Sant Martin, sonfilh, e el cas que el moris ses enfans de
liai matrimoni, en aquel cas vole que de sons ben se fezes una
capelanie, lacal se décantes en la gleja de santa Anna, en
Tautar de Nostra Dona ; fagh per maistre P. Porier, notari, Tan
M CGC XLVIII, a XXIX de mars.
47) Item. I Letra de nostre senhor lo rey de Fransa, que
vole et ordenet que I hostal que es prop la gleya de Santa Anna,
que es de la capelanie laquai décanta mossen Bernât Vacaressa,
lacal (F* 22, r**) ordenet dona Ermeniartz, molher de messier
B. de Rodez, que lo digh capelan lo tengua a sa vida.
liB CATALOGUE DBS CHAPELLBNIBS 307
48) Item. Mays I letra cossi lo digh mossen Yacaressa finet
XII libr. per la finansa de ramortizamen dels bens de la dicha
capelanie a maistre Fiacre e a maistre Ësteve de Bordas*
comessaris a levar las finansas, e son en I massapan ^ ^ \
senhat en aytal senhal. •
49) Item. Lo testamen ho publication faghdel digtestamen,
de sen R. Ajmon, en loqual fes son hères maistre P. Aymon,
maistre en medicina, o, si moris ses enfans, vole que de sos
bens se fesesson capellanies a conojssensas dels senhors
obriers. Fes lo testamen ho la publication, maistre Johan de
Castel,notari, l'an M CGC XL VIII, a XXX de maj.
50) Item. I carta de matremoni, fagh entre dona Garcens,
filha de dona Garsens, molher de sen P. de Romaniers, de
Monpeylier, e sen Guiraut del Rieu, mercadier, e donet en
dot al digh sen Guiraut, VIIIC LXXX libr. valons CLXXVI
marcz d'argent. Fes lo matrimoni o la carta maiestre G. Noga-
ret, notari, Tan M CGC XLII, a VIII de jun.
51) (F° 22, vo) Falh lo testamen .
52) Ë fes lo testamen maistre Steve la Rua, notari, Tan
M CGC XL VIII, a III de juli. A la nota maistre Mathieu Joui,
notari de Montpellier.
53) Item. Una carta de division dels bens que foro de
sen Jacme e Esteve e P. Baralh, frayres, en que fa mencion
de usatgis. Fâcha per maistre Johan Girfaut, notari. Tan
M GGG LU, a XVIII d'aost.
54) Item. I carta de quitansa fâcha per lo procurayre de
las armas. Fâcha am P. Albert, filh de sen Peyre Albert, say
entras de I libr. que près per Tarma en son testamen.
55) Item. En diversas cartas de usatgis, que pertocon a la
capelanie de sen P. Albert.
56) Item. E de letras de finansa de maistre Fiacre del amor-
tizamen de las rendas de la dicha capelanie, fâcha Tan
M COG LXIX.
57) Item. Mays autras letras de maistre Esteve Barrieyra,
comissari a rescebre las finansas que receup la dicha finansa de
las dichas XVI libr. perFamortizamen.
308 DIALECTES ANCIENS
58) item. De oartas de compras de alos que comprerbn a
la capelanie de sen Bernât de Milhargues ; deoanta se a Botb-
net. Décanta la mossen Esteve Bejssejra, capelan.
59) Item. Lo testamen del digh sen Bernât de Milhargnes,
fagh per maistre Johan de Favars, notari , Tan M CC XXV, a
III de jdus de setembre.
60) (F® 23, p°) Item. I carta de acapte dat a dona Guilla,
molher de sen Aymeric Bateiat que pertoca a la capelanie de
dona Guilla, cadela am usatgi de IIII libr. Fâcha permais-
tre G. Cabanis, notari. Fan M CGC XII a XXIIII de april.
61) Item. Lo testamen fagh per sen Johan de Poiolas, mer-
cadier, el quai fes heretieira dona Marita, sa molher, e aprop
SOS jorns vole que los bens se donesson per amor de Dieu, a
voluntat de sos gaziers, e els defalhens per los senhors obriers.
Fag per la man de maistre Bernât la Planca, notari. Tan
M CGC XLVIII a IIII d'abril.
62) Item. Lo testamen de sen G. de Goquon, mercadier, en
loqual ordenet II capelanies que se devon cantar a sant Thomas
de Monpeylier de sos bens. Fagh per maistre Johan Planson,
notari, Fan MCGG XLVIII a XXII de may.
63) Item. II cartas de quitansas de laysas .
64) Item. I carta cossi los senhors obriers compreron una
possession que es el terrador apelat TArsa, a la capelanie de
dona Ermeniartz, filha de sen Pons de Sumena, molher de
maistre G. de Rodes, say entras, fâcha per maistre Berenguier
Montilhar, notari. Tan (F° 23, v°) M CQG I, a XIIII de may.
65) Item. III cartas que pertocon a la capelanie de sant
Bernât Polverel, laquai se décanta a sant Mathieu, e a de pen-
cion VIII libr. lasquals pagon la fllha de sen P. de Sauret, say
entras, molher de sen Jacme Gortes, mercier de TAgulharie, e
la principal carta es sentencia. Fon fâcha per maistre Guilhem
de la Devesa, notari, Fan M. CGC XX, pridie ydus junii, e las
autras cartas son totas ensemps.
àà) Item. Lo testamen de dona Laurensa|, molher de sen
Miquel Pelet, say entras, en loqual ordenet una capelanie
que se décanta en Fautar de sant Andrieu de la gleya de sant
us CATALOGUE DfiSS GHAPELLENIES dôO
Fermin ; loqual fes maistre Bernât de Fabreguas, notari, Tan
M ce LXXIX, a XI de kalendas de setembre.
67) Item, IIII cartas en una laquai se conten que messier
P. Massa compret I ort e hostal, que es en la condamina d'en
Ajbran, e es en franc alo. Fâcha per maistre Johan Calvajron,
notari, Tan M CGC XVIII, pridie kalendas novembre.
68) (F° 24, p°) Item. Lo testamen de dona Beatris, molber
de sen G. Albert de Anduza, fagh per maistre Bernât Gauton,
notari. Fan M CGC XXXI, a Xmi d'aost
69) Item. Lo testamen de sen Martin Aycelm, en loqual
ordenetuna capelanie de G. s. sobre sos bens ; loqual fes mais-
tre Jacme Miralhier, notari, Tan M GCC XXXI a XV kls de
jun.
70) Item. Lo testamen de dona Alamanda, molher de sen
Lobier, drapier, de Monpeylier, en loqual ordenet una capela-
nie, que se décanta aBotonet; loqual fes maistre EsteveTinel,
notari, Fan M GCC LI, a XXIX de setembre,
71) Item. La carta cossi los senhors obriers compreron dé
usatgis de mossen Gruzols, que pertocon a la dicha capelanie
de la dicha dona Alamanda ; fâcha per maistre Steve Tinel,
notari, Fan M CGC LUI, a XIIII de jun.
72) (F° 24, p**) Item. Una carta de compra de I possession
que es a Lendissargues en alon que pertoca a la capelanie de
messier Guilhem Glari, fâcha per maistre Berenguier Monti-
Ihar, notari. Fan M CGC L, a VII de abril.
73) Item. Lo testamen de dona Mirabels, filha de sen P. de
Pavars, e molher de sen Steve de Gandillargues, drapier, saj
entras. Fes lo testamen maistre Vivian de Pradas, notari. Fan
M CGC XXXV, scilicet ydus d'octombris [sic).
74) Item. Lo testamen de sen Bernât Engilbert, pebrier, de
Monpeylier, e ordenet una capelanie que se décanta a sant
Bertholmieu, per laquai capelanie layset X libr. annuals a
I capelan. Fes lo testamen maistre Gilbert Gentilh, notari,
Fan M CGC XLVIII, a VIII de may.
75) Item. III cartas, tant de compras de vinhas en alo, cant
de acaptes datz que pertocon a la capelanie de sen Johan Sal-
310 DIA.LBCTB8 ANCIENS
vajre, canabassier, laquai se décanta a la gleyza de sancta
Gros, per mossen Ësteve Somon, capelan.
76) (F** 25, p*) Item, Lo testamen fagh per maistre Jacme
de Ozilhan, notari de Monpellier, say entras, en loqual orde-
net una capelanie, laquai se décanta a la gleya de las donas
de Sant Gili de Monpeylier ; fagh per maistre P. Basset, notari.
Fan M CGC LVIII, a XV de juli.
77) Item. Ha de la dicha capelanie sen Jacme Guilhem,
drapier, say entras, que era adonquas obrier e clavari dels
bens que foron vendutz del digh maistre Jacme IIIC flor.
Aysi quant apar per carta fâcha per maistre Daude Gabriole,
notari, e es la nota en lo libre de la cadena cubert de post de
la dicha obra, Tan M Q>Q>Q> LXI, al derier jorn de octobre.
78) Item, Sen Jacme Guilhem, filh del sen Jacme Guilhem,
say entras, dona a mossen Johan Alazart, capelan de las
donas de sant Gili la dicha capelanie decantan per cascun an
XIII flor. Aysi quant apar per albara fagh de la sieua man.
79) Item. Lo testamen fagh per sen Andrieu Torcuelhas, pes- .
tre, en loqual ordenet una capelanie ; loqual testamen fes mes-
tre Peyre Bordon, notari. Tan M QQQ LXVI, del mes de
setembre ; loqual se décanta en la gleya de Nostra Dona de
Taulas de Monpeylier.
80) Item, La carta de la compra dels usatgis que son foras
lo portai de la Blanquarie, entre lo dig portai e'I portai del
Gaime {sic) fâcha per maistre Jacme de sant Johan, notari,
Tan M QGG LXXVI, a XXX de abril. Décanta la dicha cape-
lanie mossen Bernât Gosta.
81) Item, A hi una possession que es en franc alon («V) que
fon de sen G. de Glapiers, say entras.
(A continuer.}
FRAGMENT D'UNE ANTHOLOGIE PICARDE
fXin* sœclb)
Les derniers feuillets du ms. n* 236, de la bibliothèque de
TEcole de médecine de Montpellier, contiennent différentes
pièces, la plupart en vers, quelques-unes en prose rimee, qui
toutes appartiennent an dialecte picard.
Quoiqu'elles aient été transcrites au XV* siècle, il est aisé de
voir, à la pureté du style et à la correction granunaticale du
texte, qu'elles sont de la bonne époque, et qu'elles ont été
extraites d'un original écrit au XIII* siècle. EUes sont sans
nom d'auteur; mais on peut, en considérant le ton badin des
sujets traités, la versidcation et les formes dialectales, les rat-
tacher à l'école d'Arras, la grande école lyrique du nord de
la France : attribution d'autant plus plausible, que deux des
principales pièces de cette collection sont du fameux Adam de
la Halle^ sumonmié le Bochu (Adam le Bossu), qui fut, avec
son contemporain Bretel, le plus spirituel et le plus malin des
trouvères picards ; d'où son surnom, contre lequel, du reste, il
a protesté, craignant sans doute qu'on ne s'y méprît.
On m'appelle bochu, mais je ne le suis mie,
dit-il quelque part.
n n'est pas impossible que toute la collection soit de lui.
J'ai cru devoir la publier en entier, à cause de la qualité du
texte et de l'intérêt littéraire qui s'y rattache *.
n
En effet, il est difficile d'imaginer une versification plus
* V. Francisque Michel et Montmerqaô {Théâtre français au moyen
âge) ; Paulin Paris (Histoire littéraire, t. XXlIIj : L. Passy, [BibL de
Chartres, 4^ série, t. V); Paul. Meyer {Rapports à M. lefministrelde
l'instruction publique, !'• partie, MDGGCLXXI) ; Hersart de la Ville-
marqué {Archives des missions scientifiques et littéraires, t. VI, p. 114).
312 DIALECTES ANCIENS
variée et plus savante, plus de malice dans les proverbes et
plus de naturel dans un genre un peu faux ou sur le point de
devenir tel à force d'avoir été traité.
Qu'on lise entre autres les Souhaits du paysan, V Honneur et
l'Amour et les Peines de r amour; la première surtout, les
Souhaits du paysan, gracieuse fantaisie facilement traitée, et
qui semble échappée à la plume de Lafontaine.
On dirait une seconde édition — considérablement augmen-
tée — de ce passage souvent cité du fabuliste :
Chacun songe en veillant; il n'est rien de plus doux.
Une flatleuse erreur emporte alors les &mes ;
Tout lo bien du monde est à nous»
Tous les honneurs, toutes les femmes .
On m'élit roi, mon peuple m'aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident f(iit*il que je rentre en moi-même,
Je suis Gros-- Jean comme devant.
C'est bien Gros-Jean qui parle, en effet, un Gros-Jean de
Picardie, et qui, en vrai campagnard, positif jusque dans ses
rêves, ne néglige rien, et, tout en souhaitant ce qui peut lui
être agréable, demande aussi ce qui peut lui être utile, en ce
monde ou dans T autre. Il veut bien avoir une jolie femme,
une jeunesse éternelle, un fort château (on voit que les châ-
teaux en Picardie sont au moins aussi anciens que les châ-
teaux en Espagne), de l'argent à foison et, comme le Juif-
Errant de la légende, toujours cinq sous dans sa bourse.
Et je souhaite en ma bourse. V. sous,
Sans amenrir, tant en séusse ester ;
il veut avoir une table bien servie, a tous boires à talent »
— encore faut-il que le vin ne soit pas trop capiteux, « car li
fors vins si ne m'est mie bons » ; — mais il veut en même temps
être aussi sage que Salomon, se mettre bien avec tout le
monde, surtout avec Dieu: Je souhaite, dit-il dès l'abord.
Que tous 11 mons se venist à moi rendre,
En loialté, en bonne entention,
Et en la fin paradis éuisson .
FRAGMENTS d'uNE ANTHOLOGIE PICARDE 313
D'un peu plus, il dirait amen, et ferait le signe de la croix
pour sanctifier ses rêves et en mieux assurer la réalisation.
Dans r Honneur et l'Amour, vrai bijou de versification, la
femme aimée se résigne, non sans lutte, à tenir « éloigné de
son corps » celui qu'elle préfère. Sans doute Feffort est pé-
nible, mais elle doit mettre Thonneur au-dessus de Tamour,
« car », dit-elle avec un rare bonheur d'expression,
Car tant ne doit estre amée
Foelle con la flours.
On retrouve, dans les Peines d'amour et dans les autres
pièces, les mêmes qualités, quoique à des degrés divers, même
ton aisé et naturel, même finesse mêlée de sentiment. C'est de
la poésie de bonne compagnie. La passion, plus délicate que
vive, est toujours contenue dans son expression. Elle n'éclate
pas en transports brûlants et bruyants :
« Quand je vous vois, je suis ému, — [Tellement] que je
sens ma vigueur s'éteindre, — Que je ne puis nuls saints —
Dire à vous, ni faire semblant — Pour mon cœur couvrir. —
Mon corps commence à frémir, — Et la langue m'est liée, —
Aussi comme si féerie — Me venait autour. »
C'est bien là le poète du Nord, qui perd son aisance de main-
tien et sa facilité de parole, dès que la passion vraie le frappe.
Nous sommes loin des poètes du Midi, loin des Provençaux et
des Catalans, chez qui la passion déborde si vite en ardentes
métaphores, et que nous avons vus « récitant dans l'extase les
litanies de la bien-aimée^ »
III
Quelques-unes de ces pièces devaient être chantées, comme
l'indique la précaution prise par le copiste de laisser en blanc
l'espace destiné à la portée. D'autres, et parmi elles les
Souhaits du Paysan, ne pouvaient l'être, autant qu'on en peut
juger d'après le rhjthme de la pièce. Elle se compose, en eff'et,
' Analyse de l'ode de Balaguer, Al toniarla à véureVf par C. Ghaba-
noau, dans VEcho de la Dordogne, 19 décembre 1871.
21
314 DIALECTES ANCIENS
devers de six pieds avec un e muet toléré, mais non compté, à
la césure. Or on sait que ce vers, quand il devait être chanté,
n'admettait plus cette licence, propre au vers des chansons de
geste. Et même les nécessités du chant étaient telles, que Ve
muet de la césure comptait pour une syllabe dans les stro-
phes qui devaient être mises en musique.
Il est probable que toutes ou presque toutes se retrouvent
dans la collection Douce (n° 308), d'où M. H. de la Villemar-
qué a extrait une version des Souhaits du Paysan, version
bien inférieure à la nôtre et mal comprise du copiste, qui, étant
Lorrain, comme Ta justement remarqué M. P. Meyer, en a
souvent dénaturé le dialecte.
Deux autres pièces de notre collection figurent dans le
même ms. Douce. Ce sont celles qui commencent, Tune par
le vers
Pour coi se plaint d'amours nuis ?
et l'autre par le vers
Puisque je sui de ramourouse loi, etc.
Ce manuscrit les donne comme étant d'Adam de la Halle .
Cette publication, outre l'intérêt littéraire et philologique
qui s'y rattache, aura donc l'avantage de compléter les ma-
tériaux que devra réunir le futur éditeur des œuvres complè-
tes de la Pléiade d'Arras.
J'ai dit que ce texte appartient au dialecte picard. On s'en
aperçoit à première lecture. Il est conforme aux règles géné-
rales qu'a indiquées Fallot, et plus spécialement à celles du
sous-dialecte d'Aire, que M. Natalis de Wailly vient de con-
stater et d'expliquer avec son exactitude et sa sagacité habi-
tuelles *.
» Bibl de V Ecole des chartes, t. XXXII.
FRAGMENTS d'uNE ANTHOLOGIE PICARDE 315
EPIGRAMME
.II. Très-grans envies dire os:
Si sont de .n. kiens à .i. os,
Et de .n. povres à .i. huis.
Et de plus dire je ne ^ puis,
Ne plus grandes nuls hon ne vit,
Fors de .n femmes à
DICTONS SATIRIQUES RIMfiS
Cat durmant, molin coi taisant,
Prélat négligent, pule inobient,
Clerc conbatant, moine plaidant,
Nonnain embésée, beghine tariant.
Femme acointant, homme tenchant,
Trestous à Dieu les commant.
PROVERBE
Yiese guerre et vies malans
Et viese amours de pau renou vêlent.
LA MAL MARIÉE^
Je me doi bien dolouser.
Quant espouser
M'estuet mari,
A cuer mari.
Verrai gisant
.1. païsant.
En lieu d'ami.
Et prendre à mi
Soûlas c'amis.
Qui tout a mis
En bien aimer,
* Cf. une pièce presque semblable, pour le sujet et pour le rhythme,
p. 52, 53, 54, des Romances et pastourelles françaises de Bartsch.
316 DIALBCTËS ANCIHIMS
Doit sien clamer.
Lasse I L'avoir
N'en quier avoir
Conquis à tort,
Du vieillard tort,
Lait et hideus^.
Mal ait qui deus
Vrais amans pert I
Mais ains qu'en part,
Permi tous, tous
Ërt cous
DICTONS SATIRIQUES RIMES
Amours d enfant, acolée de chevalier,
Serment de marcheant, testamen d'usurier,
Pèlerinages de moine, croiserie de mesiaus,
Beghinages d'iver,miracles d'esté ,los de ménestrel,
Largheche de François, loiauté d'Englois,
Patienche d' Alemant, acointanche de Normant,
Pitié de Lombart, hardement de Picart,
Caasté de Bourghignon, sens de Breton,
Vins de barel, fus d'estrain et amours de nonnain.
Paient du jour à l'endemain.
SENTENCES
Quiconkes querke l'ame de lui à son enfant,
L'onneur de lui à se femme.
Le gouvrenement de sen ostel à sen prestre,
Et se porrée à se truie.
Aussi bien est gouvrenés li uns que li a[utre] *.
' Construisez : Lasse l n'en quier avoir, du vieillard tort, lait et hideus,
V avoir (les biens) conquis à tort (qu'il a mal acquis).
2 Un dicton analogue s'est conservé dans le patois picard :
Ch'ti qa'acoute e3s*femme et sin curé
Ne manqa'trat poent de pauverté .
[Glosê. picard db l'abbé Gorblet.)
FRAGMENTS D*UNB ANTHOLOGIE PICARDE 317
EPIGRAMMES
.VI. coses sont que je point n^aim,
Dur lit, mauvais vin, povre pain,
Fu de tourbes, dangier de vilain,
Et acointise de nonnain.
II
.VI. manières sont de mestier
Où nuls hom de legier sauver
Ne se puet : s'il est assavoir
Li usurier, li^couretier,
Offîcial et paagier.
Et advocat et amparlier.
III
, XI . coses tieng en memore
Que nuls hom ne doit croire
Lesqueles s'en sievent :
Femme pour plourer.
Ne kiens pour clopeter,
Ne nul keval pour s'ensuer.
Femme ne ribaut pour jurer.
Ne singesse pour papeter,
Ne le moine pour encliner.
Ne chevalier pour acoler.
Ne du keute le hurtement.
Ne d'un seul oel le clugnement.
Ne par lettres sainement,
[Ne] de beghine envolepement.
Ne du moine le vestement.
Le cuer du sage homme mouvoir
Ne doivent ches coses ci voir.
31S DIALBCTES AMCIEN8
LBS SOUHAITS DU PAYSAN *
Et je souhaide tous tamps avril et mai,
Et cascun mois tous fruis renouvelast,
Et tous jours fuissent flqurs de Us et de glaj,
Et violetes, roses u c'en alast,
Et bos fuellj, et verdes praeries,
Et tout ami eussent leur amies.
Et si s'amaissent de cuer certain et vrai
Cascuns éust son plaisir et cuer gay.
Et je souhaide le mort as mesdisans.
Si ke jamais nuls naistre ne péust,
Et s'il naissoit, qu'il fust si meskéans
Que iei ne bouche ne orelle n'éujst {sic),
C'a vrais amans il ne péustj rien nuire,
As bons loisist à lor voloir déduire
Partout fust pais, concorde et loiaultés.
Et de tous biens abondance et plentés.
* Le texte édité par M. H. de la Villemarqué est moins correct et
moins complet. On peut en dire autant de la pièce provençale publiée par
Raynouard et qu'il attribue à Pistoletta.
Les variantes ou les notes accompagnées de la lettre V sont extraites de
1 édition de M. H. de la Villemarqué.
[V.] Et je souhait toz tens avril et mai,
Et chacnDs moifl toz fruz renoveleet;
Tous tens éuxe rozea et flours de glayg,
Violettes, an kel leu c'ons alest,
Ll boix folUu, verde lai preerie,
Chascuna amans éust lei lui s'amie :
Si s'aimaxent de fin cuer et de vrai ;
Chascuns éust belle amie à cuer gay.
Et je souhait la mort as mesdizans,
Si que jamais nul estre n'an peust ;
Et, c'il l'estoit, qu'il fut si meachéans,
Ee eus, ne boche, ne oroiUes n'éust ;
A fins amors ne peuxent rien nuire ;
Ainz lour lalxet, en lonr voloir, déduire.
Partout fut fois, concorde et loialtels,
Et toz li mons fust à Deu aoordeis.
FRAGMENTS d'dNE ANTHOLOGIE PICARDE 319
^ Et je souhaide santé entièrement,
Si ke jamais n'eusse se bien non,.
Trente ans vesquisse et fuisse en ce jouvent,
En cel éage vesquisse à grant fiiisson,
S'éusse assés or et argent u prendre,
Et tous li mons se venist à moi rendre
En loialté, en boine entention,
Et en la fin paradis ëuisson.
* Et je souhaide en ma bourse .v. sous,
Sans amenrir^ tant en séusse ester,
Et tous jours mais vesquisse sains et sans,
Et tantost fuisse là u • vaurroie aler,
Et toutes gens de bon cuer,|^sans faintise,
[Si] me fesissent joie, honneur et servise*,
Devises fuisse de membres et de cors.
Plus biaus c' autre hon •, sages, hardis et fors.
Et je soushaide cent" mile mars d'argent ',
Et autretant de fin or et de rons,
S' eusse assés et a vaine et fourment.
Et bues et vakes, ouelles et moutons.
Et cascun jour .c. livres à despendre.
Et tel castel qui me péust deffendre,
* Cette strophe ne se trouve pas dans la ¥61*8100 de M. de la Ville-
marqué.
t Môme observation que pour la strophe précédente.
^ Ms. lauje.
* Ms. servisse.
B Ms. autres hons,
« Ms œrU,.
t [V.] Bt je souhait cent mille mars d'argent
Et autretant de fin or et de rons ;
S'enxe asseis avoines et fromans,
Bnet et yaiche, tairte et chair et poxons ;
Bt teil chaistel qni me péust deffendre ;
B'euze asseiz or et argent où prendre,
Si que nuns hons ne me péust greveir.
Fors i corrut d'iawe douce et de meir .
320 DIALECTES A14CIENS
Si que nus hom ne me péust grever,
Pors y courust d'iare douche et de mer.
Et je soushaide tous boires à talent S
Et blanches napes, char et tarte et poissons,
Pertris, plouviers, widecos ensement,
Anguille en rost, lus, troites, esturjons,
Et jone damegtrès-bele à desmesure,
Simplete au mont*, baude sous* cou vreture,
Plaisant assés, taillie par compas ;
Se Fuel li clugne* faiche un ris amouras.
^ Et je soushaide autretant de boin sens
Et de mesure c'onkes eut Salemons,
Et si fesisse mes fais legierement,
Preus et loyauls, et de tous boins renons,
Sages, courtois, pourmetans sans atendre,
Et tant donner que boin vaurroient prendre.
Et [si] fesisse au mont tous leur degras,
Ne s'en plainsist chevaliers ne jonglas.
Et je soushaide frès frommage et civos *,
i [Y.} "Bit je sonhait ton boivres par talent,
Blanches naipes, toirte et chair et pozons,
Perdrix, plongés, traites et col yolans,
Angnille en rost, et las et atarjons,
Et belle dame taillié à desmesare,
Simplette amont, bandes sons coyertnre,
Belle et bien faite, et taillié par compas,
Kant l'oil li glie, fait an ris amoras.
2 M. H. de la Villemarqué n'a pas compris ce vers, qu'il traduit par
t simplette, grande, gaie sous couverture. » Le sens est celui-ci: « Simple
devant le monde, gaillarde entre deux draps, d
^ [V.] Glie. brille. — Clugne est synonyme de digne : a Si elle cligne de
l'œil, que ce soit pour faire un ris amoureux. :»
* Cette strophe manque dans l'édition de M. de la Villemarqué.
•* [ V . ] Et je Bohait frez fromaige et si volz,
Tairte an porcelz, lait boilllt et marons ;
Q-odelle éoxe, et servoixe an déport.
Car li fois vins se ne m'est mie boins ;
FRAGMENTS d'uNB ANTHOLOGIE PICARDE 321
Tarte à poret, lait bouly et matons,
Cervoise éuisse et'goudale en .11. pos,
Car li fors vins si ne m'est mie bons *,
Et blankes cauches, souillé à fors semele,
Et tous jours mais me durast ma cotele ;
Tel pelé éuisse quejja ne mefausist,
Nefmes courtieus jamais ne desclosist.
l'honneur et l'amour
Qui de .n. biens'Je millour
Laist, encontre sa pensée,
Et prent pour li le piour
Bien croi que c'estîesp[ro]vée*
Très-haute folour.
Cause ai d'avoir mon penser
A ce que serve ai esté
Ai et sui de vrai ami
Sage, courtois, bien secré,
G[ou]vrené par meure té,
Et gentil, preu et hardi.
Et qui sur tous a m' amour.
Dont sui souvent eno[rée]
D' autrui amer, sans secour.
Mais pour mon mieuls sui donnée.
S'en ferai demour.
Lasse I il m'est trop mal tourné
A dolour et à grieté
Blanche chance, soleis et fors semelle ;
Et tout adès me durest ma ootelle ;
Bêche énxet ke jà ne me f azit,
Ne mes keurtis nolz jor ne declozit.
' L'auteur doit être du Nord. Ce n'est pas un HéridioDal, ni surtout un
Périgourdin, qui aurait sacrifié le « fort vin » à la cervoise et à ce qu'il
appelle c goudale. »
3 Le couteau du relieur a retranché deux ou trois lettres.
3»
DIALECTES ANCIENS
Quant je ai si mal parti
Qu'il me faut cont[re] mon gré,
Par droite nécessité,
De corps eslongier cheli
A qui m'otroi sans folour,
Et sans estre a...voée
De coer ; mais c'est vains labours,
Car tant ne doit estre amée
Foelle con la flours.
Or m'ont amours assené ;
Mais, si c'a leur volenté.
Est mieuls qu'il n'affier à mi.
Tous jours doi av[oir] fondé
Mon désir sur loiaulté,
En espoir d'amour garni.
Car tout passe de valour
Chus dont s[ui en]amourée ?
D'un si gratieux retour.
Sage doi estre avisée,
Se j'ai chier m'onnour.
ENIGMES AMOUREUSES
Qu'est en amours grans courtoisie,
Quant au départir n'est que rires?
Qui fait as fins amans joïr
De che de coi ont grand désir?
Qui fait amours lonc tamps durer
Et enforchier et embraser ?
Du castel d'amours vous demanch
Le premier fondement.
Après nommés le maistre mur
Qui plus le fait fort et séur.
Bel escon-
duit.
Bel parler et
douchement.
Courtoisie .
Amer
loialment.
Cheler
sagement.
PRi^GMENTS d'une A.NTHOLOGIB PICARDE
23
}
Dite^-moi qui sont li crestel
Les sajetes et 11 quarrel.
Je vous demanc qui est li clés
Qui la porte puet deffremer.
Nommés la sale et le manoir
U on puet premiers joie avoir.
PASTOURELLE
L'autre jour juer alai
Dalès un bosket foellj.
Noble dame illoec trouvai :
Dalès li ot son ami.
Elle dist, que bien Voj :
« T'as esté moult avoec moi,
» Ne fesis ne che ne coi.
» Donc je di chose (sic) chertaine
)) Malavisés a trop paine.»
Chus respondi sans délai
Ches mos que bien entendi :
« Douche dame, je n'osai,
» En vérité le vous di,
» A vous faire nul anoi.
)) Mais je vol bien, par ma foi,
» S'éusce fait che que doi *,
» N'éusciés dit de semaine :
» Malavisés [a trop paine.] ' »
a Che meffait te pardonrai, x>
Dist-elle, « mais je te pri,
» Fai donc che je dirai,
)) Et saches, il est ensi.
Rewarder
en
atemprant.
Priier
sagement.
iAccuellir
douchement.
^ M s. que je doi.
* Ms et cetera.
3S4 DIALBGTBS ANCIENS
1) Puis que dame a son ami,
d Elle en veut avoir d'anno^.
» Je ne le dis pas pour moi.
» Anchois est raisons souvraine
» Malavisés * ait trop paine. »
\
CHS SONT PARTURBS D AMOUREUS JUS
OÙ est en amours mère et nouriche,
Quant plus est noble, plus est niche ?
Amis, amans qui aimme haut,
Quel cose es-ce que miex li vaut,
Et au plus grant besoing 11 faut ?
Di moi d'amours le dart vilain
Quant plus me ôert et je plus Faim,
Quant plus me âert vilainement
Plus l'endure legierement.
Quels est li signes par dehors
Qui plus monstre Tamour du cors.
Et s'est li signes si appers
Que il ne puet estre couvers ?
Vous avés une dame lonc tamps amée u on-
ques ne peustes merchi trouver. Une autre dame
vous prie : que ferés-vous? l'amerez-vous, u vous
servirez cheli que avés servie ?
Il est uns bons qui aime loialment, et tant a vers
se dame desservi que elle li consent une nuit à
jesir avoeckes li, et n'i ara que baisiers et accolers.
Li quels fait plus li uns pour l'autre?
Vous avés une amie hors du païs. Lequel ame-
riés-vous miex, quant vous li iriés veir, k'elle fust
morte, u k'elle eust folliiet à .1. seul homme, de coi
elle fust repentant ?
Cb'est
esperanche
Cb'est
bien
parlers.
Cb'est faus
samblans.
Ch'estmuer
couleur.
Vous
Lperservirez.
Li femme.
Qu'elle
eust
méfait .
' Ms- que mcUavisés,
FRAGMENTS D^UjSë AJSXHOLOaiE l>ICAftDE 385
Je vous demande.
Se Tamie prent son amant,
Se si mal vont point decaiant.
Se vous amies dame u demisele, et vous senties
que jà n'i deussiés merchi trouver, vaurriés-vous
que vos compains en goïst?
Liquele est mieuls assenée, u chelle qui aimme
ami hardi, u chelle qui Ta cremetant, doutant et
amourous?
Quelle est la signourie que amours puet avoir,
sans sentir, sans penser, sans espoir et sans joie?
De coi puet plus grant pourfis venir en amours
maintenir?
Qu'est en amours grans courtoisie
Plus pourfitable et mains prisie ?
Par quel samblant et par quel cose,
Puet miex sage dame esprouver.
Se chis qui li prie d'amer,
L'aimme de cuer u [bien] de bouche* ?
Oil.
Nenil .
CheUe
qui Ta
hardi.
Ch'est
uns dous
regars.
Bien
chelers.
\ Ch'es (sic)
uns
baisiers.
}
)
Par
[ dangier.
GRANDS CHANTS
Peines d'amour
3 [P]ourcoi se plaint d'amours nuls
Mais amours se déust plaindre.
Car elle rent assés plus
* Pour que bouche rimât avec cose, il fallait prononcer, ou couse et
bouche, ou cose et boche.
* On a laissé dans le ms. quatre lignes en blanc, pour y placer les notes
de musique.
3 Cette^chanson se trouve dans le ms. Douce, série des Grans Chans>
Elle est indiquée comme étant d'Adam le Bossu. (V. P. Meyor, ouvrage
cité, p 215, Lxv.)
326 DULBCTES Â14CISN8
G*on ne puist par sens ataindre,
Ne par bel servir.
Or veut-on, sans desservir,
Recouvrer joie et amie.
Et qui ne Ta, lues qu*il prie,
Si mesdist d'amours
Et de celé u onkes jour
Ne trouva fors courtoisie.
Ja qui [ne sara rechus] *,
Comment c'en le puist destraindre,
N'ert de servir recréus ;
Ains ert toudis en lui graindre
Fors dusc' au morir.
N'il ne Tosera jehir,
Et s'il avient qu'il li die,
Et sa dame Fescondie,
Cuer ara millour
D'endurer mieuls la dolour.
Et mieuls li plaira la vie*.
[D]e chiaus qui sont au-dessus
Voit-on plus d'amours remaindre,
Et mètre le mestier jus,
Que de cens c' amours fait teindre
Et assés soufrir?
Gascuns cache son désir,
Qui a besongne d'aïe.
Pour çou doit estre saisie
Dame de s'onnour:
Car qui fait de serf ' signour
Ses anemis mouteplie.
^ Ms. Ja qui sera loyatUs.
^fAs.lavit.
8 Ms sers.
FRAGMENTS D*UNE ANTHOLOGIE PICARDE 327
[G]raiis cuers, gentis, esléus
Pour toute valour ataindre,
Cors sagement maintenus
Pour mesdisans faire fraindre,
Regars pour ouvrir,
Cors pour cuers devens ravir,
Sage, humle et ben ensaignie,
Il n'est nuls qui pensast mie
Envers vous folour.
Cas cascuns de vo valour
S'abaubist et humelie.
[Q]uant je vous voi, si sui mus
Que ma vigour senc estaindre,
Si que ne puis nuls salus
Dire à vous, ne sanlant faindre
Pour men cuer couvrir.
Mes cors commenche à frémir ^,
Et li lange m'est loie,
Aussi com se faerie
Me venist entour.
Et quant sui mis u retour.
Li reveoirs me tarie.
BMVOI
[Cjançons faiteMe m'ammie
Tant coie sois • par douchour
S'on t'en cache, fai un tour.
Si va à l'autre partie.
» Dans le ms., la dernière lettre de frémir est grattée.
* Ms. soies.
328 DIALBGTE8 AMGIBNS
l'amour est comme le feu^
•[P]uisque je sui de Tamourouse Joi,
Bien doi amours en cantant essauchier.
Encore y a milleur raison pour coi
Je doi canter d'amourous desirier,
Car sans manechier
Sui el cors trais et férus
D'uns • vairs iex, ses et agus,
Rians por miels assener.
A che ne puet contrester
Haubers ni escus.
[J]e ne sui pas pour tel cop en effiroi,
Ne je n'en quier jamais assouaigier,
Car se li mauls amenuisoit en moi,
Il converroit Famour amenuisier.
Car, au droit jugier,
Amours est comme li fus :
Car de près le sent on plus,
C'en ne face à Tesquier
Et, qui ne se veut brûler,
Si se traie en sus.
Se je veul donc à droit amer, je doi
Chou qui me fait embraser aprochier.
Mais que je garde envers ma dame foi,
Si com je fai, si me veuille elle aidier.
Je Fcrieng courecMer ;
Mais ains ne fu[st si] repus ^
Ses cuers vers moi, ne si mus,
^ Quatre lignes laissées en blanc dans le ms., au-dessus des vers du
premier couplet.
' Cette pièce fait également partie de la série des Grans Chans. Elle est
aussi d'Adam le Bossu. (V. P. Meyer, ouvrage cité, p. 2t4, xxii.)
3 On a écrit dous au-dessus de ces deux mots.
^ Dissimulé, de repasUus.
PRA^OMENTS D*mB ANT^flOLOaiB PICARDE 329
Tant moi scé[ust] refuser,
Que par sen douch esgarder,
Ne me sanllast jus *•
Ch'est li raisons pour coi je ne reoroi
De li anter et de merchi proïer.
Quant sa bouche m'en cache, et je le voi,
Au départir me convient repairier.
s
Et loes que je suis venus,
Elle me dist : Levés sus !
Ains que je puisse parler,
N'il ne me loist excuser,
Tant sui esperdus.
Hé ! flours du siècle ', u mes travaux emploi,
Amoureuse pour cuer esleechier,
Boine dame, sage, de maintien coi.
Exemples biaus, sages pour castier,
Assés decachier
Me poés. Je sui venchus,
Et du tout à vous rendus
Pour tel raenchon donner
Que vous sarés deviser,
Plus avant que nuls.
ENVOI
Or, soit u non retenus
Mes cans, il Testent râler
Là dont il mut au trouver :
Teuls en est mes us .
* JtiS pour just « justum.
^ Il manque ua vers.
8 Le copiste avait a*abord figuré h au lieu de {. Tout en écrivant, il
s'est aperçu de son erreur, et a mis e final très-près de l, de manière â
cacher le second jambage de /i; mais il a négligé d'en grotter la partie
inférieurfr^ de sorte qu'on est tonte d'abord de lire sieche au lieu de siècle.
22
930 DIALECTES ANCIENS
DICTONS SATIRIQUES LATINS *
[ ] principum inter duodecim abusiones claustri enu-
merat istam Hugo de Falleto [sic) li .n. de claustro quibus
tota religionis maxa corrumpitur : Prelatus negligens, Dissi-
pulus inobediens, Juvenis ottiosus, Senex obstinatus, Monacus
carialis, Monacus causidicus, Habîtus preciosus, Cibus exqui-
situs, Rumor in claustro, Lis in capitule, Dissolucio in cor[de],
Irreverentia contra altare.
GLOSSAIRE
AcoiNTANT (femme). ^ Femme qui recherche la rencontre des
hommes (p. 315). D'ordinaire, acoinier est réfléchi. Comparez taisant
pour^e taisant.
Amouras, adj. m. s.— Amoureux (p. 320). La terminaison a été
modifiée pour le besoin de la rime. V. Jonglas, M. Nat. de Wailly
cite une forme picarde qui se rapproche de celle-ci : amourè^ variante
de amoureus.
As, article au dat. pluriel, jamais aux.
Assenée (Liquele est mieuls?) — Laquelle esi la mieux partagée?
(p. 325) Litt.: assignée.
Barel (vins de). — Baril (p. 316). Le glossaire, écrit de la même
main, qui se trouve dans ce même ms., donne le lat. cadus comme
traduction de barel,
Baude, adj. fém. s. — Gaillarde (p. 320). Du lat. validus, a, um.
Burguy dérive ce mot du goth. baltha.
Boires, obi. m. pi. — Boissons.
Et je soushaide tous boires à talent (p. 32u).
C'est-à-dire je souhaite avoir à ma disposition toutes sortes de
boissons .
C , pour que :
Et prendre à mi
Soûlas c' amis (. . .que) (p. 315).
' On lit au bas de la page, écrit de la même main, ce fragment latin,
qui n*est guère qu'une variante des Dictons satiriques rimes. (V. p 315.)
FIULGMBNTS d'UNB ANTHOLOGIR PICA^ROB »l
CettB élision n^a lieu que dev&nt les voyelles qui laissent au e le
son dur. Y. Nat de Waîlly, Charles dAire.
Cas. Les règles de la déclinaison sont bien observées, sauf dans
les Dictons satiriques rimes et dans les réponses aux Énigmes
amoureuses.
Chus, synonjrme de chii. Ni Burguy ni M. Nat. de Wailly, ne
donnent cette forme.
Givos (frès frommage et). — Nourrissant (p. 320). Suppose le
b. L*cibasus.
Glopeter. — Boiter (?) (p. 317). Forme à rapprocher de doper,
clopiner (v.fr.), éeloper. Du bas latin cfoppt», boiteux, que Ménage
et Diez dérivent de j^iakoitwç, boiteux du pied, et M. Grandgagnage
du hollandais kruipen, kroop, ramper, et que d'autres rapprochent
de Taliemand klopfen, heurter, battre. (V. Littré, au mot Clopin*
clopanl.
Les étymologîes hollandaise et germanique tombent devant ce
fait, que cloppus est donné comme synonyme de j^nakhç (ou de
Xopc^bç), dans les 'E|;ptï3V6ÛpaTa de Julius Pollux, et qu'il doit être
dès lors considéré comme appartenant à la langue familière des
Romains du ii* siècle ap. J.-G., et non plus seulement comme un
mot barbare latinisé par les scribes du moyen âge. V. NoHce des
manuscrits j t. XXIII, 2« partie (p. 457).
Glugne, 3« p. s. ind. p. — Gligne (p. 320).
Glugnement, obi. m. s. — Glignemeut (p. 317).
Gremetant, obi. m. s. — Graintif (p. 325). Burguy ne donne pas
cette forme.
Degras, obi. m. pi.
Et si fesisse au mont tous leur degras.
Ne s'en plainsist chevaliers ne jouglas (p. 320).
« Et que je fisse au monde (c'est-à-dire aux autres hommes) tout
ce qui leur agrée (*), de telle sorte que nul ne s'en plaignît, ni che-
valiers ni jongleur. »
Burguy, t. ni, donne de ce mot une explication qui me paraît
inadmissible. « Degras. Faire ses degras signifiait se décharger le
ventre, et la basse latinité rendait cette expression par degravare,
Degras, de degravare, a donc le sens de décharge, d'où iig. cra-
pule, bombance. . . Laissant degravare de côté, on pourrait dériver
degras de crassus, et l'on aurait l'idée primitive de dégrossir, dé-
graisser, enlever l'ordure. »
33S DULBCTB8 ANGIBNS
Dêgras ne vient point de degravare, qni a formé et ne pouvait for-
mer que dégrever; ni de gravatus^ qui a formé gravats. On le ratta-
cherait mieux, au point de vue de la filiation phonétique, à crassus,
qui a formé gras ; mais on ne voit guère que le sens y prête. Car
c'est bien gratuitement que Burguy traduit faire ses degras par se
décharger le ventre, et tout aussi gratuitement qu'il en tire le sens
de bombance,
M. Jjittré semble avoir adopté la seconde conjecture de Burguy;
il dérive degras de crassus, et le donne comme synonyme de dé"
gras^ graisse exprimée des peaux (terme de chamoiserie). Mais
l'exemple sur lequel il s'appuie ne parait pas plus concluant que
ceux auxquels renvoie Burguy. On peuc en juger par les citations
suivantes :
Mais qui vieit se vie enlacier.
Et de toutes pars embracier,
Fox est s'il ne laist ses degras.
Vers sur la mortf publiés par Méon.
( Cité par Burguy, t. u, p. 87.)
Avoi ! sire Tyûert li chaz,
Por ce s'ore avez vos degraz,
Et se vostre pance est or plaine,
Ne durra mie la semaine
Gist orgoulz que vos ore avez .
Renard y x, 20568 (Littré, Dictionnaii^e.)
M. Littré traduit le second vers ainsi : « Si vous satisfaites votre
gourmandise, » Probablement Burguy traduirait le degras du pre-
mier exemple par bombances. Ces deux traductions s^éloignent peu
l'une de l'autre et présentent un sens satisfaisant, quoiqu'on ne
comprenne guère comment M. Littré puisse rattacher l'idée de
» satisfaire sa gourmandise » à celle de « dégraisser, exprimer la
i^raisse des peaux. » Mais, si elles suffisent pour rendre compte des
deux passages cités, en est-il de même pour le vers de notre chan-
son ? On peut en douter.
Je conjecturerais plutôt que degras^ ou mieux degraz (z-ts), est
composé do de, augmentatif et non dépréciatif, et de grains, obi.
pluriel * degraios. Cf. un mot de formation analogue, deplainz {de-
planclus), Chanson de saint Alexis, str. 21, v. 5.
On pourrait faire observer que, gratus ayant formé gret et regrez
en V. français, *degratus aurait de même donné degrez et non de-
FRAGMENTS D'tJNB ANTHOIOOIB PICARDE 333
graz. Je ne méconnais pas la portée de cette objection; cependant
elle n'est pas décisive, puisque on trouve les deux formes az et ez
employées simultanément pour lo même mot : raz et rez.
Je traduirais degraz par « choses qui font grand plaisir », sens
qui s'ajuste également aux trois passages cités, et qui se dérive
sans difficulté du primitif latin supposé, de-grcUus. Et j'ajouterai
une dernière observatiou : c'est que la forme degraz par un z, que
donne le Roman du Renard^ ne peut se rattacher à de-crassuSy dont
les deux consonnes finales ss n'ont jamais produit Zy lettre qui,
dans le vrai français, correspond toujours à la dentale accom-
pagnée de la sifflante.
Devises, n. m. s. — Bien proportionné :
Devises fuisse de membres et de cors (p. 319j.
E. — La métathèse de Ve muet a lieu fréquemment quand il s'ap-
puie sur IV: gouvrenementy couvreture.
Ebibeséb (nonnain). — Nonne délurée (p. 315). Ce mot est syno-
nyme deenveiseVy envoiser. L*invitiare,ûényédevitiare.CÎ. Vitiare
virginem^ dans les comiques latins. De là le mot baiser, avec le sens
péjoratif que lui donne souvent le langage populaire. Quant à baiser y
synonyme de osculariy il est) comme on le sait, dérivé de basiare.
M. littré n'indique ni ce double sens, ni les deux étymologies qui
y correspondent. Le patois de la Saintonge a baiser et biser. Mais,
chose curieuse, le premier, qui dérive de basiare, a le sens de ri-
liarey et le second, qui dérive deviliare, a le sens de basiare.
Ensuer (s'). — Suer (p. 317). Forme que je n'ai vue citée nulle
part. On ait suer, et non se suer. Mais on sait que dans le vieux
français les verbes neutres s'employaient souvent comme verbes'
réfléchis .
EsPROvÉE (p. 321). — Prouvée.
Bien croi que c'est esprovée
Très haute folour.
Litt. « Je crois bien que c'est une très-haute folie parfaitement
prouvée. » Ce qu'il y a de particulier dans cette expression, c'est l'em-
ploi qui est fait de esprové comme attribut d'une qualité mauvaise.
On sait qu'aujourd'hui éprouvé ne peut be prendre qu'en bonne part :
a des hommes éprouvés y une vertu éprouvée, »
Grans, Grandes. — Remarquez l'emploi des deux formes grans
et grandes pour le féminin, et cela dans la même pièce.
334 DULBGTBS AMCIBNS
Grans est employé avec un nom à terminaison féminine :
« II. Trës-grans envies dire os », de sorte qu'il n'y a pas de doute
possible sur le genre de l'adjectif. Dans le second cas, au contraire,
l'auteur a mis grandes, parce que seul, et avec la forme commune
aux deux genres, cet adjectif aurait laissé le lecteur dans l'embarras:
Ne plus grandes nuls bon ne vit (p. 315).
I. — L't, dans ce texte, comme dans ceux de la même époque,
sert souvent à indiquer que la voyelle ou la diphtbongue précédente
se prononce avec le son clair. C'est le rôle opposé à celui de ïe
muet, qui allongeait et allonge encore la voyelle ou la dipbthongue
qu'il suit : ennemie, joue. Il faut donc prononcer fussent, amassent,
vécusse, fusse, fâche, etc., et non, comme nous voyons écrit '..fuissent,
amaissent, vesquisse, fuisse, faiche. Ce qui le prouve, c'est qu'on
trouve pour quelques-uns de ces mots les deux formes avec ou sans
• : eusse, éuisson. (V., pour ces particularités et d'autres analogues,
le Mémoire déjà cité de M. N. de Wailly.)
Inobient, obi. m. s. — Dé.sobéissant (p. 315).
JouGLAs, n. s. m., pour jouglerr es. Licence de versification. Cf.
plus haut amouras pour amourous .
On remarque une particularité analogue dans la Passion du Christ
en dialecte franco- vénitien : rabas, pour robas, pour roberres :
Fuant s'en vont au si corne ràbas.
Revue des lang. rom,, 2« livr., 1870, v. 148.
Lus, obi. pi. — Brochets (p. 320). Lat.,/Mciw5; en picard du
XV« siècle, lue : brochet. « Le 10 février 1463, il fut résolu de faire
présent au comte de Charolais de six lues. » (Archiv. d'Amiens.)
Gloss. picard de l'abbé Corblet.
Malans, n. m. s. — Ulcère (p. 315).
Ce mot est resté dans les patois du nord et du midi de la France.
— Malan de Dieu ! cridè tout d'uno.
Se l'avèn basso, la fourtuno,
Vuei aprenès de iéu que pourtan lou cor aut !
Mirèio, chant vu.
Papeter. — Faire comme les enfants qui mangent de la bouil-
lie (p. 317)? Cf. Papeter (se), se délecter en mangeant un bon mor-
ceau.
Gloss. picard de l'abbé Corblet.
FRAGMENTS d'uNB ANTHOLOGIE PICARDE 335
PoRET (tarte à). — Tarte aux poires, à la marmelade de poires
(p. 321).
QuERKB, 3* p. S. ind. pr. — Charge, confie :
Quiconkes querke Tame de lui à son enfant (p. 316).
Aujourd'hui nous disons :« Charger quelqu'un de quelque chose »,
et non « charger quelque chose à quelqu*un. » V., ap. Liltré, Phisto-
rique du mot charger,
Rbnouvelent, 3« p. pi. ind., employé avec le sens neutre « pa-
raître de nouveau» (p. 315).
Cf. Quant la sesons renouvelé
D'avril, que marz est passez
Raoul de Biauves, ap. Bartsch, Romances et pastourelles françaises
(p. 264).
RoNs, obi. pi. — Pièce de monnaie (p. 319).
Taisant, synonyme de se taisant :
Cat durmant, molin coi taisant (p. 315).
Tenchant (honme). — Homme qui gronde (p. 315).
Cf. le dicton picard :
Biaux chires leups, n'écoutez mie
Mère tenchent chen fieux qui crie.
La fontaine, 1. iv, f. xvi.
m
U, au ;
Et quant sui mis u retour,
Li reveoirs me tarie (p. 327).
Uns ieXy obi. m. pi. — Une paire d'yeux (p. 328). Emploi remar-
quable de un au pluriel. Cf. Unes forces^ une paire de tenailles.
Sui el cors trais et férus
1/uns vairs iex ses et agus.
ViBSE (2 lois) pour vieille (p. 315). Dérivé par fausse analogie du
masculin vies.
Vies est pour ves ou mieux vez, de velus. Le plus ancien exemple
qu'on en connaisse appartient au ms. n® 3 du Grand Séminaire
d'Autun, daté de 754, où j'ai eu occasion de le remarquer lors d'une
récente excursion dans cette ville. Il figure dans un de ces brefs
commentaires que l'on insérait assez souvent à la suite des évan-
i
336 DIALB0TE8 ANCIBM8
giles (P* 24, v«) : « Ârbor maia ves homo, arbor b.ona anima spiritalis.
— Le mauvais arbro est le vieil bomme (rbomme du pécbé), le bon
arbre est Tàme qui vit de la vie de l'esprit. »
WiDEcos, obi. m. pi. — Bécasses (p. 320). Cf. Videcoq, Bécasse,
dans le Gtoss. picard de l'abbé Gorblet.
A. Boucherie.
ÂDgouléme, le 20 septembre 1872.
ACTE DE FONDATION DE LA CONFBÈRIE DU SAINT-SACREMENT
érigée en Téglise Saint-Mar tin-de-Biizet, en mm 1344
Cet aete, que nous livrons aujourd'hui à la curiosité des ro-
manisants, a été découvert par nous à la seconde page du
prunier registre contenant les actes de cette confrérie et les
noms et prénoms de ses membres. Ainsi que tout le corps du
registre, il est en parfait état de conservation, écrit «ur pa-
pier, en ronde ( cursive du commencement du XVII' siècle),
sans surcharges, ratures et abréviations. Mais ce n'est point
Foriginal lui-même, ce n'est qu'une copie faite et coUationnée
en présence et par-devant M® Crouzet, notaire royal, le 6 dé-
cembre 1636, qui en certiâe la parfaite exactitude, ainsi qu'il
appert de l'acte qui précède et suit la copie de l'acte de fon-
dation.
Nous avons donc tout lieu de penser que cette copie repro-
duit âdèlement le texte original, qu'il nous a été impossible,
malgré toutes nos recherches, de découvrir ni de savoir ce
qu'il avait pu devenir, et que nous supposons avoir disparu,
ainai que tant d'autres précieux manuscrits concernant notre
histoire locale, pendant la tourmente révolutionnaire de 1789.
A part la certitude de ûdélité dans la transcription que
nous donne l'acte notarié, signé Crouzet, nous nous sommes
convaincu, en le comparant avec d'autres documents en
notre possession, datant de i235, 1243, 1390, 1412 et 1438,
que c'est bien véritablement le langage parlé à Buzet, au
XIV* siècle, et non celui de l'époque où on l'a recopié (1636;.
On j trouve, en eflfet, non-seulement les formes grammati-
cales, les tournures de phrase, etc., mais encore les mots
usités, l'orthographe, etc., de ce siècle. 11 ne diffère des ma-
nuscrits de ce temps qu'en une seule chose, la ponctuation et
l'accentuation ; mais nous devons supposer que ces points et
ces accents ont été inséras dans le texte par le notaire, qui
crut rendre ainsi la forme plus correcte.
338 DIALBCTB8 ANCIENS
Quant aux motifs qui ont pu engager la population de Bu-
zet à créer cette confrérie, nous ne pouvons former là-dessus
que des conjectures, ne possédant aucun document qui nous
puisse sûrement renseigner ; il est vrai que ces conjectures
offrent un tel degré de vraisemblance, qu'elles pourraient, à la
rigueur, équivaloir à une certitude complète. En effet, avant
et à Fépoque où cette confrérie fut organisée, une violente
hérésie avait troublé TEglise : au IX*' siècle, Jean Scot, sur-
nommé Erigena (Irlandais) ; au XP, Berenger ; au XIP, Pierre
de Bru js et Henri, son disciple ; et enûn, au XIV*, Wiclef,
avaient nié et niaient ouvertement la présence réelle de Jésus-
Christ dans TEucharistie. A la même époque (XIV® siècle),
un théologien, Jean de Paris, dominicain, prétendait que
TEucharistie ne renferme point le corps de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, en tant que né de la vierge Marie, mais que
ce corps, dans TEucharistie, est le pain lui-même hyposta-
tiquement uni au Verbe : « Non immédiate quidem, sed mediante
came Christi » ; d'où il suivrait que Ton n'honorerait pas le
corps formé du sang de la Sainte Vierge, mais simplement un
corps dont la matière serait de pain.
De plus, l'histoire nous apprend que le règne de Philippe VI
(1328 à 1350) fut rempli de guerres perpétuelles, de pestes, de
famines, de fléaux de toute espèce.
Fut-ce par dévotion, et pour que le Ciel daignât mettre fin
à ces calamités publiques, que les Buzetiens se mirent sous la
protection spéciale et immédiate de Jésus et de Marie, en
instituant la confrérie ? Ou bien instituèrent-ils cette confrérie
pour venger, par une éclatante protestation, l'injure faite au
Christ et à sa Sainte Mère, par les assertions sacrilèges des
Scot, des Wiclef, des Berenger, etc.; pour donner un public
démenti à ces hérésiarques et faire acte d'adhésion aux en-
seignements inerrables de la chaire de saint Pierre ?
Nous pensons que cette dernière hypothèse est la plus
plausible et que c'est celle qui se rapproche le plus de la
vérité, si ce n'est la vérité elle-même.
Quoi qu'il en soit, la confrérie ainsi formée s'était mainte-
CX)NFRSRIE DU SÂIKT-SACREMENT 339
nue jusqu'à la première Révolution, ainsi que le témoignent
les registres. Plus tard, elle a repris le cours momentanément
interrompu de son existence, avec Tautorisation de M. de
Cambon, vicaire général du diocèse de Toulouse, le siège
vacant, en date du 10 mai 1818, et elle continue de subsister
encore, mais hélas ! non point avec son ancien éclat, pour
des causes qu'il ne ne nous appartient pas de rechercher ni
de désigner ici. Barbe,
de Buzet (Haute-Garonne).
In nomine patris et filii et spiritus sancti, amen.
Oum nos autres nos siam ajssi adiustatz a honor de dieu
Jésus Christ et de la verges Maria per seruir a hondrar la
sagrada verges Maria et ediffîcar vna confrairia del verai
corps de nostre senhor dieu Jesu Christ en la gléjsa .de mos-
senhe sanct Marty de Buset et non en preiudici del sanct paire
appostolj, nj de cardinal, ny de prélat, ny de Rey, ny de
degun homme de religiou. Mas tant solamen per lo veray
corps de dieu seruir, et honorar et la verges Maria. Et diseu
nosdictz confraires et juran sus los quatre sanctz euangelis a
esser en cert nombre entro et non plus cent en pena del se-
gramen dessusdict. Et volen losdictz confraires que en aquesta
confrairia Intre hom am très dinies tols. de Intradas se re
plus non ly plasia de donar et si era cas que non ly agradés
que sen volgués salhir que pague autres très dinies de yssida
as ops de la lumenaria de ladicta confrairia. Encaras may
volen losdictz confraires que tôt confraire que Intrara dins
ladicta confrairia noncelamen que agia doctze ans ho plus,
sinonque fos cas que son paire fos anat a dieu. Encaras may
volen et dison que los confraires de ladicta confrairia, si era
cas que ny agués degun que non volgués ben pagar la lumi-
naria ho las autras causas que hom Ion pesca raire sinon auia
pagat dins lan reuolut, et aisso en pena del sagramen des-
susdict et mettre vng autre en son loc et dels autres vacant
entre al cert nombre del cent dessus dict et non plus en
pena del sagramen dessus dict. Encaras may volen losdictz
confraires de aquesta confrairia que lo lorn de la festa
330 DIALECTES ANCIENS
DICTONS SATIRIQUES LATINS *
[ ] principum inter duodecim abusiones claustri enu-
merat istam Hugo de Falleto (sic) li . u. de claustro quibus
iota religionis maxa corrumpitur : Prelatus negligens, Dissi-
pulus inobediens, Juvenis ottiosus, Senex obstinatus, Monacus
curialis, Monacus causidicus, Habitus preciosus, Cibus exqui-
situs, Rumor in claustro, Lis in capitulo, Dissolucio in cor[de],
Irreverentia contra altare.
GLOSSAIRE
AcoiNTANT (femme). — Femme qui recherche la rencontre des
hommes (p. 315). D*ordinaire, acointer est réfléchi. Comparez taisant
pour se taisant .
Amouras, adj. m. s. — Amoureux (p. 320). La terminaison a été
modiliée pour le besoin de la rime. V. Jonglas, M. Nat. de Wailly
cite une forme picarde qui se rapproche de celle-ci : amourè5 variante
de amoureus.
As, article au dat. pluriel, jamais aux.
Assenée (Liquele est mieuls?) — Laquelle esi la mieux partagée?
(p. 325) Litt.: assignée.
Barel (vins de). — Baril (p. 316). Le glossaire, écrit de la même
main, qui se trouve dans ce même ms., donne le iat. cadus comme
traduction de barel.
Baude, adj. fém. s. — Gaillarde (p. 320). Du Iat. validus, a, um.
Burguy dérive ce mot du goth. baltha.
Boires, obi. m. pi. — Boissons.
Et je soushaide tous boires à talent (p. 32u).
G'est-à-dire je souhaite avoir à ma disposition toutes sortes de
boissons.
C , pour que :
Et prendre à mi
Soulas & amis (. . .que) (p. 315).
• On lit au bas de la page, écrit de la môme main, ce fiagment latin,
qui n'est guère qu'une variante des Dictons satiriques rimes. (V. p 315.)
FRAGMENTS d'uNB ANTHOLOGIE PICARDE 331
Cette élision n'a lieu que devant les voyelles qui laissent au c le
son dur. V. Nat. de Wailly, Chartes d'Aire. '
Cas. Les règles de la déclinaison sont bien observées, sauf dans
les Dictons satiriques rimes et dans les réponses aux Énigmes
amoureuses .
Chus, synonyme de chil. Ni Burguy ni M. Nat. de Wailly, ne
donnent cette forme.
Civos (frès frommage et). — Nourrissant (p. 320). Suppose le
b. l^cibosus.
Clopetbr. — Boiter (?) (p. 317). Forme à rapprocher de doper ^
clopiner (v.fr.), écloper. Du bas latin cloppus, boiteux, que Ménage
et Diez dérivent de ^cùkoTzovç, boiteux du pied, et M. Grandgagnage
du hollandais kruipen, kroop, ramper, et que d'autres rapprochent
de l'allemand klopfen, heurter, battre. (V. Littré, au mot Clopin-
clopant .
Les étymologies hollandaise et germanique tombent devant ce
fait, que cloppus est donné comme synonyme de ^^Voç (ou de
"kopâoç), dans les 'E^./xyjvsûpara de Julius Pollux, et qu'il doit être
dès lors considéré comme appartenant à la langue familière des
Romains du n* siècle ap. J.-C, et non plus seulement comme un
mot barbare latinisé par les scribes du moyen âge. V. Notice des
manuscrits, t. XXIII, 2« partie (p. 457).
Clugne, 3« p. s. ind. p. —Cligne (p. 320).
Clugnement, obi. m. s. — Clignemeut (p. 317).
Cremetant, obi. m. s. — Craintif (p. 325). Burguy ne donne pas
cette forme.
Degras, obi. m. pi.
Et si fesisse au mont tous leur degras ^
Ne s'en plainsist chevaliers ne jonglas (p. 320).
« Et que je fisse au monde (c'est-à-dire aux autres hommes) tout
ce qui leur agrée (*), de telle sorte que nul ne s'en plaignît, ni che-
valiers ni jongleur. »
Burguy, t. m, donne de ce mot une explication qui me paraît
inadmissible. « Degras. Faire ses degras signifiait se décharger le
ventre, et la basse latinité rendait cette expression par degravare,
Degras, de degravare, a donc le sens de décharge, d'où fig. cra-
pule, bombance. . . Laissant degravare de côté, on pourrait dériver
degras de crassus, et l'on aurait l'idée primitive de dégrossir, dé-
graisser, enlever l'ordure. »
330 DIALBCTBS ANGIBNS
DICTONS SATIRIQUES LATINS *
[ ] principum inter duodecim abusiones claustri enu-
merat istam Hugo de Falleto («te) li .u. de claustro quibus
iota religionis maxa corrumpitur : Prelatus négligeas, Dissi-
palus inobediens, Juvenis ottiosus, Senex obstinatus, Monacus
curialis, Monacus causidicus, Habitus preciosus, Cibus exqui-
situs, Rumor in claustro, Lis in capitulo, Dissolucio in cor[de],
Irreverentia contra altare.
GLOSSAIRE
AcoiNTANT (femme). — Femme qui recherche la rencontre des
hommes (p. 315). D'ordinaire, acointer est réfléchi. Comparez taisant
pour^e taisant.
Amouras, adj. m. s. — Amoureux (p. 320). La terminaison a été
modifiée pour le besoin de la rime. V. Jonglas. M. Nat. de Wailly
cite une forme picarde qui se rapproche de celle-ci : amourè5 variante
de amoureus.
As, article au dat. pluriel, jamais aux.
Assenée (Liquele est mieuls?) — Laquelle esi la mieux partagée?
(p. 325) Litt.: assignée.
Barel (vins de). — Baril (p. 316). Le glossaire, écrit de la même
main, qui se trouve dans ce même ms., donne le lat. cadus comme
traduction de barel.
Baude, adj. fém. s. — Gaillarde (p. 320). Du lat. validus, a, um.
Burguy dérive ce mot du goth. ballha.
Boires, obi. m. pi. — Boissons.
Et je soushaide tous boires à talent (p. 32u).
G'est-à-dire je souhaite avoir à ma disposition toutes sortes de
boissons .
C , pour que : .
Et prendre à mi
Soulas c' amis (. ..que) (p. 315).
• On lit au bas de la page, écrit de la môme main, ce fragment latin,
qui n'est guère qu'une variante des Dictons satiriques rimes. (V. p 315.)
FRAGMENTS d'uNB ANTHOLOGIE PICARDE 331
Cette élision n'a lieu que devant les voyelles qui laissent au c le
son dur. V. Nat. de Wailly, Chartes d'Aire, '
Cas. Les règles de la déclinaison sont bien observées, sauf dans
les Dictons satiriques rimes et dans les réponses aux Énigmes
amoureuses.
Chus, synonyme de chU. Ni Burguy ni M. Nat. de Wailly, ne
donnent cette forme.
Givos (frès frommage et). — Nourrissant (p. 320). Suppose le
b. \*cibosus.
Glopeter. — Boiter (?) (p. 317). Forme à rapprocher de dopera
clopiner (v.fr.), écloper. Du bas latin cloppus, boiteux, que Ménage
et Diez dérivent de ^cùXoizovçy boiteux du pied, et M. Grandgagnage
du hollandais kruipen, kroop, ramper, et que d'autres rapprochent
de l'allemand klopfen, heurter, battre. (V. Littré, au mot Clopin-
clopant .
Les étymologies hollandaise et germanique tombent devant ce
fait, que cloppus est donné comme synonyme de /(Mç (ou de
"kopâoç), dans les 'E^./iAyjvgû/xaTa de Julius Pollux, et qu'il doit être
dès lors considéré comme appartenant à la langue familière des
Romains du n» siècle ap. J.-C, et non plus seulement comme un
mot barbare latinisé par les scribes du moyen âge. V. Notice des
manuscrits, t. XXIII, Repartie (p. 457).
Clugne, 3e p. s. ind. p. —Cligne (p. 320).
Clugnement, obi. m. s. — Clignemeut (p. 317).
Crembtant, obi. m. s.— Craintif (p. 325). Burguy ne donne pas
cette forme.
Deqras, obi. m. pi.
Et si fesisse au mont tous leur degras.
Ne s'en plainsist chevaliers ne jonglas (p. 320).
tt Et que je fisse au monde (c'est-à-dire aux autres hommes) tout
ce qui leur agrée (*), de lelle sorte que nul ne s'en plaignît, ni che-
valiers ni jongleur. »
Burguy, t. m, donne de ce mot une explication qui me paraît
inadmissible. « Degras. Faire ses degras signifiait se décharger le
ventre, et la basse latinité rendait cette expression par degravare,
Degras, de degravare, a donc le sens de décharge, d'où fig. cra-
pule, bombance. . . Laissant degravare de côté, on pourrait dériver
degras de crassus, et l'on aurait l'idée primitive de dégrossir, dé-
graisser, enlever l'ordure. »
330 DIALECTES ANCIENS
DICTONS SATIRIQUES LATINS *
[ ] principum inter duodecim abusiones claustri enu-
merat istam Hugo de Falleto (sic) li . n. de claustro quibus
iota religionis maxa corrumpitur : Prelatus negligens, Dissi-
pulus inobediens, Juvenis ottiosus, Senex obstinatns, Monacus
curialis, Monacus causidicus, Habitus preciosus, Cîbus exqui-
situs, Rumor in claustro, Lis in capitule, Dissolucio in cor[de],
Irreverentia contra altare.
GLOSSAIRE
AcoiNTANT (femme) . — Femme qui recherche la rencontre des
hommes (p. 315). D'ordinaire, acoinierest réfléchi. Comparez taisant
pour^e taisant.
Amouras, adj. m. s. — Amoureux (p. 320). La terminaison a été
modiliée pour le besoin de la rime. V. Jonglas. M. Nat. de Wailly
cite une forme picarde qui se rapproche de celle-ci : amourè« variante
de amoureus»
As, article au dat. pluriel, jamais atix.
Assenée (Liquele est mieuls?) — Laquelle esi la mieux partagée?
(p. 325) Litt.: assignée.
Bàrel (vins de). — Baril (p. 316). Le glossaire, écrit de la même
main, qui se trouve dans ce même ms., donne le lat. cadus comme
traduction de barel,
Baude, adj. fém. s. — Gaillarde (p. 320). Du lat. validus, a, um.
Burguy dérive ce mot du goth. baltha.
Boires, obi. m. pi. — Boissons.
Et je soushaide tous boires à talent (p. 320).
C'est-à-dire je souhaite avoir à ma disposition toutes sortes de
boissons .
C , pour que : .
Et prendre à mi
Soulas c' amis (. . .que) (p. 315).
' On lit au bas de la page, écrit de la môme main, ce fragment latin,
qui n'est guère qu'une variante des Dictons satiriques rimes. (V. p 315.)
FRAGMENTS d'uNB ANTHOLOGIE PICARDE 331
Cette élision n'a lieu que devant les voyelles qui laissent au c le
son dur. V. Nat. de Wailly, Chartes d'Aire, '
Cas. Les règles de la déclinaison sont bien observées, sauf dans
les Dictons satiriques rimes et dans les réponses aux Énigmes
amoureuses .
Chus, synonyme de chU, Ni Burguy ni M. Nat. de Wailly, ne
donnent cette forme.
Civos (frès frommage et). — Nourrissant (p. 320). Suppose le
b. ï.*cibosus.
Clopetbr. — Boiter (?) (p. 317). Forme à rapprocher de doper,
clopiner (v.fr.), écloper. Du bas latin cloppus, boiteux, que Ménage
et Diez dérivent de ^cùXoizovç, boiteux du pied, et M. Grandgagnage
du hollandais kruipen, kroop^ ramper, et que d'autres rapprochent
de l'allemand klopfen, heurter, battre. (V. Littré, au mot Clopin-
clopant .
Les étymologies hollandaise et germanique tombent devant ce
fait, que cloppus est donné comme synonyme de ;^wXoç (ou de
'kopâoç)^ dans les 'E^./xyjvsûpara de Julius Pollux, et qu'il doit être
dès lors considéré comme appartenant à la langue familière des
Romains du n* siècle ap. J.-C, et non plus seulement comme un
mot barbare latinisé par les scribes du moyen âge. V. Notice des
manuscrits, t. XXIII, 2« partie (p. 457).
Clugne, 3e p. s. ind. p. —Cligne (p. 320).
Clugnement, obi. m. s. — Clignement (p. 317).
Cremetant, obi. m. s. — Craintif (p. 325). Burguy ne donne pas
cette forme.
Degras, obi. m. pi.
Et si fesisse au mont tous leur degras.
Ne s'en plainsist chevaliers ne jouglas (p. 320).
tt Et que je fisse au monde (c'est-à-dire aux autres hommes) tout
ce qui leur agrée (*), de lelle sorte que nul ne s'en plaignît, ni che-
valiers ni jongleur. »
Burguy, t. m, donne de ce mot une explication qui me paraît
inadmissible. « Degras. Faire ses degras signifiait se décharger le
ventre, et la basse latinité rendait cette expression par degravare,
Degras, de degravare, a donc le sens de décharge, d'où fig. cra-
pule, bombance. . . Laissant degravare de côté, on pourrait dériver
degras de crassus, et l'on aurait l'idée primitive de dégrossir, dé-
graisser, enlever l'ordure. »
346
DULECTES MODERNES
même son qu'elle a pris ou gardé, selon les cas, dans son
existence indépendante, c'est-à-dire que, provenant de U latin,
par conséquent devenue â, elle donne ui; que, provenant de
u ou de u en position, par conséquent demeurée ou, elle
donne oi.
A. — U devenu ul
[/long
ducere,
duire.
pertusus,
pertuis.
lucere,
luire.
* stucum,
étui.
junius,
juin.
acutiare,
aiguiser
julius,
juillet.
Imca,
buie.
Exceptions : ft a donné oi, c'est-à-dire qu'il a été traité
comme û dans :
foison.
fusionem,
macère,
moisir.
unionem, oignon.
Sur quoi il faut observer que Yu de ces trois mots a pu,
précédant la tonique, s'être abrégé avant la diphthongaison.
Les formes de l'ancienne langue d'oc mosir (où o=^ou^û)
et du limousin actuel ounhou (où ou = û) confirment cette con-
jecture pour les deux derniers mots cités '.
B. — U devenu oi
a.
— £/
bref
cuneus,
coin.
crucem.
croix.
nucem,
noix.
• eburium,
ivoire.
Exceptions :
fugere,
fuir.
puteus,
puits.
pluvia,
pluie.
Ces exceptions ne sont qu'apparentes. En eflfet, fuir, pluie
et puits proviennent respectivement, non de fugere, pluvia et
* On peut aussi supposer, bien que cet accident pour Vu long soit très-
rare, une mutation préalable en o.
PHONETIQUE FRANÇAISE 347
pûteuSy mais des formes YJxlgBÎTeB * fngtre, *plÔvta et * pôtius.
L'allongement de Vu dans fugere est prouvé par les formes
italienne fuggire et limousine fugî, u dans ces deux idiomes
correspondant à un û latin. Quant au changement préalable en
de Vu de pluvia et de puteus, il est attesté par des exemples
en latin vulgaire et, pour pluvia, par la forme limousine plovio.
Puteus, dans ce dernier idiome, a donné directement pou.
C'est aussi sans doute par une mutation antérieure de û en
0, mutation attestée de même par des textes vulgaires, qu'il
faut expliquer notre suis (sum) et les anciennes formes fui, tvi,
oui, dut.
Je ne considère pas comme des exceptions lui, celui, cestui,
parce que je crois que Vui final de ces mots représente non pas
hûlc, comme le croit M. Diez, mais ûc. Je vois dans lui, par
exemple, Fadverbe illûc transformé en pronom comme l'ont
été inde et iài, et, conséquemment, dans celui, eccilluc, dans
cestui, ecc'istuc.
Je rappellerai que déjà, dans la latinité classique, tV/wc joue
parfois le rôle d'un pronom personnel au datif. Par exemple,
Tacit., Hist. II, 24 : « (Cœcina) pulsus Placentia, propinquante
Fabio Valente, ne omne belli decus illuc concederet, recipe-
rare gloriam avidius quam consultius properabat. » Voir d'au-
tres exemples, A. I, 3 ; H. III, 38. — On pourrait aussi, et
cette étymologie peut-être serait préférable*, admettre que la
finale ui des mots qui nous occupent n'est autre chose que
l'adverbe hUc, qu'on a joint au pronom comme nous ajoutons
ci ou là à ce, à celle et même à celui, depuis que le sens de ui
s'est oblitéré*.
Du reste, il n'est nullement impossible que des formes com-
' C'est, en tout cas, la seule qui puisse convenir pour altrui, si l'on n'ad-
met pas celle de M. Diez {alteri huic).
^ Celui-làj ramené à ses éléments latins, serait donc eccWhuc illaCf ce-
lui-ci, ecc'iWhuc ecc'hic. Ces sortes de pléonasmes inconscients sont un
des procédés les plus familiers au langage populaire, qui ne désigne jamais
assez clairement à son gré les choses et les personnes. De là des expres-
sions telles que au jour d*aujourd'hui et celui-là-làf l'une et l'autre fort
348 DIALBGTBB ANGIBN8
posées avec huiû aient coexisté dans le latin Yulgaire avec des
formes composées avec hue. Ce serait, dans ce cas^ aux pre-
mières qu'il faudrait rapporter les formes telles que celai, al*-
trot, que Ton rencontre quelquefois dans les anciens textes.
B. — U en position
angustia,
jungere,
ungere,
pungere,
pugnum,
Exceptions
buxns,
tmcta,
fructus,
Ces exceptions doivent probablement s'expliquer par un
allongement préalable de Yu à la suite de la semi-vocalisation
du c. En effet e, s'étant changé en ;\ a formé avec la consonne
suivante une sorte de diphthongue-consonne, qui pouvait ne
pas plus faire position que la combinaison d'une muette avec
l'une des liquides / et r. L'i^ n'étant plus dès lors empêché de
s'allonger, a pu céder à cette tendance si naturelle aux voyelles
toniques et par suite, après la complète vocalisation du j^ de-
venir régulièrement w.
On expliquera de la même manière, je veux dire moyennant
l'allongement préalable de Yu, Yvi des mots cuivre (cuprum) et
aiguille (* acucfujlaj.
Du reste, la forme italienne agugUa et les formes limousines
angoisse.
punctum,
point.
joindre.
buxida,
boîte*.
oindre.
guttur,
goître * .
poindre.
bustellus,
boisseau.
poing.
uxorem,
oissor.
buis.
ductus, duit,e1
) ses compc
truite.
fruit.
usitées dans^ le pays où j'écris. Là, une fois ajouté à cdui, s'y est uni trop
intimement pour paraître suffisamment démonstratif, et l'on a traité celui-
là comme on avait traité celui, opmme ob avait précédemment traité ecc'-
illum et précédemment encore illum, G est un pléonasme quadruple.
' Gtdtur, par dissimilation guctur, puis gujtur.
* Bustellus, butsellus, bucseUus, bujseUuSt comme post, pots, poes,
pojs; ou bien busUllus, busselius, buxellus, etc., comme possum.
PHONETIQUE FRANÇAISE 349
trticho, frucho, dut, agulho, concourent, avec les formes fran-
çaises correspondantes, à la confirmation de Thypothèse que
je viens d'émettre. Quant à huxtis, il a en italien donné deux
formes, Tune régulière, hossoy l'autre irrégulière, husso. La
même diversité se constate en français, où la forme hcuis se
rencontre dans quelques textes et persiste dans plusieurs pa-
tois. Je remarquerai à ce sujet que buis et bots spnt Fun et
l'autre des représentants irréguliers de leurs originaux res-
pectifs. Cette double irrégularité disparaîtra si Ton suppose^
hypothèse qui n'a certainement rien d'invraisemblable, qu'il
se soit fait une confusion, vers l'époque où ces mots se sont
dégagés, entre les deux formes latines. En effet, d'après les
lois que je viens d'exposer, buxum, devenu boxum, donnerait
très-régulièrement buis, et boscum {boxum), devenu buxum,
très-régulièrement bois.
Résumons maintenant les résultats de notre travail, en
renversant l'ordre que nous avons dû suivre, c'est-à-dire en
remontant de l'effet à la cause :
I. OI, — ItO de la diphthongue oi, quand cette diphthongue
n'est pas une simple modifiation de t ou de e, provient :
1® De tonique long * ;
2® De prétonique (long, bref ou en position) ;
3« De u bref ;
4^ De u en position.
IL UI. — Uu de la diphthongue ui provient :
1® De u long * ;
2® De tonique bref;
3® De tonique en position.
Camille Chabaneau,
d'Angonlâme (Charente-Inférieure.)
' Long d'origine ou devenu lel avant la diphthongaison.
^
PRÉDICTIONS ASTRONOMIQUES
POUR LES ANNÉES 1290 A 1295
Par suite d'un malentendu, Tarticle publié dans notre der-
nière livraison sous le titre qui précède * a été imprimé avant
que Tauteur, absent de Montpellier, eût donné le bon à tirer*;
aussi le texte catalan est-il loin d'offrir la correction que Ton
est en droit d'exiger dans un travail philologique, et qui si-
gnale du reste d'ordinaire — nous devons le dire sans fausse
modestie — les publications de la Société pour P étude des lan-
gues romanes.
Voici d'abord les errata du texte ; nous donnerons ensuite
la traduction, omise dans le dernier numéro :
P. 177, ligne 14: Spanys, /w«2; Spayns.
ligne 23: vuU à tôt s, lisez: vull a tots.
ligne 26: l'any, lisez: l'ayn.
P. 178, ligne 1: âpre* aquells, ajoutez: (sic).
ligne 4 : xv dies dies del mes, lisez: xv dies del mes.
ligne 6: any, lisez: ayn.
' ligne 7 : del dia, la luna e el sol, lisez : del dia de la
luna, e el sol.
ligne 11 : serant, lisez: seran.
ligne 11: dampnatges, 2û«^ : dapnatges.
ligne 11 : als homens, etc., lisez: als homens.
ligne 13: XV dies, lisez: xiv dies.
ligne 15: aquel que es dit, lisez: aquel senyal que es
dit.
ligne 20: dampnatges, lisez: dapnatges.
ligne 20: après ^îruyts,, a joutez: {sic).
ligne 21 : per les lochs, lisez : per los lochs.
* Voy. livraison d'avril, p. 172.
^L'article bibliographique sur la Biblioteca catalana (p. 251) a éprouvé
un sort analogue ; mais le lecteur a pu corriger de lui-même les quatre ou
cinq fautes qu'il contient; celle-ci, entre autres, par laquelle débutent si
malheureusement ces quelques lignes : a Nous» avons sous nos yeux », etc
PREDICTIONS ASTRONOMIQUES 351
ligne 22
ligne 23
ligne 25
Ugne 26
ligne 27
vindicio, lisez: v indicio.
dijous, lisez: dijos.
dampnatges, lisez : dapnatges .
l'any, lisez : l'ayn .
VI dies, lisez: v dies.
lignes 27 et 28 : del dia la luna e el sol, lisez : del dia de
la luna, e el sol.
ligne 30: et sera, lisez : e sera,
ligne 32: dampnatges, lisez: dapnatges.
P. 179, ligne 1 : prop d'aygua, lisez: prope (^sic) d'aygua.
ligne 2: enbargaments e morts, 2i5«z:enbargaments,
e morts .
ligne 4: xxx dies, lisez: xxix dies.
ligne 10: les très parts, eclipsades, lisez: les très parts
eciipsades .
ligne 12: Siuy , lisez : SLyn,
ligne 15: dampnatges, lisez: dapnatges.
TRADUCTION
A tous les fidèles de Jésus-Christ répandus longuement et ample-
ment* par les Espagnes, dans les lieux ' et dans les terres, aux-
quels ces lettres parviendront, maître Bo. D. c. ayant connaissance
de Tart des étoiles, travaillant pour le profil de Thumain lignage, sa-
lut et grâce du Saint-Esprit. Par la teneur des présentes soyez
avertis que, selon l'art d'astronomie, j'ai connu dans le firmament
et sur la terre que beaucoup de choses doive nt advenir, dans les
temps qui viendront, selon l'ordonnance des corps souverains,
c'est à savoir des planètes; lesquelles choses, par prévision divina-
toire', je veux à tous faire connaître et décrire, afin qu'aux périls
' On pourrait à la rigueur faire rapporter les adverbes longuement et
amplement au verbe parviendront, qui se trouve un peu plus bas.
' Le mot lochs, lieux, désigne les villes et les villages, par opposition
aux terres, terres, campagnes.
' Le mot dwinal signifie plus particulièrement divin; mais nous n*hé«
•itons pas à lui donner ici le sens de âkoinaJtoire,
i
35S DIÀLBCTE» ANCIENS
ci-dessous indiqués ils essayent de s'opposer selon leur pouvoir ;
car les dards vus à temps ne soûlent pas blesser.
En Tan c'est à savoir de la nativité de Notre-Seigneur Jésus-
Christ M. ce. xc, dans la troisième indiction, du lundi vingt-unième
jour d'août, passé la mi-nuit, venant le mardi vingt-deuxième jour
de ce mois, la lune étant dans les poissons, avec la queue du dra*^
gon montant d'orient dans le signe du cancer, seront éclipsées les
trois parts de la lune. A raison de cette éclipse, sera grand péril
dans la mer et seront grands naufrages. Il y aura grande mortalité
et seront détruites les choses qui sont dans Teau, et il y aura dimi-
nution de poissons et de fruits d'eau, et sera dommage et détriment
à tons ceux qui sont près de Teau. Ainsi que tous se gardent donc
de naviguer de quinze jours du mois de décembre jusqu'à quinze
jours du mois de mars dans la quatrième indiction.
Item, en cette même année, mardi au cinquième jour [du mois]
de septembre qui doit prochainement advenir, à la troisième heure
du jour de la lune, et le soleil étant en conjonction au vingtième de-
gré de la vierge, près de la tète du dragon, montant d'orient dans
le signe qui est appelé libra *, le soleil sera un peu éclipsé, c'est
à savoir de deux doigts. Et pour cause de cette éclipse arriveront
beaucoup de dommages aux hommes.
Item, mercredi, en février, au treizième jour, quatrième indiction,
à la quatrième heure de la nuit, venant le jeudi quatorzième jour
de ce même mois, la lune étant dans la vierge, joignant la tête de
ce signe qui est dit drfl^o et le soleil dans ce signe qui est dit pwci^
joignant la queue de ce signe qui est dit drago, montant vers le so-
leil levant dans le signe qui est appelé libra, les deux parts du corps
de la lune seront éclipsées, c'est à savoir que la lune aura diminution
des deux parts. Et pour cause de cette éclipse et défaillance doi-
vent s'ensuivre beaucoup de dommages, et diminuer beaucoup de
fruits de la terre et d'arbres par les [divers] lieux.
Mercredi, à trente jours du mois de juillet, dans la cinquième in-
diction, à la deuxième heure de la nuit, venant le dernier jeudi de
ce môme mois, sera éclipsée la moitié du corps de la lune. Pour
* Nous n'avons pas traduit les mots que l'auteur a eu l'intention évi-
dente d'écrire en latin. Il en est d'autres qui, malgré leur forme latine, font
tellement corps avec la phrase catalane, qu'il est nécessaire de les traduire;
par exemple: la luna estant envirgine.
PRBDICnONS ASTRONOMIQUES 353
cause de laquelle éclipse s'ensuivront beaucoup de dommages par
le pays.
Item, en Tan de Tincarnation m.cc.xc.iii., dans la sixième indic-
tion, le dimanche, cinq jours en juillet, à la quatrième heure du jour
de la lune et le soleil étant en conjonction dans le vingtième degré ^
dans ce signe qui est dit cancer, montant ou descendant dans le dix-
septième degré, le soleil sera éclipsé et aura défaillance ; et il sera
obscur sur la terre comme s'il était nuit. Et pour cause de cette
éclipse du soleil, seront beaucoup de dommages par le monde, et il
y aura grand péril sur les eaux, et mort et destruction pour ceux
qui ont coutume [d'aller] sur l'eau et ceux qui seront dans les en-
virons [des eaux], dans les îles et près de Peau. Et il y aura par le
pays, ainsi qu'il est dit, troubles, embarras et mort d'hommes et de
femmes en très-grande quantité.
Dimanche, vingt. neuf jours dans [le mois de] mai, [dans] la hui-
tième indiction, passé la mi-nuit, vers une heure, venant le lundi
trentième jour de ce même mois, la lune étant dans ce signe qui est
dit sagittaire, près de la queue du signe qui est dit drago^ et le soleil
étant dans ce signe qui est dit geminis (sic), près de la tête du dra-
gon, montant du soleil levant* dans le signe qui est ait pùds y dans
le vingt-unième degré, seront éclipsées les trois parts du corps de
la lune. Cette éclipse, selon le jugement des philosophes, signifie*
mort de quelque grand roi et de chrétiens devant arriver dans cette
année. Et il y aura longues maladies et mortalité de chameaux, et
de chevaux, et de mulets ; et il y aura mort de nobles barons aimant
et croyant Dieu, et il y aura beaucoup d'autres dommages dans le
monde.
* Les mots en panornif qui se trouvent dans le texte, n'ont aucun sens.
Il y a là, sans doute, une faute du copiste.
^ Cette phrase est on ne peut plus incorrecte dans le texte ; en voici la
traduction httérale : « Pour cause de cette éclipse, selon le jugement des
philosophes, signifie mort, d
DIALECTES MODERNES
LE DIALECTE ROUERGAT
(Suite.)
On pourrait distinguer dans le patois du Rouergue trois
sous- dialectes, caractérisés principalement par l'emploi plus
fréquent des trois voyelles a, e, o.
Sous-DiALEGTE EN A . Ce sous-dialccte, parlé dans la région
méridionale, depuis SaintnJean-du-Bruel, Saint-Affrique, jus-
qu'à Yillefrancbe-de-Rouergue, est caractérisé : V par l'emploi
fréquent de Ya, qui persiste dans les diphthongues au, ay,
quoiqu'eUes ne portent pas T accent tonique : campàno, cloche ;
capèlo, chapelle ; capeld, prêtre ; afrabà, ravager ; aèan, réussir;
payri, parrain; mayrino, marraine; maynât, maynàtge, jeune
enfant; se maynà, se mêler; paurhe, peureux ; pawrdu, petit
pauvre ; — 2* Par la terminaison iè des substantifs, au lieu de
tb; bilaniè, ordure; bouchorîè, boucherie; mestiè, métier, etc.;
— 3** Par l'absence de la diphthongue ou devant Yo accentué
de beaucoup de mots : home, au lieu de homme, homme ; noro,
hv}i\ parte, il porte ; cossou p. couossou, percepteur ; — 4® Dans
la région méridionale intermédiaire, par l'abus de r mis à la
place de / : àro p. àlo, aile; paro p. palo, pelle ; aricot p. alîcot,
ragoût d'abattis; ouro p. oulo, marmite ; penduro -p. pendulo,
pendule ; — 5° Dans la région sud-ouest, par l'abus du d mis
pour r à la suite des diphthongues ay, ouy, ey : pàyde p. pàyre,
père ; màyde p. mayre, mère ; peyde p. peyre, pierre ; cortouydo
p. cortouyre, espèce de rivière ; couyde p. couyre, cuivre,
coude ; — 6° Dans la région du midi central et du sud-ouest,
par tz mis au lieu de ch, g, j et n : agatzà p. ogochà, regarder ;
tzuizomen p. juchomen, jugement ; tzorgo, vache stérile ;yaM-
bèrt^, tzaubèrt, persil; clètz p. cluèch, glu; brètz p. bruèch,
râble, outil de fourmier.
Sous-DiALBCTB BN E. — Ce sous-dialccte, parlé surtout sur la
rive droite du Lot, au nord du département, est caractérisé :
DULECTE ROUERGAT 355
1" Par l'emploi fréquent de Ye dans les diphthongues ay, oy, ouy:
peyri, p. pàyrt, meyrino p. mayrino, counéysse p. counouysse,
connaître ; — 2® Par les diphthongues finales au ^,aly ow p. el,
èou p. èl: domontaù, -p. domontal, tablier; tinou p. tinôl, ti-
nouél, cuve ; montèou p. montèl, manteau ; pèou p. pèl, poil; —
3" Dans la région la plus septentrionale, par Tafiectation d'é-
viter \e l: hotiena'p. holena, hsleneT ; houé, ^. holé, haleine;
ouas p. olas, grosse aile ; — de remplacer souvent Te par t: biji
p. hèsOf^e vois; — le «doux par/, qui a un son chuintant : bijio
p. bise, bise; comijio p. comiso, chemise; — de supprimer la
diphthongue ou devant o accentué : home^, houome; porto ^.
pouorto, porte.
Sous-DiALECTE EN 0. — Cc sous-dialcctc, parlé surtout dans
la région de Millau à Rodez et dans tout le centre du départe-
ment, est caractérisé : 1° Par Fabus de Va mis à la place de
Va: compono, copelo, copèlo, ofrobà, fronc p. franc, franc; plo
p. pla, bien; ma p. ma, main; po, pouo ^> pa, pain; costogno
p. castàgno, châtaigne; dontèie p. dertelo, dentelle; ou à la
place de Ve final dans les terminaisons en iè : bilonio, mestiô,
plostriô, plâtrier ; — 2® Par le changement des diphthongues ay
en oy, au en où, quand elles perdent Faccent tonique : pàyre,
père ; poyri, parrain ; màyre^ mère ; moyrino, marraine ; ayme,
j'aime; oyiwow, nous aimons ; pawre, pauvre; gourou, petit pau-
vre ; aubre, arbre ; oubrou, arbuste, petit arbre ; — par le change-
ment de l'a en o quand il perd l'accent : pal, pieu ; câdo, cha-
que ; codum, chacun ; — 3° Par l'addition fréquente de la diph-
thongue ou devant o, surtout quand o porte l'accent tonique,
ou par le changement de ou en ouo : home, houome, homme ;
costo, couôsto, côte; dounà, donner; douane, ^e donne; roc,
rouoc, rocher ; mobre, moudbre, moudre ; — 4° Par la prosthèse
de Vo dans beaucoup de mots : dôuse, odôuse, source ; rouynà,
orrouynâ, ruiner; tori, otori, tarir, etc.
L'abbé Vayssier,
supérieur du Séminaire de Belmout (Aveyron.)
i
VBSPRADO D'ABRIEU
Dis estello amigo lis iue,
Dous e bèu coume dMue de femo,
Me regardavon dins la niue :
L'oumbro èro founso, bluio, semo.
Oudourous, céleste, lôugié
Autant qu'un respir de chatouno,
Abriéu, dins li flour dôu vergié,
Aleno em'un brut de poutouno.
Tendre coume lou parauli
D'uno amourouso, dins Taubribo
S'ausissié lou canta poulit
E li souspir de Taucelibo.
Veici lou verd, veici li nis,
Pertout la sabo reboumbello : —
Mignoto, en quête paradis
Tescoundes?... Ounte sies, ma bello?
Traduction
SOIRÉE D^AVRIL
Des étoiles amies les yeux, — doux et beaux comme des yeux de
femme, — me regardaient dans la nuit : — Tombre était profonde,
bleue et calme.
Parfumé, léger, céleste — autant que le souffle d'une jeune fille, —
Avril, dans les fleurs du verger, — respire avec un bruit de baisers.
Tendre comme le babil — d'une amoureuse, dans les arbres —
on entendait le chant joli — et les soupirs des oiseaux .
Voici le vert, voici les nids ; — partout rebondit la sève : —
Mignonne, en quel paradis — te caches-tu?. . . Où es-tu, ma belle?
VBSPRADO d'aBRIBU 357
Lou soufle enebriant dôu printèm,
Bèn mai que lou sang de la souco,
M'enchuscla^o... Cresien, mi dent,
Mordre Torle pur de si bouco.
Souto lou bos que trefoulis
Coume à Tespèro d'uno amanto,
La draio es un camin d'AIis,
Tant i'a de luseto cremanto.
Un brout flouri que tramblo au vent.
Mai suau, mai prefuma "ncaro
Que lou peu d'une drolo, vèn
Floureja ma man o ma caro.
Alor me semble qu'a passa,
E, coume un fôu, après ie courre. . .
E l'Amour me fai embrassa
Enjusquo la rusco di roure.
Dis estello amigo lis iue,
Treboulant coume d'iue de femo,
Me regardavon dins la niue :
L'oumbro èro founso, bluio, semo*
Le soufûe enivrant du printemps, — bien plus que le sang de la
vigne, — me grisait.... Mes dents croyaient mordre Tourlet pur
de ses lèvres.
Sous le bois qui tressaille — comme à Tattente d'une amante,
— le sentier est une voie élysée, — tant il y a de lucioles enflam-
mées.
Un brin en fleurs qui tremble au vent, — plus suave, plus encore
parfumé — que la chevelure d'une jeune flUe, vient — frôler ma
main et mon visage.
Alors il me semble qu'elle a passé, «- et, comme un fou, je lui
cours après. . . — Et l'Amour me fait embrasser '— jusques à l'écorce
des rouvres.
Des étoiles amies les yeux, — troublant comme des yeux de
femme, — me regardaient dans la nuit : — Tombre était profonde,
bleue et, calme.
358 DIALBCTES MODBRMBS
LA MESSO DE MORT
Eu cargo la chasublo à bouquet blanc e nègre ;
Sa caro es noblo e palo. . . A proun obro pèr segre
L'enfant que vai davans e porto lou missau :
Es vièi, lou capelan.. Quant a d'an ? Qu lou saup !
De sa cabeladuro en anèu blanc Tabounde
Floutavo. Quand disié, se virant vers lou mounde,
Dominm vobiscum, si pàuri vièii man
Tremoulavon dôu-tèms, e li cire cremant
le fasien un trelus dôu rebat de si flamo.
Avié plus rèn de Tome ansin, èro qu'une amo ;
E si bèus iue leva vers lou mounde à veni
Vesien segur la joio e lou dan infini.
Aquéu regard tant linde e prefound vous treboulo !
Contre li vitro, amount, lou vènt-terrau gingoulo,
E dins lou bram dôu vent, de-fes, sentes passa
Emé de long quilet lou plang di trépassa.
LA MESSE DE MORT
Il revêt la chasuble aux bouquets blaiics et noirs ; — son vi-
sage est noble et pâle... Il a bien de la peine à suivre — l'enfant
qui va devant et porte le missel : — il est vieux, le prêtre. Combien
a-t-il d'années ? Qui le sait 1 — De ses cheveux les blanches bou-
cles abondantes — flottaient. Quand il disait, en se tournant vers le
peuple : — Dominus vobiscum, ses pauvres vieilles mains — trem-
blaient tout le temps, et les cierges allumés — lui faisaient une
auréole du reflet de leurs flammmes. — Il n'avait plus rien de
l'homme ainsi, ce n'était qu'une âme ; — et ses beaux yeux levés
vers le monde à venir — voyaient certainement la joie et le dam
infinis. — Ce regard si limpide et profond vous trouble I — Contre
les vitres, là-haut, la bise hurle, — et, dans les mugissements du
LA BfESSO DE MORT 359
Digue : Requiescant in pace. La supremo
Preiero sus si bouco espirè. Dos lagremo
Bagnèron en toumbant la napo de Tautar.
Lou clerjoun disavert, trouvant que se fai tard,
Mai souvent que noun fau brando la campaneto,
E ris, e tèms-en-tèms jogo emé la bouneto :
Eu, grave, à miejo voues prègo... E fernisse alor.
Me semblant que lou vièi dis sa messo de mort.
Teodor Aubanbl,
d'Avignon (Yaucluse.)
vent, parfois on sent passer, — avec de longs cris aigus, la plainte
des trépassés. — 11 dit : Requiescant in pace, La suprême — prière
sur ses lèvres expira. Deux larmes — mouillèrent en tombant la
nappe de Tautel. — Le petit clerc, étourdi, trouvant qu'il se fait
tard, — plus souvent qu'il ne faut agite la clochette, — et rit, et de
temps en temps joue avec le bonnet : — lui, grave, à demi- voix,
prie. . . Et je frissonne alors, — me semblant que le vieillard dit sa
messe de mort.
LOU ROUMIEQ
LBOENDA DAU TEMS DAS COMTES DE PROUVENÇA
(Suite.)
LOU MINISTRE
Ai ! que nTaguet de cops de lenga,
E de Secous ! e de Boudieu !
Quand lous d*a-z-Ais, sus una renga,
Veguèroun passa lou Roumieu
Quihat sus la brava bestiola,
Que brandissiè sous esquillous ! . .
Avié Ter de saupre, la miola,
Quau pourtava d'escambarlous.
Arri ! lesta, acassada, franca,
Entre la Coumtessa e Ramoun,
Moure naut remenava Tança. . .
Era una miola d'Aragoun.
LE ROMIEU
LÉGENDE DU TEMPS DES COMTES DE PROVENCE
LE MINISTRE
Ah ( qu'il y en eut des coups de langue, — et des cris, et des
clameurs, — lorsque ceux d'Aix, rangés en haie, — virent passer
le Romieu — perché sur la bonne petite bête, — qui brandissait
ses grelots ! — Elle semblait connaître, la mule, — celui qu'elle por-
tait à califourchon... — Marche! Vive, pimpante, franche, — en-
tre la Comtesse et Raimond, — elle frétillait le museau levé... —
c'était une mule d'Aragon .
LOU ROUMIEU 361
(( Qu'es aquel que se galamîna ?
Disiè'na fenna a soun vesi ;
Se tèn pauretat en emina,
Avèn pas a nous prouvesi. »
— « Es quauque enmascaire de fièira !
Pèr la part de sous paters blancs *,
Nous farà de ventres de nièira ;
La court lous voulounta pus grands ! »
— « Vend pas Terba de courta vida
Pèr lous galavards à Tengrai ? . .
NTa prou ! Beatris la poulida
E Ramoun vènoun ; longa-mai ! »
E toutes: «Longa-mai, pecairel »
Ramoun, que passava davant
Embé sa fenna e soun coumpaire,
Fasiè gramecis de la man.
Pioi tourna veniè la sansogna :
« Eu sus la miola, un galipian !
Es lou drapet! Lou baragogna!
Sa pel fai Tôli de gabian !
Qu'est celui-là qui se prélasse? — disait une femme à son voi-
sin ; — s'il débite la misère à boisseau, — nous n'avons pas à nous
en pourvoir. » — « C'est quelque sorcier de foire ! — Par la vertu de
ses pater blancs, — il nous fera des ventres de puce ; — la cour
les veut plus grands. » — « Ne vend-il pas l'herbe de courte vie —
pour les goinfres à l'engrais ?» — « Assez ! Béatrix la belle — et
Raimond s'avancent : Longue vie et plus ! »
Et tous de s'écrier: « Longue vie et plus, certes 1 »— Raimond,
qui passait devant eux, — avec sa femme et son compère, — fai-
sait grand merci de la main. — Puis recommençait la chanson.
— « Eh ! sur la mule, un escogriffe ! — C'est un revenant I C'est le
croquemitainel — Sa peau est huileuse comme celle de la mouette.
' Le Pater blanc, le Pater de calendas, le Pater de Sainte Anne, étaient
des patenôtres auxquelles l'imagination populaire prêtait des effets mer-
veilleux.
24
362 DIALBCTES MODERNES
— i( Es lou ministre de Prouvenca,
Pelaus ! bramaires enraucats !
Cridet un page, reverença !
Se voulès pas èstre embounnats 1 »
Lou mounde de creva dau rire :
Jujas, nostre trassa d'auboi,
Qu'avié dich vrai, riguet de pire ;
A-z-Ais saguet pèrque despioi.
Saguet que, sans counfrount ni tara.
Tout de fisança, belamen,
Ramoun aviè bailat la barra
E tout ce dau coumandamen
A lou que s'engajava en change
De mena lou peis tout soûl,
De Taparà contra Testrange,
De lou tène siau e sadoul.
Era pas trassa de besougna.
Pèr Tagantà dinslou bon fieu,
Caliè de tuca amai de pougna ;
Veiren se n'aguet, lou Roumieu.
— « C'est le ministre de Provence! — Bélitres! braillards en-
rouésl — s'écria un page ; révérence ! — si vous ne voulez être
vidés comme des lapins !
Les autres de crever de rire: — jugez I notre mauvais parleur, —
qui avait dit vrai, rit bien davantage ; — Aix sut depuis pourquoi.
— Elle sut que, sans enquête ni évaluation, — en toute confiance,
grandement, — Raimond avait confié le timon — et tout ce qui avait
trait au commandement — à celui qui s'engageait, en échange, —
à diriger seul le pays, — à le défendre contre l'étranger, — à le
maintenir calme et repu.
Ce n'était pas une petite affaire. — Pour la mener à bonne fin, —
il fallait de la tête et du poignet; — nous verrons s'il en eut, le Ro*
mieu. — Raimond, ceci passe toute croyance, — lui tant aimé du
LOU ROUMIEU 363
Lou Comte, aiç6 passa cresença,
El, dau pople tant voulountat,
Aviè desglesit la Prouvença
Pèr soun flaquige e sa bountat ;
Tant es vrai que trop bon ou gasta.
Dau Roumieu pensas lou mau-cor
Quand trapet mai d'una lingasta *
Encara apegada au trésor.
Trésor I un floc d'armasi vouire
Ansin, sus lou peis malaut,
Devistet, confia comm'un ouire,
La manjança atissada au mau.
Poumpava, e lou sôu era en erme ;
Coumerce, arts, tout èra aquetat,
E lou pople, nud comma un verme,
Revalava sa pauretat !
Aviè pas ni car ni mesoula;
Mes la court, ardit! d'enmessà;
Tabé la gamata, coumoula.
D'un degout anava vessà.
peuple, — avait perdu la Provence — par sa faiblesse, sa bonté;
— tant il vrai que trop de bonté gâte toutes choses. — Vous pen-
sez quel fut le crève-cœur du Romieu — quand il trouva plus d'une
sangsue — encore adhérente au trésor.
Trésor! une vieille armoire vide... . — Donc, sur le pays
souffrant, — il découvrit, gonflée comme une outre, — la vermine
acharnée sur la plaie. — Elle suçait, et le sol était en friche. —
Commerce, arts, tout était arrêté, — et le peuple, nu comme un ver,
traînait sa misère. — Il n'avait plus ni chair, ni moelle; — mais la
cour, allons de dépenser! — Aussi le baquet, trop plein — d'une
goutte de plus allait déborder.
* La lingasta est la punaise du mouton.
364 DIALBGTB8 MODERNES
« Garai s*aqael que laura ou tusta
Pèr acampà soun ûoc de pan,
Que, pecaire ! a pas una fusta
Sus la carcassa ounte trépan ;
Lou qu'ivèr jala, estieu grasilha^
Que ploja bagna, èr devouris,
Qu'aima soun peis, sa familha,
— Pèr eles s'espausa e mouris... —
Gara adounc s'aquel e sa carga
D'enfants, femnas, viels.... que savèn?
Dins un ratigas se demarga !
Poça veiran pas Tan que vèn ! .
» Mau-farà, se sa man terrousa
Empougna un cop lou coutelas ;
Sa besougna sera sannousa ;
Que n'estripa avant d'èstre las !
Lou coutèl se berça : a la dalha
Que passeja sus la nacioun.
Tout s'engruna, espeta, trantalha,
Osca ! aqui 'na revoulucioun ! . . .
£ tus, popie, as passât ta broda;
« Garel si celui qui laboure ou heurte (du marteau) — pour ga-
gner son morceau de pain ; — qui, hélas! n'a pas une poutre — sur
la carcasse où nous piétinons ; — celui que Phiver glace, que l'été
grille, — que la pluie trempe, que Tair dévore, — qui pourtant a
pays et famille, — et pour eux s'expose et meurt !.. — Gare enfin si
celui-là et son surcroit — d'enfants, femmes, vieillards que
sais-je? — dans le délire se détraque I — beaucoup ne verront pas
l'an prochain.
» Il sera cruel, si sa main terreuse — saisit une fois le coutelas.
— Sa besogne sera sanglante ; — qu'il en éventre avant d'être fati-
gué ! — Le couteau s'ébrèche : il a la faux — qu'il promène sur la
nation. — Tout s'effondre, éclate, chancelle. . . — Marquez! Voilà
LOU ROUMIKU 365
Mes que t'en rèven, pâtiras ?
Quau t'apautà mai à la roda,
E zou ! vira que viraras ! »
Antau pensava lou Ministre,
Dins un cambrihou dau palai,
Marcant la nioch sus un registre
Ce que cresiè bon, drech e vrai.
De cops prim-auba lou trapava
Qu'aviè pas quitat un courdil.
Quau dourmis? la terra manquava,
Pas de sava, de semenil.
Loutems d'amoussà la cadelha,
Un varlet te nié d'atalat;
Lou Roumieu anava a Marselha,
En Arles, pèr croumpà de blad,
De granalha de touta mena ;
E pèr pas res lous dau terrau,
Countents, n'avien la saca plena
Pèr la journada e Temperau.
Pioi de souldats fasiè'na leva :
Mandava à la guerra, arnescat,
une révolution ! — Et toi, peuple, tu as bien employé ton oisiveté...
— Mais que t'en revient-il, grand meurt-de-faim ? — Il faut te remet-
tre des deux mains à la roue, — et, allons ! tourne, que tu tourneras
encore! »
Ainsi pensait le Ministre, — dans un réduit du palais, — écri-
vant, la nuit, sur un registre, — les choses qu'il croyait bonnes,
justes, vraies. — Parfois Taube première le surprenait, — n'ayant pas
défait un cordon. — Qui peut dormir? La terre manquait, — non de
sève, de semences. — Le temps d'éteindre la lampe, — un valet
avait attelé. — le Romieu s'en allait à Marseille, — à Arles ache-
ter du blé,
Des graines de toute espèce ; — et pour rien ceux du terroir, -^
joyeux, en avaient leur sac rempli — pour la journée et les heures
366 DIALECTES MODERNES
D'acos que Festapa noun crèya,
Que la p6u tèn pas enmascat ;
Qtt*a prou d'un grun de passariha
Pèr couflà Fouira; qu'a soun cor
Que boumba as d6us de la patrla
Ë cacalassa de la mort.
A tout lou Roumieu s'arrapava,
Plan-planet, sans revaladis;
En quau que seguesse tratava,
Conse, poudestat, mandadis;
Embe Pisa, Rouma, la França,
Pus mendra ou tant brava nacioun,
Entemenava una alianca,
Mitounava una counvencioun.
Âviè marcat sus las muralhas
Âiços, court et ben entanjat :
Quau levarà dous cops las talhas
Sus lou pople sera penjat.
Aviè pèr mata la noublessa
Drech e poudé, pas ges de trin;
Per s'alargà Comte e Coumtessa
en sus. — Puis il faisait une levée de soldats. — Il envoyait à la
guerre, tout harnachés, — de ces gens que n'éreinte pas une étape,
— que la peur ne cloue pas sur place ; — qui ont assez d*un grain
do raisin sec — pour avoir le ventre plein ; — dont le cœur bat aux
douleurs de la patrie ! — et qui, de la mort, rient aux éclats.
A tout le Romieu mettait la main, — avec calme, sans embarras.
— Il traitait avec qui que ce fût, — consul, podestat, envoyé ; avec
Pise, Rome, la France, — faible ou puissante nation , — il entamait
une alliance, — préparait quelque entente. — Il avait écrit sur les
murs, — ceci, bref mais bien tourné : — Quiconque lèvera deux fois
les impôts — sur le peuple sera pendu.
11 avait, pour rabaisser la noblesse — le droit et le pouvoir... . pas
de bruit. — Pour leurs dépenses Comte et Comtesse puisaient avec
LOU ROUMIEÙ 367
Au boursîcot anavoun prim.
Es pas à dire qu' enfourne ssou
Lou pan sans sau e tout de bren,
Que pèr sas aumornas liardessou ;
Nou, lous Ramouns tenien soun reng,
£ sa glôria èra pas pus trassa
Despioi qu'avien dau paure gus
Âprés que lou ben que s'estrassa
Tèn pas grand prouôt à degus.
Ansin, au bout d'una passada,
Tr'ou quatr'ans . . . pas tant, sai-que mai . . .
Lou Roumieu, de sas mans de fada,
Aguet reviscoulat a-z-Ais.
S'avias vist gents, oustaus, carrieira,
Tout i'èra gai, afrescat, net ;
Avien quicon dins la pastieira,
Dins Toula, dins lou barralet,
Nostres matrassas de Prouvenca.
a
Lou 8en,lou saupre, loutraval,
I avien despartit Taboundença
E la pes, qu'es pas un rambal.
ménagement à la bourse. — Ce n'est pas à dire qu'ils envoyassent
au four — du pain sans sel et tout de son, — qu'ils lésinassent
dans leurs aumônes ; — non, les Raimond tenaient leur rang, —
et leur gloire n'en était pas moindre, — pour avoir appris du pau-
vre gueux — que les richesses qui se gaspillent — ne profitent à
personne.
Ainsi, au bout de quelque temps,— » trois, quatre ans.... moins,
peut-être plus... — le Romieu, de ses mains de fée, — eut
ragaillardi la ville d'Aix. — Si vous aviez vu, gens, maisons, rue,
tout y était gai, empressé, propre ; — ils avaient de quoi dans la
huche, — dans la marmite, dans le tonnelet, — nos exténués de
Provence. — La sagesse, le savoir, le travail, — leur avaient donné
l'abondance — et la paix, qui n'est pas sans valeur.
368 DIALECTES MODERNES
Mes noun una pès vergougnousa,
Qu'espoutis lou qu'a michant sort,
Ni la d'una glôria sannousa.
Avien lou siau d'un pople fort,
Que yiu sans trincamens ni renas,
Qu'es das grands bauchuns destetat,
Que noun vôu per ges de cadenas,
Qu'a pèr ensigna: ounestetat;
D'un pople qu'au grand viage manda
Lou que lou mena, conse ou rèi,
S'encontra lou devè coumanda :
Car, el, a respèt de la lèi.
Octavien Brinouier
{À suivre,)
Mais pas une paix honteuse, — qui écrase celui dont la destinée
est mauvaise ; — ni celle qui naît d'une gloire sanglante. — Ils
jouissaient du calme d^un peuple fort, — qui vit exempt d'inquié-
tudes et de querelles, — qui est sevré de toute vanité, — qui ne
veut de chaînes pour personne, — et dont la devise est : probité ; —
d'un peuple qui s'affranchit de celui qui le guide, — consul ou
roi, — s'il ordonne une chose contraire à la justice, — car lui res-
pecte la loi .
GRAMMAIRE LIMOUSINE
( Suite )
CHAPITRE CINQUIEME
DES CONSONNES
Voici le tableau des consonnes limousines, rangées par fa-
milles, classes et degrés. Nous empruntons ce tableau, en le
modifiant légèrement, pour Tapproprier à notre ouvrage, à
la Grammaire comparée des langues classiques de M. Baudry.
CLASSES
EXPLOSIVES
CONTINUES
(muettes)
(non muettes)
FAMILLES
^"-^^7"^^
—
f
■
Fortes
DU ténues
Douces
moyenne
o'
g
lNTES
. -2
a g.
1
•a
(fi
(fi
3
cr
1^
c
3
O
Cm
ch
o
y
<
h
nh
|}!itt!irales(o!i mieux palatales)
g
•
m
Dentales
t
d
s
z
n
l.r
Labiales
P
b
f
V
m
1
j
En règle générale, dans leur passage du latin au limousin,
les consonnes initiales gardent leur force, ou du moins, si
elles changent parfois de classe ou de famille, ne changent
pas de degré; les consonnes intérieures s'affaiblissent, les con-
sonnes finales tombent ou se vocalisent. J'appelle ici conson-
nes finales celles qui étaient restées telles dans F ancienne lan-
gue d'oc, après la chute des désinences atones du latin. L, r,
m, n, c'est-à-dire les liquides et les nasales, font parfois excep-
tion à cette règle. On expliquera dans quels cas à l'article par-
ticulier de chacune de ces consonnes.
Au lieu d'examiner de suite toutes les consonnes d'une fa-
mille, je réserverai pour une section spéciale les liquides et les
370 DIALECTES MODERNES
nasales, en raison des affinités plus grandes que ces conson-
nes ont avec celles de leur classe dans les autres familles
qu'avec celles des autres classes dans leur propre famille. Pour
un motif analogue, je ne traiterai de Vh qu'à la fin de la section
des labiales, ses relations avec les consonnes de cette famille
étant beaucoup plus étroites qu'avec les gutturales.
PREMIÈRE SECTION. — GUTTURALES
Les consonnes de cette famille seraient plus justement ap-
pelées palatales . Nous leur conservons celui de gutturales,
pour nous conformer à Tusage ordinaire. Il suffira d'avertir
qu'en limousin, tout aussi bien qu'en français, les sons qu'elles
expriment se forment dans le palais et non dans la gorge.
I.— C initial
C latin initial est devenu ch devant a, que l'a soit resté tel
ou se soit transformé. La règle est ici la même qu'en français,
et les exceptions y sont au moins aussi rares. Ex. : capra, chd-
bro ; — capitale, chatau ; — canem, che. Cette mutation est fort
ancienne ; elle remonte très-probablement au premier âge de
la langue. La plupart des mots où on la constate se présen-
tent dans les textes classiques sous deux formes différentes,
l'une en c, l'autre en ch. Ces deux formes n'étaient pas sans
doute usitées concurremment dans la même contrée et de-
vaient appartenir, comme aujourd'hui, à des dialectes diffé-
rents.
Devant e et i, c initial a pris le son de s . Ex. cera, cero ; —
circuluSy cercle ou sarclie . Devant o et u, de même que devant
les liquides, il est resté c. Ex.: corium, cuer ; — cogitare, cujâ;
— curare, cura; — credere, creire. Q initial est resté dur et
fort devant toutes les voyelles. Ex. : quassare, cassa; — quœrere,
guère; — quindecim, quinze. Il faut excepter un petit nombre
de mots dans lesquels qu, s' étant en latin vulgaire changé en
GRAMMAIRE LIMOnSINE 371
c, a été naturellement traité comme le c originaire : tels sont
ciriy chacun, chaîne [ = fr. chêne) .
C initial, de source germanique, conserve sa dureté et sa
force devant toutes les voyelles. Ex.: AaAn, câno; — kegil,
quillo. Le ch de même origine reste ch, Ex.: chiosan, chôusî.
Exceptionnellement, c initial, de source latine ou germani-
que, s'est affaibli en g dans un petit nombre de mots. Ex.:
crassum^ grâ; — cavea, gahio ; — cupelletum, goubelé; —
(craup)y grapau,
II. — C intérieur
A. — Devant a, il se ramollit*, en changeant de degré
si une voyelle le précède immédiatement, sans en changer s'il
suit une consonne ou la diphthongue au, c'est-à-dire que dans
le premier cas il devient j, dans le second ch, Exc :
V C devient/; mica, mijo ; — flca, fîjo; — precare, prejâ;
— focacia, foujasso ; — locarium, loujier ; — urHca, àutrijo ;
— hoc annOy ûjan; — secare, sejâ; — verruca, varujo; — spica,
etpijo. Ce changement remonte certainement à l'ancienne lan-
gue ; mais on ne peut, pour la plupart des mots où ca est
ainsi chez nous devenu ;a (Jo), constater dans les textes clas-
siques que la forme intermédiaire en g a, corrélative de ca ini-
tial, et qui est restée propre, comme cette dernière, aux dialec-
tes plus méridionaux de la langue d'oc '.
* Le maintien de c intérieur à l'état dur est fort rare. Ex.: mancar,
mancâ; — traucarj traucâ. Pour ce dernier, on dit à Tulle trôuchd, selon
la règle.
^ Remarquons ici que cela ne prouve rien, non-seulement contre Texis-
tence des formes en /a dans le dialecte limousin dès les plus hauts temps,
mais encore pour la prononciation des mots orthographiés par ga. En effet,
on a très-bien pu pendant longtemps employer le g, comme le c, pour pein-
dre à la fois le son dur originel de ces consonne? et le son mou qu'elles
avaient acquis dans quelques dialectes. La présence simultanée dans un
même texte des mêmes mots écrits tantôt par ch et ; {i), tantôt par c et g,
prouve évidemment, ce me semble, que l'auteur ou du moins le copiste
prononçait ch et ;, non o et g. L'ancienneté de cette prononciation esl
attestée par le poème de Boëce, où un pareil mélange de formes se ren-
contre.
372 DIALBCTBS M0DBRNE8
2" C devient ch: bucca, boncho; — arca, archo; — * conca,
councho ; — siccare, sechâ ; — * piscare, peichâ ; — escamir (pr),
eichamî; — laxare (* lascaré), lâcha; — calcare, chauchâ; —
auca, aucho ; — pauca, paucho * ; — rauca, raucho.
Exceptions : c précédé d'une consonne est assez souvent
devenu;. Ex.: exsuccare, eissujâ; — juvenca, junjo ; — mawrf(w)-
care, minjâ ; — carr[t)care, charjâ; — fabr[t)care, fourjâ ;^ma'
n{i)ca, manjo, A côté de manjo et de son dérivé manjou, formes
propres au haut limousin, existent aussi les formes correctes
manchOy manchon, que connaît seules le parler de Nontron.
C devient encore / devant i et devant e (que cet e soit ori-
ginaire ou qu'il tienne la place d'un u ou d'un o latin flexion-
nel), mais seulement si une dentale vient à le précéder immé-
diatement. Ex.: jud{i)cem, juje ; — domesticum, doumêje ;-^uo-
d{e)cim, douje. Le j n'est ici que la résultante de l'union des
deux consonnes. A l'abri de cette influence, c devient toujours
s ou z devant e et i. Ex. : uncia, ounso; — provincialem, prou-
vensau;— crescionerriy creissou ; — penicillum, pinceû; — placere,
plazei ; — Hcere, lezei; — rumicem, rounze. Il a subi excep-
tionnellement la même mutation devant a dans manso =
manca, qu'on emploie chez nous, comme en italien, dans le
sens de gauche : brâ man, mo manso = bras gauche, main
gauche.
Au contraire du c latin, le c d'origine germanique ne prend
pas le son sifflant devant e et t. Il s'affaiblit simplement en ch
comme le c latin devant a, ou bien il conserve sa dureté ori-
ginelle. C'est ce qui a lieu généralement au bas limousin. Ex.:
eichinlo [skilla), Tul. esquillo = clochette ; — eichivâ (pr. esqui-
var=sktuhan), TulL esquiva,
B . — Devant o et m et devant r, c intérieur se borne à
s'affaiblir sans changer de classe, c'est-à-dire qu'il passe au g.
Ex . : secundum, segoun ; — pentecosta, pandegoûto ; — securus,
segur; — acrem, âgre; — lacryma, legremo.
Le q intérieur subit la même mutation devant a et r .• aqua,
' Servante, en haut limousin.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 373
aigo; — acquare, eigâ; — sequ(é)re. sêgre^. IL s'est changé
en 5 ou en z dans torsei = torquerCy cousino = coquina, cose
(Tulle) = coquere, mais par Fintermédiaire d'un c auquel
s'était déjà réduit le qu en latin vulgaire.
C. — Le terme extrême d'affaiblissement des gutturales
dans leur propre famille est y . C j arrive très-fréquemment ;
cette mutation est constante dans certaines positions ; dans
d'autres elle n'est qu'accidentelle. Nous allons passer tous les
cas en revue.
a. — C entre deux voyelles. — Dans deux ou trois mots, au
lieu de devenir ou de rester; ou g^, selon la règle générale, il
est devenu y. Ex.: pacare, pagar, paya; — bracas, brayâ; —
* bellucaSy bélugas, beluyâ ; — * lucorem, lugor, luyour. Quand la
voyelle finale est tombée, la mutation en y a été suivie de la
vocalisation complète de cette semi-voyelle, qui s'est, dans ce
nouvel état, unie en diphthongue avec la voyelle précédente.
Ex.: veracem, vrai. La même chose a eu lieu du c final dans
illac, lai; — ecce hac, çoi ; — faCy fai. Cf. le mot crai (fr. cra-
chat), de l'ancienne langue, dérivé du germanique hi^aki,
h» — Cl entre deux voyelles, — Dans cette situation, c devenu
y change de place avec 1'/, pour former avec cette consonne
le son complexe que nous appelons / mouillé, dont la notation
la plus exacte serait ly, et que, dans cet ouvrage, nous figu-
rons Ihy pour nous conformer à l'orthographe la plus usitée
en langue d'oc. Ex.: mac[u)la, malho; — *acucla, gulho; —
* canic{u)la, chanilho ; — ovic{u)la, ôuvelho ; — anatic(u)la, nadi-
Iho. Ce changement de cl en /A ( = ly) est constant ^uand une
voyelle suit ; il avait lieu également dans l'ancienne langue,
quoique la voyelle finale fût tombée. Ex. : oc{u)lum, olh; —
artic[u)lum, artelh. Mais, dans ce dernier cas, nous rejetons
aujourd'hui 1'/ de la combinaison en retenant Vy, qui, complè-
tement vocalisé, s'unit en diphthongue avec la voyelle précé-
* Exceptionnellement, c s'est également borné à ce changement devant
a dans légo de leuca, peut-^tre par l'intermédiaire d'une forme lequa.
374 DIAX.ËCTES MODERNES
dente. Ainsi nous disons uei, artei, trabai, soulei, pour olh,
artelh, trabalh, solelh^.
Quand cl suit une consonne, au lieu de se transformer lui-
même en y, comme tout à Theure, le c attire à soi cette semi-
voyelle, et il en résulte le groupe cly, sorte de consonne triph-
thongue que nous figurerons clh. Ex. : circulus, çarclhe*. Dans
eiglheijo de ecclesta, le c s'est en même temps affaibli en g,
selon la règle générale .
c. — Ct. — Le c de ce groupe, en devenant y, tantôt se
renforce pour s'unir avec le ^ après transposition, tantôt se vo-
calise entièrement pour se diplithonguer avec la voyelle précé-
dente. Examinons successivement chacun de ces phénomènes.
lo C devenu y se déplace, mais en se durcissant et se ren-
forçant à la fois pour se mettre à Tunisson du t, et le son
ch résulte de leur union. Ex.: pecten, penche; — lucta, lûcho;
— coda, cuêcho; — allactare, alachâ.
Cette mutation de ct en ch est de règle en espagnol ; en fran-
çais on la constate exceptionnellement dans deux ou trois
mots, tels que cacher, fléchir. Elle a lieu chez nous dans tous
ceux, moins un petit nombre, où la voyelle qui suivait ct n'a
pas disparu.
L'ancienne langue opérait la même mutation dans les mots
dont la voyelle finale était tombée. Ex.: coctum, cuech ; —
noctem, nuech; — octOy huech; — factura, fach; — lactem, lach.
Mais le limousin, qui n'aime pas les consonnes finales, a
laissé tomber le ch de pareils mots, disant eue, nue, hue ^,
/a, la, lorsqu'il n'a pas, cas beaucoup plus rare, adopté de
* Ou pour oil, orleili etc. Ce ne sont là que de pures diflérences d'or-
thographe.
^ La même chose a lieu également en initiale. Ex.: clavis, clhau; —
clocca, clhocho. Cette mutation de cl en clh est de règle devant a, e, o;
mais elle n'a pas lieu devant ou et u, et devant o elle est moins constante
que devant a et e. Ajoutons qu'elle n'est pas, non plus que celle de gl en
glh, dont il sera question ci-après, générale en limousin. Le bas limousin
du moins celui de ïuUe, ne la connaît pas.
^ En quelques endroits du haut Limousin, le c/i de ce mot reparaît en
liaison, et l'on dit, par exemple, â là huech oura.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 375
préférence des formes résultant de la vocalisation complète
du Cy telles que foi = fait = factum, qui est seul usité à
Nontron * .
2° C devenu y se vocalise entièrement et s'unit en diph-
thongue avec la voyelle précédente. Ex.: pect(o)rale, pet-
irai, peitrau; — pectorina, peitrina, pettreno; — lactuca, lei-
tujo ; — condtictorem, counduitour ; — pecttis, piei.
d. — Net, — Cet assemblage de consonnes se rencontre, on
le sait, très-fréquemment en latin. Exemple : sanctus, punctus,
extinctus, etc. En passant en langue d'oc, le c médial s'y est
changé en y, sauf le cas, assez rare, où il est immédiatement
tombé. Or, comme en cet état il pouvait s'unir non moins fa-
cilement avec l'n, pour former nh, qu'avec le t pour former
chy il y a eu comme une lutte d'influence entre ces deux con-
sonnes pour savoir qui des deux se l'incorporerait . De là les
doubles formes que présentent dans nos anciens textes les
représentants des mots latins précités, par exemple, pour
punctum et planctus, d'une part ponck et planch, et de l'autre
ponh et planh. Dans les mots où le t resta suivi d'une voyelle,
ce fut lui qui eut la prépondérance, et il l'a gardée en limousin.
(Ex.: puncûa, pouncho; — unctura, ounchuro ; — extincta,
eitencho.) Le contraire dut avoir lieu le plus souvent dans les
mots où il était devenu final. Il tomba, et ce fut l'w qui s'as-
socia l'y. Mais il arriva non moins fréquemment dans l'un et
l'autre cas que l'y, refusant également l'alliance du t et celle
de Vn, se vocalisa entièrement pour s'unir en diphthongue
avec la voyelle précédente. De là, pour les mots qui nous occu-
pent, une troisième forme analogue à celle qu'ils ont prise
en français, par exemple pour les deux cités tout à l'heure,
poin et plai7î. C'est cette dernière forme que nous avons
adoptée pour les mots à rime masculine. Pour ceux où la
voyelle suivant net n'est pas tombée, nous préférons, je l'ai
dit, la forme en wcA.., bien que nous admettions aussi dans
quelques mots la forme en mt.
1 A Limoges, on dit fa.
Mo DIALECTES MODERNES
e, — Cs{x). — Dans cette combinaison, c devenu y se vocalise
entièrement et forme diphthongue avec la voyelle précédente.
Mais cela n'a lieu que si une voyelle suit ; si c'est une con-
sonne, X se réduit à s. Exemple : tixorem, pr. oisor (mot éteint);
— coxa, coissa, cueisso ; — pascere{*pacsere), paiser, paissei; —
laxare, laissar, leissâ; — axilla, atssela, eisselo; — mais extre-
mitatem, estremitat, estremita ; — expertum, espert, esper.
f. — Cr. — Le c de cr, quand une voyelle précède, se vocalise
quelquefois pour s'unir en diphthongue avec cette voyelle.
Ex. : fac{é)re, faire ; — plac{e)re, plaire ; — jac{e)re, jaire ;
— conduc(e}re , counduire ; — coqu{e)re, cueire. Mais le plus
ordinairement il reste dur, soit qu'il passe au g selon la règle
générale, soit qu'il ne change pas, comme dans secré.
D. — C intérieur, au lieu de se vocaliser en i, se vocalise
quelquefois en u. Ce phénomène est assez fréquent en cata-
lan et en portugais. En limousin et en général dans la langue
d'oc, on ne le constate que dans un très-petit nombre de
mots. Ex. : secia, pr. seuta (mot éteint); — facio, fau; —
grac{u)la^ graulo *.
E. — C dur (q) est quelquefois devenu t; mutation nor-
male, mais très-rare dans notre dialecte. Elle se remarque
accidentellement de sous-dialecte à sous -dialecte, de variété
à variété, principalement devant i originel ou épenthétique.
Ex.: Nontr. : aqui, Tulle: oti^; — Nontr.: cueire fcoquerej,
vers Piégut : tiueire. Dans ce dernier exemple et les analo-
gues, Yi introduit est Yi consonne ( = y), que dans cette
contrée on aime à préposer à I'm. A Tulle, où la même ten-
dance existe, cet i arrive le plus souvent, comme on le
verra plus loin, jusqu'au son nettement chuintant ou sifflant.
Ex. : tsioul = culum, chez nous eu.
' On ne trouve dans Raynouard que la forme correcte gralha
' Pareillement, le vt^.esquina {skma), dont le q s'est chez nous change»
en c/i, est à Tulle devenu eslino. Cf. pr. lutz = Itix, patz « pax, etc.
GRAMMAIRE LIMOUSINE :>77
6
l. — G initial
ff initial devient ; ou en prend le son devant a, e, t. Ex.:
galbinum, jaune; — gaudia, jôyo; — gemere, gemî ; — gen-
terriy gen. Devant o et w et devant r, il reste dur. Ex. : gurges,
gorjo ; — gobionem, gouyou ; — grana, grâno» Devant / il reste
également dur, mais en attirant un y pour former la combi-
naison triple glh. Cette transformation de gl en glh n'a lieu
que si la voyelle suivante est a ou e. Devant i, o, u et ou, le
groupe reste binaire.
IL — G intérieur
A. — (î intérieur devient /devant a*, e, i, Enr.rigaj rega, rejo;
— sanguisuga^ sansujo ; — pur g are, purjâ; — gurges y gorjo ; —
légère, legî. Entre deux voyelles, il tombe quelquefois. Ex. :
ligamen^ liant; — ruga, rua, ruo; — rogationes, roazos, razoû»
Son maintien à Tétat de g dur est exceptionnel. Ex. : singultus,
sangu.
B. — G, comme c, devient souvent y. Nous allons passer les
divers cas en revue.
a. — G entre deux voyelles. — Il devient y et reste tel
pourvu qu'une voyelle continue à suivre. Mais cette mutation,
en pareille position, n'est pas fréquente. Ex.: plâga, plâyo ;—
saga, sâyo ; — * faga {fagus), fâyo ; — frigorem, frayour.
Si la voyelle finale tombe, il se vocalise entièrement et s'u-
nit en diphthongue avec la voyelle précédente. Ex. : regem,
rei ; — legem, lei; — propago, proubaU Citons eacore esmai (du
germanique magan), mot de l'ancienne langue tombé chez nous
en désuétude *, bien que nous ayons conservé le verbe cor-
respondant eimajâ,
b. — GL — Gl, de même que cl, devient Ih (= ly) entre
* Voir, pour l'ancienne langue, la note 2 de la page 371.
^ il doit subsister encore à Limoges, car on le trouve dans Foucaud
(eimaù)
378 DIALBCTBS MODBRNBS
deux voyelles dans velhâ = vig{i)lare^ calhâ == coag{u)lare.
Plus ordinairement le g de ce groupe se borne , comme en ini-
tiale, à attirer un y pour former la nouvelle combinaison glh.
Ex.: reg{u]la. reglho ; — segak, seglhe. La même chose a lieu
après une consonne. Ex.: singularis, singlhar ; — strangulare,
eiiranglkâ.
c. — Gr, — Le y de ce groupe s'est vocalisé dans enteira
(intégra), en haut et bas limousin entieiro ; mais cette mutation
est exceptionnelle. Ordinairement gr reste gr, Ex.: nigrum,
nègre ; — migrare, migra,
rf. — Gn et ng. —En pareille position, le g devient réguliè-
rement y et s'unit à Vn pour former la consonne composée
que nous appelons n mouillée et que les Catalans figurent pré-
cisément ny. Nous avons déjà averti que nous adoptons pour
ce son complexe la figuration nh, qui est la plus ordinaire dans
l'ancienne orthographe de la langue d'oc. Ex.: pugnare,
pounhà; — 8ang{ui)nare , sannhâ; — jungere, junhet; —
tingere, tênhei; — plangere, planhei.
Lorsque, la voyelle finale latine étant tombée, nh [ny) vient
à terminer le mot, au lieu de maintenir au n de ce groupe le
son mouillé qu'il gardait, souvent du moins *, dans l'an-
cienne langue, nous transposons Vy, qui se vocalise alors en-
tièrement et s'unit avec la voyelle précédente, en une diph-
thongue qui devient nasale. Ex.: longe, lonh, louen {=? loin);
— pugnum, ponh, pouen {=:poin), La même chose a lieu, bien
entendu, du nh final de toute origine.
En bas limousin, du moins à Tulle et aux environs, le g de
ng, au lieu de passer à l'y devant e, devient simplement j se-
lon la règle générale. Ex.ijungere, jounje ; — plangere, planje;
— cingere, cenje. Dans la même contrée, le g de gn s'assimile
an. Ex.: sonna = sang{ui)nare ; — sinna = signare ; — 52;^-
num, — sinne. Cela arrive quelquefois aussi en haut limousin,
par exemple pour les deux derniers mots cités.
^ Tous les mots en nh final ont aussi une autre fonne en tn» témoi-
gnage de deux prononciations différentes, Tune conforme à la nrononcia-
tion actuelle du limousin, l'autre analogue à celle des Catalans.
GRAMMAIRE LIMOUSINE 379
C. — G, de même que c, disparaît quelquefois devant une
consonne ou en finale, en laissant à sa place un u qui se
diphthongue avec la voyelle précédente. Ex.: sagma, saumo;
— teg{u)lum, teule ; — smaragdus, maragde et maraude ; — fa-
guniy fau. Ces deux derniers mots sont aujourd'hui inusités*.
Pour /*aw, on dit seulement ^%o ou fayà.
D. — Changeant de famille, dans la mêtne classe et le même
degré, g deviendrait d. L'ancienne langue d'oc offre quelques
exemples de cette mutation, tels que erdre = erig(e]re. Mais on
ne peut, je crois, la constater en limousin moderne que dans
des mots empruntés au français, où l'on sait qu'elle est très-
ordinaire devant r.
T (; latin ou i consonne)
Le y latin, en initiale, s'est renforcé en/. Ex. ijacere, jaire;
— jocum, jio ; — juvenca, junjo . Entre deux voyelles, il a
conservé le son primitif, en se vocalisant complètement dans
les cas où il devient final. Ex. : troja, trôyo ; — pejus, piei.
Après une consonne, même quand cette consonne est tombée,
il se renforce en/. Ex. : *adjuxiare, ajostar, ajouta; — suh'
jectum, subjet, sujié»
Ut consonne, dans la plupart des mots où il reste fluide à
Nontron et, en général, dans le haut Limousin et le Périgord
limousin, se condense en ; dans le parler de Tulle. Ceci est à
rapprocher de ce fait signalé plus haut que le g^ dans la même
contrée, ne se fond pas en y, comme chez nous, après n, plan-
gere^ par exemple, y étant plange et non planke. Ex. : ra-
diar€y raya, rajâ; — *habtamu8, ayant, ajam; — pluvia, plueia
{^T,\plejo; — trùja, trueia (pr.), trejo*-, — esglayar (pr.),
etglayâ, eglojâ; — tutiâ {tutoyer], iujâ.
On connaît la mutation, si ordinaire en français dans la pro -
nonciation de beaucoup de gens, de/Aeny (Ex. : paye = paille,
bouyi = bomlli). Elle n'est pas rare en bas limousin, comme on
' Fau existe encore en bas limousin .
• A Nontron, on dit seulement plôvio et trôyo, qui représentent des
formes dont la voyelle radicale ne s'était pas diphthonguée.
380 DIALBGTES MODERNES
le verra plus loin. La mutation inverse se remarque dans
boulhôu, forme qu'a prise chez nous le pr. boyolh ( = moyeu,
jaune d'oeuf) .
Remarquons, avant de terminer, que Ty, quelle qu'en soit
la source, reste chez nous mieux limité qu'en français, où il
déborde presque toujours plus ou moins sur la vojelle précé-
dente pour la diphthonguer en t. Ex. : payer (prononcez pai-
yer), pa^yâ; — ennuyer (pron. ennui-yer), einou-yâ; — éloigner,
eiiounhâ ; — saigner, san-nhâ.
Gh, J
Ch et j, d'où qu'ils proviennent, passent toujours à Non-
tron, je l'ai déjà dit, dans la famille des dentales, ch s'y pro-
nonçantes^ et y, dz. Il en est de même dans le reste du Périgord
et en bas Limousin. Mais à Limoges et en général dans le haut
Limousin, ces consonnes, tout en s'adj oignant une dentale,
restent principalement palatales. On les prononce tch et dj,
le e et le rf devenant même en quelques endroits à peine sen-
sibles. — Dans certaines parties de la même contrée, par
exemple St-Junien et les cantons voisins de la Charente, on
les mouille ou pour mieux dire on les empâte d'un i consonne.
Ex. ; tchiâsso = chasse; — djiamai = jamais. J'ai déjà fait
cette observation au chapitre premier du présent ouvrage .
Ch et ;, étant respectivement égaux à ts et à dz, sont suscep-
tibles de se réduire à l'un ou à l'autre de leurs éléments. La
réduction de ch k t et celle de / à d, surtout cette dernière,
sont assez fréquentes dans le bas Limousin. Mais c'est presque
toujours, sinon exclusivement, devant i qu'elles ont lieu. Ex.:
tiche = chiche ; — tivôujâ = chivôujâ {chevaucher) ; -— dimo
= jemo (poix) ; — dinhoû = ginhoû {ingeniosus) ; — dondié =
dangiê ; — kdi = legi {légère), La variété nontronnais^ ne con-
naît pas de semblables formes. En haut limousin on en ren-
contre exceptionnellement quelques-unes, par exemple duchâ
= fr. jucher,
La réduction de ch k s et de y à z n'a lieu nulle part, à ma
GRAMMAIRE LIMOUSINE 381
connaissance,''d'une^manière caractéristique. Eile doit tenir,
quand elle se produit, à un vice individuel de prononciation ou
à la prétention de parler fin, comme disent nos paysans. Je
relève pourtant dans le Dict. de Béronie les formes messan,
moussOy quesso =metchan, moûcho, cuêcho, qui prouvent que la
mutation de ch en s s'est opérée communément dans quelques
mots, en bas limousin.
Camille Chabaneau.
(A suivre.)
Stt
RESSENTIMEN
Et mes jeunes amonn, mes amonn les plus belles.
Dans l'ombre de mon cœnr mes plus fraîches amours.
Mes amours de quinze ans refleuriront toujours !
(Brizeux.)
Dins lou Tilage quand, de fes,
Larescontre, toujour poulido,
Toujour emé soun mouroun fres,
(Es uno flour afrescoulido) ;
Siégue que vèngue de la font,
Emé soun bro, pressado e lèsto ;
Vo dôu four faire de pan long,
Emé sa tiero sus la testo ;
Quand la rescontre pèr li champ.
Que moun regard toumbo e s'arrèsto
Sus soun peu fin e roussejant
Coume uno tousco de genèsto,
Que Tauro lou vèn flatejà
E Tesparpaio si treneto,
Traduction
RESSOUVENIR
Dans le village quand parfois — je la rencontre, toujours jolie,
— toujours avec son frais minois — (c'est une fleur ravivée) ;
Soit qu'elle vienne de la fontaine — avec sa cruche, leste et
pressée ; — soit qu'elle vienne du four où elle a cuit le pain long,
— avec sa corbeille sur la tête ;
Quand je la rencontre par les champs, que mon regard tombe
et s'arrête — sur sa chevelure fine et blondissante comme une
touffe de genêts;
Cette chevelure que le vent caresse, — dont il éparpille les
RE88BKTIMEN 383
E que lou Yene floutejà,
Goume lou dis ma cansouneto * ;
Quand la rescontre ivèr, estiéu,
Ëme toujour sa mémo caro,
Mis esprit vènon pensatiéu :
Uno ouro après ie rève encaro.
Aquéu pantai me ris toujour ;
Toujour moun cor amo à lou vèire.
Souveni dôu proumier amour,
As de belu mai que lou vèire !
le dise adieu, ie dise rèn ;
Mai d'escoundoun moun amo plouro
E murmure : « Mounte es lou tèms
» Que parlavian de bèllis ouro ?
)) Monte es lou tèms qu'amavian tant
» Sus Camp-Cabèu ' de nous ajougne
tresses, — et que je vois flotter, — comme le dit ma chanson-
nette* ;
Quand je la rencontre, hiver, été, — toujours avec le même
visage, — mon esprit devient pensif : — une heure après, j'en
rêve encore.
Cette vision me sourit toujours, — toujours mon âme aime à la
voir. — Souvenir du premier amour, — tu as plus de resplendis-
sements que le verre I
Je lui dis adieu, je ne lui dis nen ; — mais en cachette mon
âme pleure — et murmure : Où est le temps — où nous parlions
durant de belles heures ?
Où est le temps où nous aimions tant — de nous joindre sur
Camp'Cabel • ; — elle de me serrer la main ; moi de lui serrer la
taille ;
* Allusion à la chanson : li Frisoun de Marielo, (Cette chanson a paru
déjà dans lou Roumavage di trouhaire^ imprimé à Aix, en 1863.
' Plateau de Châteauneuf-de-Gadagne (Vauciuse), où la jeunesse va se
promener le dimanche.
384 DULECTES MODERNES
» EIo de me sarrà la man,
)) E iéu de le sarrà lou jougne !
» Mounte es aquéu bèu mes de mai,
» Qu'alor, nèstis amo eno^ensado,
» Fasien ensèn mémo pantaî,
» N'avien à dos qu'uno pensado?
» Mounte es aquéu tèms benurous
» Que, le disent: a Moun amourouso »,
» Me respondié : « Moun amourous » ;
» E menavian la vido urouso ? »
Aquéu bèu tèms nous a leissa,
Coume touto joio nous laisso ;
Pamens aquéu bonur passa
Merefresco côumo uno raissol...
De nôsti plan, lou roussignôu,
Que s'envai quand lou mistrau reno,
Revèn cantà long di draiôu
Tant-lèu que lou printèms aleno ;
E noste amour noun revendra. . .
Mai Castèu-nôu * se n'en fai glôri.
Où est ce beau mois de mai, — où, alors, nos âmes confondues
— faisaient ensemble le même rêve? — Nous n'avions à deux
qu'une pensée.
Où est ce temps bienheureux — où moi lui disant : « Mon amou-
reuse » , — elle me répondait : « Mon amoureux » ; — et nous me-
nions la vie heureuse I
Ce beau temps nous a laissés, — comme toute joie nous laisse;
— cependant ce bonheur passé — me rafraîchit comme une averse.
De nos plaines, le rossignol, — qui s'en va quand le mistral
gronde, — revient chanter le long des sentiers — sitôt que le prin-
temps respire.
Et notre amour ne reviendra pas! — mais Ghâteauneuf^ s'en
* Mon village. •
RBSSENTIMBN 3S5
E Camp-Cabèu n'en gardarà
Uno etèrno e douco memôri ;
E Font-Seguguo * n'en retrai
Koumbrino gaio e sourisènto ;
E iéu toujour lou cantarai
Coume ma cansoun la plus gènto !
Car es lou sounge bènfasèn
Que la nieu ris à ma dourmido ;
Soun souvent me fai de bèn
E reverdis ma pauro vido ;
E dins moun cor un pau malaut
Adus de dôucis alenado,
Car èro pur, car èro siau
Coume un boufà de matinado !
Gastèu-nôu, 4 mai 1861.
Anfos Tavan.
( Tirra de la segonndo partido : PTX)nR ; di ponëelo d'AnfoB Tavan, qae sonn en pre-
paracioun.)
fait gloire, — et Camp-Cabel en gardera — une éternelle et douce
m6moire.
Et Font'Segugne ^ en retrace Tombre gaie et souriante. — Et moi
toujours je te chanterai — comme ma chanson la plus jolie ;
Car c'est le songe bienfaisant — qui, la nuit, sourit à mon som-
meil. — Son souvenir me fait du bien — et fait reverdir ma
pauvre vie ;
Et, dans mon cœur un peu malade — apporte de doux souffles;
— car cet amour était pur, il était calme — comme une effluve du
matin.
( Tiré de la seconde partie, Plbubs, des poéBies d'Alphonse Tavan, en préparation.
* Campagne du félibre Paul Giéra, qui sert de promenade aux amou-
reux de Cbateauneuf. . *
386
CONTES POPULAIRES
(S- Série)
La publication de ces petites compositions populaires ayant
paru digne d'intérêt à un grand nombre de nos lecteurs, nous
n'hésitons pas à la reprendre sur un nouveau plan, qui en
assurera largement la continuité.
Les éléments ne manquent pas. A notre collection particu-
lière, déjà très-considérable, viendront se joindre celles que des
personnes sincèrement dévouées à nos études ont bien voulu
faire à notre intention. Comme elles habitent des parties du
Languedoc fort éloignées les unes des autres, nous aurons
ainsi des versions et des variantes nombreuses, qui se contrô-
leront mutuellement.
Nous avons déjà les recueils de M"* Marie Lambert, de
Bclestà (Ariége) ; — de MM. le pasteur Liebich, de Saint-
André-de-Lancize (Lozère); — Gleize, d'Arles (Bouches-du-
Rhône ) ; — Gleize, d'Azilhanet (Hérault) ; — H . Bouquet,
ouvrier imprimeur, de Montpellier. Il va sans dire que chaque
communication portera le nom de son auteur.
Nous avons l'espoir que d'autres membres de la Société
suivront l'exemple qui leur est donné , et que, dans le cas
même où ils ne connaîtraient pas de versions inédites, ils vou-
dront bien nous communiquer leurs observations sur les va-
riantes des contes précédemment publiés.
Il résultera de ces efforts réunis une sorte d'édition en com-
mun du plus grand prix. — Autant que possible, nous ne don-
nerons, à chaque fois, que des contes de même genre, afin de
faire disparaître le grand désordre qui naît toujours d'une
publication ainsi improvisée .
A. M. et L. L.
XVI. — BUFOLO
Un cop i'abiô uno femno qu'abid un goujat qu'ero un pauç '
bestio Sa maire ie diguet :
CONTES POPULAIRBS JI87
— Tu, moun ûl, balros pos res que noui^ ajos atrapat le
loup per la cuguo.
A quel goujat s'en anet à Taleo de Pechafilou, dins un aubre
curat. Le loup ben à passa, Tatrapet per la ouguo, s'en ba.
— Tenets, ma maire, m'abets dft que baldrioi pos res jus-
quos qu'ajesse atrapat le loup per la cuguo \ acM Tabets.
— Malhurous ! diguet la maire, leicho Tanà, que te man-
jariô.
L'endemà, la fieiro ero à Belcaire. Buf61o escourchet un
mouton e metet la pelai loup, pel mena à la fleiro.Se présente
Girou e Matirou, que diguèroun :
— Eh! quefai, Bufôlo?
— Souibengutbendre aquestemarrà.
— E quand ne bos ?
— Cent francs.
— Oh! noun'pos tant, be-sèi?
— Cent francs ne boli, cent n'aurèi.
— Les i dounan, Girou ?
— Tiô, Matirou.
Lei mestre del mouton le metèroun démets un troupel de
fedos. L'endemà, quand anèroun bese lei fedos, las troubéroun
toutes escanados e le loup partisquet coumo un esclaire;
d'empiei Tan pos pus vist.
Se diguèroun :
— Cal prene un fusil et un sabre, cal anà tua Buf61o.
le ban :
— Ount'es Bufôlo?
— Achi, Messius.
— Te benen tuà.
— Eh I que voulès dire ?
— Nous as arouinats : aquel marrà nous a escanat lèi fedos.
Te voulen tuà.
— Oh ! prenés patienso, cal déjunà.
Bufôlo, qu'abio une lebreto, la cargabo de papiers. Le Girou
e le Matirou ie disoun :
388 DIÀLECTB8 MODERNES
m
— .Que diable fas?
— Ah! Messîus, tant d'affas que ieu ai de tous coustats,
sans aquelo lebreto coussi fariôf Aquelo lebreto s'enba à Pa-
ris, à Ljoun, àMountpelier ; dins uno houro déjà es toumado.
— Çà, diguet Matifou, nous autris qu'aven tant d'àffas dins
Testranger, s'i la croumpaboun ? Quand ne bos, Buf61o ?
— Cent francs .
— Oh I noun pos tant, be-sèi ?
— Cent francs ne boli, cent francs n*aurèi.
— Nous bos arouinà. Nous as agut cent francs del marrà, e
toutas las fedos mortos, ie pensos pas? La ie croumpan, Girou?
— Ti6, Matirou.
S'en ban. Quand soun à Toustal, ie metoun per cent milo
francs de bilhets e la fan parti. La lebreto avansabô cami per
lai garigos. Lei mestres la queitavoun fugè.
— Bon diu ! qu'avanso cami. Nous aremountarà.
La lebreto toumet pas pus.
Se diguèroun :
— Cal prene un fusil et un sabre, cal anà tuàBufôlo.
le ban. Bufôlo, que saviô ce que se passavo, aviô mes uno
grande oulo de ferre pleno de doba.
— Ount'es Buf61o ?
— Achi, Messius.
— Te benen tuà.
— Eh ! que voulès dire ?
— Nous as arouinats. Nous as agut cent francs del marrà^
cent de la lebreto ; te boulen tuà.
— Oh! prenès patiensa, cal déjunà.
Fico très ou quatre cops de fouguet à l'oulo, la doba es
cueito.
— Çà, diguet Matirou, nous autris qu'aven lei femnos ta fe-
niantos, nous la caldrio plà croumpà. Quand ne bos, Bufôlo?
— Cent francs.
— Oh ! noun pos tant, be-sèi?
— Cent francs ne boli, cent n'aurèi.
CONTES POPCLAIRBS 189
— Nous bos arouinÀ. Noos as agut cent^ firancs del marrà^
cent de lalebreto, cent de Foulo, ie peitsospos! Lei i dounan,
Girou?
— Tiô, Matîroa.
S'en ban à Toostai. Metoon vingt francs de car dins Toulo,
ie ficoa très ou quatre cops de fouguet; la porto de Tescalier
se trobo douberto. Foule redoulet et se coupet.
Se diguèroun:
— Cal prene un fusil et un sabre, cal anà tuà Bufôlo.
le ban.
— Ount'esBufèlo?
— Achi, Messius.
— Te benen tuà.
— Eh ! que boules dire?
— Nous as arouinats. Nous as agut cent francs del marrà,
cent de la lebreto, cent de Toulo ; te boulen tuà.
— Oh! prenès patiensa, cal dejunà.
Bufôlo, que sabiô ce que se passavo, abio préparât soun de-
junà. Abio mes uno tripo de sang al col de la slu femno, am
uno minuto sul cap. Bufôlo diguet à Janetoun :
— Fai-me lou dejunà?
— Me plai pas, feniant, groumand ! Fe-lou, tus! Le voli pas
adouba.
Bufôlo ie fico un cop ; touto la sang de la tripo gisquet
pertoat.
— Malhèrous, qu'as feit? Nous bos mètre entre lèi mans de
la justiço.
— Agues pos pôu.
Coutelet de margue negre^ — cotUelei de margtie blanc,
Torno ma femno vivo — sul banc.
La femno lebo un pè.
Coutelet de margue nègre, — coutelet de margue blanc,
Torno ma femno vivo — sul banc.
La femno se lebo, fai lou dejunà e mes la taulo. Tout de-
junaUji
390 DIALBCtfiS MODERNfiS
— Ça, diguet Matirou, nous autris qu'aven lèi femnos ta
feniantes, se croumpaven aquels coutelets? Que dises, Girou?
lei croumpan? Quand ne bos, Bufôlo?
— Cent francs.
— Oh! noun pos tant, be-sèi?
— Cent francs ne boli, cent francs n'aurèi.
— Nous bos arouinà. Nous as agut cent francs del marra,
cent de la lebreto, cent de Foule, cent des coutelets ; ie pensos
pos? Lei i dounan, Girou?
— Tiô, Matirou.
S'en ban à Toustal.
— Marioun, fai-me lou dejunà !
— Me plai pos, feniant, manjaire ! Benes de beire Bufôlo ;
be-sèi? Benes de te faire prene d'autris cent francs?
Te ie fico un cop de coutel, la tuet.
— Çà, diguet Girou, del temps que la tiu se reviscoularà, ne
bau faire antau à la miu.
— Madeloun, fai-me lou déjunà !
— Me plai pos, feniant, manjaire I
le fico un cop de coutel, la tuet.
Couielet de margue negre^ — coutelet de margue blanc,
Torno ma femno vivo — sul banc.
Lafemno se lebet pos pus ; ero morto. Girou anet beire se
la de Matirou ero tournado vivo ; ero morto atabè .
Se diguèroun :
— D'aquesto fes, cal prene un fusil et un sabre, cal anà tuà
Bufôlo.
S'en ban :
— Ount'es Bufôlo?
— Achi, Messius.
—Te benen tuà. Te ie cal passa ; nous escaparas pas.
• — Nous cal dejunà.
— Boulen pas dejunà. Nous as agut cent francs del marrà.
CONTES POPULAIRES 391
cent de la lebreto, cent de Toulo, cent dels coutelets, et los
femnos mortos. Te boulen tuà.
Lou prenoun, lou metoua dins un sac et se Temportoun .
Coumo pesavo, l'abaicheroun al bord de Taigo. Abans de lou
jità dins Taigo, la un dits :
— Me cal anà fà quicon.
L'autre dis:
— Atabe.
Bufôlo repren :
— Anas b'oun ne prou len, que noun pudats.
L'un anet à la bordo de Bel-Air, l'autre à la cime de la
Costo. Bufôlo disiô dins le sac:
— Es terrible, aco : me boloun fà rei de Oungrio, e ne boli pas
estre.
Lou pastre de Pechafilou, qu'ero à la Granjeto, que gar-
dabo lèi fedos ambé sa flauto, enten aco:
— Que dises, paure orne ?
— Rei de Oungrio que me boloun fà, e nou boli pos estre.
— Eh! m'en fariôu à ieou?
— Eh I quant âge abès ?
— Eh 1 bint ans.
— Encaro milhou . . . Destaco-me de dedins le sac e benès
bous i mètre.
Bufôlo pren la capeto e la âaùto, e fasquet soun turututu,
turututu.
Quand Girou e Matirou benguèroun d'escampà d'aigo, pre-
noun le sac e le jitoun a Pont-Noù, dins le goure de l'Orto.
Tout s'entournan, troboun Bufôlo sus lou passage, que jou-
gabo de la âaùto : turlututu, turlututu. le disoun :
— Que fas, Bufôlo? Que diable ai feit?
— Ah ! Messius, se m'abios jitat de prou n'aut, rai! tant de
gisquets, tant de fedetos.
-^ E qui sap se n'aurion, nous autris ?
**Mès que bous cal prene de balan.
392 DIALECTES MODERNES
L*an s*en ba sus la cimo de TArso, e Tautre sul roc de Si-
Jaumes. D'achi redouleroun dins le goure de TOrto^et encaro
ie soun. D'achi ieu m'en tournere.
E trie e trie,
Moun eonte es ânit ;
E trie e trac,
Moun conte es acabat.
(Version de M"* Marie Lambert, de Balesta (Ariége)) .
* Traduction
BUFOLO
Il y avait une fois une bonne femme dont le fils était quelque
peu niais. Elle lui dit : < Toi, mon fils, tu ne vaudras rien qae tu
n'aies pris le loup par la queue. » Ce garçon alla de suite à Tallée
de Pechafilou, où il se cacha dans le trou d'un arbre. lie loup vint
à passer, il le saisit par la queue. Puis, le menant chez lui: —
« Tenez, ma mère, vous m'avez dit que je ne vaudrais rien que
je n'eusse pris le loup par la queue ; ie voici. — Malheureux î
s'écria la mère, laisse-le partir, qu'il te mangerait. »
Le lendemain, c'était la foire de Beaucaire. Bufôlo écorcha un
mouton, couvrit le loup de sa peau et le conduisit à la foire. Il se
présenta deux individus, Girou et Matirou, qui dirent : — « Eh!
que fais-tu là, Bufôlo? — Je suis venu pour vendre ce bélier.
— Combien en veux-tu? — Cent francs. — Tu plaisantes, peut-
être? — Cent francs j'en veux, cent j'en aurai. — Les lui don-
nons-nous, Girou ? — Oui, Matirou.» Ils mirent donc le prétendu
bélier parmi leurs brebis. Le lendemain, lorsqu'ils allèrent voir
celles-ci, ils les trouvèrent toutes étranglées ; le loup s'enfuit
comme un éclair. On ne l'a plus revu depuis.
Ils se dirent : — « Prenons un fusil et un sabre, et allons tuer
Bufôlo.» — Ils y allèrent. — a Où est Bufôlo? — Ici, Mes-
sieurs. — Nous venons te tuer. — Que dites-vous là? — Tu
nous a ruinés. Ce bélier a étranglé nos brebis, et c'est pour-
quoi nous venons te tuer. — Ayez un peu de patience, et, si
vous m'en croyez, déjeunons auparavant. » Bufôlo mit alors une
grosse charge de papiers sur un lièvre qu'il avait. Le Girou et
COUTES POPULAIRES 393
Je Matirou dirent: — a Que diable fais-tu là? —Ah ! Messieurs,
j'ai un si grand nombre d'affaires dans toutes les parties du monde,
qu'il me serait impossible d'y pourvoir si ce n'était ce lièvre. Je
l'envoie à Paris, à Lyon, à Montpellier, et à peine est-il parti qu'il
en revient. — Gà, dit Matirou, nous deux qui avons tant d'af-
faires à l'étranger, nous ne ferions pas mal d'acheter ce lièvre.
Combien en veux-tu, Bufôlo? — Cent francs. — Tu plaisantes,
peut-être? — Cent francs j'en veux, cent francs j'en aurai. — Tu
veux nous ruiner. Cent francs du bélier, cent francs du lièvre, et les
brebis mortes, tu n'y penses pas. L'achetons-nous, Girou ? — Oui,
Matirou. » Ils s'en vont. Quand ils furent à la maison, ils mirent
sur le lièvre une charge de cent mille francs en billets et le firent
partir. Le lièvre fuyait avec la plus grande vitesse à travers les
bois. Ses deux maîtres le regardaient faire. — « Mon Dieu, qu'il
va vite! Bien sûr, il nous enrichira. » Le lièvre ne revint plus.
lis se dirent : — « Prenons un fusil et un sabre, et allons tuer
Bufôlo. » Ils y allèrent. Bufôlo savait ce qui était arrivé et
avait préparé une grande marmite de fer, pleine de -viande à la
daube. — Où est Bufôlo? — Ici, Messieurs. — Nous venons te
tuer. — Que dites- vous là? — Tu nous as ruinés. Tu nous as pris
cent francs du bélier, cent francs du lièvre, et c'est pourquoi nous
voulons te tuer. — Ayez un peu patience, et, si vous m'en croyez,
déjeunons. » Il donna trois ou quatre coups de fouet à la daube, et
elle se trouva cuite à point. — « Gà, dit Matirou, nous deux qui
avons des femmes si paresseuses, nous devrions bien acheter cette
marmite. Combien en veux-tu, Bufôlo? — Cent francs. — Tu
plaisantes, peut-être. — Cent francs je demande, cent francs
j'aurai. — Tu veux nous ruiner. Tu nous as eu cent francs du
bélier, cent du Uèvre, cent de la marmite ; tu n'y penses pas ! L'ache-
tons-nous, Girou? — Oui, Matirou. » Ils s'en vont chez eux. Ils
mettentpour vingt francs de viande dans la marmite, la frappent de
trois ou quatre coups de fouet ; mais ce fut si fort que, la porte de
l'escalier se trouvant ouverte, la marmite roula du haut en bas et se
cassa.
Ils se dirent : — « Prenons un fusil et un sabre, et allons tuer
Bufôlo. » Ils y allèrent — « Où est Bufôlo ? — Ici, Messieurs. —
Nous venons pour te tuer. — Que dites- vous ? — Tu nous a ruinés.
Tu nous as eu cent francs du bélier, cent francs du. lièvre, cent
26
aSM DIALECTES M01;ERNES
francs de la marmite, et c'est pourquoi nous voulons te tuer. —
Ayez un peu de patience, et, si vous m'en croyez, déjeunons. »
Bufôlo, qui savait parfaitement ce qui était arrivé, avait préparé
son déjeuner. Il avait mis un boudin au cou de sa femme, en lui
couvrant la tête avec une capeline. Bufôlo dit à Jeanneton : — « Pré-
pare le déjeuner ! — Il ne me plaît pas, fainéant, gourmand! Fais-
le toi-même; je ne veux pas le faire. » Alors Bufôlo la frappa de
son couteau, et le sang du boudin se mit à ruisseler. — « Mal-
heureux, que viens-tu de faire? Tu veux nous livrer à la justice.
— Ne craignez rien :
Petit couteau au manche noir, — petit couteau au manche hlanCj
Faites que ma femme soU de nouveau vivante — sur ce hanc.i»
La femme fit un mouvement.
tPelit couteau, sic.»
La femme se leva, prépara le déjeuner et mit la table. En dé-
jeunant :
— « Gà, dit Matirou, nous deux qui avons des femmes si paresseu-
ses, si nous achetions ces petits couteaux I Qu'en penses-tu, Girou?
les achetons-nous ? Combien en veux-tu, Bufôlo? — Cent francs.
— Tu plaisantes, peut-être 1 — Gent francs je demande, cent francs
j'en aurai. — Tu nous as ruinés. Tu nous as eu cent francs du
bélier, cent francs du lièvre, cent francs de la marmite, plus cent
francs des petits couteaux ; y penses-tu ? Les donnons-nous, Girou ?
— Oui, Matirou. » Us allèrent chez eux. — « Marion, prépare le
déjeuner ! — 11 ne me plaît pas, fainéant, mangeur ! Vous venez
encore de chez Bufôlo, je pense I Vous venez de vous faire filouter
d'autres cent francs !» Il la frappe de son couteau et la tue. —
« Çà, dit Girou, pendant que la tienne ressuscitera, je vais en faire
autant à la mienne. — Madelon, prépare le déjeuner ! — Il ne me
plaît pas, fainéant, mangeur ! » 11 la frappe de son couteau et la
tue.
PHU couteau au manche noir, ^ petit couteau au manche btane,
Faites que ma femme soit de nouveau vivante — sur ce banc.
La femme ne se leva pas ; elle était tout à fait morte. Girou alla
voir si la femme de Matirou avait ressuscité ; elle était morte éga-
lement.
Us se dirent : — « Cette fois, il faut prendre un fusil et un sabre
et aller tuer Bufôlo. » Us y vont. — « Où est Bufôlo? — Ici,
CONTES POPULAIRES 395
messieurs. — Nous venons pour te tuer. Gelte fois, c'est pour tout
de bon. Tu ne nous échapperas pas. — Déjeunons auparavant. —
Nous ne voulons pas déjeuner. Tu nous as eu cent francs du
bélier, cent francs du lièvre, cent francs de la marmite, cent francs
des petits couteaux, plus nos femmes mortes ; nous voulons te
tuer. Ils le prirent, le placèrent dans un sac et l'emportèrent. Gomme
il pesait beaucoup, ils le déposèrent un moment au bord de l'eau.
Avant de le jeter à la rivière, l'un d'eux dit : — « Il faut que j'aille
satisfaire un besoin. » — L'autre dit : — « Moi aussi. »£ufôlo ajouta :
— « Allez donc un peu loin, pour qu'on ne sente^s la puanteur.»
L'un alla en effet à la métairie de Bel- Air, l'autre à la cime de la
côte. Pendant ce temps, Bufôlo disait dans son sac : — « C'est pour-
tant terrible, çà ; voilà que l'on veut faire de moi un roi de Hongrie,
et je ne veux pas l'être. » Le pâtre de Pechafilou, qui était à la
Petite-Grange, où il gardait ses moutons au son de la flûte, entendit
ce propos. — « Que dites-vous là, pauvre homme? — Je dis que
Ton veut faire de moi le roi de Hongrie, et que je ne veux pas
l'être. — M'accepterait-on ? — Quel âge avez-vous? — Vingt ans.
— Gertes, encore mieux. Sortez-moi de ce sac et venez vous y
mettre à ma place. » Bufôlo prit la cape du pâtre sur ses épaules,
et comme lui se mit à jouer de la flûte : turututu, turututu
Quand Girou et Matirou revinrent, ils prirent le sac et le jetè-
rent dans le gouffre, du haut du Pont-Neuf.
Au retour, ils trouvèrent Bufôlo qui jouait de la flûte : turlu-
lutu, turlulutu. Ils lui dirent : «Que fait la Bufôlo? Gomment diable
as-tu fait? — Ahl messieurs, si vous m'aviez jeté de plus haut,
vrai Dieu! j'aurais eu autant de brebis que l'eau aurait rejailli de
fois. — Qui sait s'il en serait de même de nous deux? — Cer-
tainement, pourvu que l'élan eût plus de force. »
L'un se rendit au sommet de la grande montagne de l'Arse, l'au-
tre sur le rocher de St-Jacques. De là ils s'élancèrent dans le gouf-
fre, et ils y sont encore. — Quant à moi, je m'en revins.
Et trie et trie,
Mon conte est fini.
Et trie et trac,
Mon conte est achevé.
Bufôlo, Tune des versions languedociennes du Pichot i\an€t^
I
996 DIALHIGTK M0DBRNB8
déjà citée, et les deux récits que Ton va lire ci<^après, hu Car-
bouniè et hu Coumpaire Gatet, appartiennent à ce genre de
contes populaires dont le héros, soumis à une multitude
d'épreuves successives et difficiles, finit cependant par en sor-
tir vainqueur. Ce genre est le plus répandu et celui également
dont on possède le plus grand nombre d'exemples.
Lou Cami dau Paradis, j^nhlié précédemment, provient de
la même donnée, avec cette différence pourtant que le résul-
tat de chaque épreuve est un insuccès.
XVI!. — LOU COMPAIRE GATET
Un cop Tabiô un carbouniè qu'abiè très goujats ; toumbet
malaut et abans de mouri fasquet testament, A Tainat laisset
la cabano, à Tautre un cédas, al darriè le gat.
Aqueste se sentissiô le pus malhurous. Disiô als sius fraires :
«Tu, rai ! aumens te podes embarà le cap, e tu, en prestan le
cédas, te podes amassa un bouci de pa; mes ièu, que farè d'un
gat ? Me caldra passa talen. »
Se bastis un oustalet e demoroun amasse. Le gat fasiô pos
que miaula. Uno neit le mestre le ûquet deforo. S'en ba len,
len. . . Trobo un bol de perdigals. le digueroun :
— Et ount bas, coumpaire gatet ?
— M'en bàu à Paris me fà daurà la cugo ?
— Nous bos ambe tu ?
— Mettes bous darrè ièu e seguisse me.
Al cap d'un autre pauc trobo un bol d'aucos saubajos, que
ie disoun:
— Et ount bas, coumpaire gatet?
— M'en bau à Paris me fà daurà la cugo ?
— Nous bos ambe tu ?
— Seguisses me.
Aribadis à Paris, s'en ban al palai del reig.
— Bonjour, sire ! Sire Bernât bous emboio aqueste gibiè.
CONTES' POPULAIRES 397
Le reig,' que debrd dounà un grand repaich, fousquet pla
counten de reçaupre aquel gibiè. Gardetoun coumpedre gatet
qualque temps al palai, et rapprengueroua à parla francés ,
es à dire: oui e non, Boulhan dounà mila eausos al gatet
quand s'en anet, per pourtà al sire Bernât ; bouguet pos
prene rés, disen que soun mestre ero trop riche^ mes que ie
dounessoun à'n'el uno bourso d'or per passa cami. le la dou-
nèroun.
S'en ba à l'oustau. Miaulo. Le mestre ie doubris.
— Te, que te porte uno bourso. Seras counten aro. Tout
ce que recoumandi es que m'en gardes prou per m'en croumpèt
uno cordo.
Al cap de qualques jours, le gat diguet al siu mestre 5'
— Aro me seguiras, e faras ço que te direi.
S'en ban len. Abans d^'aribà à Paris, le gatet estaquo sire
Bernât a'n un piliè, le despelet, e le pessiguet jusque que
fousquet pie de sang.
— Que me bos fè ? Me bos tuà ?
— Ajos pos pôn, demoro e diras à cado questioun ouïe non.
S'en ba à Paris troubà le reig, disen que les boulurs abion
assassinat le siu mestre e que benguessoun al slu secours. En
entenden parla de sire Bernât, le reig le ba secouri. Le trou-
beroun debourat. Le metteroun dins lou carri, l'abilheroun et
le pourteroun al palai. Quand le sire fousquet guérit^ espouset
la filho delreig.
Après le mariage, anèroun bese le doumèno de sire Ber-
nât.
— Cousi farè ièu ?
— T'estounes pas, le miu mestre, diras oui e non quand' te
parlaran.
Sabi6 pos dire res plus à tout ce que ie dision. Que que
fousquesse, disiô toujours aco.
Les noubelis mandats partoun en el reig. Le gatet se met-
tet unos bottes e pren le dabans. Trobo uno colo de dalhaires
e lous dis :
398 DIâLBCTES MODBKNBS
— Ses perdais, le reig passo e met tout à foc et à sang .
— Et ount nous mettren per esse salbadis ?
— Mettes-boas sal bor del cami, e quand passarà, que
demandarà de quau es aquelo piano, ie dires : De moun sire
Bernât.
— Be faren.
Quand fousquet pus len, trobo uno colo de segaires !
— Ses perduts, le reig passo e met tout à foc e à sang.
— Et ount nous mettren per esse salbadis ?
— Mettes-bous sul bord del cami et quand passarà, que
bous demandarà de quau es aquelo piano, ie dires : De moun
sire Bernât.
— Be faren.
Le Reig passo ; demande : De quau sou aquelos grandos
pianos ?
Tout lou mounde respon :
— A moun sire Bernât.
— Certes, mon gendre, vous êtes plus riche que mot.
— Oui.
Le gat s'en ba en un castel len, len, ounte i'abiô uuo fado
et un sourcier. le diguet ce qu'abiô dich as dalhaires et as
segaires.
— Et ount me mettre ? diguet la fado.
— Dins le four.
Quand ie seguet, le gat la i brulo.
— Et ièu que farei, diguet le sourcier.
— Mettes vous en rat.
Quand lou vejet en rat, ie sautet dessus e lou manget.
Le gat ero mestre del castel. Se met dabans la porto per
reçaupre sire Bernât. Quand fousqueroun descendudis dau
carri, fousqueroun enmascats de veire un tant poulit castel.
Dins beit jours, le gatet dis al siu mestre ?
— Siès counten ?
— Ne soun.
CONTES POPULAIRES 399
— E be te demandi, per recoampenso, qu'après ma mort me
fasqaos fè ano poulido sepnltaro.
— L'auras.
Un jour le gat fasquet del mort. La sîrbento venguet ou
dire.
— Jito-le per la fenestro.
Le gat se lebo et boulio arincà les els.
— Rete-te? Tendrai ce que t'ai proumes.
Le gai toumbo malaut, se mor, e de crento que fousquesso
bîu, ie fasquet uno superbo sépulture.
D'aqui estan m'en tourne!, sensé que me fasquessou tastà
l'aigo.
E trie e trac,
Tout es baclat.
(V. de M"* M. Lambbrt, de Belestà.)
Traduction .
LE COMPERE CHAT
. 11 était une fois un charbonnier qui avait trois garçons. Il tomba
malade, et avant de mourir il fit (son) testament. A l'aîné il légua
la cabane; à l'autre, un tamis de soie; au dernier, le chat.
Celui-ci se trouvait le plus malheureux. Il disait à ses frères:
— « Toi, à la bonne heure, tu peux au moins abriter ta tète, et toi,
en prêtant le tamis, tu peux gagner un morceau de pain ; mais moi,
que ferai-je d'un chat?. . . il me faudra mourir de faim ! »
11 se bâtit une maisonnette et l'habita avec le chat. Celui-ci ne
faisait que miauler. Une nuit, son maître le jeta dehors. Il s'en
va loin, loin et trouve une volée de perdreaux qui lui dirent:
— Et oii vas-tu, compère chat ?
— Je vais à Paris me faire dorer la queue.
— Veux-tu nous prendre avec toi ?
— Mettez-vous derrière et partons.
Au bout d'un peu de temps, il rencontra une volée d'oies sau-
vages qui lui dirent :
— Et oiîi vas-tu, compère chat ?
— Je vais à Paris me faire dorer la queue.
400 DIALBCtBS MODBUNEB
— Veux-tu nous prendre avec toi t
— Suivez-moi.
Arrivés à Paris, ils vont au palais du roi.
— Bonjour, sire. Sire Bernard vous envoie ce gibier.
Le roi, qui devait donner un grand repas, fut très-satisfait de
recevoir ce présent. On garda compère chat quelques jours au pa-
lais, et on lui apprit à parler français, à dire oui et non. On voulait
donner mille choses au petit chat lorsqu'il partit, pour les offrir à
sire Bernard ; mais il ne voulut rien prendre, disant que son maître
était trop riche, mais quUl accepterait, pour soi, une bourse d*or
pour faire la route. On la lui donna.
Il s'en va à la maison, miaule'; le maître lui ouvre.
— Tiens, je t'apporte cette bourse; tu seras heureux mainte-
nant. Seulement je te recommande de me garder assez (d'or) pour
acheter une corde.
Au bout de quelques jours, le chat dit à son maître :
— A présent tu me suivras, et feras tout ce que je te dirai.
Ils s'en vont loin, loin. . . . Avant d'arriver à Paris, le chat atta-
che sire Bernard à la pile d'un pont ; il le déshabille et Tégratigne
jusqu'à ce qu'il fut couvert de sang.
— Que me veux-tu faire 9. . . , tu veux me tuer ?. . .
— N'ai point peur, tranquillise-toi, et réponds à chaque question
oui et non .
Il s'en va à Paris trouver le roi, lui dit que les voleurs avaient
assassiné son maître et (pria) qu'on vînt à son secours. En enten-
dant parler de sire Bernard, le roi partit aussitôt ; il le trouva cou-
vert de blessures. On le mit dans un char, on l'habilla et le trans-
porta au palais .
Quand le jeune seigneur se trouva guéri, il épousa la fille du roi.
Après la noce, ils allèrent visiter les domaines de sire Bernard.
— Gomment ferai-je?
— Ne t'effraie pas, mon maître ; tu n'auras qu'à dire oui et non
lorsqu'on t'interrogera.
Aussi ne répondit-il jamais autre chose à tout ce qu'on put lui
dire.
Les nouveaux époux partent avec le roi. Le petit chat se met
une paire de bottes et prend les devants. Il trouve un groupe de
faucheurs et leur dit:
CONTES POPULÀIRBS 401
-^ Vous êtes perdus ! Le roi parcourt la campagne et met tout
à feu et à sang.
— Hélas ! comment faire pour nous sauver?. .
— Mettez-vous sur le bord du chemin, et, lorsque le roi passera,
s*ii vous demande à qui appartient cette plaine, vous répondrez: A
Monseigneur Bernard.
— Nous le ferons.
Lorsque le chat fut un peu plus loin, il trouve un groupe de
moissonneurs et leur dit :
— Vous êtes perdus I Le roi parcourt la campagne et met tout à
feu et à sang.
— Hélas! comment faire pour nous sauver?. . .
— Mettez-vous sur le bord du chemin, et, lorsque le roi passera,
s'il vous demande à qui appartient cette plaine, vous répondrez:
A Monseigneur Bernard.
— Nous le ferons.
Le roi passe et demande à qui sont ces grandes plaines. Tout
le monde répond :
— * A Monseigneur Bernard.
— Certes, mon gendre, vous êtes plus riche que moi.
— Oui.
Le chat s'en va à un château loin, loin , où il y avait une fée
et un sorcier ; il leur répéta ce qu'il avait dit aux faucheurs et aux
moissonneurs.
— Et où me mettrai-je ? dit la fée.
— Dans le four.
Quand elle fut dans le four, le chat la brûla.
— Et moi, que ferai -je ? dit le sorcier.
— Changez-vous en rat.
Quand il fut métamorphosé, le chat sauta sur lui et le mangea.
Le chat, étant maître du château, se mit devant la porte pour
recevoir sire Bernard. Quand ils descendirent du char, ils furent
éblouis de voir un si beau château .
Au bout de huit jours, le petit chat dit à son maître : Es- tu con-
tent?
— Je le suis.
— Eh bien! je te demande pour récompense qu'après ma mort
tu me fasses faire une belle sépulture.
— Tu l'auras.
402 DIALECTES MODERNES
Un jour le chat fit le mort. La servante vint le dire.
— Jette-le par la fenêtre.
Le chat se leva et voulait lui arracher les yeux.
— Retiens-toi, je tiendrai ce que je t'ai promis.
Le chat tombe malade et meurt. Dans la crainte qu'il ne revint
encore à la vie, il lui fit faire une magnifique sépulture.
Alors, je m'en retournai, sans qu'on m'eût offert à boire .
E trio 6 trac
Tout est fini.
n est facile de voir, d'après cette version, que le Coumpaire
Gatet languedocien est le Chat botté des contes de Perrault,
contes dont Torigine populaire est aujourd'hui parfaitement
reconnue.
XVIII. — LA FILHO DEL CARBOUNIÈ
Un cop Tabiô un reig que fasquet publicà que le que debi-
gnariô so que baliô le siu palai auriô pa à manjà sero un
orne, e s'ero uno ôlho Tespousariô.
Un carbouniè benguet à passa dabans le palai. Estounat
de bese tant de mounde, demandet-so que fasiô. le respoun-
deroun qu'estimabou Toustal del reig, e que degus le de-
binhabo pos.
L'estimet cent milo francs. Be debinhet pos.
S'en ba chez el, sa filho ie dis :
— Abes pla demourat, paire.
Aqueste diguet ce que s'ero passât.
— Soun pla bestios; i boli anà e be boli debinhà. .
Le paire se mes à rire. La filho s'en ba e dis al reig : I
— Vôu mes uno rousinado del mes d'agoust que vostre !
castel.
Be rencountret.
Le reig diguet que la siu proumesso ero un acte e que Tes-
pousariô ; mes abans que boulhô que faguesso un bouquet de
touto meno de flous.
CONTES POPULAIRES 403
Ba dins une prado, ne fa un que trempet dins la mèl, e le
porto al reig,
— Encaro me cal quicon mes. Tourno-t'en à Toustal, et
bendras ni primo ni sadoulo, — ni bestido ni nudo, — ni
a pè ni à cabal, — ni per cami ni per carieiro.
Cadojour la filho manjabodos sietos de milhas, ne manjet
pus qu'uno. Se mettet uno camiso e laisset uno espalo nudo ;
se mettet sur un carras e marchet la mitât sul cami e Tautra
dins le bal, un pè caussat e Tautre descaus ; atalet un ase et
uno cabro al carras e partisquet.
Quand le reig l'a bejetaribà en aquel équipage, diguet:
— Aro, m'en pode pas dédire.
Se maridèroun.
Le reig se languissiô, aimabo pos la siu femno. Un jour
diguet :
— Demando-me ce que boudras, ce que t'agradara mes.
Per te laissa- pus libro, me bàu endurmi, e tourne-t'en al tiu
oustal.
Le reig dourmissiô. EUo sel mes sul cap e s'en ba aco de
soun paire. Quand bourguet dintrà, la testo del reig tustet à
la porto e se despertet.
— Malherousà, ounte m'as pourtat ?
— M'abès dit d'empourtàce que me fariômès de plasé, bous
ei causit; es bous que preferi mes .
— Retournen al palai, d' ounte m'as sourtit.
D'achi estans m'en tournei.
( V. de M"* M. Lambert, de Belesià.)
Traduction
LA FILLE DU CHARBONNIER
■ Il était une fois un roi qui fit publier que celui qui devinerait
ce que valait son palais aurait du pain à manger si c'était un
homme, et si c'était une fille qu'il l'épouserait.
Un charbonnier vint à passer. Etonné de voir tant de monde,
4M DIÂLBGTB8 MODERNES
il demanda ce qu'on faisait. On lui répondit que Ton estimait la
maison du roi et que personne ne pouvait en deviner la vaieur.
Lui Testima cent mille francs. Il ne devina pas. Il s'en revint
chez lui. Sa fille lui dit:
-~ Vous avez resté bien longtemps, mon père !
Gelui-ci lui raconta ce qui s'était passé.
— Ils sont bien bêtes ; j'y veux aller et je devinerai.
Le père se mit à rire. La fille s'en alla et dit au roi:
— Il vaut mieux une rosée du mois d'août que votre château.
Elle avait deviné.
Le roi dit qu'une promesse de sa part valait un contrat et qu*il
répouserait, mais qu'il voulait avant qu'elle lui fît un bouquet de
toute sorte de fleurs. Elle alla dans une prairie; en fit un, qu'elle
trempa dans du miel, et le porta bxl roi.
— Il me faut encore autre chose: retourne à ta maison, et il
faudra que tu en reviennes ni à jeun ni rassasiée, ni vêtue ni
nue , ni à pied ni à cheval , ni par chemin ni par route.
Chaque jour la fille (qui) mangeait deux assiettées de gruau, n'en
mangea plus qu'une. Elle se mit une chemise et laissa une épaule
nue. Elle s'assit sur un traîneau et marcha un pied sur le chemin,
un pied dans le fossé ; un pied chaussé et l'autre déchaussé. Elle
y attela un âne et une chèvre, et partit.
Quand le roi la vit arriver dans cet équipage, il dit:
— Maintenant, je ne peux m'en dédire .
Us se marièrent.
Le roi languissait ; il n'aimait pas sa femme. Un jour il lui parla
ainsi :
— Demande-moi ce que tu voudras, ce qui te conviendra le
mieux. Pour te laisser plus libre (dans ton choix), je vais dormir,
et retourne à ta maison.
Le roi dormit ; elle le prit sur sa tête et s'en alla chez son père.
Quand elle voulut entrer, la tête du roi cogna à la porte, et la dou-
leur le réveilla.
— Malheureuse I où m'as-tu porté?. . .
— Vous m'avez dit d'emporter ce qui me fait le plus de plaisir,
je vous ai choisi: c'est vous que je préfère.
— Retournons au palais, d'où nous sommes venus.
Quant à moi, je m'en revins aussi.
GBAMIfAIRB LUOGSIXB 405
XIX- PLPERELET
Atronbèron Peperelet — dins un csolet. &a t^n pichot que
loa vesîen que loni escas. La rielha que loa nourissiè ie don*
net per bres nna cap acheta d'aglan. Un jour lou mandet per
ortas pounà una fou^asseta à soun €*me. que maiencaTa.
Sus lou bord dau cami favie un troupel de racas que pais-
sien. NT ariè una blanca. — nT aviè una negra, — nT ariè
ona rouja. En ie rauben la fougasseta, una d^aquelas Tacas
enyalet Peperelet.
Alors Peperelet cridet secous.
Soun paire, qu^entendeguet lou crit, ie dis:
— Peperelet, ountesiès?
— Siei, respoundet-el, dins lou yentre de la Taca, que m'a
envalat.
Aquel orne ne £ai pas ni una ni dos, prend la Taca blanca,
la tua, — Tenboulna, — mes ï atroubet pas Peperelet.
Peperelet se meteguet toumà-mai à cridà. Soun paire di-
guet un autre cop :
— Peperelet, ountesiès?
— Siei, s^ou dis, dins lou ventre de la vaca que m^a envalat.
Uome pren la vaca negra, la tua, — Fenboulna, — laès atrou-
bet pas Peperelet.
Peperelet se remeteguet à cridà. Soun paire diguet une
demieira fes:
— Peperelet, ounte siès?
—Siei dins lou ventre de la vaca que m'a envalat.
L'ome prend la vaca rouja, que restava souleta, la tua, —
Fenboulna, — mais i' atroubet pas Peperelet.
La vielha femna recatet la tripalha dins un banastou et
s'en anet à Toustau. Lou long dau cami, auziguet quauqu'un
que disiè :
406 DIALECTES MODERNES
Dansa, dansa,
Vielha raiisal
Cerquet à gaucha, cerquet à drecha, cerquet en haut, cer-
queten bas: vejet pas degus. Ë toujours la voués repetava:
Dansa, dansa,
Vielha ransal
Era Peperelet, rescondut dins una tripeta, que cantava.
La vielba, sans cercà mai, anet soun cami.
A Toustau meteguet las tripas dins un peiroù e las faguet
côire. Au premier boul, la voués se remeteguet à renà:
Dansa, dansa,
Vielha ransa 1
Era Peperelet que se planissiè d'estre boulit.
Quan las tripas seguèrou à taula, Peperelet sourtiguet e ra-
countet dau flu à Tagulha ce que i' era arivat.
Lou gai cantet
E la sourneta fini(!fuet .
Traduction
PEPERELET
On trouva Pc])erelet — dans un chou. Il était si petit qu'on le
voyait à peine. La vieille femme qui l'éleva lui avait fait un berceau
d'une cupule de gland. Un jour elle l'envoya aux champs porter
un gâteau à son mari, qui fauchait les foins de mai. Un troupeau de
vaches paissait au bord du chemin. Il y en avait une blanche, —
il y en avait une noire, — il y en avait une rouge. En voulant lui
prendre le gâteau, l'une de ces vaches avala Peperelet. — Alors
Peperelet appela au secours.
Son père reconnut sa voix et dit: — « Peperelet, où es-tu? —
Je suis, répondit-il, dans le ventre de la vache qui m'a avalé. »
Cet homme n'hésita pas; il prit la vache blanche, la tua, — la vida,
— mais ne trouva pas Peperelet.
Peperelet se remit à crier. Sou père demanda encore: « Pepe-
CONTES POPULAIRES 407
relet, où es-tu? — Je suis, dit-il, dans le ventre de la vache qui
m'a avalé. » L'homme prit la vache rouge, la tua, — la vida, —
mais ne trouva pas Peperelet.
Peperelet se remit à crier de nouveau . Son père demanda une
dernière fois: — « Peperelet, où es-tu? — Je suis dans le ventre
de la vache qui m'a avalé. «L'homme prit la vache rouge, la tua, —
la vida, — mais ne trouva pas Peperelet.
La vieille femme jeta toute cette tripaille dans un panier et alla
à sa maison. Le long du chemin elle entendit quelqu'un qui criait:
Danse, danse,
Vieille (chose) rance !
Elle regarda à gauche, elle regarda à droite, elle regarda en
bas, elle regarda en haut, et ne vit personne. Et toujours la voix ré-
pétait: — « Danse, etc. » — C'était Peperelet qui, caché dans une
petite tripe, chantait. La vieille, sans se donner la peine de chercher
davantage, continua son chemin.
Lorsqu'elle fut à la maison, la vieille mit ces tripes dans un chau-
dron et les fit cuire. Dès que Teau commença à bouillir, la voix
murmura: « Danse, etc. ».— C'était Peperelet qui se plaignait d'être
bouilli.
Elle mit ces tripes sur la table. Peperelet sortit alors de sa ca-
chette et raconta ce qui lui était arrivé. Le coq chanta — et mon
conte finit.
Nous avons écrit cette soumeta sous la dictée d'une bonne
femme, Rose N., qui est au service de M.Emile Hamelin.
Peperelet est l'un des noms méridionaux du Petit Poucet. Il
signifie : très-petit, excessivement petit.
Une seconde version analogue commence ainsi :
Una vieiha faguet un pet,
D'aqui nasquet Peperelet.
XX. — LOUS DETS (3* V,)
Aquèu val à la casso,
Aquèu fricasso,
Aquèu boulis,
40S DIALECTES MODERNES
Aqaèu roustis ;
Lou petit requinquin
Que Yaî cercà lou vin
E n' en tasto pas gin.
(Y. de Gleizes, d* Arles.)
TradiLction
LES DOIGTS
Celui-ci {le pouce) va à la chasse, — celui-ci {V index) lafricasse, —
celui*ci {le médian) la fait bouillir, — celui-ci {Vannulaire) la rôtit;
—le tout petit — qui va chercher le vin — et n'en goûte point.
Ainsi que je l'indique, cette énumération se fait d'une façon
inverse, comme la précédente, c'est-à-dire en commençant
par le pouce au lieu de commencer par le petit doigt. Elle se
dit à Arles.
La version de Montpellier est un peu différente :
Quan passa la becassa,
Aquel vai à la cassa,
Aquel la fricassa,
Aquel la boulis,
Aquel la roustis.
Loupichot rechiuchiu*
Dis : Ce qu'arrape es mlu 1
A l'époque du passage de la bécasse, — celui-ci va à la chasse, —
celui-ci la fricasse, — celui-ci la bouillit, — celui-ci la rôtit; — le
petit chanteur — dit : Tout ce que je trouve est à moi !
XXI. — JAN CAGA -BLANC
Jan caga-blanc — counfessa las mouninas ;
• Tomba dau ciel — se copa las esquinas ;
^ Re-ckïa-chiUt ou simplement chm-chiu clnu, onomatopée du gazouillis
des oiseaux chanteurs.
CONTES POPULAIRES .^09
Tomba dau tiulat.
Se copa lou constat ;
Tomba dan jardi.
Se copa lou teti.
Yaiper lous bosses,
Rousigà d'osses ;
Vai per lous cantous,
Réçap de cops de bastous.
(V. de H. Bouquet^ de lifontpçjlier.)
Traduction
JEAN CHIE-BUNC
chle-^blanc confesse les» guenons. ^11 tombe du ciel et se
ëiepse à r.écfaioe ; -•il tombe du toit — et se blesse au côté ; — il
lombe dans le jardin -* et se blesse à la mamelle. — 11 va dans les
bois — ronger des <os ; — -il va dans tous les .catn« ^ et i*eçoit partout
des coups de bâton.
XXII. — PLOU E FAI SOUREL (2*j
P16u e fai sourel :
Lpu diabile se bat.am^be sa fe^na.
Zo.unzoun.. Amai siegue ^ur^l
Vai per Tagant^.
Amb^ sas arpasie fai.ani#,u :
Flic ! «ac !
Traductùm
IL PLEUT ET IL FAIT SOLEIL
Il pleut et il fait soleil! — Le diable se bat avec sa femme. —
Callinpsba, .quoiqu'il •soit^boitettx, •«--•il-va pour la saisir.— Avec ses
griffes il lui fait ainsi : — Flic ! flac I
En prononçant ces paroles, on donne aux petits auditeurs
quelques ohiqueiiattdes ^ur la joue.
87
CONTES POPULAIRES
(4* série)
Nous avons sur les origines de notre ville un certain nom-
bre de récits plus ou moins merveilleux, qu'il n*est peut-être
pas sans quelque intérêt de recueillir. Nous les compléterons,
plus tard, par d'autres traditions locales appartenant à di-
verses parties de notre département ou des départements voi-
sins.
De ces récits, le premier, lou Roc de Substantioun^, remonte
à l'antiquité la plus reculée ; le second, Im Dos Sorres, conserve
le souvenir des prétendues fondatrices de Montpellier ; le
troisième, lou Clapas, rappelle son plus ancien nom, si Ton en
croit le peuple ; le quatrième, lou Pantai, en symbolise le dé-
veloppement et le rapide accroissement.
Nous y joignons une tradition relative à un lieu consacré .
par d'antiques croyances religieuses, la Font de las Fadas.
Nous empruntons la version du fioc de Substantioun à l'amu-
sante petite pièce de comédie que l'abbé Favre a composée
sur ce conte populaire ; elle est non-seulement fort exacte,
mais encore fort bien écrite, ce qui ne gâte rien. — Nous
donnons enfin, pour tous ce^ récits, des citations et des dé-
tails qui peuvent en faire connaître les variantes et la conti-
nuité.
A. M. et L. L.
XXIII. — LOU ROC DE SUBSTANTIOUN
Aquel roc, qu'es aqui délai l'aiga, es lou roc de Substan*
' SuhstantiOy vieille ville romaine dans la banlieue de Montpellier, l'une
dei stations de la voie Domitienne.
CONTES POPULAIRES 411
tioun. — Toutes lous ans, lou vingt e très de jun, à miecha-
nioch, aquela rivieira, que s'apela lou Lez, s'ouvris e vous fai
couma una carieira per anà jusqu'au roc. — Lou lendeman e,s
Sant-Jan, e la nioch de la Sant-Jan es una nioch que fai par-
tajà las rivieiras. — Pioi d'aquel roc sourtis un Esprit en corps
et en ama, qu'es abilhat de blanc. Sourtis per la porta que
se barra e s'ouvris per dedins. Aquel Esprit se mes davan la
porta e crida en frances, d'una voues grossa :
— De la part dau grand venant/
E vautres ie respoundes, la mema cauza en frances:
-^Coussi? Comment?
E vous dis :
— Qui but d'argent?
E Ton ie respon :
— Baillez-m'en en ?
L'Esprit ajusta:
— Entrez dedans * / ^
Aqui dessus Ton intra dins lou careirou qu'es au mitan de
Taiga, e l'on vai dins lou roc.
Entre intrà dins lou roc, l'on trova un gros moulou de
diniès, mes l'on s'amusa pas aqui; unpaupus Ihon un moulou
de liards ; enfin de moulons de touta sorta de mouneda. A forsa
d'avansà, venoun lous escuts nous, e pioi lous louis d'or: es
aqui qu'un ome de sens s'arapa. Poudès me dire se leu n'en
vau ensacà. . .
Dins aquel roc, l'on ie vei, perce que l'Esprit marcha davan
vautres emb' una lanterna. La mouneda n'es pas faussa. Per
ce qu'es de revenl. . . ah ! es vrai qu'acos aqui lou picar de la
daia; mes l'on pren sas mezuras.
Vezès, l'on n'a pas qu'una oura per faire soun afaire, e se
^ Ces prétendues phrases françaises ne sont que du languedocien dé-
guisé Coussi a la môme valeur que comment. — Le reste est pour Que
bou d'argent, — Bailas-m'en, — Intras dedins. Nous laissons les mômes
phrases dans Ja traduction, afin que le lecteur voie de suite le langage
vicieux que Favre a voulu constater.
4 If DIALBCTBS MODBRNM
Ton ie resta un moumen de mai, l'on n'en pot pas sourti que
dins un an, amai sans res empourtà. Per anà oonte soun Ions
louis d'or, eau faire un quart de légua dins un cami tout
entravessat. Entre que n'avès près vostra carga, la lanterna
s'amoussa e vous fau venl de recùoulous jusqu'à la porta. Se
TOUS escartas res qu'un pau dau cami ou se venès à brouncà,
aqui demouras un an sans manjà ni bèure ; atabe lous que
n'en venoun antau soun magres que n'an pas que la pel.
(Y. de l'abbé Favrb )
Traduction
LE ROCHER DE SURSTANTiON
Ce rocher, que vous voyez au delà de Teac, est le rochef de
Substantion. Tous les ans, le 23 juin, à minuit, cette rivière, que
Ton nomme ie Lez, s'ouvre et laisse dans son lit une sorte de che-
min qui conduit au rocher. — C'est que le lendemain se trouve
être la fôte de la 8t-Jeaii, et que la nuit de la 6t-Jean est une nnit
qui fait partager les rivières.
Alors, de ce rocher sort un Esprit, en corps et en âme, lequel
esl habillé de blanc* Il vient par une porte qui se ferme et s'ouvre
par dedans. CetEspiiL se place devant la porte et crie, en français
et d'une grosse voix :
— De la part dau grand venanl^, . .
A quoi vous répondez, ég;alement eti français:
— Coussi ? Comment ?
il vous dit :
— Qui but d^ar^ent ?
Et on lui répond :
— Baillez-m*en en ?
L'Esprit ajoute:
— Entrez dedans I
A ces mots, on suit le chemin qui est au milieu de l'eau et l'on
va au rocher. — Dès rentrée, on trouve d^bord de gros monceaux
^ Lou grand venant, le diable.
CONTES POPfJLAîREB 413
4e deniers ; mais on ne s'arrête pas à cela; plas loin, des monceaux
de liards ; pais, des monceaux de toute sorte de monnaie A
force d'avancer, on arrive à ceux des écus et enfin à ceux des louis
d'or. C'est à ceu^à qu'un homme de sen^ doit s'ea pi^ndre. Vous
pouvez être cert^ip que j'en r^mplir^i n^on saç.
On y voit (J^ns ce rpphpr, parce que l'Esprit marche devant
vous avec ijne lanterne. La inonnaie n'est pas fausse, lyjlais, pour ce
qui est de revenir.. . . ah! c'est là qu'est la difficulté. Il suffit pour-
tant de prendre ses mesures.
Vous n'avez qu'une heure pour faire votre part. Si Ton y res-
tait un seul moment de plus, on ne pourrait en sortir de toute
une année, et même encore sans rien emporter. Pour se rendre à
Tendroit où se trouvent les louis d'or, il faut faire un quart de
lieue dans un diemin qui n'est qu'un labyrinthe. Dès que vous en
avez votre eharge, la lanterne s'éteint, et il tauat revenir à reculons
jusqu'à la port^. Si vous von$ éearî-ez tant scât peu du chemin, ou
bien si vou^ bronch^ss, vpi|3 demeui^e; là toute une année sans
manger ni boire ; aussi cejux qui en ^ont ^i^Y&nus étaient-ils secs
et maigres à n'avoir que la peau. »
Voici la version française qu'en a donnée M. de Saint-Paul,
Tun de nos plus savants archéologues, dans sa Notice sur
Substantion, publiée en 1840 :
« Quand la cité eut péri, il arriv^ qu'au milieu de 8es;rui-
nes on trouvait quelquefois des monnaies, des médailles, peut-
être des trésors cachés dans des temps de calamité, ou enfouis
dans une submersion subite. Sur cette donnée si simple, l'ima-
gination populaire accrédita une ingénieuse légende. On di-
sait que la veille de la Noël, tous les ans, à minuit, le roc de
Substantion s' entr' ouvrait, un esprit vêtu de blanc appelait
par trois fois*. Le fleuve, écartant £ias eaux, livrait alors jus-
qu'au rocher un large passage. Celui qui osait tenter cette
redoutable aventure avait devant lui une grotte profonde et
^ Ge détail des trois fois se trouve, en effet, avec quelques autres qui
suivant* dan84eeréàitt 4a peuple, et ont Aie oubliés p^r Tabbê FriMre.
414 DIALRCTB8 IfODBRNBS
magnifiquement éclairée* Sous ses pas; il trouvait d'abord un
énorme tas de sous, puis des tas de monnaies d'argent, puis
des tas de monnaies d'or, puis enfin des tas de diamants. Mais
il devait se hâter et ne pas perdre sa route; car, après le temps
qu'il aurait fallu pour chanter un miserere, les mille clartés de
la grotte s'éteignaient à la fois, le rocher se fermait, le fleuve
reprenait son cours, et le malheureux, surpris par l'instant
fatal, expiait en mourant de terreur et de faim sa cupidité.
Il y a cent ans, on croyait encore dans le pays à la vérité
de la légende, et, quand un homme disparaissait ou qu'un au-
tre devenait riche tout d'un coup, on disait d'eux qu'ils avaient
été au rocher de Substantion, mais avec des chances diverses.
Cette croyance fit de l'ancien emplacement de Substantion un
lieu redouté du vulgaire ; et, quand un particulier ayant voulu
y bâtir une maison de campagne, on vit les murs arrivés jus-
qu'au faîte s'écrouler ensuite et par deux fois, la frayeur s'ac-
crut, et les constructions abandonnées reçurent du peuple le
nom de mas du Diable.
{Mémoires delà Soc, arck.j t. I", p. 35.)
A ce conte du Mas du Diable, qui est comme ISs conclusion
du récit principal, il faut joindre celui qui suppose qu'une fa-
mille du voisinage avait réussi à s'emparer d'une partie du
trésor. L'abbé Fabre a mis la chose en couplet:
Aquelas gens demouravoun
Au moiili de Navitau ;
Toutas las niochs sai roudavoun
Per poudre descouvri lou trau .
A la fin tant ie vengueroun.
Que trouveroun lou moumen,
£, ma fe, lou sesigueroun
Couma n autres ou faren .
La version de M. A. Germain {Hist, de la Commune, t. II,
p. 258) ne diffère pas de celle de M. de Saint-Paul, quant aux
incidents.
n est question de cette croyance au trésor mystérieux dans
CONTES POPULAIRES iW
une joyeuse composition de. Le Sage, poëte du XVIP siècle.
Elle est intitulée lou Cougùou près au bresc^, ce qui indique
suffisamment que le fond en est très-libre.
Lou COUMPAIRE
leu lou farai cavà per tout Substancioun,
Avan que noun ajan per te fà la countenta,
Viraren tout lou roc jusqu'à la fondamenta.
Lou Cassaire
Toca, Tafaire es fach ; se trouban lou trésor,
Au mens serai pagattout en de pessas d'or.
Lou CoUMPAIRE
Tout en de pessas d'or. Se noun vos de reallas.
Auras de bels ducats, quadruplas, jacoundalas,
Pistolas e sequins, e d'escuts au soulel,
Noun te manquaran pas de la pesantou d'el. '
Lou Cassaire
E noun m'en pourras pas bailla d'una autra espessa?
D'or dau pus espurat, dau pus fin que fouguessa?
Que n'i a qu'an mai de round que lou clos de la man,
A mai plus de làrjou qu'un large massàpan.
Lou CoUMPAIRE
leu vese que tu vos d'aquellas grans antiquas.
Ho! que d'aquel oustal n'intraren pas en piquas.
Las mendras que prendras seran coum'un palet,
Que n'i aura per lou mens la carga d'un mulet.
Lou Cassaire
Oi, mes fagan milhou, pioique vous fau d'ajudas :
Fasès que ieu i siè, car mas mans, que soun rudas,
* Le couœu ou le cocu, car l'auteur joue sur le double sens, pris au
tribucM
lit I uxametp ikbDÊitiiAs^ i
SoUH é*âqMli«i que eftv par rifà, féttf%: j
Terra, p«ira|ét rocs e toirt e« qiiH «erra ;
E pioi, s'es de be«oaii que nous falbft aixà qaei^re i
Avalfau found dau Les la porta qu'es de ferre, |
Après avè tirât For, Targen, Ions lingots,
Qu*i fougueroun cachats per loos Oots, Viiigots^
Faren veire à chascun que nostra diligensa
Surpassa la magia e touta sa sciensa.
LOU COVICPAIKS
E, se Fia de demouns e d'esprits infernans.
Que Tengouui ieu noun sai, troubla nostre repaus,
Que farès-YOus aqui? Fau avè de bougia,
E quauque viel routiè qù'entetida la magia,
Que cerne coilma fan, que fasse de grands rounds,
Que digtie en marmoutan quauquas imprecatloUflè,
Qu'aje d'osses de mort dan pus près cementeri.
Aisso, digan ou tout, se fa pas sans misteiri.
Lon Gassai&e
Ieu y^se ben aco: tftaî, pei^ aquéste eop.
Nous pourrian pas serri dau bastoun de Jacob t
( Bdit. d'Amiterdan, tîOO, p. 5t. ;
Traduction
LE COUCOU PRIS AD TRtBUCHEt
Le Compère
... Je fersilaire des fouilles dans (,9u^ Sfubstaniion . ^ Et, pour
te contenter, nous verrons le roc jusque dans ses fondements.
Le Chasseur
Touchez, Taffaire est faite. Au moins, si le trésor est découvert,
je serai payé tout en pièces d'or.
Tje Compère
Tout en pièecisd'or, en effet. Si les réaux ne te plaisent pas, ^ tt
T0Mrmt^ (ta bon^ ddeaés, dé« qua;âtttpl««, (ies |«cobus, -*-* desipîs-
toles, des seuftàM, daséoos «il «olîeill; -« Il ne te m«n(](teva rien do
leur poidi lég»l.
Le GHA.8SKUR
N« pournutô-tu pas m'en ai^ir d« q^uelqne anire espèce,-* d'un
or pius pur, d'un titre plus ûnt Ne pourraJA-tu pas me donner de
ces pièces qui sont rondes comme la paume — ou larges comme
un massepaiti^f
Lb GoMPias
Je vois que tu aimes les antiques. — Boit. Ce n'est pas pour rien
que nous allons dans cette maison-là. ^Les moindres pièces que
tu recevras «uront la largeur d'un disque, -«^ et tu en auras suffi-
samment pour en charger un mulet.
Le Chasseur
Bien. MaiSt puisqu'il faut un aidie, -^ souffres que je vienne avec
toi: mes mains sont rudes, *^ et. de celles qu'il faut pour tourner
et retourner — terre, pierres r r4)ches et tout ce qui s'enfuit. — Et*
s'il est nécessaire d'arriver — à cette porte de fer qui est s^u fond
du Lez, — dès que nous aurons enlevé l'or, l'argent et les lingots,
-^ qui y furent cachés autrefois par les Goths ou les Yisigoths, —
nous prouverons que notre diligence — a suffi pour vaincre les pou-
voirs de la magie.
Lb Compare
Et si des eftfèrs les esprits infernaux — venaient, on ne sait
comment, nous idunnelïfer, -^ que ferais-tu 7 Le mieux est
d'avoir de la hougie •^<et qmèlqoe vieux vagabond, expert dans les
choses magi^ttM, —qui sache traoier habileiaent les signes et les
cercles enchantés,*- murmurer 4é8 impcéoaiionB, *^«tqai ait eu
le soin de prendre avec lui des os de mort volés au cimetière le plus
voisin. — Tout cela, disons-le, ne se fait pas sans difficultés.
Le Chasseur
Sans doute, mais, pojor cette fois seulement, — ne su(Bnatt4] pa«
d'avoir le béton de Jaêcd>f Me.
418 DIALBCTES MODBRNBS
La conclusion de ce.badinage est qu'on ne peut devenir
riche promptement que par des moyens malhonnêtes.
Nous trouvons d'autres allusions à la même croyance, tou-
jours au XVIP siècle, dans des vers de Roudil, déjà publiés
par la Bévue (V. t. P% p . 345). H s'agit du Testamen dou Sage;
Roudil n'avait garde d'oublier le trésor de Substantion parmi
les biens imagiraires qu'il fait léguer à notre facétieux poète.
Toutasfes, ieu m'explique e vole qu'el entende
Que moun intentioun es qu'après sa mort el rende
A moun fil, ount que siè, lou viel Substantioun,
Car la natura vou qu'el n'aje sa pourtioun ;
E vole qu'as despens de toutes dous se cave '
Dins lou cher de la gleiza, e toujours se recave
Jusqu'as qu'auran troubat lou trésor encantat,
E pioi tout lou bahut partigoun per mitât ;
Car, autrasfes cavan dins aquela mazura,
Ieu trouvère un pergam d'una antica escritura,
Que.countehiè Testât de l'or e de l'argent
• Que fouguet aqui mes per una estranja gent.
Pus bas, diziè l'escrich, quau voudra prene pena
Troubarà dins lou roc una crota que mena
A la riba dau Lez, fermada d'un cledat
Qu'ièu, que teste, cent fes ai vist e regardât.
Dins aquel gazilhan se troba à man senestra,
Cavat dins lou roucas, lou trau d'una fenestra,
Que sert de pourtanel per intrà dins un lioc
Ounte despioi mil' ans n'iagut ni fum ni floc.
Alins es un géant sus una grand cadieira.
Fil dau pioch de Sant-Loup e d'aquesta ribieira.
Que garda lou cofras de ferre tout bandât.
Etc., etc.
Traduction
Toutefois, je m'explique et je veux qu'il sache — que mon inten-
tion est qu'il laisse, après sa mort, — à mon fils, où qu'il soit, le
vieux Substantion, — car le droit de nature ordonne 'qu'il ait aussi
CONTES POPULAIRES 419
sa part d'héritage.. — Je veux, en outre, que les fouilles se fassent
au nom de tous deux-, — dans le chœur de l'église, et que les re-
cherches continuent — jusqu'à ce que l'on ait trouvé le trésor
enchanté — et qu'ils puissent se le partager. — Autrefois, ayant
cherché dans celte masure, — je trouvai un parchemin, en carac-
tères antiques, — qui donnait un état des sommes d'or et d'ar-
gent — qui y furent cachées par des étrangers. — A la fin de cet
écrit, il était dit que celui qui voudrait s'en donner la peine — trou-
verait dans le roc la grotte qui conduit — à là rive du Lez, fermée
d'une grille, — laquelle, moi qui fais ce testament, j'ai vue et re-
gardée plus de cent fois. — Dans ce passage souterrain, à main
droite, — et creusée dans le roc, est une sorte de fenêtre — dont
on se sert pour entrer dans un lieu — où, depuis plus de mille ans,
il n'y a eu ni fumée ni feu. — Là est assis, sur un grand siège, un
géant, — fils du puy de Saint- Loup et de la rivière du Lez, — lequel
garde le coffre immense, bardé de fer, — et ne vit que du bruit
que fait Pargent monnayé.
Dans ce coffre se trouvent 200,000 réaux, ~ 553,000 philippes,
— 300,000 angelots, — 100,000 patagons, — 100,000 miliarets, au-
tant de ducatons, — 400 millions en doubles ducats d'Espagne, —
autant de millions en rixdaler s d'Allemagne, — 50,000 alberts et,
pour en finir,— 400,000 francs tant à pied qu'à cheval; — sans compter,
bien entendu, les petites monnaies de billon, niquets, sieyzenas, pi-
natelasy — les preliiigâs, les carolus et autres bagatelles, — les pias-
tres et les blancs, les gros sous et les sous, — les espazeras et les
liards, qui roulent et encombrent le sol. — C'est pourquoi, mon
cher Oudinet, il conviendrait d'envoyer chercher — des carriers
avec leurs pelles de fer, — pour qu'ils vinssent, dès que j'aurai
trépassé, — commencer les fouilles à l'endroit que je vous indique.
— Si vous vivez tous deux d'accord, avec mon -fils, — vous ne pou-
vez manquer d'entrer bientôt en jouissance de ce trésor. — Ayez
l'œil pourtant à ce que les pillards — qui feront les fouilles n'en
prennent la moitié. — Lorsque vous l'aurez découvert, — vous
pourrez, si cela vous plaît, faire doubler vos manteaux avec de
l'hermine ; — pour ce qui me concerne, je ne m'y oppose pas.
Cette version de Roudil, on a dû le remarquer, ne diffère
de celle de Le Sage que par cette idée, que le trésor enchanté
pourrait tout aussi bien être enfoui sous Fautel de la vieille
m raAIiSCTBS IfODBIWBS
éf Um ëa Gaftobiaa que g^ut le roehar. Je n'ai pM lieseûi de
rappeler que oette église, dent il ne reste que des raines, fat
la eathédrale da diocèse de Maguelene, pendant tout le temps
que les ëréques demeurèrent à Substaniion (737-1048).
Observons encore que, pour elle, le génie du lieu n'est pas
seulement un fantôme immense, d*aspeot assez vaguç, mais un
géant, dont on connaît la filiation. Nous retrouvions ailleurs
des çrojapees analogues, s*appliquant & des ^trea titaniqi^es,
enfants de la terr^»
XXIV. — LAS DOS SORRES
{iM irnOX 9ŒUHS)
Vers la fin du X* siècle, Montpellier ^ppart^enait, dit-oi^, ^
deux dames^ sœurs Tune et Vautre de Tévéque de Lodève
saint Fulcrand.
Elles habitaient daiMi un ch&t^an^ fort du ];^o4^vQi9, qui
depuis* 1^ cause d'elles, a été appelé 1^ çI^ât^a^ 4^8 Deui^-
YiergeSi Castrum de Doo»- Virgine$, D^ seigneurs d^ ce nom,
et peut-être aussi de la famille de ces deux sosurs, figurent
dans Thistoire de la province du X* au XV* siècle.
La tmulition, et c'est un fait important à remarquer, pour
qu'on ne perde pas de vue que l'origine en est cléricale, a été
recueillie, au XIV* siècle, par l'évêque de Maguelone, Arnaud
de Verdale ; elle ajoute que les deux sœurs cédèrent tous
leurs droits à cette seigneurie à l'évêque Ricuin, l'un de ses
prédécesseurs, qw, à. soïi tour, 1» T^m\ pi»r infiéod^tipn à la
famille des Oiiilhems.
Version latine
cmmiqm d'arnaud de vïtrdale (kv^ siÉeLE)
Ptepuit itaqii^ r^etex^e prm^rdiç» qn^^ m^ M^9#9-
peisuU, <et MonMspessulani yiU^ cum a(jyaaei;Ltii3 9uis Si,a£a-
lo^AjS^^ .Scele8i#IPit #1^
GONTfiS POPDIiAIRI» 4(1
Dît» qaôndam (ut âi scriptis et fama peHinac» eomperiiiiii^
faertint sorores quaram altéra MontempesBulanam, altéra
Montempes&alanulam possrideba&t. Beatus namque Fulcranus
à Subtantionensiam eomittim stemmate, matemam sangninem
ducens, Magalonensis archidiaconus, glofiosissittras post mo-
dum Lutovensium episcûpus istarum frater fuisse comproba-
tur. Yerùm istœ cum méliori consilio revoMssent quod inor-
dinato et prsecipiti cursu transeat mundus, et concupiscentia
ejus, de terrenâ ac transitoriâ possessione statuerunt efi&cere^
quod possent cœlestia in perpetnum possidere. Earum igitur
fuit deliberationis consilium, ut possessionem, et possessionis
jiw quod in iis Ttilis^ et in pertinentiis ad eas videbantur
babe*re, ad Magaionensem Ëcclesiam jure perpetuo possidea-
dam tâ^ansferrent.
Hoc ergo votum Domino persolyentes, bas tiilas cum adja-
centiis suis, Domino Deo et Beatis apostolis Petro et Paulo
Magalonensis sedîs, et Ricuino ejusdem sedis venerabili epis-
copo donatione in perpetuum valitura destinaverunt.
Erat autem in his partibus tune temporis vir nobilis qui-
dam Guido nomine, qui (ut nobis traditum est) ex terris siv
prœdMs ctim Meigoriensi comité mâlitabat. Hic quadam die
venerabilem adiit Ricuinum Magdonensem episcopum, et ut
ei Montempessulum ad feudum donaret, multis precibus im-
peravit. Aecepit ergo Guido à Ricuino Montempessulum ad
feudum, et prœstitit ei ûdelitatem et homa^um, expositâ tel
securitate, ut ei et Magalonensis sedis eanonicis deincepB fi-
delis tBBêéi in oinnîbus*
( Bdlt. â'AigrefeuiUe, Bm. de Mon^peëwr. —
t. 11, p. 416.)
Version française
Il y eut autrefois deux sœurs (comme utie tradition constante et
les archi\res publîeâ nous rapprennent), dont Tune possédait Mont-
pellier et fatitre MbntpelUér&t en frktit alieu. Elles étaient â'une
aneièmne neblet^sc/car il^st prouvé qu^elles eereoft pour frère le
bienheo^eux Fulci^and, dont la mère ét^de ia mûfton des eemtea
in DiALfiCTfig IfODBRMfiS
de Substantion, et qui, après avoir été archidiaque de Maguelone,
remplit avec beaucoup de gloire la chaire des évéques de Lodève.
Ces deux sœurs, étant pénétrées de la pensée que le monde passe
avec les passions qui nous attachent à lui, résolurent de gagner le
ciel par le moyen des biens passagers qu'oHes avaient sur la terre.
Elles prirent donc le parti de transférer, par une donation irrévo-
cable, à l'Église de Maguelone, tout le droit qu'elles avoient dans
la possession de Montpellier, avec toutes leurs appartenances ; et,
en s'acquittant de leur vœu, elles firent à perpétuité un don de ces
deux places, avec tout leur district, à Dieu, aux saints apôtres
8. Pierre et 8. Paul, et au vénérable Ricuin, évèque de Mague-
lone.
Or il y avait alors, en ce pays, un gentilhomme qui s'appelait
Guy, et qui, selon que la tradition le porte, étoit mouvant du comte
de Melgueil, et le servoit de ses armes à raison de ses terres et
des possessions qu'il avoit de lui. Ce gentilhomme s'en alla un jour
trouver le vénérable Ricuin, évèque de Maguelone, et le pria in-
stamment de lui donner Montpellier en fief, pour le tenir de son
Eglise; ce qu'il obtint après plusieurs prières. Guy reçut donc de
l'évèque Ricuin Montpellier en fief, et lui prêta foi et hommage, en
s'obligeant de lui être désormais fidèle et aux chanoines de Mague-
lone.
( D'AiGEiEFEUiLLB, Htst. (U MontpelHer, 1737,
I. p. 2.)
Plusieurs difficultés s'opposent à ce que Ton paisse ac-
corder à cette tradition, beaucoup trop répandue, une valeur
historique quelconque.
Il n'est pas certain, tout d'abord, qu'il y ait eu deux Ricuin
évêques de Maguelone. Les pièces justificatives de la série
des évêques ne parlent que de celui qui vivait en 812, et sous
Louis le Débonnaire, et c'est à ce Ricuin unique que la chro-
nique d'Arnaud de Verdale, il est facile de s'en assurer, at-
tribue l'inféodation de Montpellier. Cette date n'est pas facile à
concilier, sans . doute, ayec celles de l'épiscopat de saint Fui-
crand .de Lodève (949-1006), mais il y a longtemps qu'on ne
compte plus les anachronismes des légendaires de cette époque.
Il n'est pas certain aussi qu'il n'y ait eu que huit Guilhems
CONTES POPULAIRES 423
seigneurs de Montpellier, comme il faudrait l'admettre si la
prétendue donation de 990 devenait authentique . Un acte de
1374, dont le témoignage est de la plus haute importance,
puisqu'il a pour but d'affirmer et de délimiter les droits res-
pectifs des trois vieilles juridictions féodales de Montpellier, la
baillie, la rectorie et la baronnie, dit expressément, à propos
de la première : Illa pars fuit antiquitus Guillelmorum Montis-
pessuli, qui fuerunt undecim successive^ , Le successive rejetant
l'hypothèse qui voudrait faire entrer en ligne de compte les
cinq ou six vicaires, les Aimoin, il en résulte que les Guilhems
remonteraient à ce même règne de Louis le Débonnaire, qui
fut, en effet, l'origine de presque toutes les grandes familles
du Midi.
Il n'est pas certain non plus que l'on puisse fixer la date
990 comme le point de départ de la puissance des Guilhems.
En effet, dès 986, nous voyons le comte Bernard de Mel-
gueil faire à Guy diverses donations pour s'attirer sa bien^
veillance, prosuo servitio vel benevolentia *; un suzerain ne
parlait ainsi de son vassal que lorsque celui-ci était en posi-
tion de se faire respecter ou même de se faire craindre.
Il n'est aucunement certain, enfin, que l'Église ait eu un droit
quelconque de suzeraineté sur Montpellier avant la cession
de 1085, faite par le comte Pierre de Melgueil au pape Gré-
goire VIL
Les documents font défaut pour rétablir les véritables faits ;
mais, si l'on songe que cette cession était contestable en
droit, puisque le comte Pierre ne pouvait disposer de ce qui
appartenait au duc de Narbonne, et qu'elle le fut très-souvent
en fait par nos Guilhems ; — si l'on se souvient qu'il était à la
mode de soutenir des prétentions féodales douteuses par des
preuves fausses ou romanesques, et il doit nous suffire de ci-
ter, dans ce dernier genre, le roman de Philomena, en faveur
^ A. Germain, Hist. de la Commune, II, p. 383.
' D'Aigrefeuille, Hist. de MonipéUier, I, p. 3.
4»4 ÙlkLEOta» M0MRMB8
de rabbaj6 de la Gr&ce, et, pour quelques passages, la Seik
Maguelonê^ Turpin, Vienne, etc.; — ai Ton jrenarqud 400 la
tradition ne nous a été transmise que par la partie inté-
ressée, et qu'Arnaud de Verdale sambk n'avoir d'autre biub,
d'autre pensée, dans sa chronique, que d'énaœ/érer les titr^eB
féodaux, vrais ou una,ginaires, de son Église, on se trour^ffa
en présence d'un très-grand nombre de motifii de doute*
Nous nous abstenons, du reste, de conclure ; il doit nous
suffire d'avoir mis le lecteur en garde contre Tappareiice
historique de cette tradition.
Il n'est pas inutile de remarquer que l'on en tirait uae
étymologie assez curieuse :
« En vertu de l'autre étjmologie, Montpellier viendrait ûe
lions puellarum, contracté en Mons pueUum, et tirerait cette
-qualification des deux sœurs de saint Fulcraad, qu'Arnaud de
Verdale dit avoir été maîtresses et donatrices de notre terri-
toire ; — ou bien encore^ d'après une interprétation plus ga-
lante, de la beauté de ses jeunes filles, que le bon vieux chro-
niqueur Froissard appelle courtoisement a les friches dames
de Montpellier.» Cette étjmologie, malheureusement^» est plus
gracieuse que vraie. Montpellier, selon toute i^parence,.n'at-
tendit, pour prendre un nom, ni les deux sœurs de saint Ful-
crand, ni la réputation de ses belles habitantes. »
( A Gbrm 4IN, Hist, de la Camm., I, p. 18.)
XXV. — LOU CUPA8
(le orand tas de pmRltKS )
Si Ton en croit nos compatriotes, la ville de Montpellier se
nommait autrefois, alors qu'elle commençait à se dév.elcy^per,
lou Clapas.
Us en donnent pour motif que, lorsqu'on vient des champs,
ses maisons semblent amoncelées sur la montagne, comme
ces amas de pierres, clapasses, que l'on trouve dans nos garri-
gues et sur les pentes des tJéVennes et du Larzac.
CONTBS POPULAIHBS 4S&
Les anciens racontent que, lorsque les deux sœurs et leur
frère partagèrent le pays, Taînée dit en posaat trois termes:
— Aissimoun pilier; aqui toun pilier ; aUd sovn pilier.
Et, comme sa part était beaucoup plus grande que celle des
autres, il s'ensuivit que le pays en entier conserva la dénomi-
nation de Mounpilier,
Cette étymologie, que nous citons simplement comme curio-
sité, nous rappelle que Ton raconte aussi, à peu près dans le
même sens, que nos anciens seigneurs s'arrêtaient volontiers
en allant et en venant à Mounplazè, ces pxairies de Castelnau
d'où Ton commence à voir la ville, et à Mounregret, cette des-
cente de Vendargues où on la perd de vue. D'où la vieille ha-
bitude parmi les voyageurs, conservée de nos jours chez les
compagnons, de faire halte à ces endroits-là pour les adieux et
le coup de Tétrier.
XXVI. — LOU PANTAl
(la vision du comte de melgueil)
u Ily a sur l'origine de Montpellier uae précieuse légende
Le comte de Maguelone, Aigulf, contemporain de Pépin le Bref
et père de saint Benoît d'Aniane, frappé des graves change-
ments politiques auxquels il assistait, consulta, dit-on, un tal-
mudiste, son médecin et son familier.
» Celui-ci lui ût voir au milieu d'un bois, et pendant le si-
lence de la nuit, deux arbustes, deux arbrisseaux mystérieux,
qui, d'abord distants l'un de l'autre, se réunirent bientôt en
un grand arbre à doubles racines. Apparut ensuite une jeune
fille avec deux têtes. Ces deux têtes, à leur tour, se condensè-
rent en une seule, ravissante de beauté et rayonnante de
gloire, qui, d'une bouche fatidique, se mit à prophétiser l'ave-
nir. Or, ajoute la légende, le comte Aigulf, dans le bois et au
lieu même où il avait eu cette apparition, jeta les fondements
d'une ville, et cette ville s'appela Montpellier. »
(\. Germaim, Hist. de la Commime, I, p. 2.)
28
4M DIALECTB8 MODERNES
Montpellier était divisé originairement en deux parties,
las doas parts, comme on disait alors : la part du seigneur, JHon-
peslier, et la part de Tévêque, Monpeslairet. Ce ne fut qu'en
1349 qu'elles se réunirent pour ne plus former qu'une seule et
même cité, héritière de Magalona et Substantio, D'où la légende
que Ton vient de lire.
Telle est Texplication qu'en donne notre savant historien.
Ainsi qu'il le remarque fort bien, tout est féerique, tout est
double dans cette légende : — deux acteurs, deux arbustes,
deux têtes; — et tout, néanmoins, j aboutit à l'unité. L'unité
émanant d'une primordiale dualité, tel est le symbole, telle
est rhistoire de Montpellier au moyen âge. Jusqu'au milieu
du XIV® siècle, la ville dont nous parlons est demeurée sou-
mise à deux juridictions distinctes.
Ce fut à cette époque aussi qu'au sens poétique Morts puel-
larum fut substitué le sens religieux Mons puellœ : l'un se rap-
portant aux deux sœurs de la légende primitive, l'autre à la
Vierge. L'image vénérée de cette nouvelle patronne, placée
sur les sceaux de la ville, forma ainsi pour elle des armes par-
lantes. La chose était, du reste, tout à fait dans le goût du
temps, et ne préjuge en rien quoi que ce soit en faveur d'une
étymologie quelconque du mot Montpellier, non plus que le
lion de Lyon, le cete de Cette, etc.
XXVII. — LA FONT DE LAS FADAS
(la fontaine des fées)
Nous avons, dans nos départements méridionaux, un très-
grand nombre de lieux ainsi nommés : grottes des fées ( bau-
mas de las Fadas) ^ maisons des fées [oustals de las Fadas), fon-
taines des fée^ {fonts de las Fadas) , etc., qui toutes conser-
vent le souvenir, on est assez d'accord sur ce point, d'événe-
ments ou de croyances druidiques.
Voici ce^ que dit d'Aigrefeuille (Histoire de Montpellier, IP
partie, p. 265) de la fontaine des Fées, dont il est ici ques-
tion:
Coktës populaires 4Sn
« L'église de Saint-Martin-de-Prunet était située au midi de
Montpellier, sur l'élévation la plus avantageuse des environs
pour découvrir la ville, qui se présente en amphithéâtre de ce
côté-là.
« Tout auprès, dit Philippy, était une fontaine, dite com-
munément la font de las Bonseillas, où il y avait deux ou trois
chambres voûtées et bâties dans la terre, environnée de
bancs et sièges de pierre, que le peuple croit fabuleusement
avoir été le domicile de quelque fée, ce qui lui a attiré en
langage du pays le nom de font de las Fadas; mais il est à
présumer qu'elle servait de lavoir public aux donseillas ou
demoiselles de la ville, pendant les chaleurs de Tété. » Nous
avons vu encore de nos jours les vestiges de cette fontaine,
qui a été depuis comblée de terre, et dont Teau a été détour-
née pour Fusage d'un jardin voisin, appelé le jarrfm Z)eg^re-
feuille. »
A ces détails, M. A. Germain [lïist, de la Commune, III,
p. 258) ajoute ce qui suit:
« Il ne reste plus rien malheureusement de ces poétiques
ruines, au moment où nous écrivons ; leurs matériaux ont dû
être employés à la construction de quelque villa du voisinage,
et l'emplacement de la fontaine lui-même serait totalement
méconnaissable si la pérennité d'une source, encore jaillis-
sante, ne venait en aide aux recherches de l'archéologue.
C'est pour nous un motif de plus de fixer par un souvenir la
trace de la fugitive tradition. »
Il n'est pas inutile d'observer que les expressions font de
las Fadas et font de las Donzelas sont identiques dans le lan-
gage populaire, et rappellent l'une et l'autre le souvenir et la
présence des fées. Notre célèbre grotte des Demoiselles , ou
bauma de las Fadas, à Saint- Bauzille- de-Putois, n'a été ainsi
nommée qu'à cause de ses merveilles et de ses splendeurs
féeriques. Nous reviendrons plus longuement sur toutes les
dénominations de cette espèce, lorsque nous aurons à nous
occuper de croyances superstitieuses.
428 DIALECTES MODERNES
Cest donc à tort que Philippy suppose qu*il s'agit ici de
demoiselles de la Tille. Ce monument antique, où il n'a vu
qu'un lavoir, était bien certainement une sorte de delubrum,
consacré aux divinités du lieu, dans le genre du Vaso de
Clermont-Ferrand.
CLAR DE LUNO
AUBADO
A IIADAIIO II. B.
Un yèspre, au clar de luno,
Em' elo d*assetoun,
Regalave ma bruno
De cant e de poutoun.
Ma man dins sa maneto
E mis iue dins sis iue,
N" i* auriéu de cansouneto
Ganta toute la niue :
(( T'ame, t^ame, ma belle !
— - Tame, t'ame, moun bèu !
— D'amour moun cor te bèio !
— D'amour moun eor te béu ! »
CLAIR DE LUNE
AUBADO
A madame: m. B.
Un 9oir, aa clair de lune, — assis à côté d'elle, r- je régalais ma
brunette — de chants et de baisers.
Ma main dans sa petite main — et mes yeux dans ses yeux, —
je lui en aurais, de chansonnettes, — chanté toute la nuit.
« Je t'aime, je t*aime, ma belle I — Je t'aime, jo t'aime, mon
beau! — Mon cœur (plein) d'amour te désire ! — Mon cœur (plein)
d'amour a soif de toi ! »
430 DULEGTBS IfODBRNBS
Entanterin, lis oaro
EsqoihaYon plan-plan ;
Mai res nous disié : u Quouro
Vous retiras, galant? »
S'un pichot nivo anavo
Davans elo passa,
La luno espinchounayo
Pèr nous vèire embrassa.
Pièi, coume dins un brinde,
Fasié sus touti dous
Gisclà de si rai linde
Li flot amistadous.
E bevian sa lumière
Nega dins lou bonur. . .
Kaubeto, la proumiero,
Venguè coume un voulur ;
0, coume un voulur Taubo,
Kaubeto au pount dôu jour,
Rambaiè dins sa raubo
Nôsti pantai d'amour.
Et, cependant, les heures — s'écoulaient tout doucement; — mais
nul ne nous disait : « Quand — vous retirez-vous, mes amoureux? »»
Si un petit nuage venait — à passer devant elle, — la lune épiait
à travers — pour nous voir embrasser.
Puis, comme si elle voulait nous porter un toast, — elle faisait
sur nous deux — jaillir de ses rayons limpides — les flots pleins
de tendresse.
Et nous buvions sa lumière, — noyés dans le bonheur. . . —
L'aube, la première, — vint comme un larron ;
Oui, comme un larron Taurore, — Taube naissante à la pointe du
jour, — emporta dans les plis de sa robe — nos rêves amoureux.
CLAR DE LUi^O 431
E la chato espôurido
Fusé liuen de mi bras,
Coume uno bouscarido *
Entre vèire lou las .
Lou vèspre, au clar de luno,
Quouro mai d'assetoun
Regalarai ma bruno
De cant e de poutoun ?. . .
Louis ROUMIEUX.
de Beancaire (Gard).
Et la jeune fille effrayée — s'enfuit loin de mes bras, — comme
une fauvette — entrevoyant le piège.
Le soir, au clair de lune, — quand, assis encore auprès d'elle, —
régalerai-je ma brunetle — de chants et de baisers?. . .
NÉCROLOGIE
HIPPOLTTB ROGH, ^/u Portafuia de rouvrit. — Gras, 1861
Hippoljte Roch, qui vient de mourir à Montpellier (le 9 sep-
tembre 1872), faisait partie de cette pléiade d'ouvriers poètes
que les succès de Jasmin ont fait éclore. Il j a eu de tout
temps, dans les rangs obscurs du peuple, de ces chanteurs naïfs
qui, poussés par un instinct naturel, ont composé pour quelques
amis, parfois pour les habitants d'un quartier où les membres de
quelque réunion intime, des poésies souvent incomplètes, mais
souvent aussi ingénieuses, spirituelles et pleines de sentiment ;
poésies dont rien ne garde la trace que la mémoire de ceux qui
les chantèrent ou qui les ont entendu chanter. Tel de nos
jours a vécu le poëte en titre du plan de rOlivier, mèstre Jùun-
quet, Tauteur de la plupart des chansons que les cours carna-
valesques ont rendues populaires et que Ton chanté encore
dans nos rues, sans savoir généralement quel en fut Fauteur ;
tels sont encore la fille de ce poëte ignoré, héritière de sa
verve, ou mèstre Marquetou, le chansonnier de Boutonnet, ou
Michel, qui semble plus spécialement s'être choisi le rôle de
poëte politique.
Ces poésies populaires ne franchissaient guère Tétroite en*
ceinte du milieu dans lequel elles ont été composées. La plu-
part n'ont occupé que le court espace de temps que dure
un repas de fête, ou la période consacrée annuellement aux
amusements populaires. Pour avertir les auteurs de ces œuvres
éphémères qu'un plus long avenir pourrait leur être réservé,
il a fallu les triomphes obtenus par la muse du poëte d' Agen .
Plus d'un de ces compositeurs ignorés, en écoutant l'écho des
applaudissements qui suivaient Jasmin dans son pèlerinage
poétique, a senti s'éveiller dans son cœur une noble ambi-
tion. Cur non ego quod iste? Ils ne se sont plus bornés alors à la
publicité restreinte d'un cercle familier, et de nombreux re-
NEMTHailOaiA 483
«neils wostt wbwib wtccessiyemé&t Affronter ht kimièrB quiaTait
bnilé fi éehBkioLiBtte mir les Papillotos,
Le maiiyement iraiseunt de la lUnaissaB^oe proyejiç^e im-
prhua une nouvelle fopee et eet élan enaore jxtcertam, et Ton
vit, sous cette double ioâuenee, s'accroîtra rapidement le nom-
bre des poètes populaires du Midi. Faut-il rappeler ici, pour
ne citer que les noms les plus connus dans la région du Sud-
Ouest, Peyrottes, de Clermont ; Mengaud et Vestrepain, de
Toulouse; Rigal, d'Agen; T^lismart, de Périgueux, et tant
d'autres, entre lesquels Hippoljte Roch occupe une place dis-
tinguée. Né à Montpellier le 14 janvier 1801, simple ouvrier
ferblantier, mais nourri des traditions poétiques que Tandon,
Guiraud, Bertrand, Gaussinel, les Rigaud, Martin, ont entre-
tenues dans notre population à Uim^ination si vive,, à la sen-
sibilité si ardente, il composa, d'abord pour lui-mêine et quel-
ques amis, de nombreuses pièces de vers, dont la réputation
franchit bientôt les limites du cercle étroit qui les entendait.
Un homme d'érudition et de goût, dont la perte récente a
affligé les nombreux amis, M. Eugène Thomas, archiviste du
département de l'Hérault, l'engagea à cultiver sérieusement,
et en vue du public, la veine poétique qu'il exploitait encore
quelque peu au hasard. Roch ne résista pas à ces conseils
d'ami, qui furent pour lui le plus précieux des encourage-
ments, et, quelque temps après, il publia son recueil sous ce
titre : lou Portafuiâ de Vouvriè, Ce recueil fut accueilli avec
faveur par tous ceux qui s'intéressent à la culture de la langue
du Midi, et les nombreuses qualités qu'il révèle chez son au-
teur nous font regretter que Roch se soit borné à cette unique
publication. Nous aurons plus tard l'occasion de revenir sur
le caractère de cette poésie, qui cherche à se dégager de ses
langes pour entrer dans la voie glorieuse ouverte par une
école nourrie des études littéraires les plus fécondes. Pour
aujourd'hui, nous nous bornerons à rappeler que plusieurs des
pièces contenues dans le recueil de Roch sont devenues popu-
laires. Qui n'a entendu chanter lom Laguis d'un Pastourei:
« Ma Pasloura s'es en anada »?
434 N^OROLOaiB
L'Occitania, la Troumba de Cetta, sont remarquables, tantôt
par la gr&ce et la délicatesse, tantôt par Ténergie de Texpres-
sion. Nons choisirons, pour la citer en entier et donner une
idée de la manière de Roch, une de ses pièces qui ont obtenu
le plus de sucés, et qui est intitulée hu Printen ^ :
Quand chaqua jour r&ouba pleura de joya,
Que lou sourel cerca de pounjejà,
De sous rayouns Taptre vôn razejà
Aquel diam^n qu*es pen]at à la fioïa,
Et pioy finis per lou poutounefà.
L'hiver fugis. soun ha lé frejouluda
Vendra jras pus m'engrepezi lou cor;
Aco's finit, ay vis dâou poumpoun d*or
Que tout escas la tij'èra nascuda,
Et sous boutous jàounissièn sus lou bor
Ay vis àoussi de moulons de vièonlettas,
Que scun parfun me fasièn devistâ ;
Timida flou, que semblés t'aclatâ,
Per te ciili vendray de rebaleitas,
Pioy sus moun cur te poudray mignotà.
Rn alanden vostras alas dâouradas,
Parpaïounets que fringas sus les flous,
Espandisses vostras richas coulous ;
Car lou printen a mirgayat las pradas,
Qu'embraygou Ter de sas milas&oudous.
Passerounets, qu'atendes la becada
Qu'à tout moumen vous arriva d&ou ciel,
Chantre dàou bos qu'as lou gousiè tant bel,
Mesclas lous cans à ma lyr* irgentada
Et pourten-lous âou pè de l'Eternel.
A. Glaize.
* Nous conservons l'orthographe de l'auteur. Elle est certainement
défectueuse; mais il nous semble utile de montrer à nos lecteurs des
échantillons de toutes les fantaisies qu'on se permet en cette matière.
/
VARIÉTÉS
Grand Tbèatrb db Montpellier. — Représentation de la comédie lan-
guedocienne lou Trésor de Suhstantioun. 22 février 1872.
Il nous reste de rimmortel auteur du Siège de Caderoussa,
Tabbé Favre, deux charmants et spirituels vaudevilles, lou Tré-
sor de Substantioun et VOpera d^Aubais, dont la représentation
a toujours fait les délices de nos compatriotes.
Ces deux petites pièces sont remarquables par la critique
et l'observation exacte des mœurs et du langage populaires.
L'exposition du Trésor de Substantioun, surtout, est un petit
chef-d'œuvre de malice et de gaîté. L'intrigue est peu de
chose, je l'avoue, puisqu'elle ne repose que sur une simple ga-
geure, à savoir si l'apparition du spectre, gardien du trésor
enchanté, aura lieu ou non; mais elle est relevée par tant de
détails heureux, de traits de caractère si vifs, de types si
vrais, puisqu'ils sont devenus en quelque sorte légendaires et
leurs dires proverbiaux, qu'on n'a pas le temps de s'arrêter
à cette insuffisance.
L'annonce de ce spectacle a toujours eu le don d'attirer
une foule énorme, curieuse, empressée. Cette fois, comme tou-
jours, le théâtre était envahi bien avant le lever du rideau.
On dut refuser plus de trois cents personnes, bien marries
de ne pouvoir y assister, et la recette s'éleva au chiffre de
2,200 fr.
Notre comique, le favori du public montpelliérain, JoUy,
avait eu l'heureuse idée de choisir, pour sa représentation à
bénéfice, le vieux vaudeville, et il dut voir, aux applaudisse-
ments unanimes qui l'accueillirent à son entrée en scène,
qu'on lui savait gré de son attention.
Les rôles avaient été ainsi distribués :
Pascau, Justin B., un amateur de Nîmes, qui garda l'inco-
gnito, mais qui se fit remarquer par l'aisance avec laquelle
i36 VARIBTBS
il parlait le languedocien et le naturel qu*il donna an person-
nage ; — Nicôu, Campa, coryphée ; — TVmt, Max, trial ; —
Cadet, Cabane, ténor léger; '^Jiinetoun, M"* Granier-Préher,
dugazon ; — Babéu. M"* Max ; — Anneta, M"* JoUy.
Jollj, le comique, s* était chargé tout naturellement du rôle
assez difficile de dùna Remcurela, ce type de la vieille Langue-
docienne hargneuse et grincheuse :
Vielha ondaire e de michftpta faimou.
On voit, par cette distribution, oii les acteurs mêmes de
Topera n'aTaient pas dédaigné d'accepter un bout de rôLe»
que la pièce avait été montée avec soin et que les acteurs se
faisaient, à Tavance et tout comme les spectateurs, un amu-
sement de sa mise en scène. Presque tous, du r<este, étant
nos compatriotes, ce changement d'emploi ne souffrait aupune
difficulté.
M"* &ranier-Préher, seule, n'appartenait p^s au, Midi et
s'exprimait dans une langue qui n'est pas la sienne. Elle le
fit néanmoins avec esprit, tout à fait gentiment et gaîment.
Dans sa bouche, la langue d'oc avait une saveur à part, quel-
que chose d'étrange et d'original qui plut beaucoup, et qui
rappelait le ton et la prononciation de l'italien, de la haute
comédie. On comprenait, en l'écoutant, que notre comédie
pourrait avoir de grandes destinées scéniques, si elle étialt dite
par- des gens de cœur et d'intelligence, qui lui ressemblassent-
Il y avait si longtemps, depuis les beaux jours de M°* Pra-
dher et de Laborde, que notre théâtre avait déshabitué d'en-»
tendre la langue d'oc, que les acteurs, cela était facile à voir,
étaient aussi étonnés, aussi embarrassés, aussi stupéfaits de
leur audace, que le public lui-même. Néanmoins, malgré ce
manque d'habitude, cet étonnement de la première heure,
auxquels il fallait s'attendre, tous se comportèrent vaillam-
ment, et lou Trésor de Substantioun compta un succès de
plus.
C'est que l'interprétation, abandonnée jusque-là aux ama-
teurs des petite^ scènes de société, avait enfin trouvé de vrais
acteurs, etqijie les airs originaux, qui donnent à cevaude-
VARIETES 437
ville battrait et la rusticité d'une villanelle, et qu'on rem-
plaçait ordinairement par les flonflons des vaudevilles à la
mode, avaient été rétablis avec soin par M. Louis Lambert.
En somme donc, bonne et curieuse représentation, qu'il
aurait suffi de réitérer pour que la pièce eût toute Faction ,
la vie, le mouvement qu'elle comporte.
A. M.
BIBLIOGRAPHIE
Statuts de la Confrérie de Si-Denis de Ginestet. publiés avec
une note explicalive par M. A. Germain, professeur d'histoire et
doyen de la Faculté des lettres. — Montpellier, Martel, in-4®, 12 p.
Les Statuts de nos anciennes Confréries pieuses ou charitables
oiïrent le plus grand intérêt à cause des détails de mœurs, de
croyance et de coutumes qu'ils contiennent. A ce titre, indépen-
damment de l'appoint qu'ils peuvent fournir à la philologie, ils mé-
ritent d'attirer l'attention des historiens.
Ceux que vient de publier M. Germain ont été découverts par
lui, il y a peu de temps, dans un vieux cahier, en fort mauvais état,
de nos archives départementales de l'Hérault.
L'église de Saint-Denis, de Ginestet, autrefois petit hameau
du voisinage de Lansargues, avait le titre de prieuré ; les Statuts de
sa Confrérie rustique, formée par les paysans des environs, sont
du 18 octobre 1513. Le langage en est très-corrompu, et Torthogra-
phe porte de grandes traces de l'influence française ; mais il en est
ainsi de presque tous les textes de cette époque.
Parmi les détails de mœurs, il convient de remarquer celui-ci,
que le bétail pouvait faire partie de la Confrérie, tout aussi bien que
jes personnes :
« Item an ordenat et ordenon, que tôt aquelses que an et auran
bestiari, gros ou menut, et que per dévotion et conservation del-
dictz bestiari le voldran mectre a ladicte confrayrie, pagaran toutz
los ans cinq sous per centenat, etc. »
Le savant éditeur de ces Statuts a déjà fait, parmi les pièces jus-
tificatives de ses grands travaux historiques, un grand nombre de
publications romanes ; elles suffiraient pour former, à elles seules, un
fort volume. L'occasion se présentera quelque jour pour les étu-
dier dans leur ensemble ; il doit me suffire, présentement, de citer
trois actes du même genre que celui dont nous venons de parler :
2 . Les Statuts de la Confrérie de Saint-Jacques ( la Confrayrie de
mosenhour St-Jaume), établie vers 1282, ne nous sont parvenus
que par un texte qui a été probablement retouché par les copistes.
{V, Histoire de la Commune, I, p. 482-485, d'après le ms. conle^
BIBLIOGRAPHIE 439
nant divers documents relatifs à la ville, in- foi. appartenant à la
Soc. archéol. de Montpellier);
3. Les Statuts de la Confrérie de St-Eloi, ou autrement de Za
Confrérie des Argentiers, sont de Mai 1292 (idem, I, p. 485-487,
d'après le Cartulaire de Montpellier, Bibl. nat., f® 125, v*», sq.)\
4. Les Statuts des Repenties du couvent de St-Gilles et de Ste-
Gatlierine, qui ont pour date le 8 mai 1339 (Montpellier, Martel,
1862, 22 p., d'après un doc. des Archiv. munie. Armoire Dorée,
liasse M, n® 9).
5. M. Pegat, dans son Mémoire sur V ancienne église Sainte-Croix ^
a donné des fragments des Statuts de la Confrérie de la vraie Croix ,
faits en octobre 1294. Ils remonteraient môme plus haut s'il est
certain, comme on le suppose, que l'institution en ait été faite par
Guilhem, ûls d'Ermessende (1121-1149), à son retour delà Pales-
tine, d'où il rapporta, selon ses expressions, un morceau de la vraie
croix, vere dominicum lignum, (D'Aigrefeuille, Hist, de Montpellier,
I, p. 268.)
A ces. statuts, qui nous ont été conservés, on peut en joindre
cinq autres, dont Texistence est suffisamment prouvée par de sé-
rieux témoignages :
6. Les Statuts de la Confrérie de St-Firmin, qui était à l'origine
la seule église paroissiale de Montpellier, sont cités par D'Aigre-
feuille :
« Ou voit chez M. de St-Véran un vieux livre écrit en lettres
gothiques, sur du vélin, contenant les statuts de la Confrérie de
St-Firmin, dans la même église. Us sont de l'année 1499, approu-
vez par tous les confrères et par Mossen {sic) de Villeneuve, prieur
de St-Firmin. — Ces statuts marquent les prières que les confrè-
res de l'un et de l'autre sexe devaient dire tous les jours ; l'assis-
tance où ils étaient tenus au convoi des confrères et confréresses
décédez, et à la messe qu'on faisait chanter pour eux par les prê-
tres de la paroisse. {Hist. de Montpellier, II, p. 294.)
La date ei le titre Mossen suffisent pour indiquer que ce docu-
ment était en langue romane.
7. La même remarque peut se faire sur la citation des Statuts de
la Confrérie de St-Claude du Charnier, qui fut instituée en 1483,
dans la chapelle de ce nom, au cimetière St-Barthéiemy ; elle avait
surtout pour objet de faire prier pour les morts. (Jd., I, p. 269.)
La confrérie moderne des Pénitents bleus prétend la continuer.
4tÛ mfiLlOaRAPlIE!
Nous avons au Musée de la ville, de Jean Couslou (1719-1791), un
tableau qui représente ses trois patrons : Notre-Dame du Charnier,
Saint-Claude et Saint-Barthélémy.
8. La Confrérie du Saint^Sacrement, fondée vers 1324, dans
Téglise des Frères Prêcheurs (â. Germain, Hisl. de la Commune ,
II, p. 317);
9. Et la Confrérie de la Vierge, existant au XIV» siècle, à Notre-
Dame-des-Tables (Henouvier et Ricard, Mémoire sur les maîtres
de pierre, p. 186);
10. Les Statuts de la Confrérie des Pénitents, qui a la prétention
d'avoir été fondée par saint Dominique et ses compagnons.
( D' Aigrefeuille, I, p. 270.) Son plus ancien registre est de 1517;
ce qui ne conclut rien, d'ailleurs, contre la possibilité d'une rédac-
tion romane antérieure.
Que sont devenus ces cinq derniers documents ? Existent-ils
encore? Ont-ils péri? C'est ce qu'on ignore. Espérons que de ncm-
velles recherches finiront par les faire découvrir.
A. M.
Rapports à M. le Ministre de l'instruction publique, par M. Paul
Meyer. — Première partie. — Londres (Musée britannique), Durham,
Edimbourg, Glasgow, Oxford (Bodléienne). — mdggglxxi. Extrait
des Archives des missions scientifiques et littéraires.
Travail très-sérieux et que les romanisants doivent consulter.
Signalons, entre autres, une traduction du Pseudo^Turpin en
langue d'oc qui, jusqu'à présent, est unique ; — un fragment de
glossaire latin-français ; — toute une collection de chansonniers
français déjà publiée par M . de la Villemarqué, qui contient un
grand nombre de pièces inédites et complète le fameux Ms. de
Montpellier, u9 196; — un Poëm^ moral et une Vie de St-Eupkrosyne,
celle-ci en dizains, « qui se recommande par un mérite littéraire
très-supérieur au niveau ordinaire des œuvres du même genre. »
A la fin de son livre, M. P. Meyer a inséré une table analytique
des poésies des troubadours, avec renvois aux imprimés et aux
manuscrits.
A.B.
Il Tractato dei mesi, dl Bonvesin da Riva, milanais, p.p.
Edouard Lidforss, de Lund (Suède). — Bologne, 1872, p. XXI-103»
BIKilOGRÀPHIB Ml
On connaissait un ^rand nombre de productions de ce Bqion-
vidn dë'RiTâ, qui vivait vers 1288-1291, i entre autres des poésies
vulgaires qui ont été publiées à Berlin par Ëmin. Bekker. Notre
sava;Qt ami, M. lidforfis, a.eia le bonheur de trouver, dans un ms.
de Tolède, duxv^ siècle, un petit poème, gentil deiorme. et d'inven-
tion, qu'il s'est bâté de pubëer dans la curieuse coIlectiQp,de pièces
rares ou inédites (Scelta di curiositàlilierfirie inédite, o rare dal secolo
xm^/xvii, no 127) que M. G^ Homa^noli poursijût avep ta^tde
soin etde persévérance.
Il existe dans toutes nos littératures méridionales un grand nom-
bre de ces disputations, d^ns leâquelles les Mois, ouïes Saisons lut-
tent pour obtenir la prééminence. Jl Tractato dei mesi en diffère en
ce sens que les mois <)oalisés s'opposent à la priorité de Janvier et
à la domination qu'il se croit en droit d'exiger.
Moresta daventagio
ki vor odi cantare,
lo, Bonvesin da Riva,
la voglio determinare,
Gomo s'alomenta li mesi
vogUando depotostare
Lo so segnore Zepere,
ke no debia.più regaare.
Ainsi qu'on le voit, ce sont des strophes de. quatre vers rimes.
Pour les rendre plus faciles à lire, M. Lidforss les a coupés à la cé-
sure, ce qui fait supposer tout d'abord qu'ils ont été écrits enottave
rime,— Février prend immédiatement la papo4e,.et, après avoir cri-
tiqué les vices et les défauts de Janvier :
Qui $1 parla Fevrere
Inprimamente Fevrere
si parla e prende a dire :
1 Zenere è tanto crudo
e fa tant fregio venire
' Ke de quelo incarego
el me coaven sentire,
Perkè gli son da provo
e no-1 posso f uzire »
« El fa tremer li poveri, etc.
énumère ses propres avantages, et conclut à 1& déchéance du tyran.
Les dix autres Mois, tour à tour, parlent de la jinème façon. S'exci-
29
t
44f BIBUOaRAPHIB
tant les tins les antres, ils courent aux armes, et la lutte «'engage.
Janvier résiste, les brave dans un discours qui est la contre-partie
élogieuse de leurs diatribes, et, après quelques instants de combat,
leur fait demander grâce. C'est Avril qui se soumet au nom de
tous, pregandO'lu per tutti li Mesi,
Ce badinage, qui ne compte pas moins de 184 strophes du genre
des précédentes, a de la verve et de l'esprit. M. Lidforss en com-
plète la publication par des notes philologiques très-remarquables .
A. M.
Histoira générale de LAngnedoc, avec des notes et des pièces
justificatives, par dom Cl. Dévie et dom J. Vaissete, religieux bé-
nédictins de la congrégation de St-Maur ; — republiée sous la direc-
tion de M. Edouard Dulaurier, membre de Tlnstitut, par Ed. Privât,
rue des Tourneurs, à Toulouse.
Une réimpression de l'œuvre grandiose et si justement admirée
des Bénédictins, sur l'histoire de notre province, était depuis très-
longiemps désirée. La première édition est introuvable, et celle de
M. du Mége, quoique si imparfaite et si confuse, est tout à faij.
épuisée. En outre, l'œuvre, prise dans son ensemble, a besoin d'être
mise en rapport avec la science moderne et au courant des décou-
vertes et des méthodes qu'elle possède.
On y remarque, en effet, des lacunes considérables pour tout ce
qui concerne des études importantes, notamment la géographie de
la Gaule méridionale, aux premiers siècles de notre ère, Tépigra-
phie et la numismatique, les doctrines des Cathares, la biblio-
graphie, les documents et les pubUcations romanes.
Le nouvel éditeur se propose donc, tout en conservant avec un
soin scrupuleux le plan fondamental des bénédictins et le texte
qui émane de leur rédaction personnelle, « de suppléer à ce qu'il
peut y avoir de défectueux ou d'insuffisant dans leur travail, et de le
compléter par les additions qu'il réclame et qui viennent d'être si-
gnalées , comme aussi par la révision des pièces justificatives et des
documents de toute nature dont il est appuyé, faite sur les origi-
naux ou sur de meilleures copies. »
Des savants nombreux et dévoués viendront en aide à M. Du-
laurier, par leur collaboration ou par leurs recensions. Lui-même
s'est chargé d'écrire l'Introduction, l'histoire du hvre, de ses au-
teurs et promoteurs, et de compléter tout ce qui touche à l'histoire
BIBLIOGRAPHIB 443
des doctrines albigeoises et à celle des comtes de Tripoli de la mai-
son de Toulouse.
La révision du texte de l'ouvrage a été confiée à M. Emile Mabille,
ancien élève de l'École des chartes, ainsi que la publication de
textes inédites, des inscriptions du moyen âge et des notices sur
les établissements religieux ou civils ; — les notes sur les pério-
des gallo-romaine et T^sigothique, les inscriptions antiques de
l'Aquitaine et du Languedoc, à M. Edw. Barry; — l'histoire du
xui* siècle, surtout celle d'Alphonse de Poitiers, à M. Boutaric,
des Archives nationales ; — l'histoire des xiv« et xv« siècles, à
M. Huillard BréhoUes, de l'Institut; — la numismatique, à MM. de
Saulcy et A. de Barthélémy, — la sigillographie, à M. Gh. Robert.
MM. Guessard, de l'Institut, et Paul Meyer, des Archives natio-
nales, reverront les textes romans édités, maië imparfaitement, par
les Bénédictins, et ils y joindront plusieurs pièces nouvelles, soit
historiques, soitUttéraires.
L'œuvre de D. Vaissete et de ses confrères s'arrêtant à ]a mort
de Louis XIII (1643), sa continuation jusqu'à la Révolution fran-
çaise a été entreprise par M. Ernest Roschach, le savant conser-
vateur des Archives et du Musée des antiques de la ville de Tou-
louse.
Un grand nombre d'autres érudits, MM. Baudouin, archiviste de
la Haute-Garonne ; Germer-Durand, bibhothécaire de Nimes ; Ger-
main, doyen de la Faculté des Lettres de Montpellier; Zotenberg,
de la Bibliothèque nationale, etc., ont également promis leur con-
cours.
Ges noms, tous célèbres, sont des garanties suffisantes du soin
et de l'esprit de critique qui présideront à cette réédition .
L'Histoire générale de Languedoc formera 14 forts volumes in-4'*,
imprimés sur très-beau papier, avec des caractères elzeviriens fon-
dus spécialement pour celte édition. Des planches et des cartes
géographiques seront jointes au texte.
Le prix de chaque volume est fixé, pour les souscripteurs, à 20 fr.
Il paraîtra deux ou trois volumes par année.
Nous ne saurions trop engager nos compatriotes à participer à
cette entreprise patriotique, à posséder ce précieux trésor, qui ren
ferme les preuves de nos antiques origines et les titres de nos vieil-
les franchises provinciales et municipales. Il n'est pas une seule
commune de nos départements méridionaux, pour si pauvre qu'elle
444 filSLIOGRAPHIB
soit, qui ne doive en avoir un exemplaire à la disposition de tous
ses enfants .
Ce n'est qu*en ayant nous-mêmes respect de ce que nos devan-
ciers ont essayé de faire pour leurs libertés que nous ferons res-
pecter nos propres tentatives et nos réformes actuelles.
A. M.
Une seBsion des Atats de Languedoc, par Gh. de Tourtou-
Ion. — Montpellier, Boehm et fils, 1872, 79 p.
L'histoire des Etats généraux de la province de Languedoe, en y
rattachant celle des petits Etats provinciaux qui leur étaient subor-
donnés et des nombreuses institutions qui en dépendaient, est en-
core à écrire. L'ouvrage du baron Trouvé, quoique volumineux, n'a
ni l'exactitude, ni la compréhension large et critique qu'exige un si
grand et si beau sujet.
La monographie que publie M. de Tourtoulon nous fait espérer
que nous posséderons de lui, dans un temps prochain et dans le
môme esprit, une étude complète de l'ensemble des sessions et de
leurs annales. Elle est sérieuse, tant par la nouveauté des docu-
ments que par le caractère et la juste impartialité de la rédaction.
Une lettre d'un député aux Etats de 1761, M. de la Barthe, son
parent, trouvée dans des papiers de famille, pleine de détails pi-
quants, d'observations amusantes, de renseignements précieux, lui
donna l'idée de la publier, en y joignant tout ce qui pourrait en faire
comprendre l'esprit et la portée. Ecrite sous une forme quelque peu
railleuse, elle mérite d'être placée à côté de ces spirituels portraits
des Etats de Bretagne et de Provence que nous devons à M"^e ^q
Sévigné.
C'est une bonne fortune que de pouvoir la faire connaître et ap-
précier. A. M.
Sur une glosse du donat provençal. — M. Gaston Paris a
proposé, dans le n'^ 2 de la Romania, plusieurs corrections aux
glosses du Donat provençal. Toutes ces corrections sont heureuses,
et il ne paraît pas y avoir d'objection à y faire. Aussi la présente
note n'a-t-elle point pour objet d'en discuter aucune. Il convient
seulement de faire remarquer que la glosse « revenir meïliorare »,
que M. G. P. déclare ne pas comprendre du tout, n'est point,
BIBWQaRAPHJE, 445
comme on serait, d*après cela, tenté de le croire, un passage cor-
rompu, un locus desperatus.
Revenir avait dans notre ancienne langue, et il a conservé dans
plusieurs dialectes modernes *, sinon dans tous, outre la significa-
tion du français revenir, celle de ranimer , refaire, rétablir, et, comme
c'était là son acception la plus ordinaire, on comprend que le glos-
sateur Tait traduit par meliorare plutôt que par redire.
G. G.
Grundriss zar Geschichte der provenzalischen Litte-
patup,par Karl Bartsch.In-8, VIII-216 p.— Elberfeld, Friderichs.
Ainsi que le titre l'indique, cette nouvelle publication de Tauteur
de la Chrestomathie provençale n'est qu'un tableau ou, pour mieux
dire, qu'un inventaire raisoriné des documents et des manuscrits
que l'on possède en langue d'oc.
Fait avec soin, et d'après les travaux les plus récents de la philo-
logie allemande, elle est destinée à rendre de grands services à tous
les romanistes, et à devenir parmi eux d'un usage commun, tout
comme le livre précédemment cité, dont il n'était autrefois, ainsi
qu'on le peut voir dans la première édition, qu'un appendice.
Assez complet pour la partie littéraire, quoique M. P. Meyer
ait pu y relever un certain nombre d'erreurs, il a malheureusement
de très-grandes lacunes pour tout ce qui ne touche pas à la poésie.
Ainsi, par exemple, on regrette de ne pas y trouver l'indication des
mss. de nos bibliothèques et de nos archives méridionales, sur-
tout pour ce qui concerne la série des publications romanes faites
en province depuis le commencement du siècle, publications dont
l'ensemble est aujourd'hui très-considérable ; — la série nombreuse
des productions vaudoises, telle qu'elle est donnée par les catalo-
gues et les historiens spéciaux ; — la série importante des docu-
ments législatifs, — celle des chroniques locales et des mémoires
biographiques, etc., etc.
Ges desiderata, je me hâte de l'observer, n'ôtent rien au mérite
de l'ouvrage, puisque leur réalisation n'entrait pas dans son plan
primitif; je n'en devais pas moins les faire connaître, pour que l'au-
teur pût y répondre dans les prochaines éditions qu'il ne saurait
manquer de donner.
* Voir Rainouard, Rochegude et l'abbé de Sauvages.
446 BIBUOaiUPBIB
Je reviendrai, d'ailleurB, tout particulièrement sur ces lacunes,
en précisant mes indications .
A. M.
prouTençau pour Tannée 1873, publié par les Felibres.
— Avignon, Roumanille. 112 pages. 50 c. — Lis Entarro-ehin, par
J. Roumanille. — 55 pages. 30 c.
Je profite du retard de la Revue pour annoncer rapidement l'ap-
parition du gentil et joyeux annuaire de Tassociation des felibres,
qui en est à sa 19°** année. Il en sera rendu compte en temps
opportun ; qu*il me soit permis de signaler, dès maintenant, deux
charmantes pièces de vers d'une nouvelle felibresso. M™» Deph .
Roumieux, la Miéu Mireio et lo Plang d*uno mairey un sourire et une
larme; et aussi, à cause des magnifiques sentiments qu'il exprime,
de la cause sainte qu'il défend, le hardi sirvente d'Albert Arna-
vielle, As 40 MantenHres dos Jocs flourals de Toulouso, si franc et si
fier d'allure.
J'annoncerai également une récente étude de mœurs satirique de
J. Roumanille, lis Entarr<H)hin, qui, par l'élégance du style et le
mordant des expressions, la finesse de l'ironie, ne le cède en rien
à ses aînées des Oubreto.
A. M.
PÉRIODIQUES
I. Romania. I. 3 juillet. — La Yie de saint Léger, revue sur le
ms. de Ciermont-Ferrand, p. (r, Paris. — Lia phonétique française
du Saint- Alexis, comparée à celle des textes mérovingiens, par H.
d' Arbois de Jubainville . — Documents inédits en patois lorrain
du XIV* siècle, par F. Bonnardot. — Germine, la Porcheronne,
chansons foréziennes, communiquées par V. Smith.
Mélanges. — L Philippus, Os lampadis (A. Darmesteter ) . —
II. Une épitre française de St-Etienne, transcrite en langue d'oc
(G.P.). — m. Les Vers delà Mort, d'Héiinand (P.-M.).— IV. Sur
le Livre des cent ballades (Léopold Pannier). — V. Une romance
espagnole dans un manuscrit français (Gr. P.).
Comptes rendus. — Grundriss zur Geschichte der provenzalischen
Litteratur, de Bartsch (P.-M.); — Ueber die franzœsische Nominal-
zusammensetzung, de Schmidt (A.-D.); — Sulle versioni iialiane
délia Storia Trojana, de Mussafia ; — Ueber die spanichen Versio-
nen der Histofia Trojana^ de Mussafia (A. M. -F.); — Li Romanz
de la Rose, prem. part., vom Oberlehrer Puschel (G.-P. ); — del
Govemo de regni, éd. Teza. — Périodiques, Chronique.
II. Il Propugnatore (à Bologne). V. 3, mai-juin. — Libro
Trojano nella bibloteca communale di Palermo ; p . v. di Giovanni .
— Considerazioni sopra alcune varianti délia Divina Commedia,
nel testo publicato dal ch. sig. Carlo Witte, p. G. Bozzo — Dante
spiegato conDante, p. G. Giuliano. — Intorno lo stato présente
délia poesia lirica in Italia, p. Fanti. — La Nube tenera, p.
L. Scarabelli. — Lezioni del Gussalli e Lezioni del Propugna-
tore, p. A. Gerquetti. — La Novellaja milanese, esempi et panzane
lombardi, p. V. Imbriani. — Biblioq.
III. La Renazensa. — (A Barcelone.) II. 2 février. — De la
Electricitat applicada à las arts y à la industria, p. Joseph
Blanch. — ^Las Medas, p. Joaquim Botet y Sist. — La Mort del comte
(poesia), p. J.-B. Ferrer. — LoGorch de la Encantada(acabament);
p. Maria de Belloch. — Aclaraciô et catàlech de corts de Catalunya,
p. F. M. et L. — A la Iris (poesia), p. V. Garcia, rector de Valffo-
gona. — Diseurs Uegit en la sessio de arts de la Jove Catalunya,
448 PÉRÎODIQUBS
p. Isidro ReTentos. — Quadros à la tinta, p. F. Soler. — Gar-
nestoltes (poesia), p. F. M. — Historietas morals, p. Joaquim Riera
y Bertran. — Biblioqrapia, No vas*.
II. 3 mars. — De la Electricitat, etc. — Lo Monastir de las
Medas, p. Joseph Pella y Forgas. — Del Gremi dels botiguers de
tela y mercers de la ciutat de Girona, p . F. Maspons y Labros. —
Diseurs Uegit en la sessiô inaugural de ciencias de la Jove Gata-
LUNYA, per J. Montagu. — Necrologia d'en Ramon Vilanova, p.
Joseph T. Vilar. — Noticias ineditas sobre lo monastir de
8t-Llorens-del-Mont delBisbat de Girona, p. Père Alsius. — La
Societat d'amichs del pais y la classe trevalladora, p. A. Trilla y
Alcover. — La Pubilla del mas dels Magnaners, p. F. M. Pau.
— Consistorî dels Jochs Fierais de Barcelona.
IL 4 mars. — De la Electricitat, etc. — Lo Gant del gall (poesia),
p. L. de Gabanyes. — Suite del Gremi dels botiguers, de la Necr. de
R.Villanova, des Doc. sur le monast.de 8t-Lorens-del-Mont, de la
Pubilla. — tobra flor (poesia), p. T. Forteza.
Y. Revista de Archives, Bibliotecas y Musées. — (A Ma-
drid, calle de la Abada, 21. — Dir., Escudero de la Pena. — Par
livr. bi-hebd. au prix de 20 fr.).
II. 6 mars. — Archivé de Valencia, par Escudero de la Pena.
Preg. et resp.
IL 7 avril. — Los Autografos, p. A . R .V.— Archives de la Uni-
versidad de Sallamanca. — Document : Embajada del emperador de
Alemania, Oton I, al califa de Gordoba, Abderrahman III, p. p. A.
.P. y M.
II. 8 avril. — La Bibiiotecà de Sevilla, p. Escudero de la Péna.
— Archives de la Univ. de Salamànca (suite).— Embajada (suite).
IL 9 mai. — Escritura cifrada, p. A. R. Villa. — Embajada (suite).—
Principîôs de literatura gênerai et Historia de la hteratura espa-
nola, p. p. D. M. de la Revilla y D. P. de A. Garcia; comp.
rendu, p, R. V.
IL ro "mai. — El Arehivo d'Uclès, p. Esoidere de la Pena. —
Bibliographie.
V. RomaJiisclie Studiâïi (à Halle. — Dir. de E. Bocbiôer).
— IL QuŒJStionès grammaticae et etymologicœ. — De VocabuKs
francô-galliciâ judaîce tfanscrîptîs . — De lingua bispano-tomanica
ex glossario ai^abico et latine, illustranda E. Boehmeri adnotatio;
d'ctpVès tift glossaire arabe-latin du Et» siècle, de Leyde. --^De Q^
loriïtÈ» Noiùlnibod eq«iDonimEd. B. coilectanea.-r-Df SoiîiëgBaw^
maticîs accui-atios distinguendis et notandis. Tableau des voyelles
et des consonnes — spécialement dans les languies romannes — et
des caFactéres préposés pour exprimeif le ûrs nuances.— Chronique
et B1BL10&.
Alli^emeine Zeitong, 122.— La Vie de Saint Alexis (J.-B.) —
223. Ueber die Quelle des Dolopalhos, par Oesterley.
Anzeiger far Kuiide d«r deatschen Vorzeit. 6. — Décou-
verte de rimes latines du moyen âge, p. Wattenbacb.
Arclifv fttr das Studium d&r ueueren Sprachen und Ut-
teraturen. 2. — Beitrag zur englischen Lexicograpbie, p. A.
Hoppe. — Die Provenzalische Liederhandscrift, cod. 42. — Der Lau-
renzianiscben Biblîotek in Floren7, p. K. Stengel. — Versucb ûber
die syntaktisCben Archaismen bei Montaigne, p. G. Glauning.
4« 1. —Des Différentes Manières de traiter la ballade, p. Gœrtb.
Le Cbien, dans les langues romanes et en anglais, par le D' Prink-
mann.
Archivo storico italiano. Avril. Relazioni diplomaticbe tra
la casadiSavoia ela Prussia, nel secolo XVÏII, p. A. Bazzoni. — Di
Galeazzo Marescotti nella sua cronaca, p. Ces. Albicini. — La Gro-
nache modenesi di Concasino Lancilotto, p . Martini. — Giov Gara-
ciolo, p. Mar. d'Ayala — Bibliog.
Germania. XVII. I. — Fragments du Grégoire de Hartmann
d'Ave, par K. Schrœder et H. Bartsch. — L'Énigme du nom de
Primas, par J. Strobl. — L'Ancien Poëme allemand le Busant et
le roman français TEscoufle, p. R. Kœhler.
Gœttingische Gelherte Anzeigen. 23. —La Vie de saint
Alexis, de G. Paris et L. Pannier (Ad. Tobler).
Litterarisches Gentralblatt. — Avril-Juin. — A Dictionary
of englisb etymology, 2* éd. de Wedgwood (E. Mr.) — Le Codex
Digby 86, de Stengel. — La Chanson de Roland, p.p. Gautier
(Msf.)
Polybiblion. Vill. Juillet. — Essai bistorique sur les colo*
nies belges qui s'établirent en Hongrie et en Transylvanie pendant,
les XI», XII<» et XIII« siècles^ de E. de Borchgrave) e. r. pa^r H.
Gaidoz.
4B0 PâRIODIQUm
R0¥lsta baleMP (à Palma, Ile Majorqae. — Dir., D. Mateo
Obrador-Bennassar. — Par livr. bi-hebdom. — Prix 6-7 réaux).
I. b. avril. Gonsiderationes sobre la poesia lirica espanola à prin-
dpios del Renadmento, p. D. José TaronjiCSortës. — Mamiferos de
las Balearas, p. D. Francisco Barcelô y Gombis. — La Geografia en
las islas Baléares (suite), p. D. Pedro de Alcantara Pena. — Pro-
jecto de banco balear, p. D. Miguel Bigo y Clar. — Poésies par
D. José Luis Ponsy D. Gabriel Maura et D. M. Yictoriano Amer.
I. 7 avril. ^ Dictât de las parodias, par D. Andrès Umbert. —
Continuation des travaux de MM. Barcelô y Gombis, Pedro de
A. Pena, M. Bigo y Qar. — Poésies par dona Manuela de los
Herreros y Sorà de Bonet et par D. M. Obrador-Bennascar. —
NoTiciAS. — Endevimaya.
I. 8 mai.— Revista de la literatura nacional espanola en 1860-61,
par D. Manuel Milà y Fontanals. — Gontinuation des travaux de
MM. Barcelô y Gombis, Pedro de A. Pena et M. Rigo y Glar. —
Poésies de D. Léon Garnicer, D. M. Yictoriano Amer, D. M.
Obrador-Bennassar.
L 9 mai. — Los Très FiUs del Rey, conte populaire, p. p. D. M.
Obrador Bennassar. — Continuation des travaux de MM. Milà y
Fontanals, Barcelô y Gombis, Pedro de A. Pena, — Poésies de D.
Gabriel Maura, D. M. Yictoriano Amer, Gerônimo Forteza, D. A.
Frates.
I. 10 juin. — Banos arabes en Palma de Mallorca, p. D. Barth,
Ferra y Perello. — La Creu del port, nouvelle, p. D. Tomas For-
teza. — De la Yaccinacion animal, parD. J. Alvarez. — Gontinuation
des travaux de MM. Milà y Fontanals, Obrador-Bennassar. —
Poésies de D. M. Yictoriano Amer, Pedro de A. Pena, D. L. Gar-
nicer.
1. 11 juin. — Problema de la pobladon, p. D. M, Guasp y Pujol.
— Las Casas de huèspedes, p. D. Gerouîmo Forteza. — Continua-
tion des travaux de MM. Mila y Fontanals, Obrador-Bennassar.
— Poésies de D. J.-L. Pons y Gallarza, D» Manuela de los Her-
reros, D. J. Taronji-Gortès, Aben-Assar.
Revue critique d'histoire et de littérature. — Avril-juin.
Compte rendu de II Paradiao degli Alberiif de G. da Prato, p. p.
Wesselofski ; — Canti popularï siciliani, p. p. Pitre; —
Grammatiea storica ddla lingiM Ualiana, p. Fomacdari. —
Monographie du sonnet, par L. de Yeyrières, — Ëtymologie et
PERIODIQUES 451
histoire des mots Orléans et Orléanais, p. Bailly. — Correction de
thèmes provençaux, p. P. Meyer.
Revue de Gascogne (à Auch, par 11 vr. mens, de 3 f. grand
in-8°, — au prix de 6-8 fr., — Dir., Léonce Couture).
XIII. 6 juin.— Le Journal de Henri de Laborde-Péboué de Doazit
(1638-1670), p. p. le baron do Caussa, c. r. p. Léonce Couture.
Curieux sous le rapport linguistique.
Revue de la Société littéraire de TAiu (à Bourg).
Avril. — Deux poètes bressans, par H. Pic.
Revue de linguistique. 8. Y. 4 — Notes sur la grammaire
arabe, par M. Dezenbourg. — Essai de grammaire comparée des
langues germaniques, par L. de Backer.
Revue de rinstruction publique en Belgique. Mai. — Étude
sur le patois de Paris et de sa banlieue, par Ch. Nisard. — Juin . Id.
Revue des questions historiques. Avril. — Don Enrique de
Villena et sa bibliothèque, par Th. de Puymaigre.
Revue des Sociétés savantes. Mars. — Inscriptions romanes.
Revue du Lyonnais. Mai. — ^Étude sur le patois lyonnais (suite),
par le docteur Monin.
Rivista europea. Juillet. — I Canti popolari di Montferreto (un),
par 6. Ferraro. — GH Albani in Rumenia (II), par Dora d'Istria.
Rivista sicnla (à Païenne). — SuUe scienze occulte nel medio
evo (III), par Isid. Carini.
Rivista sicnla. Avril-mai. — Ricordi e reminiscenze nei canti
popolari sicilianiy par G. Pitre.
Zeitschrift for deutsche Philologie. I Y.— L'Alexandre de
Lamprecht, par J. Harezyk.
Jonmanz. — V Avenir national. 17 mai. — Chants populaires de
ritaUe, par Catulle Mendez.
A. M.
CHRONIQUE
Il existe depuis quelques* années, à Berlin, une Société des lan-
gues vivantes ; elle a résolu de fonder, dans cette ville, une acadénûf
de philologie, destinée à former les étudiants à Texercice pratique
des langues vivantes.
Cette académie s'ouvrira le 28 octobre prochain, et aura à sa
tète le docteur Herrig^ président du comité de direction .
Les vingt-huit cours du semestre d'hiver 1872-1873, — dont le
programme est déjà arrêté, — comprendront, outre un aperçu gé-
néral de la philologie moderne, la langue et la littérature alle-
mandes, la langue française avec sa littérature (onze cours), la
langue anglaise (dix cours), l'italien (un cours), l'espagnol (un
cours) .
¥ *
La Société de V École des Chartes, en outre de son recueil si estimé,
la Bibliothèque de V École des Chartes, a résolu la publication d'un
autre recueil qui ne comprendra que des textes.
¥ *
On annonce la représentation au Teatre Catala, de Barcelone, de
deux nouveaux drames, l'un de F. Soler, la Dida; l'autre de J.-A.
d'Alcantara, Romansos,
Il s'est établi à Poitiers, sous le nom de Société des archives his-
toriques du PoUoUy une association qui a pour but la publication de
textes inédits, relatifs à l'histoire'de la province, de ses villes, de ses
établissements, de ses notabilités. Elle se compose de 30 mem-
bres honoraires et de 30 membres titulaires, qui doivent fournir
un travail de nature à être inséré dans les publications de la So-
ciété. Il sera imprimé chaque année un ou deux volumes, grand
in-8°, dont 150 exemplaires seulement seront destinés à la vente. Il
ne sera fait aucun tirage à part. Les textes ne pourront être accom-
pagnés que d'une notice explicative du document, indiquant sa
provenance, son objet et les causes qui lui ont mérité d'être publié.
¥ ¥
C'est sous le titre de Société des études historiques que l'ancien
Institut historique de France, reconnu comme établissement d'utilité
publique par arrêté du 3 mai, vient de se reconstituer. — Cette So-
ciété, qui a compté parmi ses membres Ampère, Chateaubriand,
Lamennais, a aujourd'hui pour président M. Barbier, conseiller à la
Cour de cassation; pour secrétaire, M. Desclozières. Elle publie un
CHRONIQUE 453
journal, V Investigation. Un de ses membres, M. Raymond, vient de
lui faire un legs de 20,000 fr., qui va la mettre en situation de dis-
tribuer des prix. (Polybiblion.)
* ¥■
M. Boy, de Marseille, vient de rééditer la Perlo dey Musos e Cou-
medies prouvensalos, deGr. Zerbin, d'Aix.
¥ *
Une troisième traduction de Mireio, en anglais, vient de paraître
aux États-Unis : MistraVs Mirèio, a provençal poem^ translated by
miss Hariett W. PrestoUy sq, (Boston, R. Bros, 1872, in-12).
•
Le docteur Théodore Hagberg, professeur de littérature étran-
gère à Upsal (Suède), parcourt en ce moment nos pays, pour des
recherches concernant l'histoire et la littérature romanes .
Une traduction béarnaise de V Imitation de J.-C.y par Tabbé La-
maysouette, a paru à Pau, chez Vignancourt.
On annonce la mise en vente de plusieurs petits poèmes : Braveto,
par V. de Rive d'Olt (Montélimart, Boaron, 1872) ; — la Comtesse de
Montignac, par J. Gledat (Perigus, Bastrail, 1872); — Enri IV a
FlouretOy par B. Gassagnau (Belmont de Lomagne, Serres, 1872) ;
— la Perruca d'un sacrestan et la Tina de li fada y de J. Bessi; —
lou Dina ridicul et Pouema à Vimmourtel Garibaldiy en la sièu lenga
maire, par F. Guisol, tous deux de Nice.
* *
La Société archéologique de Béziers a tenu sa séance solennelle
le 9 mai 1872, et a décerné le rameau d'olivier d'argent à M. J.
Monné, pour sa belle et énergique composition lyrique, la Pesto
deMarsiho. Ainsi que le remarque fort bien le rapporteur du con-
cours, M. Gabriel Azaïs, le tableau de la grande ville en proie à
l'horrible contagion? y est peint de main de maître.
Les autres prix ont été obtenus par MM. Grouzillat, de Salon,
pour son Plang à-n^uno bravo chato: — E. Gleizes, d'Azillanel (le
Seti de Minerbo) ; — Leyris, d* Alais (la ^Margarido), et le frère Mi-
quel, de Bédarieux (Pipi Misèri).
Rappelons que M. Jean Monné avait été aussi lauréat de la So-
ciété littéraire et artistique d'Apt, dans sa séance du 26 décembre
1871, pour sa poésie / Troubaire marsihés.
Le Gérant: Ernëst Hâmelin.
TABLE DES MATIÈRES
DU TEOISIÂMB VOLUME
DIALECTES ANCIENS
Pages
Charte albigeoise. (Alart.) 5
Archives de Montpellier .• (Alexis Montbl.)
II. Inventaire des Archives du Consulat 9
III. Inventaire des Archives de la Commune Glôlure.. . 146
IV. Catalogue des Chapellenies 292
Explication du sermon de Borrado donné à Arnaud, comte
d'Angoulême. — Quel est le sens du mot digery employé
par les praticiens de l'époque mérovingienne. (A. Bou-
cherie ) 68
Uu almanach au x* siècle. (A. Boucherie) 133
Prédictions astronomiques pour les années 1190 à 1295.
(Gh. de Tourtoulon.) 175, 350
Documents sur la langue catalane des anciens comtés de
Roussillon et de Cerdagne. (Alart.) 265
Fragment d'une anthologie picarde. (A. Boucherie.) 31 1
Acte de fondation de la Confrérie du Saint-Sacrement érigée
en Téglise Saint-Martin-de-Buzet, en mai 1344. (Barbe.). . 337
Phonétique française. (C. Chabaneau. ) 341
DIALECTES MODERNES
Le Dialecte rooerguat . (Abbé Vâyssier . ) 78, 354
Jaquet Arnaviello. (Th. Aubanel.) 86
Esper. Réponse à Th. Aubanel. (Albert Arnaviblle.) 87
Poésies patoises de Nicolas Fizes (suite). (Léon Gaudin.). 89, 220
Au Cemenièri, (Jean Monnè. ) 113
Poutoun, (Jean Monné.) 119
Chant des crieurs de nuit, en Languedoc. (Louis Lambert.). 122
Cortète de Prades, poète agenais du xvii« siècle. (A . Donno-
DEVIE.) 181
lou /toumîeu, legenda dau tems das comtes de Prouvença.
(Oct. Brinouibr. ) 190, 360
4M TàBLB DBS MÀTIÉRBS
M* Pages
Contes populaires. (A. Montkl). . . ., 205, 386
Vesprado d'abriéu. (Th. Aubanel.) 356
La Messo de mort, (Th. Adbanbl) 358
Grammaire limousine (suite). (G. Ghabameau . .) 369
ResserUimen, (A . Tavan.) 3g2
Clar de luno. (Louis Rodmibux J , 429
XtÉCROLOGIE
Hippolyte Roch. — Lou Portafuia de Vouvrié, (A. Glaizb.). 432
VARIÉTÉS
Ghroniqûe •. 132, 261 , 452
fin de la table des matièbes du tome troisième
i
I
Représentation du Trésor de Substantioun, au Grand Théâtre
de Montpellier, f A . M .) 435
BEBLIOaRAPHIB
Catalogue botanique, par M. G. Azaïs. (Gantaqrsl.) 127
Romania, (A. B.) 128, 250
Bulletin bibliographique de la langue d'oc pendant l'année
1871 . (S. Lbotard.) 130
Biblioteca catalana . (T . ) 251
Statuts de la confrérie de Saint-Denis, de Ginestet, pubhés par
M. A. Germain. (A. M.) 438
Rapports à M, le Ministre de Vimtruction publique^ par M . Paul
Meyer . ( A . B .) 440
// Tractato dei mesi, de Bonvesin de Riva. (A. M.) 440
Hiîioii e -générale de Languedoc^ de dom Devic et dom Vaissete,
republiée sous la direction de M. E. Dulaurier. (A. M.). . 442
Une Session des États de Languedoc, par Ch. de Tourtoulon.
(A. M.) 444
Sur une glosse du Donat provençal. (G. G. ) 444
Grundriss zur Geschichte der provenzalischen Litteratury par
Karl Bartsch. (A. M.) 445
Armana prouvencau pour l'année 1873. (A. M. ) 446
Périodiques. (A. M.) 253, 447 \
Enseignement des langues et des littératures romanes. (***;. 260
f
t
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i
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3 2044 022 649 677